Guerre en Ukraine : "Maintenant, c’est le choc de deux civilisations, organisé par la Russie qui considère que c’est un combat contre l’OTAN et contre les valeurs européennes" analyse Christian Cambon, sénateur (LR) du Val-de-Marne, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
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00:00 [Musique]
00:03 – Je viens de les faire rire.
00:05 – Et notre invité politique ce matin, c'est Christian Cambon.
00:07 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:09 Sénateur, Les Républicains du Val-de-Marne,
00:11 Président de la Commission des Affaires étrangères,
00:13 de la Défense et des Forces armées du Sénat.
00:15 On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview
00:17 en partenariat avec la presse régionale,
00:18 représentée par Julien Lécuyer de La Voix du Nord.
00:21 Bonjour Julien. – Bonjour Yann.
00:22 Bonjour Monsieur Cambon. – Bonjour.
00:23 – On va évidemment parler de l'Ukraine.
00:24 Pour commencer avec vous Christian Cambon, le Président de la Rada ukrainienne,
00:27 était au Sénat hier, 20 ans qu'un Président de Parlement étranger
00:30 ne s'était pas exprimé dans l'hémicycle du Sénat.
00:33 C'est ce qu'a rappelé Gérard Larcher.
00:35 Il y avait besoin de ressouder les liens entre l'Ukraine et la France,
00:38 c'est ça aussi le symbole de cette visite ?
00:41 – Il y avait plusieurs symboles me semble-t-il.
00:42 Il y avait le fait que le Président de la Rada était reçu
00:46 comme le Président Larcher lui-même a été reçu à la Rada
00:48 lorsqu'il est parti à Kiev.
00:51 Et il avait eu aussi ce privilège, en temps de guerre
00:54 et dans des conditions assez terribles,
00:57 de s'exprimer devant les parlementaires ukrainiens.
01:01 Et je pense que c'était assez normal qu'à la faveur de cette visite,
01:05 le Président Stefan Csouk soit entendu par le Sénat.
01:08 Je crois que ça a été un moment très fort.
01:10 – Monsieur Cambon, le Président de la Rada, Roslan Stefan Csouk,
01:13 a évoqué avec des mots assez durs, un conflit, une confrontation civilisationnelle,
01:19 je reprends ces termes, avec la Russie.
01:22 C'est cela, cette guerre, une confrontation civilisationnelle ?
01:25 – Je pense effectivement que nous en sommes arrivés là.
01:30 Si l'on reprend les choses au départ, déjà les revendications de la Russie
01:34 contre l'Ukraine n'étaient pas recevables,
01:37 lorsqu'on prétendait qu'il y avait 44 millions de nazis en Ukraine,
01:41 ça ne tenait pas la route un seul instant.
01:43 Et je crois effectivement maintenant que c'est le choc de deux civilisations
01:48 et singulièrement organisées par la Russie,
01:52 qui considère que c'est déjà un combat contre l'OTAN et contre les valeurs occidentales.
01:58 En vérité, qu'est-ce que M. Poutine reprochait à l'Ukraine ?
02:02 C'est que ce pays se tournait vers l'Europe et voulait vivre
02:05 avec les valeurs européennes que nous connaissons,
02:07 des valeurs de liberté, de démocratie, ça c'est insupportable.
02:10 Parce que si le régime russe se confrontait aux règles démocratiques qui sont les nôtres,
02:16 il y a fort à parier qu'il y aurait beaucoup de changements.
02:18 Et donc je pense que c'est cela qui était insupportable pour la Russie.
02:23 Et donc ce sont ces valeurs qui sont combattues,
02:26 et malheureusement il n'y a pas qu'en Russie.
02:28 Cette confrontation civilisationnelle dont on parle,
02:32 la France doit s'impliquer comment, à quel niveau ?
02:35 Alors on a entendu le président de la Rada réclamer des avions modernes.
02:41 Pour l'instant le président Macron lui répond par un "rien n'est exclu"
02:45 qui est assez évasif à dire vrai. Où doit-on aller ?
02:49 Alors il faut être assez clair sur cette histoire,
02:52 parce qu'une guerre comme ça ce n'est pas un magasin de jouets,
02:55 ce n'est pas l'addition de toute une série de matériel,
02:57 car envoyer des avions c'est très compliqué.
