Vendredi 20 décembre 2024, LEX INSIDE reçoit Alexandre Lamy (Associé Arsis Avocats, membre de l’Institut Sapiens, créateur du think-tank Néos, Think Tank Neos) , Martin Bussy (Senior Advisor, BlueWall) et Lionel Devic (Associé, Delsol Avocats)
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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside, l'émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique, du droit, du droit et rien que du droit.
00:32Au programme de ce numéro, on va parler de licenciement massif avec Alexandre Lamy, associé
00:38au sein du cabinet ARCIS, ce sera dans quelques instants.
00:41On parlera ensuite du Legal Data Space avec Martin Bussi, cofondateur de LegalX et enfin
00:48on parlera de la construction d'un temple hindou et on verra quel est le cadre juridique
00:53avec Lionel Devic, associé chez Delsol.
00:57Voilà pour les titres, Lex Inside, c'est parti !
01:00On commence tout de suite ce Lex Inside, licenciement massif, quelles solutions ? On en parle tout
01:16de suite avec mon invité Alexandre Lamy, associé au sein du cabinet ARCIS Avocat.
01:21Alexandre Lamy, bonjour !
01:23Bonjour Arnaud !
01:24La France fait face à la menace de 250 plans de licenciement, ça représente environ 170
01:31000 à 200 000 emplois qui pourraient être impactés.
01:35Comment expliquez-vous cette vague de licenciement ?
01:39Écoutez, c'est d'abord la conjonction de plusieurs facteurs économiques qui expliquent
01:44le fait que plusieurs secteurs d'activité soient impactés, l'automobile, la construction,
01:49la distribution.
01:50Donc la conjonction de plusieurs facteurs et puis surtout une accélération de mutations
01:55économiques profondes liées à la réglementation européenne, liées aux enjeux environnementaux,
02:01les enjeux en matière d'intelligence artificielle, le contexte géopolitique aussi, mais également
02:06le contexte interne.
02:07C'est-à-dire qu'on le voit, au-delà des facteurs traditionnels économiques, la confiance
02:14est clé s'agissant de la croissance et du dynamisme économique d'un pays.
02:20Et la période d'instabilité politique fait que les entreprises sont moins enclins à
02:26investir, ce qui conduit à la situation que nous connaissons aujourd'hui.
02:30Alors, face à cette situation, il y a un certain nombre de propositions.
02:34L'une d'entre elles, la CIGT, propose un moratoire sur les licenciements économiques.
02:41Qu'en pensez-vous ?
02:42Le moratoire sur les licenciements économiques, c'est une vieille idée qui est brandie
02:46à chaque crise, pratiquement.
02:48Mais en réalité, cette idée ne résiste ni aux réalités économiques, ni aux réalités
02:56juridiques.
02:57Réalité économique, parce qu'un moratoire, c'est censé être une mesure temporaire.
03:02Or, on le voit, on l'évoquait tout à l'heure s'agissant des mutations économiques profondes
03:08auxquelles répondent les plans de suppression d'emplois importants que nous avons à connaître.
03:12Les mutations, elles ont vocation à durer pendant un certain nombre d'années.
03:16Donc, ça reviendrait à interdire le prononcé de licenciements jusqu'à la brogation des
03:22droits de douane par la Chine et les États-Unis, par exemple.
03:24Donc, mesure temporaire, mesure exceptionnelle de surcroît.
03:28Et on l'évoquait encore tout à l'heure, l'intégralité, beaucoup de secteurs d'activité
03:33sont touchés par les difficultés économiques et la nécessité de procéder à des plans
03:37de suppression d'emplois.
03:38Réalité économique d'une part, réalité juridique d'autre part, parce que c'est se
03:48heurter à la liberté d'entreprendre qui est garantie constitutionnellement.
03:52La liberté de procéder à des licenciements relève de la liberté d'entreprendre.
03:57Donc, on le voit, cette idée qui est brandie à chaque crise ne résiste pas aux réalités
04:04économiques et juridiques.
04:05Il y a une autre proposition qui vient cette fois de LFI, c'est d'interdire les licenciements
04:11boursiers.
