Samedi 25 janvier 2025, SMART WOMEN reçoit Olivier Marti (fondateur, Womens First) , Mathieu Corneti (Président fondateur, Impact Partners) et Gaëlle Pignet Condal (présidente, Taillefer)
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00:00Bonjour, bienvenue dans le premier Smart Women de l'année.
00:07En 2025, bien sûr, je vais continuer à porter la voix des femmes et la nécessité de leur
00:12juste place dans toutes les sphères de pouvoir économique, politique, médiatique, sans
00:17oublier le domaine scientifique, notamment la tech avec l'enjeu essentiel de l'intelligence
00:22artificielle.
00:23Je crois qu'on pourra tous être d'accord pour dire que dans une société confrontée
00:27à des défis de plus en plus nombreux et de plus en plus nouveaux, voire inédits, on
00:34a absolument besoin de davantage de femmes en responsabilité.
00:38C'est une question d'équilibre, mais c'est au moins autant une question de croissance
00:41économique et de capacité de progrès pour tous.
00:44Alors aujourd'hui, pour en parler, je vais accueillir tout d'abord Olivier Marti.
00:49Olivier Marti qui est le président fondateur de Women First, qui est un cabinet de recrutement
00:55et d'accompagnement au développement des femmes en position de leadership.
00:59Je recevrai ensuite Mathieu Cornietti, qui est le créateur et dirigeant de Impact Partners,
01:06qui est un fonds d'investissement précurseur dans tout ce qui est investissement à impact,
01:12qui nous parlera de sa vision des femmes et de leur évolution dans le monde de l'entrepreneuriat
01:17et notamment dans le rapport au financement.
01:20Et puis je ferai le portrait de Gaëlle Pigné-Condal, qui préside la société Taillefer.
01:27Taillefer est une chaudronnerie industrielle installée dans le Calvados depuis 1956 et
01:33dont elle a effectué la reprise récemment.
01:37Voilà, alors tout de suite, Olivier Marti.
01:44Bonjour Olivier Marti.
01:45Bonjour Marie-Claire, bienvenue.
01:46Merci.
01:47Ravie de vous accueillir dans Sparse Women.
01:49Alors Olivier Marti, vous êtes, comme je le disais en introduction, vous êtes le président
01:52fondateur de trois structures en réalité de recrutement.
01:56Il y a Speak to CEO, il y a Candidate First et puis il y a également Women First dont
02:00on va parler.
02:01Alors vous êtes connu dans l'écosystème pour porter des positions pro-femmes et pro-femmes
02:07dans le business.
02:08D'ailleurs, je signale un de vos posts de fin d'année, début d'année sur LinkedIn
02:12où vous mettiez en valeur des innovations, des inventions réalisées par des femmes
02:17qui nous auraient manqué si elles n'avaient pas existé.
02:20Alors, première question, disons-nous déjà pourquoi finalement vous avez créé Women
02:25First ? C'était en 2020, 2021.
02:27Pourquoi ?
02:28Oui, tout à fait.
02:29Merci de votre invitation et cette introduction.
02:31J'ai lancé Women First en 2021 parce que j'avais envie d'avoir un impact aussi.
02:35On en parle beaucoup dans la société, c'est un engagement citoyen plus que masculin.
02:40Je pense que c'est aussi important que les hommes s'emparent de ce sujet, cet enjeu
02:46prégnant de société.
02:48Je l'ai lancé Women First parce que je sentais le besoin chez les femmes d'avoir du soutien
02:53dans leur ascension professionnelle.
02:55Je voulais aussi échanger l'atmosphère de travail des entreprises.
02:58J'adore le sport, la testostérone, les ambiances de vestiaire.
03:02Mais quand c'est partout, je pense que ça bride pas mal de femmes et beaucoup d'hommes
03:06aussi.
03:07Et puis, ça faisait 10 ans que je travaillais dans les ressources humaines et sans être
03:11devin, j'ai senti le besoin de féminisation des shortlists et donc c'est pour tout ça
03:15qu'on a lancé Women First.
03:16Vous me disiez d'ailleurs que vous aviez constaté le manque de femmes ou du moins
03:20le faible nombre de femmes finalement dans les viviers que vous cherchiez, que vous sollicitiez
03:26pour faire votre métier.
03:28Alors, ok, qu'est-ce que c'est que Women First et qu'est-ce que vous faites au travers
03:33de Women First puisqu'on va se concentrer sur cette structure-là ?
