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Avec David Martinon, ancien ambassadeur d'Afghanistan

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##SUD_RADIO_MEDIA-2025-01-31##

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Transcription
00:00L'invité du jour, c'est David Martineau, ancien ambassadeur de France en Afghanistan
00:09entre 2018 et 2021, vous êtes aujourd'hui ambassadeur de France en Afrique du Sud.
00:15On rappelle votre livre « Les quinze jours qui ont fait basculer Kaboul » et à partir
00:21de ce livre, ce soir, vous pourrez découvrir un document très très fort « Kaboul, chaos
00:26sous la menace des talibans » sur Canal Plus Doc et c'est également disponible sur My
00:31Canal.
00:32Je vous disais juste avant à quel point ce document m'a bouleversé, j'ai regardé
00:38avec une boule au ventre en fait parce qu'on vit en fait les derniers jours, la journée
00:43décisive au cours de laquelle Kaboul est tombé et avec des flashbacks sur votre vie
00:50à Kaboul dans l'ambassade.
00:52Comment qui a eu l'idée de l'adapter ? On va peut-être citer juste avant de vous donner
00:56la parole les réalisateurs qui ont fait un boulot phénoménal parce qu'il y a beaucoup
01:00beaucoup d'images.
01:01Donc c'est réalisé, écrit et réalisé par Thomas Brémont, David Périssert, Nils
01:06Montel et Myriam Vail.
01:07Voilà, c'est une image, c'est une idée de Jérôme Pierdet.
01:10Absolument, l'idée de départ c'est effectivement Jérôme Pierdet qui s'est dit qu'il avait
01:17envie de montrer ce que c'était que la vie diplomatique, la vie d'un ambassadeur.
01:22En fait, c'est un ami d'enfance pour vous dire.
01:24Et il a eu cette idée.
01:26Et puis moi, je suis parti en poste et en fait, c'était évidemment extrêmement difficile
01:31pour lui de faire quoi que ce soit à distance, surtout que Kaboul était déjà le pays le
01:36plus, l'Afghanistan a été dans ces années là, le pays le plus dangereux au monde.
01:4050% des victimes du terrorisme étaient afghanes.
01:43Il se trouve que j'avais dans mon équipe un jeune afghan qui avait été formé au
01:48documentaire et donc qui savait tenir une caméra très, très bien.
01:52Et donc, je lui ai laissé la liberté de nous suivre dans notre travail de tous les
01:57jours, de temps en temps.
01:59Et donc, c'est une partie des images que vous pourrez voir ce soir.
02:03Et puis, il y a aussi ce que moi, j'ai filmé avec mon téléphone pendant la crise, parce
02:08que je voulais absolument documenter ce que nous faisions.
02:11Je voulais garder des traces et je voulais aussi pouvoir expliquer ce que nous faisions
02:17à quel moment, parce que je savais aussi qu'on ne manquerait pas d'avoir des
02:23polémiques, des critiques et je voulais pouvoir documenter.
02:25Mais avouez que c'est quand même très bizarre lorsqu'on est embarqué par le rail de la
02:30sécurité pour être exfiltré, d'avoir le réflexe de filmer avec son portable.
02:36Vous comprenez que c'est très bizarre dans ce moment là de chaos où il y a des bombes
02:40où on ne sait pas où on va être et vous vous filmez.
02:44Je filme. En réalité, la première chose que je filme, c'est le moment où nous partons
02:49en hélicoptère et c'était en fait extrêmement important parce que depuis des heures, je
02:55n'avais plus de communication ni avec l'OTAN.
02:57J'étais à ce moment là dans la zone verte, c'est à dire la zone protégée de Kaboul
03:01qui ne l'était plus et nous devions rejoindre l'aéroport.
03:06Et comme les talibans contrôlaient déjà la ville, il fallait y aller en hélicoptère.
03:10Et à ce moment là, je n'avais plus de contact avec l'OTAN.
03:13Je n'avais plus de contact avec Paris.
