Aujourd'hui, dans « Les 4 V », Julien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avec Sophie Binet, secrétaire générale de la Confédération générale du travail.
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00:00Sophie Binet, merci d'être là ce matin après avoir travaillé un peu tard hier soir puisque vous aviez un rendez-vous important avec le Premier ministre François Bayrou
00:06que vous avez donc rencontré à Matignon. Alors racontez-nous, ça s'est passé comment et vous êtes sorti, dans quel état d'esprit ?
00:12Bien écoutez, comme ses trois prédécesseurs, le Premier ministre nous a écoutés poliment.
00:18La CGT jugera sur pièce en fonction du contenu de son discours de politique générale.
00:22Ce que je lui ai dit, c'est que je l'ai alerté sur la gravité inédite de la situation.
00:26Je l'ai alerté en particulier sur la situation de l'emploi. Je lui ai remis la liste des 300 plans de licenciement en cours actuellement recensés par la CGT
00:35en lui disant que cette liste ne cessait de s'allonger, que ça faisait six mois qu'on l'alertait et qu'il fallait là maintenant prendre des mesures immédiatement
00:42pour mettre en place un moratoire sur les licenciements. Je l'ai alerté sur un dossier emblématique, à savoir celui des fonderies de Bretagne
00:48que Renaud est en train de forcer à la fermeture en lui disant que l'État devait taper du poing sur la table, que c'était facile de signer des chèques.
00:56Maintenant, il fallait se faire respecter des grands groupes et arrêter qu'ils fassent la pluie et le beau temps.
00:59Vous avez parlé des retraites aussi, évidemment. C'est évidemment un sujet central dont on parle beaucoup ce matin.
01:05Il y a quelques instants, pour le PS, Olivier Faure a dit qu'il n'y avait pas de veto sur la suspension de la réforme.
01:11Est-ce que vous avez entendu le même son de cloche du côté de François Bayrou hier ?
01:16Quand je lui ai dit qu'il fallait bloquer l'application immédiate de cette réforme, il m'a dit que je n'étais pas la seule à le demander.
01:26Je lui ai confirmé que l'ensemble des syndicats demandaient l'abrogation de cette réforme et il ne m'a pas dit non à ce stade.
01:33Et moi, ce que je lui ai dit, c'est que ça n'était pas des aménagements cosmétiques qui allaient régler le problème.
01:39Cette réforme est extrêmement violente. Il faut l'abroger. Il n'y a pas d'autre solution que d'abroger cette réforme.
01:45Il ne vous a pas dit non, mais est-ce que vous avez cru déceler une ouverture ?
01:48Parce que c'est un silence, évidemment, qu'on peut interpréter de mille façons.
01:52Encore une fois, on verra au moment du discours de politique générale.
01:55Ce qui est sûr, c'est qu'il faut ouvrir le chemin de l'abrogation de cette réforme.
02:00Et donc, la CGT demande à organiser une conférence de financement avec tout le monde autour de la table.
02:06Les acteurs sociaux, bien sûr, mais aussi le gouvernement et les parlementaires pour trouver les financements nécessaires pour pouvoir abroger la réforme.
02:13Ce n'est pas compliqué parce que ça ne coûte pas très cher, en fait.
02:15Est-ce qu'il vous a redit qu'il n'y avait pas de tabou sur l'âge de départ à 64 ans ?
02:20Oui, il nous a redit qu'il était prêt à discuter de l'ensemble des sujets, donc y compris de l'âge de départ.
02:28Ça, il l'a précisé ou il est resté dans la formule « je suis prêt à parler de tout » ?
02:31Il a dit « y compris de l'âge de départ » ?
02:33Oui, tout à fait.
02:34Et c'est moi qui lui ai dit que nous, de toutes les manières, c'est le sujet dont on voulait parler.
02:38C'est le sujet central.
02:40Alors, il a aussi dit que le problème, ça c'est le ministre qui l'a dit, c'est qu'il fallait que tout ça se fasse, évidemment, à financement constant.