03:35Oui, on a fait de la communication positive, très simplement, on a communiqué positivement
03:40sur le fait que des femmes comme vous prenaient des responsabilités plutôt à haut niveau
03:44pour à la fois accompagner ce mouvement sociétal existant déjà, apporter notre
03:48pierre, faire bouger les lignes et chemin faisant, cette communication positive nous
03:51a assez vite permis de développer une assez forte audience sur LinkedIn, à la fois quantitative
03:56et qualitative.
03:57Aujourd'hui, on a plus de 270 000 abonnés, donc en 3-4 ans, c'est rapide, c'est beaucoup.
04:01Et d'un point de vue qualitatif, ce sont des décideurs, beaucoup à 70 %, ils sont
04:05cadres supérieurs, directeurs, vice-présidents ou CEOs.
04:09Donc maintenant, on s'attache à répondre aux sollicitations de cette audience, elle
04:12est de deux ordres, B2C et B2B, un des femmes qui ont des objectifs de carrière un peu
04:16au diapason de notre audience, donc qui cherchent des postes, des mandats d'administratrice
04:19qui veulent progresser, des programmes d'accompagnement, de coaching et la partie B2B, c'est enclencher
04:24le cercle ouverture de féminisation, les entreprises veulent féminiser leurs effectifs
04:27à tous les niveaux, on part du haut et après par granularité à tous les niveaux et donc
04:31sur des enjeux de féminisation de la gouvernance, stratégie de talent acquisition, gestion
04:35des talents et formation culture.
04:37Et puis après, hybride entre B2C et B2B, on a un club, notre réseau de 300 femmes
04:41qui veulent nettoyer, partager, progresser, s'inspirer, prendre du temps pour elles.
04:45Et ce club, vous l'animez à raison de Une fois par mois, c'est ça ?
04:49Une fois par mois, on a une soirée autour de femmes aux responsabilités qui partagent
04:53leurs expériences, leurs difficultés, des livres, des tips, des CEOs, des ministres,
04:57des entrepreneurs à succès, c'est très important aussi.
05:00On a reçu Anne-Marie Hydra, première femme présidente de la RATP, la SNCF, lundi, ancienne
05:04ministre, qui expliquait effectivement les difficultés, ses conseils que peuvent avoir
05:10des femmes, qu'elle a vécues dans des milieux parfois très masculins.
05:12Oui, elle faisait partie des femmes pionnières en la matière.
05:16Alors justement, vous avez un point d'observation privilégié compte tenu de vos activités,
05:21donc finalement, si on fait un peu un retour sur 10 ans, toujours pareil, comment vous
05:25trouvez la situation aujourd'hui, que constatez-vous et quelle évolution avez-vous vue, en étant
05:31vraiment très clair, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'évolution et pas d'évolution,
05:34en étant très à l'aise quant aux propos que vous donnez, mais pour dire la vérité
05:38sur le sujet à votre sens ?
05:39Oui, tout à fait.
05:40En la matière, nous, ça ne fait que 3-4 ans qu'on existe, et pas 10 ans, mais on
05:45a un peu de recul aussi sur l'évolution de l'afféminisation, et pas que sur la partie
05:51émergée de l'iceberg, il s'agit de regarder aussi la partie émergée qui est encore plus
05:55prégnante.
05:56On voit, si on regarde la partie émergée, c'est l'afféminisation du CAC 40, par exemple,
06:02c'est un exemple, 4 femmes sur 40 entreprises du CAC 40, ça fait 10%, on a un rythme d'une
06:08par an, donc ça veut dire qu'il faudrait attendre 2041 pour être à 2020, donc bien
06:12évidemment, c'est trop long, sans regarder que ces élites-là, on voit que ça bouge,
06:20malheureusement, ni les femmes ni les hommes sont forcément particulièrement favorables
06:23au quota, mais il n'y a que comme ça qu'on peut bouger les lignes.
06:27Il ne faut pas avoir de pudeur là-dessus, absolument pas, mais justement, il ne nous
06:30reste pas beaucoup de temps, mais on voit qu'il y a une évolution, mais vous êtes
06:34en train de dire qu'elle est trop lente, je partage pleinement ce point de vue, donc
06:38qu'est-ce que vous voyez aujourd'hui ? Il y a les lois quand même, la loi RIX1 a permis
06:41d'accélérer les choses, mais qu'est-ce que vous voyez comme solution pour vraiment accélérer
06:45ce mouvement et qu'on n'ait pas à attendre les 10-20 ans pour arriver à l'équilibre ?