04:12Qu'en pensez-vous ?
04:13Là encore, vieille idée qui est brandie à chaque crise ou presque, c'est une vieille
04:20marotte politique et médiatique, si je puis dire, l'interdiction des licenciements boursiers
04:27depuis l'affaire Michelin de 1999.
04:29Là encore, le fait que le licenciement boursier ne soit pas défini ou l'imprécision de
04:39cette définition facilite le fait qu'on puisse s'en servir et le ressortir dans n'importe
04:44quelle situation.
04:45Si on tente un semblant de définition, on pourrait dire que le licenciement boursier,
04:50c'est une réduction d'effectifs qui est subordonnée à une logique purement financière et sans
04:57nécessité économique, si on tente une définition.
04:59Et on voit que sur la base de cette définition-là, la portée polémique et la portée politique
05:07de ce concept est facile, parce qu'on vient opposer travail et capital, on vient opposer
05:15intérêt des actionnaires et intérêt des salariés.
05:18Et là encore, ça ne supporte pas la réalité économique, parce qu'il ressort d'un nombre
05:26incalculable d'études économiques empiriques que les plans de licenciement ou l'annonce
05:31de plans de licenciement se traduisent négativement sur la capitalisation et la valorisation de
05:36marché des entreprises.
05:37Donc la réalité économique nous rappelle que licenciement boursier ou l'interdiction
05:41de licenciement boursier n'a pas de sens.
05:43Et réalité juridique d'autre part, parce que la jurisprudence, les juges sanctionnent
05:48de toute façon par l'absence de causes réelles et sérieuses un licenciement économique
05:53qui ne serait motivé que par la nécessité d'augmenter son niveau de profit ou de supprimer
05:59des emplois non rentables.
06:00Et ce faisant, le conseil constitutionnel rappelait en 2002 qu'on ne saurait en tout
06:08état de cause pas interdire à une entreprise d'anticiper ses difficultés économiques
06:12pour éviter le prononcé de licenciements économiques futurs.
06:15Donc on a exploré deux solutions qui ne résistent pas selon vous à la réalité économique.
06:21Quelles solutions peut-on proposer pour faire face à ces licenciements massifs ?
06:25Écoutez, moi je suis intimement persuadé que plutôt que de s'attacher aux causes,
06:28il est urgent d'accompagner et de s'interroger sur les effets de ces plans de licenciement
06:35et notamment sur l'impérative nécessité aujourd'hui de définir des parcours de
06:42formation et des parcours de reconversion vers l'emploi.
06:45Des initiatives ponctuelles ont déjà été prises en la matière, je pense notamment
06:51au contrat stratégique de la filière agroalimentaire en 2018, si je ne me trompe pas,
06:55qui a mis en place un dispositif d'expérimentation territoriale, intersectorielle pour l'emploi
07:03avec la métallurgie.
07:04Voilà un premier exemple.
07:05Un deuxième exemple est à chercher s'agissant de l'affaire Bridgestone en 2021 où avait
07:10été créée une plateforme territoriale d'action pour l'emploi.
07:13L'idée étant de généraliser, à mon sens il est urgent de généraliser ce type d'initiatives
07:18ponctuelles sur le fondement d'une réflexion reposant sur l'économie de proximité pour
07:26créer des plateformes de mobilité professionnelle au soutien des salariés qui seraient concernés
07:34par des plans de licenciement.
07:35Comment on pourrait financer ces plateformes ?
07:37En fait les plateformes elles existent déjà si on regarde bien, vous avez le dispositif
07:43Transco, Transition Collective qui a été créé en 2021, qui s'appuie sur ce type
07:48de plateforme.
07:49Vous avez notamment les plateformes territoriales de transition professionnelle qui existent,
07:53qui font appel aux conseils en évolution professionnelle.
07:56L'idée étant de créer des instances, créer des lieux pour faciliter la synergie
08:03entre les acteurs au soutien de l'emploi, acteurs privés, acteurs publics qui définiront
08:11ensemble des parcours de formation ciblés vers l'emploi et pour faciliter la mobilité
08:16professionnelle.