03:01 Il faut des équipes logistiques pour l'entretien,
03:05 c'est le même raisonnement pour les chars.
03:07 En vérité je pense que les Ukrainiens lancent un message plutôt pour acquérir,
03:12 pour avoir des F-16 qui sont en très grand nombre en Europe,
03:15 car le fait d'avoir de petits contingents d'avions très différents
03:19 ne réglerait pas le problème et en poserait beaucoup plus.
03:22 Il faut quand même former un pilote sur Rafale ou un pilote sur Mirage,
03:25 ça ne se forme pas en 8 jours.
03:27 Donc je pense que l'attente des Ukrainiens de ce que nous en savons,
03:32 c'est plutôt sur les dispositifs de défense antiaérienne,
03:35 de défense aérienne qui vise à combattre les missiles
03:38 qui font beaucoup de dégâts, qui tuent beaucoup de personnes civiles.
03:41 Et là je pense que la France peut effectivement prendre des initiatives,
03:44 on en a déjà un dispositif et je pense qu'on peut peut-être aller plus loin.
03:50 Alors maintenant, la décision du président de la République...
03:52 Plus loin, ça veut dire envoyer quoi ?
03:55 Effectivement on peut prendre une décision qui consisterait non pas,
03:59 me semble-t-il, à envoyer des Rafales, mais peut-être des Mirages,
04:02 ou des choses comme ça, mais je ne suis absolument pas persuadé,
04:04 compte tenu des renseignements que j'ai,
04:06 que c'est véritablement ce qui aiderait dans l'immédiat,
04:09 face peut-être à une offensive de printemps de la Russie,
04:13 je ne pense pas que c'est ce qui aiderait.
04:15 En revanche, il faut que la France montre son soutien
04:17 comme elle l'a montré sur l'affaire des chars.
04:19 Si vous regardez les choses, c'est le fait que la France ait décidé
04:23 d'envoyer des chars AMX qui, comme par hasard,
04:26 a déclenché d'autres pays qui tergiversaient, qui étaient plus réticents.
04:32 Alors il faut manifester notre soutien à la mesure et à la hauteur
04:35 de nos capacités, de nos moyens.
04:38 On va, vous l'avez vu, envoyer plusieurs canons César supplémentaires,
04:44 8, qui vont être acquis sur la base du fonds de 200 millions
04:48 qu'on a mis à la disposition de l'Ukraine.
04:49 Donc 30 canons César, c'est beaucoup.
04:52 – Des canons, mais des chars, on en reste là pour l'instant,
04:55 les chars Leclerc, il n'y en aura pas.
04:57 – C'est le même raisonnement si vous voulez, que pour l'aviation.
04:59 Un char Leclerc, pour le servir, c'est 20 personnes tout autour,
05:03 il faut aller très vite, car c'est en ce moment
05:06 que l'Ukraine a besoin de ces matériels.
05:09 Et je pense que les chars Léopard, qui sont en beaucoup plus grand nombre,
05:12 près de 2000 existent en Europe, si l'on prend chaque pays
05:15 qui peut être potentiellement dénonateur,
05:18 je pense qu'il faut être cohérent, si vous voulez.
05:20 Encore une fois, l'addition de différents matériels
05:22 risquerait de poser plus de problèmes que de résoudre les difficultés.
05:25 – Vous dites que ce n'est pas Leclerc qu'on envoie des chars Leclerc.
05:26 – Pas vraiment, je n'en suis pas persuadé.
05:28 – L'Allemagne, la Pologne, les États-Unis sont clairs
05:31 sur leur livraison ou non de chars d'avions,
05:35 ils ont des positions claires.
05:36 La France, elle entretient le flou.
05:37 Julien le rappelait, sur les chars Leclerc, sur les avions,
05:40 Emmanuel Macron dit "rien n'est exclu par principe".
05:42 Est-ce que c'est un problème que la France n'ait pas de message clair ?
05:45 – Je pense que lorsqu'il n'y a pas de position claire,
05:50 ça laisse une impression qui n'est pas très agréable et pas très perceptible.