06:49La loi COPIX-Zerman a fait bouger les choses sur les contraintes d'immigration des entreprises
06:53de ce côté.
06:54La loi RIX1 intervient de nouveau, le législateur intervient parce que le rituellement escompté
06:58des conseils d'administration vers les comex n'a pas eu lieu et qui va faire bouger les
07:01lignes.
07:02Ces lois qui sont un périmètre, et c'est vraiment la partie émergée, doivent influencer
07:09culturellement toutes les autres organisations publiques ou privées qui peuvent s'exonérer
07:13de faire bouger les lignes parce qu'elles sont hors scope de ces lois, mais qui ont
07:16le mérite d'exister, qui doivent influencer, donc pour ce faire, il y a deux choses.
07:19Premièrement, parce qu'il y a des freins endogènes et exogènes, le premier c'est
07:24les femmes.
07:25Les femmes doivent être prêtes, elles doivent se former, elles doivent progresser, lever
07:28la main, demander à prendre des responsabilités, travailler leur image, travailler leur réseau.
07:33Premier axe, très important.
07:35Deuxième axe, c'est les hommes, et c'est assez simple, c'est en fait assez binaire,
07:39et qu'ils s'attachent à devenir acteurs de ce mouvement de féminisation, et c'est
07:44une sorte de responsabilité RSE, on en parle beaucoup, mais ils doivent s'approprier
07:48ça, ils peuvent s'en exonérer, mais en fait ils doivent être acteurs de ce mouvement
07:51sociétal.
07:52Et au-delà de la parité, il y a la diversité au sens large qui est encore plus brillante,
07:56que nos élites et nos effectifs, en tout cas, représentent la société.
08:01Très bien.
08:02Merci Olivier, donc on retient de oser pour les femmes, bien évidemment, et pour les
08:07hommes être conscients de la nécessité de partager, et donc d'être à l'équilibre,
08:11ce qui est un facteur de meilleur positionnement.
08:16Merci beaucoup, donc continuez de faire en sorte, vous aussi, qu'on ait davantage
08:22de femmes, et de façon durable, au poste de responsabilité.
08:26Merci Olivier.
08:27Merci Marie-Claire.
08:32Bonjour Mathieu Cornietti, ravi de votre présence sur ce plateau.
08:36Alors Mathieu, nous nous connaissons depuis longtemps, parce que vous avez été un précurseur
08:41de l'amassissement à impact en France, et maintenant en Europe.
08:46Vous avez démarré en 2007, c'est-à-dire qu'une époque où le terme d'impact ne prévalait
08:50pas encore, c'était le tout début.
08:52Alors, en quelques mots, dites-moi déjà ce qu'est Impact Partners, puisque c'est
08:57bien le nom du portefeuille de fonds d'investissement que vous dirigez, en quelques mots, on parlera
09:03des femmes.
09:04Ce qu'est aujourd'hui Impact Partners, et vous avez rappelé que c'est une longue
09:09aventure de plus de 15 ans, et qui nous a donné l'occasion de rencontrer à de multiples
09:14reprises, c'est aujourd'hui une société de gestion européenne, on gère 350 millions
09:20d'euros, on est une cinquantaine de professionnels, et notre particularité c'est d'être centré
09:25sur les sujets sociaux, c'est aussi d'être européen, puisqu'on a des équipes qui
09:31sont basées à Copenhague, à Francfort, à Milan et à Barcelone, et puis en 15 ans
09:36d'avoir montré qu'on pouvait associer une vraie performance financière à une performance
09:39sociale.
09:40Parfait, donc là vous avez tout dit.
09:42Alors, au départ Mathieu, si on ne veut pas rafraser les jeunes, on dit « à la
09:48base ».
09:49Non, on peut dire aussi « de base ».
09:52Ou « de base », c'est vrai, vous êtes plus jeune que moi, c'est normal.
09:56Là c'est ma fille de 10 ans, de base.
09:59Donc vous n'êtes pas particulièrement sensible à la thématique « femmes », mais
10:04c'est pour ça que j'ai eu envie de vous inviter, parce que justement je voudrais
10:06que néanmoins, compte tenu de tout ce que vous pouvez observer dans les entreprises
10:11dans lesquelles vous investissez, je voudrais que vous nous disiez s'il y a des spécificités
10:15ou non, que vous avez constatées et en quoi elle consiste le cas échéant.