08:17Ça c'est une première source possible.
08:18Il y a une deuxième source qui est tout à fait envisageable et que nous avons fait nous
08:23au cabinet auprès d'entreprises qui mettaient en oeuvre des plans de sauvegarde de l'emploi
08:29qui est de mettre en place ce type de plateforme financée par l'entreprise elle-même dans
08:32le cadre de son plan de sauvegarde.
08:33Ça fonctionne très bien, alors ça suppose un véritable travail en amont d'analyse
08:38d'employabilité des salariés, des parcours de formation cibles qui peuvent être définis
08:42et mis en oeuvre et puis la constitution encore une fois d'une plateforme de mobilité
08:48en allant avec l'aide des acteurs publics cibler certaines entreprises qui sont en phase
08:56de recrutement sur des métiers porteurs.
08:58Donc l'idée c'est de se servir déjà des initiatives qui sont déjà créées dans
09:03les bassins d'emploi mais de les redynamiser parce que le dispositif Transco est un dispositif
09:10qui est assez complexe et qui ne fonctionne pas.
09:12L'idée est de s'appuyer sur l'existant, de ne pas réinventer quelque chose mais de
09:17les généraliser pour soutenir les plans de suppression d'emploi que nous avons à
09:25subir aujourd'hui.
09:26On va conclure là-dessus, merci Alexandre Lamy d'être venu sur notre plateau, je rappelle
09:31que vous êtes associé au sein du cabinet Arcis Avocat.
09:33Merci à vous.
09:34Tout de suite on continue, on va parler du Legal Data Space.
09:38Qu'est-ce que le Legal Data Space ? On en parle tout de suite avec mon invité,
09:53Martin Bussi, cofondateur de LegalX.
09:56Martin Bussi, bonjour.
09:58Bonjour Arnaud.
09:59On sait que l'écosystème de droit dans le domaine de l'innovation est très dynamique
10:05et on va le voir encore ensemble avec le Legal Data Space dont on va parler tous les deux.
10:10Qu'est-ce que ce Legal Data Space ? Alors derrière ce nom un peu barbare, même
10:15si en anglais il est évidemment beaucoup plus simple, il faut comprendre tout l'intérêt
10:19de partager non pas la donnée juridique mais de partager l'accès à la donnée juridique
10:25au sein de l'ensemble de l'écosystème.
10:27Et c'est bien ça tout l'enjeu du mot Space puisque c'est un espace data orienté
10:32vers la donnée et légale, c'est-à-dire non seulement sur le marché de la donnée
10:36juridique, le marché du droit, mais aussi dans le respect total des réglementations
10:40européennes dont nous parlerons peut-être tout à l'heure.
10:42Alors l'objectif de cet espace juridique numérique, on va dire ça comme ça, quel
10:47est-il ? Il a beaucoup d'applications.
10:50Peut-être un exemple très simple est lié à l'IA, l'intelligence artificielle
10:56que nous commençons à pratiquer au quotidien.
10:58Aujourd'hui il y a un usage surtout tourné vers la recherche documentaire, la remontée
11:02d'informations, le tri, le résumé.
11:04Mais arrive déjà la deuxième génération que sont les agents IA.
11:07Les agents c'est quoi ? Ce sont des petits programmes qui vont automatiquement par exemple
11:11générer un document.
11:12Donc si vous avez un PV d'assemblée à faire parce que vous êtes juriste et que
11:16vous avez 200 entités légales à clôturer en fin d'année, vous avez beaucoup de petites
11:20informations à aller chercher.
11:21La table de capitalisation, les résultats nets, etc.
11:24Aujourd'hui c'est un temps énorme et une vérification énorme.
11:27Demain avec ce Legal Data Space, vous pouvez automatiquement paramétrer la récupération
11:33de ces petites données pour constituer votre document et le faire signer en ligne.
11:37Et tout ça en quelques clics.
11:38Donc vous gagnez en tant que professionnel du droit un temps infini et vous avez d'autant
11:42plus de temps pour vous concentrer sur le fond de votre matière.