03:15Je n'avais plus de contact avec le reste de mon équipe qui était restée à l'ambassade
03:19pour accueillir les dernières personnes qu'on devait évacuer.
03:23Et ma femme non plus ne savait même pas où j'étais.
03:26Et donc, de nous filmer, ça m'a permis, dès que nous sommes arrivés et qu'on est
03:32arrivés à la base de la CIA à l'aéroport, j'ai retrouvé de la connexion.
03:37Il y a un type de la CIA qui m'a donné son code perso, c'était Trump 2020 d'ailleurs.
03:42Oui, je me souviens encore.
03:44Et donc, j'ai pu poster ça, ce qui avait une valeur de preuve immédiate et qui, en fait,
03:49a passé l'information à tout le monde que nous avions quitté la zone verte et que nous étions en sécurité.
03:54Ce sont des images, encore une fois, très fortes parce qu'on est au cœur de cette journée du 15 août 2021.
04:00On vous voit partir, on voit vous brûler tout, vous détruisez tout pour ne rien laisser les disques durs.
04:07Donc, il y a toute cette dramaturgie, j'ai envie de dire, de cette journée et avec tous les événements qui s'enchaînent,
04:13les uns après les autres, avec ceux qui veulent se réfugier à l'ambassade de France.
04:16Vous vous prenez, on ne va pas raconter parce qu'il faut vraiment voir les images qui sont des images filmées live.
04:22Ce n'est pas du reportage avec une caméra.
04:24C'est vraiment en temps réel et c'est vrai que c'est très puissant.
04:30Et puis, il y a une autre. C'est une grande partie du documentaire qui est consacré à l'évacuation.
04:34Mais il y a aussi votre vie.
04:36Quand vous arrivez là-bas, la question que je me suis posée, c'est pourquoi il a accepté ça ?
04:39Pourquoi il a accepté ce poste ?
04:41J'imagine qu'on vous pose souvent la question.
04:44Vous l'expliquez partiellement dans le documentaire.
04:47Alors, je ne l'ai pas accepté.
04:48J'étais volontaire.
04:51Sur ce poste-là, il faut être volontaire.
04:53Personne ne vous oblige à aller à Kaboul.
04:55Le fait est qu'il fallait être volontaire et qu'on n'était pas nombreux.
04:57On était trois.
04:59Et d'abord, c'est un pays qui m'a toujours intéressé depuis mes lectures d'adolescent.
05:05Vous disiez Joseph Kessel.
05:07Les cavaliers qui m'a marqué.
05:09Et ensuite, parce que je considérais que je considère toujours en partie que le métier
05:16diplomatique, il doit s'exercer dans une forme de paroxysme.
05:23Parce que là, c'était évidemment, il fallait bâtir la paix.
05:26Il fallait essayer de bâtir la paix.
05:28On était sous tension constante, que la menace terroriste était permanente et
05:32extrêmement diverse. C'était une vie totalement anormale.
05:36Et c'était un défi personnel et professionnel que j'avais envie de relever.
05:42Mais votre femme, elle n'a rien demandé.
05:44Si, elle était d'accord.
05:45Elle était d'accord parce que d'abord, je l'emmenais dans l'aventure.
05:48Non, non, non, non, non, non, non, non, non, non, non.
05:50On était tous, on était tous célibataires géographiques.
05:53Je lui ai fait la blague.
05:54Un jour, je lui ai dit chérie, j'ai trouvé une école bilingue à Kaboul pour les
05:57enfants et ça ne l'a pas fait rire.
05:59Non, non, nous étions tous célibataires géographiques.
06:01Oui, vous portez toujours la cravate.
06:02Je me suis fait la réflexion, même dans un pays en guerre, même dans un pays comme
06:06celui-là, l'ambassadeur de France porte la cravate.
06:09Parce qu'il doit incarner, un ambassadeur doit incarner la France.
06:13Et c'est une manière aussi d'imposer une forme d'autorité.