10:19Alors, de base, je suis extrêmement attentif à l'enjeu de la méritocratie, c'est
10:27ce qui m'anime, c'est un sentiment de justice, enfin voilà, donc ça je pense que c'est
10:34ce qui nous réunit tous au-delà des enjeux de genre.
10:37Ce que je constate, c'est qu'en fait on a des situations qui sont différentes selon
10:44le secteur d'activité, selon nos stratégies.
10:46Aujourd'hui, chez Impact Partners, on a trois univers de stratégie.
10:51On a un univers qui est sur la création d'entreprises, mais de façon très particulière, c'est
10:56du commerce dans les quartiers populaires, un univers plus « venture » dans l'inclusion
11:01des personnes réfugiées, là c'est étiquette plutôt de 1 à 2 millions d'euros, et puis
11:05il y a un univers qu'on appelle « growth » qui est européen.
11:07Moi, ce qui m'intéresse, c'est que si je prends l'exemple des quartiers populaires
11:15et de la ruralité et d'accompagner des entrepreneurs qui ouvrent leur commerce, on a des différences
11:21sectorielles très fortes.
11:22Évidemment, on a beaucoup plus d'entrepreneurs femmes dans la coiffure et même la pharmacie
11:27que dans la réparation automobile.
11:31Dans la restauration, c'est différent, et ce qu'on met en place, c'est un accélérateur
11:37dédié à la restauration, et d'ailleurs, on avait une promotion hier qui commençait,
11:43je pense qu'on a la moitié des entrepreneurs qui sont femmes, et donc il faut prendre les
11:47sujets plus en amont.
11:48Après, moi, ce qui me motive, c'est que ces entrepreneurs, ils ont tous commencé
11:53avec peu, voire rien, enfin rien, on s'entend, celui qui a commencé avec un exemple d'entreprise
12:031000 euros et puis dix ans plus tard, vous avez huit employés.
12:06Donc, c'est des choses, on sait que c'est de l'acharnement, et tout ça, vous ne pouvez
12:13le faire qu'avec une société de gestion et des collègues qui partagent ces convictions.
12:18Et donc, je reviens sur l'enjeu de la parité, de la mixité, c'est d'abord d'être convaincu
12:25que si vous voulez accompagner des entrepreneurs et faire table rase de vos a priori, il faut
12:32que déjà dans l'équipe, ce soit vécu.
12:35Et si je prends une statistique du capital investissement en France, il y a 7% des professionnels
12:46du private equity dont les études ont terminé par la fac, et je pense que dedans on a l'université
12:54Paris Dauphine.
12:55Donc, il y a un enjeu sur le diplôme, il y a un enjeu sur le milieu parental, familial,
13:03quartier populaire, monde rural, il y a un enjeu évidemment, homme-femme, il y a un enjeu
13:09sur vos origines, et puis ce qui est le plus compliqué quand on se lance, c'est l'apport
13:15financier.
13:16Justement, le financement, juste pour terminer, on sait que c'est un vrai facteur d'inégalité
13:22parce que là, les baromètres, Cista, etc. démontrent que surtout en matière de fonds
13:28propres, le financement en fonds propres des entreprises dirigées par des femmes est bien
13:34plus faible que dirigé par des hommes.
13:36Alors, en deux mots, il y a une solution à ça pour vous ? Au-delà du fait de ne pas
13:41faire de différence ?
13:42Il faut avoir le bon benchmark aussi.
13:44C'est-à-dire qu'on n'est pas dans l'univers du venture, qui est un peu moins champagne
13:51aujourd'hui qu'avant.
13:52Donc, ce n'est pas parce qu'un homme lève 100 millions d'euros que je trouve ça bien.
14:01Et si c'était une femme, je vais vous dire, si c'est, tiens, je mets cet argent-là à
14:06risque et je peux tout perdre, je pense qu'on peut faire beaucoup de choses aussi avec cet
14:10argent-là.
14:11Une invitée qui, à mon avis, vous montrera les choses très terrain sur c'est quelle
14:15industrie dans des territoires qui ont besoin d'activité.
14:18J'ai donné cet exemple du financement de commerce.
14:25Si en amont, sur des programmes d'accélération, vous pouvez avoir un ciblage particulier pour
14:33que justement tous ces entrepreneurs puissent être bien préparés à la levée de fonds,
14:37ça fonctionnera mieux.
14:38Mais je ne pourrais pas vous dire…
14:43– Vous restez convaincu qu'il n'y a pas matière à faire spécifiquement quelque
14:49chose.
14:50Très bien.