11:45Mais ça n'existe pas déjà cette application ?
11:48Aujourd'hui ça n'existe pas puisque les données sont éparpillées.
11:52Déjà vous ne savez pas à qui elles appartiennent, avez-vous le droit de vous en servir, vous
11:55ne savez pas où elles sont rangées, vous ne savez pas comment en automatique les ramener
11:59vers vous.
12:00Donc tout l'enjeu effectivement c'est de proposer on va dire des tuyaux absolument
12:05sécurisés et c'est vous qui décidez quel type de données vous allez chercher.
12:09Et de l'autre côté, les détenteurs de ces données vous autorisent ou pas.
12:12Et donc c'est bien toute cette architecture d'autorisation et d'administration de
12:15la donnée qui fait une des forces de ce projet puisque c'est vous le maître.
12:20C'est vous le maître de votre donnée.
12:22Ça veut dire qu'il va falloir mobiliser l'écosystème du droit pour pouvoir partager
12:27l'ensemble des données à disposition des professionnels du droit, c'est un peu ça
12:31l'idée ?
12:32Alors il y a absolument cette idée d'écosystème on va dire de commun puisque les données
12:37finalement ont de la valeur pour chacun mais elles ont aussi de la valeur pour les autres.
12:40Et une donnée a vocation à être échangée.
12:42Et donc c'est bien tout l'objectif que l'ensemble de l'écosystème s'empare
12:46de ce projet en y voyant son intérêt.
12:48Et c'est ça qu'avec Thomas Saint-Thomas notamment et d'autres nous avons imaginé
12:53et nous avons surtout réussi à fédérer.
12:56Parce qu'aujourd'hui ce sont plus de 60 acteurs du droit, aussi bien des institutions,
13:01des entreprises privées et bien sûr l'association droit.org qui porte avec nous ce projet-là
13:06qui se fédèrent à différents niveaux pour faire éclore ce projet-là.
13:11Et j'en profite Arnaud avec votre autorisation à appeler aussi l'ensemble des professionnels
13:18du droit de l'écosystème à s'intéresser à ce sujet parce qu'il est encore temps
13:22bien sûr de se joindre à ce mouvement.
13:24Alors justement comment les convaincre ? Pourquoi faire partie de cet écosystème
13:28et partager ces données ?
13:30Déjà la première étape pour ceux que ça intéresse et qui se sentent concernés
13:34c'est bien sûr de pouvoir lever la main, lever le doigt pour dire moi j'ai des choses
13:38à dire sur ce sujet parce qu'on peut avoir des craintes, on peut avoir des sujets,
13:42on peut avoir des interrogations et c'est important de les exprimer.
13:45Et à l'inverse on peut aussi avoir des idées, moi j'ai un super use case,
13:49moi j'ai une super application qui pourrait utiliser ces données-là.
13:52Ce sont tous ces acteurs-là qui sont les bienvenus parce que ce qu'on cherche à fabriquer
13:56finalement c'est du commun juridique avec du commun numérique pour qu'on puisse tous
14:01beaucoup plus facilement valoriser nos données.
14:04Pour bien comprendre comment fonctionnerait ce Legal Data Space ?
14:08Alors très concrètement c'est une infrastructure technologique dont une grosse partie
14:14des briques existent déjà qui permet, si je puis schématiser, de vous proposer des tuyaux
14:19pour pouvoir brancher votre système d'information sur cette infrastructure
14:24et accéder ensuite à différentes sources de données.
14:26Aussi bien les vôtres, vous ne pouvez vous en servir qu'en interne,
14:30si vous êtes un très grand groupe vous avez déjà tellement de données partout
14:33que ne serait-ce que pouvoir vous en servir à l'intérieur de votre espace
14:37c'est déjà très intéressant.
14:38Après vous pouvez aller à un niveau 2, c'est vos business partners.
14:41Vous avez tout un tas de parties prenantes qui sont vos partenaires habituels
14:44en qui vous avez confiance et donc là vous pourriez souhaiter partager de la donnée.
14:48Et enfin vous avez le marché.