05:57 Je pense par ailleurs qu'il serait quand même temps
06:00 que le Parlement puisse en débattre.
06:02 J'ai vu que des collègues députés demandaient un débat dans ce domaine.
06:06 Là encore… – Vous aussi du coup ?
06:07 – Oui, je respecte tout à fait les décisions du Président de la République.
06:12 Constitutionnellement, il n'est pas en difficulté
06:15 puisque c'est lui le chef des armées,
06:16 donc c'est lui qui prend un certain nombre de décisions.
06:18 Mais je vois que nous sommes à un moment où, dans l'opinion,
06:21 il peut y avoir un peu de flottement.
06:24 – Une inquiétude même de ce qu'en montre.
06:26 – Oui, tout à fait, j'entends qu'effectivement,
06:27 les gens voient cette crise qui ne se termine pas,
06:31 il n'y a pas du tout de négociation qui se noue actuellement.
06:34 Et donc le Parlement est quand même l'interface
06:37 entre le gouvernement et l'opinion publique.
06:40 – Donc vous demandez un débat à quelle échéance ?
06:43 Dès que possible, dans les prochains jours ?
06:45 – Oui, dans les prochains jours,
06:46 ce n'est pas la peine de renvoyer ça dans six mois.
06:48 Je pense que ce serait utile d'avoir…
06:51 Il faut accepter d'avoir cette pratique de débat devant le Parlement.
06:55 Ça permet d'éclairer le sujet et ça permet aux parlementaires
06:58 de mieux comprendre l'action du gouvernement
07:00 et peut-être du gouvernement d'entendre nos propres messages.
07:02 – Comment vous l'expliquez ce flou ?
07:03 Parce que par exemple, sur les Charles-Claire,
07:04 l'Allemagne a donné sa décision sur les…
07:07 eux, c'est sur les Charles et Hopard, mais sur les…
07:09 – Elle a mis le temps aussi à la donner.
07:11 – Sauf que leur décision, elle date de plus d'une semaine.
07:13 Quand l'Allemagne a parlé, la France a dit
07:16 "on donnera notre décision dans les prochains jours",
07:17 on ne la connaît toujours pas.
07:18 Comment vous expliquez ça ?
07:19 – Parce qu'encore une fois, je pense qu'il y a des contacts
07:22 au plus haut niveau entre l'Ukraine et la France
07:23 pour savoir si le Charles-Claire est véritablement ce qu'il faut.
07:26 – Pertinent.
07:27 – Vraiment pertinent.
07:28 Aussi bien les AMX, ça marche tout…
07:31 c'est très facile pour les manier, on en avait en stock.
07:34 Un Charles-Claire, c'est un outil qui est compliqué,
07:37 qui est sophistiqué, qui nécessite tout autour de lui
07:40 une équipe logistique.
07:42 Or, ce n'est pas nos propres soldats qui vont aller en Ukraine l'entretenir.
07:45 – Et accessoirement, on en a peu en plus.
07:46 – Voilà, merci de le rappeler.
07:48 [Rires]
07:50 – Vous parliez d'éclairer le débat, c'est important ce mot
07:53 parce qu'il existe tout un débat autour de la co-belligérance.
07:57 Est-ce que vous pensez que par la livraison de ces armes,
08:00 les AMX par exemple dont on parlait,
08:03 on entre dans une phase de co-belligérance avec l'Ukraine et la Russie ?
08:07 – Je ne le pense pas, je pense que l'on fournit du matériel.
08:11 Si l'Ukraine avait du reste, les ressources nécessaires,
08:14 ils auraient pu l'acheter, c'est ce qu'on appelle le commerce des armes,
08:17 c'est les industries de défense qui répondent.
08:19 Pour l'instant, je ne considère pas…
08:21 Pour moi le critère c'est la présence de soldats, d'hommes sur le territoire.
08:25 Il n'y en a pas, du reste ça nous a jamais été reproché par la Russie.
08:30 Donc on fournit des armes, ils auraient pu les acheter,
08:32 il se trouve qu'on les fournit parce qu'on considère
08:34 que l'Ukraine a fait l'objet d'une agression.