14:51– En fait, ce dont je suis convaincu, c'est que, je vais prendre un autre exemple que
14:55celui des femmes.
14:56– Très court.
14:57– Oui, celui des quartiers.
14:58C'est qu'en fait, il ne faut pas coller une étiquette à un entrepreneur en disant
15:02que tu es là parce que tu es venu à un quartier.
15:04– Non, mais ça, tu as raison.
15:05On est bien d'accord là.
15:06Il y a des entrepreneurs femmes qui réussissent superbement, il faut juste qu'elles se
15:09voient plus.
15:10Et on a des équipes super aussi.
15:13– Alors justement, pour qu'elles se voient plus, juste pour conclure, merci pour cette
15:17action et cette conviction sur l'impact.
15:19Et je voudrais légèrement recommander à nos auditeurs d'écouter ou de réécouter
15:24ce genre de cas.
15:25Je l'avais fait venir dans cette émission Catherine Huard-Lefin, qui était venue en
15:28mai 2023, qui a créé une entreprise adaptée, c'est-à-dire avec des handicapés, qui s'appelle
15:33eTechWay.
15:34Et c'était vous qui l'avez financée notamment et qui me l'avez présentée.
15:38Voilà, donc un bel exemple d'impact.
15:40Merci.
15:41Merci Mathieu.
15:42Merci bien.
15:43– Merci Marie-Claire.
15:44– Bonjour Gaëlle Pigné-Candale, donc ravie de vous recevoir, parce que vous allez pouvoir
15:54donner à voir, à nouveau, une nouvelle fois, que les capacités des femmes à entreprendre
16:01et à réussir dans des secteurs qui sont jugés, qui sont réputés masculins au départ.
16:08Donc vous m'avez été recommandée par deux femmes, puisque j'ai eu à la fois Léa
16:14Lassara, qui dirige un groupe hôtelier, qui est venue dans cette émission, et qui a,
16:20elle, créé Femmes et Challenges, ton président, la CCI de Normandie.
16:24Et vous m'avez été également recommandée par Elisabeth Ducote, qui est la présidente
16:29de Thuan, et qui a co-fondé le prix Yvon Gattaz et Elisabeth Ducote, et prix qui est
16:35pour mettre en valeur des ETI en devenir, et donc vous avez été également lauréate
16:41de ce prix, vous avez eu d'autres prix, je ne vais pas en parler ici, mais enfin, pas
16:44mal de prix.
16:45Alors, vous dirigez une chaussonnerie industrielle, j'insiste, c'est bien de l'industrie,
16:51Taillefer, et vous l'avez reprise, donc, avec votre mari, il y a un petit peu plus
16:55de… c'est en 2018, donc il y a un peu plus de 6 ans maintenant.
16:59Alors, avant de parler de Taillefer, parlez-nous déjà de vous, donc, en quelques mots, qui
17:04êtes-vous et qu'avez-vous fait avant Taillefer ?
17:06Bonjour Marie-Claire.
17:07Bonjour.
17:08Donc, sur le principe, avant Taillefer, une vie avant Taillefer, je suis normande d'origine,
17:15je viens de Caen, j'ai fait mes études, en fait, de commerce à Caen, et après je
17:20suis montée à Paris, où j'ai travaillé pendant 4 ans en audite interne à l'international
17:26pour le groupe Accor.
17:27Donc, j'ai eu l'occasion de faire le tour du monde pendant 4 ans, et en 2006, je suis
17:30revenue dans l'entreprise familiale, en fait, qui est un groupe dans l'exploitation de
17:36carrière.
17:37J'y suis restée pendant 10 ans, et en fait, au bout de 10 ans, souci sur la gouvernance
17:45familiale, et j'ai décidé d'en partir.
17:49Donc, 2017, j'ai mis un terme à cette collaboration, pour me mettre en quête, en fait.
17:56C'est ce que vous m'aviez dit quand on a discuté ensemble auparavant.
18:00Vous savez que vous avez passé 10 années, alors 10 années, ça n'a pas été complètement
18:03concluant au sens où vous avez préféré en partir, néanmoins, vous y avez beaucoup
18:07appris, bien sûr, et ça va vous servir pour la suite, et vous me disiez que quand vous
18:11étiez mis en quête d'une autre entreprise, vous aviez un jour trouvé l'affaire de vos
18:16rêves, c'est le mot que vous avez utilisé, donc c'était Taillefer.