14:50Il y a beaucoup de données sur le marché, ne serait-ce que l'Open Data Public déjà,
14:53tout un tas d'éditeurs aussi proposent de la donnée, il y a bien sûr tous les fonds d'Oltrino
14:57qui sont énormes et de plus en plus d'auto-éditions en plus apparaissent.
15:02Donc toute cette donnée là, vous avez intérêt ou peut-être envie de vous en servir aussi
15:06et c'est très important de savoir tracer l'origine de cette donnée.
15:10Et en sous-jacent, il y a aussi l'idée absolument importante de donner de la valeur à cette donnée
15:16parce que la donnée c'est du travail, la donnée c'est une information.
15:19C'est-à-dire de l'enrichir avec d'autres applications ?
15:22Alors c'est à la fois l'enrichir, c'est effectivement la faire s'agréger entre différents systèmes
15:29mais ce qu'il faut vraiment bien aussi avoir en tête c'est que notre objectif
15:34c'est d'inciter chacun à partager de la donnée.
15:36Mais attention, pas de la donnée confidentielle, pas de la donnée juridiquement sensible.
15:41Donc tout ça dans un environnement sécurisé ?
15:43Voilà, exactement. Il y a une gestion des droits qui est extrêmement stricte et qui est extrêmement importante.
15:48Et à chaque fois qu'une donnée est partagée, il y a ce qu'on appelle un smart contract.
15:52Donc voilà, une brique technologique qui permet de mémoriser l'échange qui s'est tenu
15:58pour pouvoir aussi tracer l'ensemble des échanges de données qui se sont produits.
16:02Et ça c'est aussi une garantie parce que ça vous permet d'être sûr de la provenance et de l'usage qui est fait de la donnée.
16:08Et donc toutes les parties sont dans un environnement de confiance.
16:11Et ce mot confiance il est important parce qu'il garantit aussi le respect des règles européennes sur l'usage de la donnée.
16:17Je rappelle un point que j'ai dit au début, c'est qu'il n'y a pas de partage de la donnée, il y a le partage de l'accès à la donnée.
16:24Donc les données ne bougent pas, c'est très important.
16:27Ça veut dire que si elles sont bien en sécurité chez vous et que vous m'autorisez à y accéder, elles seront toujours en sécurité.
16:32Ça n'aura pas bougé, j'aurais simplement pu l'avoir et m'en servir avec votre accord.
16:36Simplement on va donner des droits.
16:38Voilà, exactement.
16:39Si à l'inverse vos données sont stockées aux Etats-Unis, je vais moi aussi subir entre guillemets ceci.
16:45Donc c'est pour ça que c'est très important de pouvoir tracer l'ensemble des flux sur la donnée pour pouvoir valoriser vraiment cette donnée juridique.
16:52Est-ce que finalement ce Legal Data Space n'est pas une réponse à l'IA ?
16:56On sait qu'il y a beaucoup d'effervescence autour de l'IA, mais l'IA c'est beaucoup d'hallucinations, beaucoup de réponses erronées.
17:06Et pour les juristes, il y a un certain nombre de problèmes avec l'IA.
17:10Bien sûr, ça s'améliore de plus en plus.
17:12Est-ce que finalement l'idée n'est pas aussi de donner de la fiabilité avec ce Legal Data Space aux différentes applications qui sont partagées ?
17:21Vous avez tout à fait raison, parce qu'en effet aujourd'hui, quelles alternatives avez-vous si vous voulez utiliser de l'IA en tant que juriste ou de professionnel du droit ?
17:29Soit vous avez des solutions américaines, comme Harvey, etc., qui sont déjà basées sur la Common Law,
17:35donc elles ont été entraînées sur un corpus juridique qui n'est pas le nôtre en civil law, c'est déjà un problème majeur.
17:40Et deuxièmement, les données passent par les serveurs américains, donc ne respectent pas la réglementation européenne.
17:46Mais ce sont des machines extrêmement performantes, extrêmement efficaces, extrêmement puissantes.
17:50Donc forcément, on est tenté de s'en servir.