02:46Donc, j'imagine que vous avez aussi parlé de ça.
02:48Comment on finance si on revient en arrière ?
02:51J'ai détaillé toutes les propositions de la CGT pour financer l'abrogation de la réforme des retraites.
02:55Il se trouve que ça ne coûte pas très cher, en fait.
02:57Pour 2025, ça serait 3 milliards d'euros et pour 2030, 16 milliards d'euros.
03:01Et donc, pour 2025, il suffirait de soumettre l'intéressement et la participation à cotisation.
03:07Ça ne va fermer aucune entreprise.
03:09C'est plutôt les grandes entreprises qui donnent de l'intéressement et de la participation.
03:12Et d'ici 2030, il faut un mix de mesures, notamment soumettre à cotisation l'épargne retraite,
03:18ce qui permettrait de financer l'abrogation de cette réforme, qui est très violente.
03:23Est-ce qu'il vous a donné un timing, une échéance ?
03:26Non. Il m'a juste dit qu'il avait compris qu'il fallait que ça soit rapide
03:32et que ça ne pouvait pas être renvoyé à 6 ou 9 mois, ce que je lui ai confirmé,
03:37parce que cette réforme s'applique d'ores et déjà avec des effets extrêmement violents.
03:41Il faut donc la bloquer immédiatement.
03:43Ça fait presque deux ans qu'on dit que cette réforme est délétère, qu'il faut la broger.
03:48Là, maintenant, il faut arrêter de tourner autour du pot.
03:50Oui, on avait cru comprendre qu'il y avait un timing de 9 mois.
03:52Vous nous dites que non. Il vous a dit que ça se ferait même avant les 6 mois.
03:54Donc, c'est évidemment une précision très, très importante.
03:56Alors, il avait reçu d'autres partenaires sociaux avant de vous voir, notamment Patrick Martin pour le Medef.
04:01Patrick Martin qui a remis sur la table des propositions comme la capitalisation
04:05ou bien une solution fiscale pour financer la protection sociale.
04:09Est-ce que vous rejetez tout ça en bloc ou est-ce que vous dites oui,
04:11ça se discute autour d'une table lors de cette conférence que vous appelez de vos voeux ?
04:14Écoutez, si l'objectif de Patrick Martin, c'est qu'il y ait de nouvelles grandes grèves
04:18et grandes manifestations dans le pays, il peut continuer avec ce type de proposition.
04:22On voit bien que le seul objectif du patronat, c'est de livrer nos retraites à la spéculation et aux fonds de pension.
04:29C'est une ligne rouge totale pour la CGT, mais aussi pour l'ensemble des salariés,
04:34des organisations syndicales, etc. Et donc, c'est un hors-sujet complet.
04:38Ce dont nous voulons parler avec le patronat, c'est des exonérations de cotisations sociales
04:42qui grèvent le budget de la sécurité sociale et qui empêchent le financement de nos retraites.
04:46C'est quasiment 90 milliards d'euros chaque année de cadeaux en termes de cotisations sociales
04:51qu'on donne aux entreprises et qui pourraient permettre de financer notre Sécu.
04:54Vous parlez de relancer les mouvements sociaux justement.
04:56Est-ce que vous avez l'intention de relancer les appels à manifester, les appels à la grève
05:00pour mettre la pression à François Bayrou pendant ce temps où il réfléchit à la suite pour les retraites ?
05:06Ecoutez, la CGT jugera sur pièce en fonction de son discours de politique générale la semaine prochaine.
05:12Je lui ai dit que son prédécesseur avait été censuré à cause de la violence sociale de sa politique.
05:18Si M. Bayrou veut durer comme Premier ministre, il faut qu'il réponde aux exigences sociales, aux urgences sociales.
05:25Il n'y a pas d'autre chemin que cela.
05:27Alors justement, à l'époque de Michel Barnier, le budget c'était 60 milliards de coupes.