06:17Et c'est vrai qu'il y a eu des moments où il a fallu négocier.
06:21Quand, au bout de l'opération d'évacuation de ceux qui étaient à l'ambassade,
06:27je me souviens que ça ne se passait pas bien avec le contingent turc et avec les
06:33Américains qui ne voulaient pas laisser entrer le cortège à l'aéroport.
06:38Et en fait, j'avais mis une veste parce qu'il fallait aussi qu'ils se rendent
06:44compte qu'ils ne parlaient pas juste à quelqu'un, mais à celui qui représentait
06:48un État allié et ami.
06:49Et donc, voilà, c'est une forme d'incarnation.
06:51À ce moment-là, vous êtes le seul décisionnaire.
06:53Ça veut dire que vous avez demandé l'autorisation de quitter l'ambassade à
06:56Paris et au président, ou à un moment, la situation est telle que c'est votre
07:01responsabilité d'ambassadeur et la plupart des décisions, elles vous incombent à
07:05vous. Et après, on verra.
07:08C'est les deux, c'est-à-dire que ce que l'on a fait, nous l'avions prévu.
07:11Nous l'avions organisé, anticipé et donc tout ça a été fait en accord avec Paris.
07:15Mais c'est sûr que le dimanche 15 août à 6 heures du matin, quand j'apprends que
07:20la ville de Djalalabad, qui est la dernière grande ville à l'est de Kaboul, est
07:24tombée, je n'attends pas que Paris se réveille pour prendre les décisions qui
07:28s'imposent. Donc, ça, c'était bien sûr sous mon autorité unique.
07:34Il y a eu d'autres décisions que j'ai prises et qui étaient de ma décision unique.
07:38Contre l'avis, par exemple, du chef du RAID, qui raconte en particulier d'ouvrir
07:43les portes aux 300 et quelques personnes qui étaient massées, lui dit pour moi,
07:47c'était invraisemblable de faire rentrer ces gens parce qu'il y avait des risques.
07:51Et vous, vous avez décidé qu'il fallait les faire rentrer, quitte à prendre le
07:55risque qu'effectivement un terroriste se soit glissé parmi eux, même s'il y avait
07:57des contrôles. Mais contre son avis, on sent qu'il a encore un regret presque
08:02d'avoir été contre, d'avoir d'avoir accepté.
08:06Oui, c'est une décision que vous prenez.
08:07C'est ma décision de chef de poste, d'ambassadeur.
08:11Je comprends ses appréhensions, ses réticences.
08:15Mais je sais aussi qu'il me fait confiance et qu'il respecte mon autorité.
08:19D'abord parce qu'on se fait confiance, parce qu'on a une cohésion très forte
08:23et il sait que je ne prends pas des décisions.
08:26C'est nécessairement absurde.
08:28Et ensuite, parce que c'est un policier français et il incarne, de ce point de vue
08:33là, le meilleur de la police française, c'est-à-dire le respect de l'autorité,
08:38les valeurs républicaines. Et donc, il sait qu'aussi, sa responsabilité,
08:42c'est de prendre ma décision.
08:44La France a anticipé. C'est ce qu'on découvre aussi dans ce documentaire.
08:48La France a été la seule à anticiper, ce que vous évoquiez tout à l'heure.
08:51Comment ça se fait que vous ayez été les seuls à être un petit peu à l'affût
08:56et avoir senti ce qui était en train de se passer ?
08:59Parce que ça a été une progression, et on le voit dans le documentaire,
09:02absolument fulgurante des talibans, très rapide.
09:05C'est une addition de plusieurs choses.
09:07C'est-à-dire, un, c'est une anticipation et l'anticipation, ça part de l'analyse.
09:12Moi, j'ai beaucoup analysé avec mon équipe, donc avec mon attaché de défense,
09:16avec mon attaché de police, avec mon poste, mon équipe de la DG,
09:19comment les choses s'imbriquaient,
09:22combien de temps l'armée afghane pouvait résister sans le soutien de l'OTAN, etc.