08:37 Il faut quand même rappeler ce principe parce que de temps à autre
08:40 on finit par parler de la guerre entre la Russie et l'Ukraine.
08:43 Non, c'est l'agression de la Russie contre l'Ukraine qui était un pays souverain.
08:47 – Par exemple sur la diplomatie russe, puisque vous parlez de l'escalade
08:50 et Julien posait la question là-dessus, la diplomatie russière a dit juger absurde
08:54 qu'Emmanuel Macron puisse dire que les livraisons d'armes
08:56 ne constituent pas une escalade.
08:57 Qu'est-ce que vous en pensez ?
08:59 Est-ce que vous craignez la réaction de la Russie ?
09:01 – Écoutez, à chaque fois on craint la réaction de la Russie
09:04 et puis il ne se passe pas grand-chose.
09:05 Donc personnellement je pense que ça fait partie des échanges verbaux habituels
09:12 dans ces temps de très grande tension.
09:14 C'est vrai que la violence avec laquelle la Russie fait porter ses attaques
09:20 contre l'Ukraine nécessite que l'on aide l'Ukraine.
09:23 Imaginez que l'Ukraine perd cette guerre, où ça s'arrêtera ?
09:28 On a déjà eu quand même beaucoup d'exemples par le passé d'avancées de la Russie.
09:33 Moi je garde toujours des inquiétudes pour les pays baltes,
09:37 pour la Pologne, pour la Roumanie, pour la Moldavie,
09:39 qui est un pays sans armée et sur lequel il pourrait y avoir une agression russe.
09:44 Donc il faut être solidaire de tous ces pays.
09:46 Je crois qu'il y a un moment où il faut vraiment que l'Occident dise
09:49 "là la ligne rouge ne peut pas être dépassée et si elle est dépassée,
09:53 il faut véritablement que l'on puisse donner les moyens à l'Ukraine d'intervenir".
09:56 – Monsieur, comment vous avez vu le président de la RADA ?
10:01 Est-ce qu'il est très inquiet par rapport à une offensive de printemps ?
10:04 Est-ce qu'on doit la craindre, même au niveau européen ?
10:07 On a l'impression que la vaste offensive risque vraiment d'être marquante.
10:11 – Les renseignements que nous avons laissent à penser
10:14 qu'il y a une concentration de troupes plutôt autour de la Crimée.
10:17 Parce que je pense que la Crimée, y compris dans des négociations futures,
10:21 fera l'objet d'un traitement particulier.
10:23 Et donc c'est plutôt autour de Zaporizhza,
10:25 mais tous les renseignements méritent d'être rassemblés.
10:31 Mais ce n'est peut-être pas la gigantesque offensive de printemps
10:37 avec 500 000 hommes que l'on craint.
10:39 Ce que l'on sait, c'est que la Russie se prépare évidemment
10:41 à vouloir frapper un grand coup dès que la saison d'hiver va passer.
10:46 – Mais est-ce que ces demandes répétées de la part de l'Ukraine d'armes
10:48 montrent que l'Ukraine est en mauvaise posture sur le plan militaire ?
10:52 – Disons que pour l'instant, la phase dans laquelle l'Ukraine
10:55 remportait des victoires très symboliques et très fortes
10:59 et pendant tout le temps où nous avons compris
11:02 que l'armée russe n'était pas aussi puissante qu'elle était,
11:04 cette phase s'est plutôt stabilisée, on est dans une guerre de position,
11:08 on voit autour de villages, Bakhmout, etc.,
11:11 des combats d'une extrême violence qui conduisent
11:14 à la destruction de villes et de villages.
11:16 On voit que la Russie est capable d'utiliser tous les moyens,
11:20 alors que c'était quand même une puissance,
11:22 membre du conseil de sécurité qui avait adhéré
11:24 à des grandes chartes internationales.
11:26 Et on voit que malheureusement, les méthodes qui sont utilisées
11:30 sont des méthodes terribles.
11:32 – Peut-être dernière question sur ce sujet de l'Ukraine,
11:35 le président de la RADA a demandé d'autres sanctions internationales
11:40 vis-à-vis de la Russie, notamment l'exclusion
11:44 de toute compétition internationale.