05:30Ici, on est plutôt à 50 milliards, donc on a compris qu'il y avait déjà du lest qui avait été lâché.
05:35Est-ce que ça vous convient ou est-ce que vous dites qu'il faut aller plus loin ?
05:37Non, la question en fait c'est celle de la justice fiscale.
05:41Nous, nous pensons qu'il faut faire payer ceux qui sont à l'origine de cette dette,
05:45c'est-à-dire les grandes entreprises, les plus riches qui ont bénéficié des largesses d'Emmanuel Macron
05:50et qui ont généré ce déficit lié aux cadeaux qui ont été faits pendant sept ans.
05:55Sauf que vous nous avez parlé en début de cet entretien de la situation sociale qui était difficile.
06:00Il y a des chiffres ce matin dans la presse.
06:02C'est vrai qu'il y a l'industrie qui ferme de façon assez forte.
06:05Il y a 260 000 emplois qui sont menacés pour 2025.
06:10Et le MEDEF, le patronat, il vous dit si on nous fait payer davantage,
06:13on va investir moins et on embauchera moins, il y aura encore plus de chômeurs.
06:17Le patronat passe son temps à faire du chantage à l'emploi.
06:20Ils avaient commencé à licencier avant qu'il y ait ce budget proposé par M. Barnier.
06:26Et là, les licenciements sont là alors qu'il bénéficie toujours chaque année
06:30de quasiment 200 milliards d'euros d'aides aux entreprises sans condition ni contrepartie.
06:36Ce qu'il faut, c'est conditionner les aides aux entreprises,
06:40soumettre et augmenter la fiscalité sur les grands groupes, sur les dividendes, sur tous les milliardaires.
06:46Il n'y a jamais eu autant de riches en France qu'aujourd'hui alors que la situation sociale est catastrophique.
06:50Et qu'il vous a répondu quoi là-dessus ?
06:52Ce matin, dans les échos, on lit qu'Amélie de Montchalin remet la hausse du coût du travail sur la table.
06:57Il vous en a parlé de ça spécifiquement ou pas ?
06:59Il ne nous en a pas parlé.
07:01Moi, je lui en ai parlé en lui faisant toutes les propositions de financement
07:05qui aujourd'hui sont portées par la CGT en lui disant qu'il y avait des marges de manœuvre
07:08et que ce qui était sûr, c'est que le monde du travail refuserait de payer.
07:11Nous, nous avons déjà payé.
07:13Depuis sept ans, nous avons été mis à contribution.
07:15Nous avons subi plusieurs réformes de l'assurance chômage,
07:18une réforme des retraites, l'austérité en matière de salaire.
07:21Les services publics vont très mal, notamment les hôpitaux.
07:23J'ai demandé à ce qu'il y ait beaucoup plus d'argent pour les hôpitaux.
07:27Et donc, il faut mettre à contribution les plus riches et les plus grandes entreprises.
07:31C'est de justice fiscale dont on a besoin.
07:33Et d'un mot sur la fonction publique, est-ce qu'il vous a confirmé l'arrêt des deux jours de carence ou pas du tout ?
07:37Eh bien, nous, c'est ce que nous lui avons demandé en lui disant que les fonctionnaires vont très mal,
07:44la fonction publique va très mal, il y a eu une très forte grève le 5 décembre,
07:48et que ça n'est pas possible de remettre sur la table les trois jours de carence,
07:51et qu'il faut revaloriser la fonction publique, ce qui est un déficit d'attractivité.
07:54Non, comme vous voyez, il a répondu sur très peu de choses.
07:57C'est la raison pour laquelle nous attendons le discours de politique générale,
08:00que nous regardons attentivement, et nous en tirerons toutes les leçons,
08:04y compris sur les suites en termes de mobilisation.
08:06La pression qui monte avant ce discours de politique générale la semaine prochaine.
08:10Merci beaucoup Sophie Biddy.