09:27Et notre conclusion, ça a été qu'à partir du moment où l'armée afghane
09:33devait combattre seule, sans le soutien de l'OTAN et le soutien notamment américain,
09:38elle ne tiendrait pas longtemps.
09:40Ça, c'était la première chose.
09:41La deuxième, c'est aussi, je pense, une bonne compréhension de la vie politique américaine.
09:46C'est-à-dire que le reste de la communauté internationale et les Afghans
09:51pensaient qu'on est en fin du mandat Trump, à l'approche de la présidentielle.
09:58Et tout le monde se dit, Trump va perdre et Biden va être élu.
10:02Et avec Biden, ce sera « back to normal », le retour à une situation habituelle.
10:07J'étais persuadé du contraire.
10:08D'abord, parce que Trump n'était pas battu d'avance.
10:11Et ensuite, parce que Biden avait lui aussi sa position très claire sur l'Afghanistan
10:16et sur la nécessité de mettre absolument un terme à l'engagement américain en Afghanistan.
10:20Et donc, ça a été...
10:22Et puis après, vous avez des biais cognitifs, en réalité,
10:26de la part de ceux qui sont dans cette situation-là.
10:28C'est-à-dire que quand on est diplomate, on passe beaucoup de temps à se concerter
10:34avec les autres, évaluer, échanger des informations pour arriver à la meilleure position.
10:39Et en fait, il y a des mécanismes cognitifs qui font que quand vous arrivez,
10:45vous faites votre analyse, vous arrivez à un scénario A, une hypothèse A.
10:49Si tous les autres arrivent à une hypothèse B,
10:52eh bien, vous êtes tentés de penser qu'ils ont raison.
10:55Et deuxièmement, il y a aussi un autre scénario qui consiste à faire en sorte
11:01qu'il vous pousse à vous ranger à l'opinion majoritaire,
11:06même si vous pensez que vous avez raison,
11:07parce que vous avez un risque en réputation si vous êtes seul à vous tromper.
11:12Et au fond, vous préférez vous tromper en équipe plutôt que vous vous tromper seul.
11:15– Tromper seul.
11:16En revanche, vous avez aussi anticipé sur l'attentat qui a eu lieu à l'endroit même
11:20où les Français...
11:21Fallait, pardon, les...
11:23– Absolument.
11:23– Je vais dire les otages.
11:24Où les...
11:25– L'équipe française allait évacuer les Afghans.
11:27– L'équipe française allait évacuer les Afghans.
11:29Et vous décidez, à ce moment-là, d'arrêter toutes les évacuations.
11:33Et le lendemain, c'est l'attentat sur l'aéroport de Kaboul.
11:35– Absolument.
11:36Ça, pour le coup, c'était une décision de mon ressort.
11:38Je n'ai pas demandé l'avis de Paris.
11:40Je m'y suis tenu et heureusement que je m'y suis tenu
11:42parce qu'effectivement, j'aurais eu des membres de mon équipe au tapis.
11:48– On se retrouve dans un instant avec vous, David Martineau,
11:50ancien ambassadeur de France en Afghanistan entre 2018 et 2021.
11:54Ne manquez pas ce soir, Kaboul, chaos, ou la menace des talibans.
11:59C'est disponible également sur My Canal.
12:00À tout de suite.
12:02– Sud Radio, le supplément Média.
12:05– Le supplément Média avec David Martineau,
12:07ancien ambassadeur de France en Afghanistan entre 2018 et 2021.
12:12Vous êtes aujourd'hui ambassadeur de France en Afrique du Sud.
12:15C'est un peu plus tranquille ?
12:16– C'est beaucoup plus tranquille, mais c'est quand même le pays en paix
12:20où il y a le plus grand nombre d'homicides par jour et par habitant.
12:24– Est-ce que vous avez eu l'occasion de retourner à Kaboul ?
12:27– Non, ce n'est pas possible.
12:28– C'est impossible ?