11:45 Est-ce que vous aussi, vous militez pour que la Russie
11:48 soit exclue des JO 2024 ?
11:51 – Je pense qu'il y a une certaine logique, en tous les cas,
11:54 à ce que la question soit posée.
11:56 Vous verrez du reste, je reviens un instant
11:59 sur la première partie de votre question,
12:00 vous allez voir que la semaine prochaine,
12:03 nous allons délibérer d'une résolution sur l'Ukraine
12:05 et que dans cette résolution, il y a une partie très importante
12:08 qui demande qu'à la suite de ce conflit, il y ait une justice.
12:11 Car on ne peut pas, sous prétexte qu'il y aura un jour négociation,
12:15 dire "écoutez, on oublie tout, finalement c'était pas si grave".
12:18 Et je pense qu'il faudra que celles et ceux,
12:20 ceux notamment qui ont créé cette crise absolument effroyable,
12:26 puissent en répondre devant la justice internationale.
12:30 Alors après, tout autour de cela…
12:31 – Mais vous pensez qu'un jour Vladimir Poutine
12:33 sera jugé devant un tribunal international ?
12:35 – Écoutez, je pense qu'il faut le souhaiter,
12:37 parce que si on continue comme ça,
12:41 on va retomber dans le monde d'avant 1914,
12:44 c'est-à-dire celui où les grandes puissances
12:46 utilisaient la force et la violence
12:48 pour s'accaparer des pays voisins.
12:51 On a eu quand même des expériences
12:52 et la France est bien placée pour en parler.
12:54 Et donc je crois qu'il y a un moment où il faut,
12:56 si on veut revenir à un monde un peu plus pacifique,
12:59 où le multilatéralisme revient,
13:01 je crois qu'il y a un moment où il faut dire "stop".
13:02 Et pour dire "stop", il y a des sanctions.
13:04 Un dirigeant ne peut pas…
13:06 Vous savez, le problème de la Russie,
13:07 c'est que son système constitutionnel fait que
13:11 M. Poutine est seul, il n'a aucune limite,
13:14 il peut décider ce qu'il veut du jour au lendemain.
13:17 Ce n'est plus tout à fait comme ça que
13:18 les relations internationales doivent s'organiser.
13:22 Et donc ceux-là même qui utilisent des comportements criminels
13:25 doivent le jour, un jour, en référer,
13:28 en répondre devant des instances internationales.
13:30 Il y a pour ça soit des tribunaux spéciaux,
13:32 soit la Cour internationale.
13:34 Il y a beaucoup de choses.
13:35 Il y a d'autres dirigeants qui ont dû en répondre précédemment.
13:37 – On va parler d'une autre région du monde,
13:39 on parle du Burkina Faso,
13:40 puisque le Burkina Faso a dénoncé les accords de 2018
13:43 sur le statut des forces françaises présentes dans le pays.
13:45 La France va donc retirer ses troupes dans les prochains jours.
13:48 Comment vous expliquez ce rejet des troupes françaises dans cette région ?
13:52 – Je pense qu'il y a eu une incompréhension peut-être
13:58 de la part des autorités burkinabées.
14:00 Et il y a une très forte pression là aussi de la Russie
14:03 par l'intermédiaire des ministres Wagner qui sont aux commandes.
14:06 – Vous dites que la Russie est en train de prendre la main sur le Sahel ?
14:09 – Bien sûr, on le sait depuis le Mali.
14:12 Et maintenant, les pays voisins, certains pays voisins,
14:18 qui ont peut-être à leur tête des dirigeants
14:21 qui restent un peu sous influence de la Russie,
14:26 prennent ces décisions.
14:27 C'est effectivement tout à fait dommageable
14:29 quand on sait ce que l'on a pu faire pour ces pays.
14:32 – Les soldats français sont morts quand même pour défendre le Sahel.
14:35 – Bien sûr, bien sûr.
14:36 Et cette force d'action spéciale qui était stationnée au Burkina
14:42 visait plutôt du reste à assurer la paix,
14:45 car sans paix il n'y a pas de développement.
14:47 Donc je crois qu'elle n'était pas du tout
14:49 dans un rôle d'influence sur les dirigeants.