17:52Et je ne jette pas la pierre à ceux qui le font, je dis juste, attention, il y a quand même des choses qui posent problème.
17:57D'un autre côté, vous avez des éditeurs.
17:59Un certain nombre d'entre eux sont, on va dire, en vase clos.
18:02Ce sont leurs données qu'ils ont travaillées, qu'ils ont accumulées depuis des années, ils vous les vendent.
18:06Et c'est normal, c'est leur métier.
18:08Et eux sont en train de passer progressivement à l'IA, mais c'est évidemment tout un travail aussi pour eux.
18:12Technologie, technologie très importante.
18:14Donc, là aussi, vous avez un choix.
18:16Et le troisième choix, c'est comment mes données et celles des autres, j'arrive à m'en servir.
18:20Et avec mon choix.
18:22C'est ça, le Legal Data Space, le projet vraiment enthousiasmant, en tout cas de notre point de vue.
18:27C'est qu'on peut décider de quelles données on utilise pour ses usages applicatifs.
18:32Et ça, c'est vraiment intéressant.
18:34On va conclure là-dessus.
18:35Merci, Martin Bussi.
18:36Je rappelle que vous êtes cofondateur de LegalX.
18:39Absolument.
18:40Avec Thomas Saint-Tobin et toute une équipe.
18:41Merci, Arnaud.
18:42Tout de suite, l'émission continue.
18:44On va parler de la construction d'un temple hindou.
18:47Et on va voir quel est le cadre juridique.
19:00Quel est le cadre juridique de la construction d'un temple hindou en France ?
19:04On en parle tout de suite avec mon invité, Lionel Devic, associé chez Delsol Avocats.
19:09Lionel Devic, bonjour.
19:11Bonjour.
19:12Le premier temple hindou va être construit en 2026 à Bussi, Saint-Georges.
19:18On va voir ensemble que ça va poser un certain nombre de questions juridiques.
19:22Mais avant de s'intéresser à la construction de ce premier temple hindou,
19:27est-il encore possible de construire des lieux de culte en France ?
19:31Oui.
19:32Toute personne peut construire un lieu de culte.
19:34Vous, moi, n'importe qui, en réalité, peut construire un lieu de culte.
19:38La vraie difficulté, elle arrive quand on s'intéresse à son financement,
19:41au financement de l'opération.
19:43Sauf à être très fortuné à construire soi-même une église, un temple,
19:47un lieu de culte, quel qu'il soit,
19:48et de le mettre à disposition gratuite d'une communauté particulière.
19:52La vraie difficulté, c'est lorsque la communauté elle-même cherche des financements,
19:56par voie de dons en particulier, de subventions.
19:59C'est compliqué.
20:00Mais il y a des travaux qui peuvent être subventionnés,
20:02contrairement à ce que l'on pense à propos de la loi 1905.
20:05Aujourd'hui, si l'on regarde un peu dans le spectre des structures juridiques
20:11qui créent et qui bâtissent des églises, des temples,
20:14ou quelle que soit la nature de la collectivité religieuse,
20:18on a trois grandes catégories d'acteurs.
20:21Les associations cultuelles, les associations de l'an 1905,
20:24qui ne peuvent exercer que le culte, et strictement le culte.
20:27On a également des congrégations religieuses,
20:30qui, dans le cadre de leurs activités religieuses,
20:33sont conduites à édifier une abbaye, une chapelle,
20:37avec des modalités de financement plus compliquées.
20:40Et puis on a aussi parfois la nécessité de conjuguer plusieurs types de financements,
20:45parce que les locaux vont être affectés à des activités diverses,
20:48pas exclusivement cultuelles.
20:50C'est le cas, notamment, pendant très longtemps, du culte musulman,
20:53qui avait bâti des mosquées, souvent à travers des associations 1901,
20:58avec des activités mixtes, à la fois cultuelles, éducatives, religieuses, alimentaires,
21:03répondant à différentes nécessités de la communauté musulmane.