12:29– Ce n'est pas possible.
12:30– Et vous en avez une envie ou pas ?
12:33– Je n'ai pas envie de connaître l'Afghanistan des talibans.
12:37J'espère qu'un jour cette phase sera terminée,
12:40mais personne ne sait quand ça peut arriver.
12:43Ce jour-là, oui, j'aimerais emmener ma femme et mes enfants en Afghanistan.
12:46– Alors ce soir, Kaboul, chaos, ou la menace des talibans,
12:49sur Canal plus doc, également disponible sur My Canal.
12:52C'est vraiment un document très très fort,
12:54un document qui vous emporte, qui vous emmène.
12:57C'est cette journée du 15 août 2021 à Kaboul.
13:00Journée où l'Afghanistan tombe, où Kaboul tombe aux mains des talibans,
13:05avec des images inédites de l'intérieur de l'ambassade de France
13:09et puis de cette évacuation absolument hallucinante
13:14qui a eu lieu de ces ressortissants,
13:16enfin de ces Afghans qui ont voulu partir avec certains généraux.
13:21Là aussi, vous avez fait prendre des risques à ce qu'on voit.
13:24Enfin, on ne va pas tout raconter, mais il y a des décisions que vous avez…
13:28Là, je me suis posé la question,
13:29vous ne m'avez pas dit très clairement le fait qu'il y ait un général
13:31qui soit caché dans le coffre d'un bus, vous le saviez ?
13:34– C'est l'équipe sur place qui a pris cette initiative
13:36et ils ont raison de la prendre, même si c'était un grand risque.
13:38– C'était un grand risque, parce que s'il se faisait arrêter, fouiller…
13:42– Il n'y avait pas que lui qui y passait.
13:43– Non, il n'y avait pas que lui qui y passait.
13:44Ce qu'on voit d'une dizaine de minibus, c'est ça,
13:47qui est arrêté à un moment et là on vous voit,
13:50on vous entend commenter cette image du point rouge que vous suiviez.
13:55Vous ne savez pas ce qui se passe.
13:57– Les bus sont arrêtés ?
13:59– Oui, on ne sait pas ce qu'il se passe parce qu'on n'a plus de communication.
14:02Alors, les voitures avaient été…
14:05– Pucées ?
14:06– Il y avait des pucées par le RAID avant la chute.
14:11Et donc, j'avais avec moi le commandant du détachement
14:17du commando parachutiste de l'air numéro 10,
14:20donc du commandement des opérations spéciales,
14:22qui avait ce qu'il fallait comme équipement
14:25pour qu'on puisse suivre le trajet du cortège.
14:29Et donc, à certains moments, on voyait que le cortège était arrêté
14:33et que ça ne reprenait pas.
14:35Et que pour le coup, le premier arrêt, c'était 300 mètres après le départ
14:38et ça a duré 45 minutes.
14:40– Valérie, M. l'ambassadeur, je vous propose d'écouter quand même
14:42la bande-annonce pour donner une idée à nos auditeurs
14:45de ce qu'ils peuvent voir ce soir.
14:47Je suis à l'ambassade, je reçois un appel de l'OTAN.
14:52Il me dit « part, maintenant ».
14:56À ce moment-là, tout s'enchaîne.
15:01C'est l'enfer à l'aéroport, les attentats sont très fréquents.
15:06– Tout le monde était terrorisé.
15:08– Et nous avons toujours 300 personnes bloquées à l'ambassade de France.
15:11Je ne sais pas comment on va faire pour sortir tout le monde.
15:14– C'était la fin du monde, en fait.
15:15– Et donc, il faut absolument trouver une solution.
15:17– On doit traiter avec eux, on est obligés d'aller les voir.
15:21– L'ambassade avait affrété des bus pour évacuer les gens vers l'aéroport.
15:27– Allez, vite, vite, vite, vite !
15:29– David Martinon sera le dernier ambassadeur étranger à quitter Kaboul.