14:54 Elle était là au contraire pour aider dans ce continent très instable
14:57 à maintenir la stabilité et la paix.
15:00 – C'est un formidable échec pour la France.
15:04 – C'est un échec, disons-le.
15:05 Bien sûr que c'est un échec.
15:06 Et je pense que là aussi, il va falloir qu'on procède au fond
15:11 à une réflexion sur le rôle de la France en Afrique.
15:15 – Comment vous expliquez-vous cet échec ?
15:17 – Il y a peut-être un certain…
15:19 Je pense personnellement que dans l'affaire du Mali,
15:22 nous sommes peut-être restés trop longtemps.
15:24 Vous savez, il y avait un général qui était venu
15:25 devant la commission des affaires étrangères et qui avait dit
15:28 "les opérations extérieures c'est comme les autoroutes,
15:30 tout le problème est de savoir quelle sortie vous devez prendre".
15:33 Et donc c'est un tout petit peu ça et je pense qu'au bout de…
15:35 – Donc c'est un problème politique parce que la sortie
15:37 n'a pas su être gérée par les présidents de la République ?
15:39 – Mais si vous voulez, c'est un phénomène qu'on a connu
15:42 de tout temps et dans de nombreux pays.
15:43 Vous arrivez comme des libérateurs, vous partez comme des occupants
15:46 parce qu'au bout d'huit ans, quelle image finalement donnait-on
15:50 dans les villages que l'on libérait ?
15:52 On voyait des soldats français un peu comme Robocop qui patrouillaient.
15:56 Et on n'a peut-être pas su, me semble-t-il,
15:59 ajouter à cela le volet développement.
16:01 C'est-à-dire que, si tôt que les villages et les régions étaient pacifiés,
16:05 il eût fallu aider à rouvrir les écoles, à rouvrir les centres de santé,
16:09 à faciliter la vie sur place.
16:12 Et donc, comme tout ceci n'a peut-être pas été fait
16:15 comme nous aurions pu le faire,
16:17 eh bien je pense que le radicalisme est venu par-dessus
16:20 et apporte une autre solution.
16:24 Et malheureusement, ces dirigeants se laissent emporter
16:27 par les mirages d'Émilie Wagner et je pense qu'il y aura
16:31 beaucoup de difficultés par la suite.
16:34 – Monsieur Gormand, il y a une autre région qui attire les feux médiatiques,
16:38 c'est l'Arménie.
16:39 Il y a une tribune qui a été publiée mardi dans "Le Monde",
16:42 un collectif de plus de 160 universitaires et experts,
16:45 membres de la société savante arménienne,
16:47 qui dénonce, je cite, "un prélude de génocide dans le Haut-Karabakh".
16:51 Ils appellent à une intervention humanitaire de la communauté internationale
16:54 avant qu'il ne soit trop tard.
16:55 Est-ce que la situation vous inquiète ?
16:57 – Alors, la situation est très inquiétante.
17:01 J'ai eu l'occasion, il y a 36 heures,
17:03 de recevoir la nouvelle ambassadrice d'Azerbaïdjan à Paris
17:07 et je lui ai dit très clairement, je lui ai rappelé la position de la France,
17:10 qui est une position unanimement partagée,
17:12 à savoir que déjà, il faut lever ce blocus sur le couloir de la Chine,
17:19 qui fait que les Arméniens qui vivent actuellement en Arsac,
17:23 sur le Haut-Karabakh, sont dans une situation humanitaire
17:27 extrêmement préoccupante.
17:29 Et moi, j'ai redit la position de la France,
17:33 à savoir que tant que ce blocus ne serait pas levé,
17:36 il ne pouvait pas y avoir d'évolution,
17:38 car l'Azerbaïdjan se plaint beaucoup de son image en France et en Occident,
17:43 mais à la fois les déclarations du président Aleïef,
17:47 qui étaient quand même assez violentes contre les Arméniens,
17:50 doivent être condamnées.
17:53 Il faut véritablement…
17:55 La solution, elle ne peut intervenir qu'entre ces deux pays.
17:57 Et il y a un troisième acteur qui manque beaucoup,
17:59 ce sont les Russes, je rappelle qu'ils étaient les garants
18:03 de l'accord de cesser le feu.