18:20Alors, racontez-nous Taillefer, on parlera après de ce qu'est Taillefer aujourd'hui,
18:24mais dites-nous un petit peu comment ça s'est passé au niveau de l'acquisition, c'est-à-dire
18:28les relations avec le CEDAN, les financements, comment tout ça a fonctionné ?
18:33Je vais essayer de vous faire un petit résumé.
18:35En fait, 6 mois après m'être mise en quête d'une entreprise, on me propose via, je vais
18:44les citer rapidement, le KPMG Rouen qui s'occupe d'intermédiations d'entreprises, et qui
18:50me propose le dossier Taillefer.
18:52Alors, ça ne s'appelait pas le dossier Taillefer, ça s'appelait le projet Ambition, qui donne
18:56des noms de code aux sociétés, et ce projet, pendant 9 mois, un financier avait travaillé
19:01sur cette reprise, malheureusement il n'a pas eu ses fonds personnels pour reprendre.
19:05Et donc du coup, moi j'arrive sur le dossier, après mes 6 mois de recherche, et la première
19:11question que j'ai posée au CEDAN quand je l'ai rencontrée, il gérait l'entreprise
19:15avec sa fille, c'est je ne voulais pas lui faire perdre son temps et je ne voulais pas
19:19perdre mon temps, parce que quand on cherche une entreprise dans un milieu masculin, malheureusement
19:25il y a quand même pas mal de portes qui se ferment, c'est un peu compliqué, donc la
19:29question que je lui ai posée c'est est-ce que ça le dérangeait, c'était cash, est-ce
19:32que ça le dérangeait qu'une femme reprenne son entreprise ? Droit dans les yeux, il m'a
19:37dit, il n'a même pas hésité, il m'a dit je vous explique, moi ce qui m'intéresse
19:41c'est la compétence, si vous avez les compétences, et que ça va jusqu'au bout, ça me suffit,
19:46ce sera parfait. Ce qui était différent de ce que vous aviez vécu je crois dans d'autres
19:50contacts, vous n'aviez pas eu exactement les mêmes réactions. Si je peux revenir
19:55dessus, en fait je rencontrais des entreprises qui étaient peut-être moins compliquées
19:59en termes de reprise, où le patron, enfin le CEDAN me disait au bout de 5-10 minutes
20:03que finalement il n'avait jamais vu de femme dans ces métiers-là et qu'il préférait
20:06passer son chemin. Donc voilà, on voit tout. On voit tout absolument, c'est bien, donc
20:12vous avez persévéré. Donc en fait, la condition sine qua non par rapport à votre
20:17question pour reprendre Taillefer et puis pour accéder aux entretiens avec les hommes-clés
20:21etc. à la reprise, c'était d'obtenir mes financements très rapidement. En fait, ils
20:26m'ont laissé un mois et demi en fait pour trouver les financements, là où la personne
20:31qui était en fait sur la reprise pendant 9 mois ne les avait pas eus. Donc ça a été
20:37en fait pour moi un contre-la-monte, où j'ai pris un courtier, parce que je n'avais
20:41jamais fait cet exercice de ma vie, mais je savais que je jouais ma vie en fait sur
20:45ce dossier. Et en 15 jours, j'ai rencontré 10 banques et dès la première semaine,
20:49j'avais déjà mes financements. Et ça a été un soulagement. Et après, en fait,
20:54tout s'est enchaîné naturellement et ça a été un pur bonheur, malgré toutes les
20:58difficultés qu'on a eues à la reprise.
20:59Oui, parce que là, vous m'avez dit que vous étiez, ben néanmoins, vous étiez allée
21:02un petit peu de crise en crise, ce qui est un peu normal d'ailleurs. Mais c'est vos
21:05premières actions justement à la tête de l'entreprise, ça a été quoi ?
21:09Alors, les premières actions, ça a été d'aller à la rencontre du personnel, parce
21:15que pour moi, c'est une aventure humaine. Au début, mon mari n'est pas venu en fait
21:19dans cette aventure, il est venu me rejoindre quatre mois après. Et au démarrage, on s'est
21:24entouré de conseils pour travailler sur la communication et la stratégie de cette entreprise.
21:31Et à ce sujet-là, on a commencé aussi à travailler un peu le logo de l'entreprise
21:35et le patron de l'époque, enfin le sédant, m'a dit, Gaël, si vous touchez un cheveu
21:39du logo, je ne vous parle plus pendant dix ans.
21:42Et là, il était moins conciliant que ce qu'il avait été au départ.