15:33Création documentaire, « Kaboul K.O. » sur Canal+.doc, disponible avec Canal+.
15:38– Pour négocier tout ça, on a de l'argent liquide sur soi,
15:41on n'a pas une carte bleue, j'imagine, on ne fait pas un sans-contact
15:44avec les talibans pour passer les choses.
15:47Est-ce qu'il y a des choses qui se moneillent ?
15:50– Non, on ne moneille rien, en tout cas pas en argent.
15:54En revanche, oui, il a fallu faire une concession.
15:57– Laquelle ?
15:57– Il a fallu faire une concession.
16:00On s'est rendu compte que le taliban qui dirigeait le checkpoint
16:05qui était juste en face de l'ambassade, en fait, c'était un opportuniste
16:11et il avait très envie qu'on l'emmène.
16:13– Avec sa famille.
16:13– Avec sa famille, avec ses enfants.
16:15– Et vous l'avez fait ?
16:16– Oui.
16:16– Et on a dû le faire.
16:17– Oui, vous avez dû le faire.
16:18– C'était le meilleur choix, parce que sans lui, il n'y avait pas de bus
16:21et sans lui, les 300 personnes restaient à l'ambassade.
16:23– Et puis, il y a aussi un personnage important qui est Wally qui est un afghan.
16:30– Franco-afghan.
16:30– Franco-afghan qui était ce jour-là en vacances en Afghanistan
16:35et qui se retrouve à devenir le négociateur.
16:38Et on voit qu'il y a tellement d'humains dans ces négociations
16:42que ça tient à un fil, en fait, les discussions qu'il mène
16:46et en particulier sur l'arrêt des bus, mais lui, au départ,
16:51est celui qui négocie la possibilité d'organiser ce qu'on voit
16:55et l'évacuation des Afghans qui veulent partir.
16:58– Alors, juste une petite précision, parce que vous dites à juste titre
17:00qu'il était venu en vacances, ça paraît bizarre quand même
17:03de passer ses vacances d'été en Afghanistan,
17:06mais il faut comprendre que pour les franco-afghans
17:09ou les Français d'origine afghane, il y avait chez eux une précience
17:13que la République allait tomber et donc, en fait,
17:16il voulait voir une dernière fois la famille
17:18parce qu'il ne savait pas du tout quand il pourrait avoir à nouveau un contact.
17:22Donc, c'est ce qui s'est passé avec Wally, il a emmené ses enfants
17:24pour qu'ils voient la famille, les cousins, les parents
17:27et c'est la raison pour laquelle il se retrouve jusqu'au dernier moment,
17:30alors même qu'en effet, on a fait passer des messages
17:32pour dire à tout le monde de partir.
17:34Et oui, Wally a été absolument décisif, il n'a pas été le seul,
17:37mais il a été décisif au sens où, lui, parlant le Dari,
17:41donc la langue persane, il avait cette capacité à négocier.
17:46Et c'était d'autant plus difficile pour lui qu'une partie de sa famille
17:50a été tuée par les talibans, lui-même avait été torturé par les talibans
17:55du temps de la première saison, si je puis dire, 96-2001.
17:59Vous pensez qu'il y aura une troisième saison, entre guillemets,
18:02c'est-à-dire que ce pays peut s'en sortir,
18:05un pays, on le voit aussi dans le documentaire,
18:08corrompu, au-delà de ce qu'il est possible d'imaginer,
18:12mais est-ce que les talibans sont là, installés,
18:14on voit la terreur qu'ils font régner aujourd'hui,
18:16l'état dans lequel sont réduits les femmes ?
18:20Alors, ça c'est la première chose, c'est que les talibans ont une capacité
18:24à se faire craindre, qui est extrême,
18:28et donc ils contrôlent très très bien le pays.