18:04 Or, les Russes, pour des raisons que l'on vient d'évoquer,
18:06 à savoir que les troupes qu'ils consacraient
18:08 à la pacification de cette partie du monde,
18:12 ils ont des emplois contre les Ukrainiens,
18:14 et donc l'Azerbaïdjan est un petit peu laissé à lui-même,
18:18 et je crois qu'effectivement, la France doit parler haut et fort.
18:21 Nous le faisons.
18:22 Nous avons pris plusieurs résolutions,
18:24 j'ai été rapporteur de l'une d'entre elles,
18:26 et je crois qu'il faut que l'Occident soit très attentif
18:29 à ce qui se passe dans cette partie-là.
18:31 – La France doit parler haut et fort, dites-vous,
18:32 mais est-ce qu'elle doit aller par exemple
18:34 jusqu'à soutenir officiellement la demande de l'Arménie
18:37 d'une action en cours international de justice
18:40 pour prononcer des mesures ordonnant à l'Azerbaïdjan
18:43 de libérer ce couloir ?
18:44 – Je pense que les Nations Unies doivent faire leur travail,
18:48 je pense en revanche que nous devrions faire nous-mêmes,
18:50 c'est pouvoir doter de manière plus efficace l'Arménie
18:53 d'armes défensives, notamment de fournitures de radars, etc.
18:56 pour au moins qu'ils puissent s'organiser.
18:59 Vous savez, c'est un pays qui n'est pas si fort que cela,
19:02 et qu'il faut véritablement soutenir.
19:05 On peut tout à fait, je crois qu'on va commencer à le faire,
19:09 doter ce pays d'un certain nombre d'armes défensives,
19:12 de telle sorte de lui donner les moyens de se défendre
19:15 face à ce qui peut apparaître effectivement comme une agression.
19:18 Vous savez, c'est un sujet très complexe
19:20 qui va chercher ses racines dans l'histoire,
19:22 donc ce ne sont pas des déclarations à l'emporte-pièce
19:24 de tel ou tel dirigeant qui régleront les choses.
19:27 Je pense qu'il faut conduire l'Azerbaïdjan et l'Arménie
19:32 autour de la table des discussions.
19:33 Il y a un acteur qui est par derrière très important,
19:36 et nous ne cessons de le leur dire, c'est la Turquie,
19:38 car la Turquie veut jouer un rôle de puissance régionale dans cette région.
19:44 Il faut lui demander aussi de prendre ses responsabilités
19:46 qui doivent être de conduire ces pays vers la paix
19:49 et non pas vers les tensions perpétuelles.
19:51 – On va passer à l'actualité du Sénat.
19:52 Hier, les sénateurs qui ont voté l'inscription de l'IVG
19:55 dans la Constitution, pourtant la droite, la majorité,
19:59 n'y était pas favorable, et pourtant c'est autour
20:01 d'un amendement du sénateur Les Républicains, Philippe Bas,
20:03 que s'est fait le consensus.
20:04 Pourquoi ce revirement de la droite sénatoriale ?
20:07 – Alors, il faut ramener les choses à leur juste proportion.
20:12 D'abord, d'où vient cette affaire ?
20:14 Cette affaire vient, de manière assez étrange,
20:16 du fait qu'un certain nombre d'États américains
20:18 ont remis en cause le droit à l'avortement.
20:21 En France, je ne sache pas que ce droit ait jamais été remis en cause.
20:26 Il a pu parfois y avoir des médecins qui résistaient,
20:28 c'est un autre sujet.
20:29 Mais le droit en la matière est très clair.
20:34 Moi, je suis de manière fervente, favorable à l'application
20:40 de la loi Veil qui a pu véritablement offrir une avancée
20:45 aux femmes françaises qui étaient en grande difficulté.
20:47 Je ne vois pas, au jour d'aujourd'hui,
20:49 j'ai été maire pendant 28 ans,
20:50 je ne vois pas aujourd'hui les difficultés qu'il y a
20:53 à mettre en œuvre la loi Veil sur le territoire national.
20:57 Alors, fort de ce qui s'est passé aux États-Unis,
21:01 un pays, la France, a voulu montrer qu'on était capable
21:03 d'en faire plus que les autres.
