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Aujourd'hui, dans « Les 4 V », Julien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avec Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes.

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Transcription
00:00Merci beaucoup Claude Moscovici d'être avec nous ce matin, peut-être un mot pour commencer par la situation aux Etats-Unis au lendemain de la cérémonie d'investiture que vous avez suivie.
00:11Vous êtes ancien commissaire européen, il faut le rappeler, évidemment l'Europe se demande comment réagir, alors que doit-elle faire ?
00:16Est-ce qu'il faut tenter de dealer avec Donald Trump pour reprendre son vocabulaire ou est-ce qu'il faut lui répondre beaucoup plus durement que ne le fait Ursula von der Leyen ?
00:22C'est un nouveau monde, on a un président des Etats-Unis qui va être très particulier, il a annoncé la couleur, il l'a dit.
00:28On va avoir une politique anti-migrant, d'une brutalité sans précédent, on va avoir un climato-scepticisme unique, il a dit qu'il allait sortir des accords de Paris,
00:38lancer massivement la production d'énergie fossile, d'hydrocarbures, ce n'est pas du tout le modèle français, et puis il y aura ces fameux droits de douane.
00:46Alors les Etats-Unis seront toujours nos alliés, je pense qu'une attitude hostile n'a pas de sens, on est présents ensemble dans l'OTAN, on a beaucoup d'intérêts économiques,
00:54mais il faut aussi riposter, c'est-à-dire être prêts, qu'est-ce qu'on fait sur le climat, qu'est-ce qu'on fait s'il y a des droits de douane,
01:02et puis enfin comment hausser notre niveau de croissance, bref on aura des partenaires beaucoup plus difficiles.
01:08Et donc l'hostilité n'est pas une solution, mais la naïveté n'en est pas une non plus.
01:13Autre dossier sur lequel vous êtes évidemment en première ligne, c'est la réforme des retraites, parce que François Bayrou vous a confié une mission flash,
01:19dont le rapport doit être remis le 19 février, d'abord est-ce que vous serez dans les temps ?
01:24Bien sûr, c'est moi qui ai proposé cette date au Premier ministre, donc le flash est déjà déclenché, l'équipe est prête, on est au travail,
01:31c'est une équipe que je préside moi-même, pour garantir quoi ? La neutralité, l'impartialité, l'indépendance, et là-dessus je veux rassurer, y compris les partenaires sociaux.
01:40On s'interroge, pourquoi pas le COR, le Conseil d'orientation des retraites ?
01:44C'est un gage de confiance à la Cour des comptes, qui est une institution respectée justement pour son indépendance,
01:49et nous ferons des chiffrages totalement indépendants, impartiaux, à partir des données de l'administration, mais avec nos propres hypothèses,
01:56pourquoi faire ? Pour éclairer le débat, pour que lors du conclave, de la réunion, de la conférence, je crois que les syndicalistes n'aiment pas beaucoup le conclave,
02:03des partenaires sociaux, on ait des données qui soient absolument objectives.
02:08Vous avez parlé du COR, c'est une ancienne création, ça fait des décennies maintenant qu'il y a des rapports dans tous les sens,
02:13ça sera quoi la nouveauté de cette mission flash ? On les connaît les chiffres déjà ?
02:16Je ne prétends pas qu'il y aura une nouveauté, on ne va pas réinventer la roue, on ne va pas réinventer la lampe à huile,
02:20on va partir des normes telles qu'on les connaît, de la loi d'orientation des lois de finances, ce qui est logique,
02:25et puis à partir de ça, on fera des hypothèses, des scénarios, et qu'est-ce qu'on dira ? On dira où on en est, on dira où on va dans 20 ans,
02:32et on dira enfin quels sont les leviers d'action multiples pour parvenir à une réforme des retraites,
02:38parce qu'au fond, quel est le contrat du conclave ou de la réunion ?
02:42C'est à la fois de remettre sur la table des paramètres, l'âge éventuellement, le travail des femmes, la pénibilité...
02:49Si on remet sur la table, notamment parce que c'est ça, c'est le thème des 64 ans, on compense comment ?
02:55Justement, c'est la question, parce que l'équilibre financier doit être garanti.
03:00Nous ne pouvons pas, dans la période où nous sommes, nous avons des finances publiques dans un état très préoccupant.
03:05L'année 2024 a été une année noire. Pour moi, cette situation est grave.