18:31Ils arrivent à imposer aux femmes une situation,
18:34en réalité, on a parlé d'apartheid, mais ce n'est pas un apartheid,
18:38parce que ce n'est pas à ça les prémices de l'apartheid,
18:40c'est de l'esclavage, en fait c'est un esclavage domestique,
18:43les femmes n'ont aucun droit dans l'espace public,
18:46elles sont des ventres, pardon pour cette expression terrible,
18:50et elles sont des esclaves domestiques.
18:54Je pense néanmoins, et ça m'attriste, mais je pense que ça va durer,
18:58encore une fois, parce que les talibans contrôlent très bien le pays,
19:01à l'exception d'une forme d'opposition,
19:03qui est l'état islamique au Khorasan,
19:06c'est-à-dire la branche afghane de Daesh,
19:08qui est ce groupe terroriste qui est encore pire que les talibans,
19:11et qui a perpétré l'attentat de Moscou.
19:15Il y a une opposition qui tente une insurrection armée,
19:20qui est encore à l'étranger, et qui a du mal.
19:23Ça viendra, parce que c'est l'histoire de l'Afghanistan,
19:26ce sont des cycles d'insurrection civile et militaire,
19:30et donc les talibans, quand on est trop interne,
19:32mais quand, je ne suis pas capable de le dire.
19:34– En 18 ans, 1 500 milliards de dollars pour instaurer la paix, immense gâchis.
19:40– Immense gâchis, donc c'est notre échec,
19:43mais personne ne peut critiquer l'effort qu'a fait la communauté internationale,
19:48et en réalité l'Ouest, en termes de trésors et en termes de sang versé.
19:54Il y a quand même 90 soldats français qui sont morts en Afghanistan.
19:59Donc c'est notre échec, mais c'est quand même l'échec des élites afghanes,
20:05et d'une certaine manière du peuple afghan.
20:07Et je ne souhaite à personne,
20:09mais personne ne peut prendre leur destin en main à leur place,
20:13c'est à eux de prendre leur destin.
20:14– Il y a quelques jours, Donald Trump est désormais président des États-Unis,
20:19il était donc président au moment de ce chaos à Kaboul.
20:24Quelle image vous en avez ?
20:26– Alors, merci de cette question parce qu'elle permet de clarifier les choses.
20:32Le président Trump est celui qui envoie un négociateur
20:38pour mettre un terme à l'engagement américain en Afghanistan.
20:42Et en réalité, cette paix n'en est pas une, elle n'est pas bien négociée,
20:48et très rapidement, notamment pour ma part,
20:51comme on a un très bon service de renseignement, la DGSE,
20:56il se trouve que j'ai la trame de l'accord qui sera signé le 29 février 2020 à Doha,
21:04entre les Américains et les talibans,
21:05et je sais que ce n'est pas un accord de paix,
21:07c'est un accord de retrait en sécurité.
21:10Il n'y a pas de garantie pour les républicains à Aban,
21:12il n'y a pas de garantie de maintien des institutions démocratiques,
21:16c'est un très mauvais accord.
21:17C'est l'accord voulu par Trump.
21:19En fait, Trump se fiche de l'accord,
21:22ce qu'il veut c'est ramener les troupes à la maison.
21:25Et donc quand Biden est élu, il continue à réduire les troupes,
21:29pardon, Trump continue à réduire les troupes,
21:32et en réalité, au moment où le président Biden est investi,
21:34donc le 20 janvier 2021, exactement il y a 4 ans,
21:40il n'a plus de marge de manœuvre.
21:43Parce qu'il y a un accord signé,
21:45qui prévoit un retrait de toutes les troupes au 1er mai 2021,
21:49c'est très difficile de remonter en effectif,
21:51notamment parce que les talibans veulent que l'accord soit appliqué.
21:56Donc s'il n'était pas appliqué,
21:58probablement qu'ils auraient repris les attaques terroristes contre nous.
22:02Donc en fait, le sort, les dés étaient déjà jetés.
22:07La marge de manœuvre de Biden était extrêmement faible.
22:09Ce n'est pas pour ça que la fin a été glorieuse,
22:12la chute de Kaboul, elle est terrifiante.