21:07Et on est passé parfois par des sociétés civiles,
21:11qui permettent d'appréhender à la fois des investisseurs,
21:14du financement collecté par telle ou telle structure,
21:17l'an 1905 d'un côté, une association d'intérêt général de l'autre,
21:20pour, au bout du compte, se rendre propriétaire de cet édifice,
21:24et d'arriver à le financer.
21:26Parfois avec de l'emprunt également, bien entendu.
21:28On va s'intéresser à l'esplanade des religions,
21:31sur laquelle sera édifié ce premier temple hindou.
21:35Quelles sont les particularités de ce site ?
21:38La particularité, c'est que la communauté de communes a voulu un projet
21:43où les religions puissent dialoguer les unes avec les autres.
21:46Cette esplanade des religions, à Bussi-Saint-Georges,
21:48présente la caractéristique d'avoir été confiée à un aménageur,
21:51un aménageur assez classique,
21:53qui a prévu l'implantation de plusieurs lieux de culte différents,
21:57aussi bien pour les musulmans que pour l'église protestante unique,
22:00que pour l'église catholique, que pour les bouddhistes,
22:03et un certain nombre de cultes, comme ça, il y en a une grosse dizaine,
22:06dont effectivement ce premier temple,
22:08qui est un long aboutissement d'un travail compliqué,
22:11parce qu'il faut prendre en compte une réalité,
22:14c'est que les communes, les municipalités et les maires
22:16ne sont pas toujours très favorables à voir l'arrivée de nouveaux lieux de culte.
22:19Bien sûr, ça peut créer des tensions ?
22:21Ça peut créer des tensions, ça implique des parkings,
22:24ça implique une accessibilité, ça implique effectivement des flux de personnes,
22:28et donc, en l'espèce, cette communauté,
22:31dont le siège en Europe est situé à Londres,
22:34où elle dispose du plus gros temple hindou au monde,
22:37qui est à Londres, plus grand en termes de surface que le Taj Mahal, par exemple,
22:40c'est une communauté de l'origine du nord de l'Inde, du Gujarat,
22:44et qui a longtemps essayé de trouver un lieu pour bâtir ce temple
22:48pour la communauté, qui est modeste, mais qui est réelle en Ile-de-France,
22:51et c'est finalement l'opportunité de cette esplanade de religion
22:55qui a permis d'appréhender ce foncier pour pouvoir construire.
22:59On a vu ensemble l'origine de l'implantation de ce temple hindou à Bussi-Saint-Georges,
23:06mais comment s'organise le financement et le fonctionnement d'un lieu de culte comme ce temple ?
23:12Alors, il n'y a pas d'originalité particulière sur les grands principes selon le culte
23:17dont on parle, que ce soit le culte catholique, protestant, juif, musulman, hindou.
23:22En la matière, pour pouvoir collecter des dons affectés au financement d'une église, d'un temple,
23:30il faut nécessairement utiliser une association cultuelle
23:33qui ne peut avoir pour objet exclusif que le culte.
23:36C'est par voie de dons, il n'y a que cette possibilité-là.
23:39Des dons ouvrent endroit à avantage fiscal, y compris aussi des légues, des donations,
23:45donc des libéralités qui sont réalisées devant notaire généralement.
23:49Et donc ça, c'est la première forme juridique qu'il est possible d'utiliser.
23:54Viennent ensuite des considérations plus concrètes,
23:57quand dans un même lieu, on sait que l'on va exercer des activités de nature différente,
24:01qui ne seront pas toutes cultuelles.
24:03Et la première difficulté, c'est souvent même d'appréhender les dimensions du culte et sa particularité.
24:09Parce qu'en France, on a un droit qui est très marqué par le culte chrétien,
24:12le culte catholique pour l'essentiel.
24:14Et le culte, c'est toute la pratique organisée autour de l'hôtel ou dans le cœur du sanctuaire.
24:20Alors comment on fait pour s'adapter, justement ?
24:23Eh bien, on essaye déjà de bien comprendre ce qui est au fondement même de la religion,
24:28de ses caractéristiques.
24:30Dans certaines religions, l'importance de la nourriture est réelle, du partage du repas.