21:05 Et donc, il y a eu cette initiative de Mme Pannot,
21:08 d'un certain nombre de parlementaires de la gauche
21:12 – Et même de Mélanie Vogel qui les a précédés sur ce plateau.
21:16 – Qui les a précédés sur ce plateau,
21:18 pour des raisons politiques tout à fait évidentes,
21:21 c'est tout à fait leur droit.
21:22 Et chaque parlementaire peut prendre ce genre d'initiative.
21:25 Moi, personnellement, je ne considère pas
21:28 que ce droit doit être présent dans la Constitution française
21:32 parce qu'on ouvre une boîte de pandore.
21:34 Vous savez, il y a de nombreux droits qui,
21:36 à partir de ce moment-là, vont remplir la Constitution.
21:38 Ce n'est pas le rôle de la Constitution de garantir.
21:40 – Et vous avez compris la rédaction de Philippe Barre,
21:41 le choix de Philippe Barre de déposer cet amendement ?
21:43 – J'ai compris sans tout à fait comprendre.
21:46 Je comprends que dans l'intention de Philippe Barre,
21:49 il y a le fait de ne pas arrêter la procédure parlementaire
21:52 puisque du fait de ce vote,
21:55 je vais faire un peu de constitutionnel
21:57 à l'espace d'un instant,
21:58 à partir du moment où les textes ne sont pas identiques
22:00 en matière de loi constitutionnelle,
22:02 il faut que la navette ait lieu
22:03 puisque une loi constitutionnelle ne peut être votée
22:05 que dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale
22:08 et par le Sénat.
22:09 En faisant voter un amendement par le Sénat,
22:12 le texte va revenir à l'Assemblée.
22:13 Donc le débat continue.
22:14 Mais ça ne veut pas dire pour autant,
22:16 contrairement à ce qui est dit un petit peu
22:18 dans la presse ici ou là aujourd'hui,
22:20 ça ne veut pas dire que le droit à l'IVG
22:21 est inscrit dans la Constitution
22:23 car il faut que cette navette ait lieu,
22:25 il faut que les deux textes soient votés
22:27 de matière identique par les deux assemblées.
22:29 – Et surtout, il n'y a pas le mot "droit"
22:30 dans l'amendement de Philippe Barre.
22:31 – Et accessoirement, en application de l'article 89
22:34 de la Constitution, il faut que le Président de la République
22:36 déclenche un référendum.
22:38 J'attends de voir.
22:39 – Oui, mais est-ce que tout ce débat-là
22:41 n'illustre pas une forme de division
22:44 au sein de la majorité sénatoriale ?
22:46 Est-ce qu'il n'y a pas un coin qui est mis dans cette…
22:48 – Il a pu y avoir, disons, une différence d'appréciation.
22:50 Vous savez, ça existe dans un groupe d'une telle importance.
22:54 Philippe Barre était très proche de Simone Veil,
22:56 il a été du reste ministre des Affaires sociales.
22:58 Bon, il a peut-être une vision qui est un petit peu différente.
23:01 Moi, personnellement, encore une fois,
23:02 je suis absolument pour que les femmes puissent disposer
23:05 de la liberté de leur corps,
23:06 pour l'application de la loi Veil,
23:08 mais je ne pense pas que ce droit, plus qu'un autre,
23:11 mérite d'être dans la constitution
23:13 parce qu'il n'est pas en danger,
23:14 il n'a jamais été en danger depuis le vote de la loi Veil.
23:17 Et donc, je pense qu'on ouvre là des perspectives
23:20 qui pourraient être dangereuses pour d'autres sujets.
23:23 – Merci Christian Cambon,
23:24 merci beaucoup d'avoir été notre invité.
23:26 On regarde la lune de la Voix du Nord,
23:27 arnaque à la Prime Énergie, ils doivent rembourser 4 500.
23:29 – Oui, pas mal de victimes de cette arnaque.
23:32 – Oui, c'est allé aujourd'hui dans la Voix du Nord.
23:33 Merci Julien Lécuyer, merci Christian Cambon,
23:35 face au Club des Territoires.
23:36 Merci à vous.