22:15Mais en réalité, c'est vraiment l'accord voulu par Trump.
22:19– Quand on est dans l'avion, on pense à quoi ?
22:21Une fois qu'on a vécu tout ce qu'on peut voir ce soir sur Canal+,
22:25quand on est dans l'avion, on souffle et on fait quoi ?
22:30– Alors quand on monte dans l'avion, donc le 27,
22:33à 3 jours de la fin d'exercice,
22:37et le moment où, en fait, le 27, les Américains commencent
22:40ce qu'on appelle la descente logistique,
22:41c'est-à-dire qu'ils se replient militairement
22:44pour monter dans l'avion avant le 31 août.
22:48En fait, on n'est ni triste ni joyeux, on est juste soulagé.
22:52Parce qu'en fait, l'impression que ça nous donne,
22:55c'est que du dimanche 15 août, 6 heures du matin jusqu'au 27,
23:01au moment où on monte dans l'avion,
23:04c'est comme si on n'avait eu qu'une seule journée.
23:06Ça fait 12 jours, 13 minutes, mais en fait, c'est une seule journée
23:09et donc on est tous épuisés.
23:12On est soulagés parce qu'on rentre tous à la maison
23:15et quelques heures avant, il y a eu cet attentat qui fait 200 morts.
23:19On a la chance de tous remonter dans l'avion.
23:22Donc en fait, je crois qu'on est juste soulagés.
23:25On ne peut pas dormir parce que tout ça a un effet amphétaminique,
23:30mais c'est notre état d'esprit.
23:32– Soulagés de partir parce qu'on le vit,
23:34on vit vraiment cette intensité, cette menace permanente qui est là.
23:39Il y a une autre jeune femme que je voudrais citer,
23:40Sonia Ghesali, qui est la correspondante de France 24,
23:44qui était aussi au cœur de l'ambassade,
23:46qui a fait partie de l'évacuation, qui témoigne et qui est assez formidable.
23:50Et puis votre premier conseiller, Thierry Guibert,
23:55qui était assez jeune, il paraît jeune en tout cas.
23:59– Il avait 39 ans.
24:02– Ah oui, il paraît plus jeune.
24:03Qu'est-ce qui lui est devenu ?
24:05– Alors, il est parti en poste à Berlin
24:08et maintenant il est sous-directeur au ministère des Affaires étrangères.
24:11– Et j'imagine que ça crée des liens quand on vit des situations comme celles-là.
24:14– Pour toute cette équipe, on sait très bien que maintenant c'est à la vie, à la mort.
24:17– Vous en avez en Afrique du Sud qui sont dans votre cabinet ?
24:20– Non, non, non, mais vraiment avec les policiers,
24:24avec les militaires, avec les diplomates, les liens sont très forts.
24:28On a fait une projection au Red, par exemple,
24:30on a fait une projection au Red de la semaine dernière du documentaire.
24:34– Merci David Martineau d'être venu.
24:36Merci monsieur l'ambassadeur, excellence.
24:38Vous retournez en Afrique du Sud et vraiment ce soir, ne manquez pas
24:41Kaboul, chaos, sous la menace des talibans.
24:44Allez voir le replay sur MyCanal.
24:46Ce sont des images à la fois bouleversantes, émouvantes et terrifiantes.
24:52Merci à vous.
24:52– Et puis on pourrait dire qu'il faudrait que Canal le diffuse aussi, en prime.
24:57– Ah oui, ça mériterait d'être diffusé en prime, absolument.
24:59– Plutôt que Canal plus Doc, c'est vrai que bon.
25:02– Mais tout le monde n'a pas Canal plus Doc.
25:03– Non, c'est bien d'avoir un réflexe.
25:05– Appel aux dirigeants de Canal, diffusez-le sur Canal plus.
25:08C'est un document remarquable, je peux vous dire qu'on en voit
25:10des documentaires, mais celui-ci est particulièrement fort.
25:14Merci à vous.

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