24:35Contrairement, je dirais, dans le culte catholique où ça se limite, je dirais, aux hosties.
24:40Mais dans le culte hindou, dans les cultes musulmans, l'importance du partage,
24:45c'est quasiment assimilé à une dimension religieuse.
24:49Et donc, est-ce qu'on peut avoir un raisonnement unique pour tous les cultes ?
24:54Non, il faut vraiment s'attacher à distinguer ce qui constitue encore une activité culturelle
24:59de ce qui constitue après une activité à dimension religieuse ou confessionnelle,
25:03éducative, culturelle, sociale.
25:06Et c'est vrai qu'en France, le pays est assez unique dans le monde pour ça.
25:11On considère l'exercice du culte ou l'activité culturelle comme une activité à part
25:15qui n'est pas assimilée aux activités d'intérêt général traditionnel,
25:18là où, dans tous les pays du monde, le culte, la pratique culturelle,
25:22fait partie des activités considérées comme d'intérêt général.
25:25Donc, il y a cette nécessité de s'adapter.
25:27Donc, il faut bien comprendre toutes les dimensions autour de la religion et du culte.
25:30De comprendre ce que l'on peut considérer comme étant une activité culturelle.
25:33Donc, pour cela, il y a aussi le ministère de l'Intérieur qui a son propre regard,
25:36qui sait appréhender ces réalités-là.
25:38D'accord.
25:39Les détacher aussi de la dimension sectaire parce que cette dimension existe,
25:42on ne va pas le se cacher.
25:43Donc, c'est aussi une préoccupation dans le domaine de la lutte contre les sectes
25:47d'éviter aussi de qualifier des activités culturelles sous un angle fiscal favorable
25:53pour éviter des dérives parfois que l'on peut, à titre minoritaire,
25:56il faut bien le reconnaître, mais qui peuvent exister.
25:58Donc, il y a ces associations-là avec la loi séparatisme,
26:02qui est venu remettre de l'or dans le financement
26:05et qui est venu clairement inciter les cultes qui ne l'utilisaient pas à utiliser la loi 1905
26:10parce que ça permet de mieux contrôler aussi les financements,
26:14l'origine des financements, les obligations de déclarer les financements étrangers notamment.
26:18Donc, il y a des contraintes qui sont venues renforcer un peu une sorte de transparence
26:22pour y voir clair sur la façon dont les cultes se développent en France.
26:25Vous évoquez d'autres des contraintes.
26:27Il y en a d'autres en matière d'urbanisme.
26:29Quelles sont-elles ?
26:30Alors voilà, quand on rentre dans les caractéristiques du culte,
26:32c'est vrai qu'on ne pense pas spontanément à l'importance par exemple de la pierre
26:36ou de l'origine des pierres en l'espèce dans ce temple hindou à Bussi-Saint-Georges.
26:41La difficulté venait notamment du fait qu'il faut approvisionner en pierres venant d'Inde,
26:46notamment pour les façades, et également avec des ouvriers qui viennent d'Inde.
26:50Donc, ça veut dire qu'il faut venir faire travail des entreprises étrangères en France
26:53avec des ouvriers de nationalité étrangère.
26:56Donc ça, c'est des caractéristiques un peu particulières sur ce type de projet.
27:00Sur le reste, en termes d'urbanisme, il a fallu aussi expliquer à la préfecture
27:05et à l'administration fiscale les caractéristiques du culte
27:08parce que vous avez un traitement différent sur différents textes
27:11qui sont payés à l'occasion de la construction ou sur des sujets de taxes foncières
27:15pour bien apporter les justificatifs et montrer que l'activité est réellement
27:20une activité principalement cultuelle, en dehors de l'affectation des locaux
27:24qui pourront, à titre accessoire, parfois être loués ou mises à disposition
27:28d'autres associations d'intérêt général ou éducative ou autres.
27:32On va conclure là-dessus. Merci Lionel Devic.
27:35Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet d'El Sol Avocat.
27:39Merci.
27:40Merci à toutes et à tous. C'est le moment de se quitter.
27:43Restez curieux et informés. À très bientôt sur Be Smart for Change.