21:44Il était un peu moins conciliant. Et donc voilà, après les affres, ça a été en
21:49fait, comment dire, l'outil de travail finalement. Toutes les machines qu'on avait auditées
21:57n'avaient pas forcément été entretenues comme il fallait. Ce qui fait qu'en l'espace
22:01de quatre ans, on a dû mettre plus de 4 millions d'euros sur la table.
22:04Vous avez doublé le prix carrément, quasiment.
22:06En fait, pour, comment dire, remettre à flot cette entreprise. Aujourd'hui, la chance
22:11qu'on a, c'est qu'on a pu faire les investissements qu'on voulait. Et à 95%, on a du matériel neuf.
22:18Bien sûr, ça vous donne d'autres possibilités. Alors justement, parlez-nous, on voit bien
22:23le parcours que vous avez eu, à la fois les difficultés rencontrées, puis à la fois
22:26la façon dont vous les avez dépassées, parce que vous étiez déterminé à les dépasser.
22:30Alors parlez-nous de Taifer aujourd'hui, un petit peu la carte d'identité de l'entreprise.
22:34Sachant d'ailleurs que vous venez de racheter une autre, de compléter. Alors dites-nous
22:38ce qu'est Taifer, ce que vous faites, quelle est la concurrence, comment ça marche ?
22:42Alors, ce qu'est Taifer, alors Taifer, c'est une belle entreprise, en fait, qui existe
22:47depuis 1956 et qui est spécialisée dans la transformation de l'acier de linox et
22:53la fabrication principalement de cuves et de silos en fat XXL, dans les environnements
22:59industriels et tout ce qui est industrie aussi de l'environnement. Donc voilà. Et
23:06à côté de ça, on a développé en fait la maintenance pour avoir une forme de récurrence
23:09de chiffre d'affaires. Ce qui n'existait pas du tout auparavant. Ce n'existait pas
23:12du tout. C'est ça. Donc en fait, la concurrence, si on en parle, on a des concurrents sur certains
23:17secteurs d'activité, mais on n'a pas un équivalent Taifer, en fait, au niveau de
23:20la France. Donc à nous aujourd'hui d'arriver à conserver en fait ce temps d'avance qu'on
23:26a réussi à prendre avec toutes les améliorations et les optimisations qu'on a apportées depuis
23:32qu'on a repris cette entreprise. Mais alors justement, aujourd'hui, finalement, les enjeux,
23:39parce que bon, encore une fois, c'est une vous avez aujourd'hui, vous êtes à la tête
23:41d'une entreprise qui est de belle taille, qui fonctionne bien, qui est rentable. Donc
23:46ça, c'est important de le dire. Vous avez, je crois que vos financements vont être remboursés
23:51l'an prochain. Donc vous êtes vraiment à une nouvelle année. Cette année, cette année
23:55Oui, forcément, j'étais en 2024. Donc là, vous êtes au départ d'une nouvelle état,
24:00finalement. Donc quels sont maintenant vos enjeux ? Vers quoi vous vous orientez ?
24:04Alors l'enjeu, en fait, initialement, on a repris une entreprise qui avait un comportement
24:10un peu de sous-traitant, puisque pendant plus de 30 ans, l'ancien dirigeant a développé
24:15des partenariats avec les Liebherr, l'ESCACO dans le milieu de la centrale à béton. Donc
24:19en fait, Taifer fabriquait les centrales à béton pour le compte de Liebherr, en fait,
24:23pendant 30 ans. Donc en fait, malheureusement, le marché de la centrale à béton était
24:29un marché hyper mature, saturé. Et donc, il a fallu, en fait, se différencier et aller
24:36chercher et aller vers d'autres univers. Et par rapport à ça, en fait, on cherche
24:42aujourd'hui et c'est aussi pour ça qu'on est accompagné par la BPI pendant deux ans
24:47avec l'accélérateur production numéro 9, qui va nous permettre de prendre de la hauteur
24:53pour... On a la chance d'avoir un bureau d'études, les ateliers sur place et puis
24:56après toutes nos équipes de montage aux quatre coins de la France. Donc c'est comment on
25:00passe la seconde, une étape supplémentaire pour prendre en main notre avenir et faire
25:06de l'innovation au niveau de notre bureau d'études. Ce que je n'ai pas dit, c'est qu'on
25:09a réussi à doubler les effectifs depuis 2019. On est 80 personnes aujourd'hui, on était