03:08Vous serez auditionné cet après-midi là-dessus, d'ailleurs.
03:10Je serai auditionné cet après-midi sur les prévisions, parce qu'il y a eu des erreurs de prévision qui sont inacceptables
03:14et qui ne doivent pas se reproduire, alors que la Cour des comptes et le Haut conseil des finances publiques que je préside
03:18avaient produit de nombreuses alertes. On n'a pas écouté, et il faut vraiment qu'on soit là-dessus très sérieux, parce que...
03:24Et qui est responsable de ça ? Est-ce que c'est l'ancien ministre de l'économie, Bruno Le Maire ?
03:29Est-ce que c'est les gouvernements précédents ? Est-ce qu'il y a eu de la mauvaise foi ?
03:33Je ne veux accuser personne, parce que ce n'est pas l'objet ni de la Cour des comptes ni de la Commission...
03:37C'est sous-entendu dans ce que vous venez de nous dire, quand même.
03:39Non, parce que je pense que les gouvernements, le politique, ne doivent pas avoir la main complètement
03:44sur la prévision macroéconomique et de finances publiques. Il faut qu'il y ait...
03:48Un directeur de l'INSEE disait qu'il ne faut pas laisser Bercy seul face à l'exercice de prévision.
03:51Je suis entièrement d'accord. Il faut qu'il y ait au milieu de ça, et vous voyez, ça rejoint la démarche sur la retraite,
03:56des experts indépendants qui peuvent dire, non, nous ne sommes pas du même avis que vous.
04:00Parce que si la prévision est politique, et si elle est trop optimiste, alors à ce moment-là, on se trompe,
04:06on a moins de recettes, on a plus de dépenses, on a une croissance qui est surévaluée,
04:10et c'est un peu ce qui s'est passé. Et c'est le jeu...
04:12Sous l'action de Bruno Le Maire. C'est lui que vous pointez du doigt, quand même.
04:15C'est l'issue que vous serez interrogée cet après-midi. Il faudra répondre sur Bruno Le Maire.
04:19Je n'ai pas de problème avec Bruno Le Maire. Je pense que Bruno Le Maire, il a été pris dans un moment
04:24où il y avait du volontarisme politique. L'optimisme, c'est bien, mais où ça a été un peu loin.
04:29Et l'administration, du coup, sous l'hubris du politique, en quelque sorte, n'a pas réagi suffisamment.
04:35C'est pour ça qu'il faut introduire dans la pièce un tiers de confiance.
04:38Ce tiers de confiance, il existe déjà, à mon sens, c'est ce qu'on appelle le Haut conseil des finances publiques.
04:42Il a été créé pour ça. Il faut lui donner un rôle plus important.
04:45Alors, puisqu'on est dans les chiffres et dans les prévisions, la prévision de déficit pour 2025, c'est 5,4%.
04:51Alors qu'avant, avec Michel Barny, c'était 5%. On peut se permettre ce 0,4% de plus,
04:56vu l'état des finances dont vous nous parlez, qui est alarmant ?
04:59La Commission européenne, qui, contrairement à ce que certains pensent, est plutôt bienveillante,
05:02a dit hier qu'on était encore dans les clous de l'effort nécessaire. Passer de 6,1% à 5,4%, ce n'est pas un effort nul.
05:09Mais moi, je veux passer à un message très clair. 5,4%, c'est, à mon avis, le maximum de ce qu'on peut faire.
05:15Ou plutôt, c'est le minimum en termes de réduction du déficit.
05:18Et ensuite, il faut vraiment que ce soit exécuté. C'est-à-dire qu'il faut que ce soit, pour le coup, crédible.
05:22On ne peut pas avoir, pendant 2025, des dérapages comparables à ce qui s'est passé en 2024.
05:26Et puis, un deuxième message, c'est qu'il faut que les Français le sachent.
05:29L'effort qu'on va leur demander, maintenant, il sera prolongé.
05:33Jusqu'en 2029, au moins, nous allons, chaque année, réduire nos déficits.
05:37Ce qui veut dire qu'il faut qu'on se mette en tête d'avoir une réflexion, enfin, sur la qualité de notre dépense publique.
05:43Sauf que vous nous dites ça, mais vos anciens amis socialistes, ces derniers jours,
05:47ils ont passé leur temps, justement, à grignoter, à faire en sorte qu'il y ait moins de...
05:53que le budget sur les postes de fonctionnaires, sur les jours de carence, etc., etc.