25:1539 à la reprise, on faisait 7 millions d'euros de chiffre d'affaires à la reprise. Aujourd'hui,
25:20on en fait entre 14 et 15. Donc en fait, il y a une vraie progression. On aurait pu
25:25se reposer sur nos lauriers en se disant bon voilà, on a fait ce qu'il fallait et puis
25:29maintenant on va prendre le fruit de notre labeur. Et en fait, on s'est dit non, c'est
25:33pas trop dans notre mentalité ni dans nos valeurs. Et en fait, on a eu une belle opportunité
25:38l'été dernier et on est parti sur une croissance externe. Et vous avez racheté donc une entreprise
25:42qui est complémentaire à votre activité. Elle est vraiment complémentaire. Qui fait
25:45quoi exactement ? La tuyauterie, le montage de tuyauterie INOX. C'est une activité qu'on
25:50a cherché à créer chez nous, chez Taillefer. Et finalement, en même temps, on a proposé
25:54cette entreprise. Les enjeux pour nous également, c'est d'attirer des compétences. Parce
26:00qu'on est en fait sur des ressources, des compétences, des talents qui sont compliqués
26:07à obtenir. Les chaudronniers, les soudeurs, les personnes. Qui sont très recherchées
26:11aujourd'hui en plus. Alors oui, c'est un peu la guerre. Sachant que des fois, on se
26:17bat avec des navales groupes. Et pourtant, on arrive à attirer des talents. On a mis
26:25l'accent aussi beaucoup sur l'apprentissage. Donc on a 10% de nos effectifs en apprentissage
26:30et on a eu des très très belles surprises. Et vous avez des femmes ? On a des femmes.
26:34Parce que des soudeurs femmes, il y en a. Et en général, d'ailleurs, ça se passe
26:37très bien. J'ai un très bel exemple. On a une jeune femme qui, contre l'avis de ses
26:41parents, a arrêté sa licence d'anglais pour commencer en fait un bac pro en chaudronnerie.
26:46Je peux vous dire qu'elle est hyper courageuse. Voilà, exactement. Très bien. Bon, alors
26:50je sais qu'au-delà, on voit le parcours, on voit ce que vous faites, bravo. Je sais
26:54qu'au-delà de ça, vous avez également des engagements importants. Vous êtes aussi
26:57engagée dans votre syndicat, vous êtes partie de Femmes et Challenges, etc. Alors,
27:02ces engagements, en quelques mots, pourquoi ? Comment ? En fait, on parlait de l'entreprise
27:08familiale. Je pense que je remercie mon père de m'avoir montré l'importance de tous
27:14ces engagements dans les réseaux. Quand on n'est pas très grand, quand on n'est
27:17pas encore une ETI, ça le devient rare, je bois, peut-être. Mais en fait, ce qui est
27:24important, j'estime que j'ai eu énormément de chance dans mon parcours jusqu'à maintenant.
27:29J'ai eu beaucoup de mains qui se sont tendues. Et sur le principe, je suis vraiment dans
27:33une démarche de réciprocité. Qui est-ce qui m'a donné envie d'entreprendre ? C'est
27:38Femmes et Challenges. Quand j'ai vu Léa Lassara, en fait, par exemple, en 2017, lors
27:43d'un premier forum, expliquer le rôle des femmes, reprendre des entreprises, mais également
27:51prendre des mandats pour impulser quelque chose de nouveau. Aujourd'hui, j'essaie aussi
27:56de m'inscrire là-dedans. Prochainement, je vais devenir certainement présidente de
28:02mon syndicat professionnel, La Métallurgie, avec le BMM, en local. Mais parce que j'ai
28:07énormément reçu. Et donc, du coup, à chaque fois que je peux rendre, c'est toujours avec
28:12grand plaisir. Et c'est ma petite pierre à l'édifice, en fait.
28:15– Écoutez, bravo. Merci pour tout ça. Ce qui est bien, c'est que vous avez montré
28:19que oui, une chauve-ronnerie, c'est de l'industrie, c'est une affaire qui a 60 ans. Et néanmoins,
28:26c'est en région. Et une femme peut et fait diriger avec beaucoup de compétences et d'engagement.
28:32Donc, merci beaucoup pour tout ça. Continuez. Donc, nous sommes au terme de l'émission.
28:38Donc, merci d'avoir suivi. Je vous donne rendez-vous le mois prochain. Et là, je ferai
28:43le portrait d'une autre dirigeante qui, elle, oeuvre dans la chimie. Et là, ça sera une
28:47affaire de reprise d'affaires familiales. Merci beaucoup. Bonne journée.