05:59Tout ça, ça coûte évidemment très, très cher. Qu'est-ce que vous dites à vos anciens amis socialistes ?
06:02Est-ce que vous leur dites que ces efforts-là, il faut les faire ?
06:04Je ne suis plus parti socialiste, je ne suis plus politique, mais j'ai encore des souvenirs.
06:09Et je leur dis qu'ils devraient se référer aussi à des anciens hommes de gauche,
06:13comme Pierre Malès-France, qui disait que les comptes en désordre étaient le signe des nations qui s'affaiblissent, qui se baissent.
06:19Je pense que, pour la gauche aussi, réduire la dette, c'est une bonne chose.
06:23Vous savez, la dette publique, c'est l'ennemi de l'action publique.
06:27Quand vous remboursez chaque année 70, 80, 90 milliards d'euros par an,
06:31vous ne pouvez pas investir dans les services publics.
06:34Vous ne pouvez pas financer l'éducation.
06:36Vous ne pouvez pas financer la transition écologique.
06:38Vous ne pouvez pas financer l'innovation à la recherche.
06:40Vous ne pouvez pas financer, on parlait de Donald Trump au début de notre entretien,
06:43l'effort de défense que les Européens devront faire pour être pleinement indépendants,
06:48parce qu'ils ne pourront plus compter sur les Américains comme hier.
06:50Et donc, c'est pour ça que pour investir plus, il faut économiser plus,
06:54pour pouvoir avoir une politique ambitieuse.
06:58Catherine Vautrin, elle propose de travailler 7 heures de plus sans être rémunérée.
07:02C'est une bonne idée ou pas ?
07:03Je ne pense pas que ce soit une question...
07:04Moi, je ne me prononce pas sur les questions des 35 heures.
07:06C'est la question du travail dans la vie, sur la durée de la vie.
07:10Vous savez, nous avons un taux d'emploi des seniors, comme on dit, qui s'est amélioré.
07:14Mais si nous avions le taux d'emploi des seniors qui peut exister...
07:18Et d'ailleurs, c'est une question sur la retraite, parce qu'on parle de l'âge de la retraite,
07:20mais beaucoup de gens sont inemployés bien avant l'âge de la retraite.
07:24Si nous avions le même taux d'emploi que les Allemands ou les Scandinaves,
07:27alors nous aurions beaucoup moins de problèmes de retraite,
07:29beaucoup moins de problèmes de dette et nous retrouverions des marges de manœuvre pour investir.
07:33Oui, c'est ça moi qui m'obsède depuis longtemps, avoir une dépense de meilleure qualité
07:37pour réduire notre dette, pour pouvoir investir plus,
07:40pour pouvoir préparer l'avenir des générations futures, pour financer la solidarité.
07:43Et ça, ce n'est pas de gauche, ce n'est pas de droite.
07:45Pourquoi c'est si dur de faire des économies ?
07:47La Cour des comptes ne cesse de pointer du doigt depuis des décennies,
07:50là aussi, les économies possibles et puis personne ne suit ses avis.
07:52Je pense qu'il y a une question de pédagogie.
07:54Il faut expliquer que quand nous avons, comme c'est le cas,
07:5757% de notre dépense publique dans le PIB, dans le PIB, la production, c'est énorme.
08:03C'est 8 à 9 points de plus que les autres.
08:05Forcément, il y a des économies qui sont faisables sans toucher à notre modèle social.
08:09Je vais vous donner un exemple.
08:12Les dépenses d'apprentissage ont été augmentées considérablement depuis 7 ans.
08:16C'est une bonne chose et on a fait réduire le chômage des jeunes.
08:20Mais il faut qu'elles baissent encore plus.
08:22Est-ce qu'on a vraiment besoin de financer des apprentis dans l'enseignement supérieur ?
08:25Ce n'est pas eux qui ont besoin de l'apprentissage,
08:27c'est les jeunes qui sont en dessous des nouveaux bacs.
08:29Et si on ressent que la politique d'apprentissage,
08:31personne ne perdra, l'emploi ne perdra pas et on gagnera des marges de manœuvre.
08:35Et on verra dans les jours qui viennent si vos recommandations ont été écoutées,
08:38Pierre Moscovici, merci beaucoup.
08:39En tout cas, elles seront formulées et de façon indépendante.
08:42Et Claire, merci beaucoup.
08:43Merci à tous les deux et merci Égide.

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