• l’année dernière
Lorsqu’on est contraint de changer de pays à cause de l’oppression politique et que l’on arrive dans un pays qui nous impose de vivre caché, il est difficile de se construire sereinement. Fuir à nouveau dans l’espoir d’une vie meilleure implique des sacrifices, Sami en a fait les frais.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (L’UNHCR) estime que le nombre de mineurs non accompagnés est actuellement de 30 millions dans le monde. Séparé de sa famille à son arrivée en France suite à un long périple, il a dû apprendre à survivre seul et s’est confronté à un isolement qui aurait pu s’emparer de lui.

Dans l’attente d’un jour revoir ses proches, Sami a fait de son passé sa force et a su mettre ses compétences au profit de son art, il est venu nous raconter son parcours.

Retrouvez son livre : La Machine à coudre - De l'Afghanistan en guerre aux défilés de haute couture dans toutes les bonnes librairies !

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Amusant
Transcription
00:00 Quand mon père a décidé de quitter l'Iran, j'avais 14 ans.
00:03 Il avait trouvé des passeurs et vraiment, c'était, on va dire, la vie et la mort.
00:07 C'était vraiment la fatigue totale parce que c'était des montagnes,
00:10 il y avait des gens qui tombaient et personne ne savait ce qui les arrivait
00:14 parce que les passeurs demandaient de marcher.
00:16 Ils voulaient que... Ils ramenaient tous ces gens-là pour qu'ils puissent toucher son argent.
00:20 Moi, je suis né en Afghanistan, à Mazar-e-Sharif.
00:23 Et en fait, à l'âge de 5 ans,
00:27 ma famille a décidé de quitter l'Afghanistan pour aller se réfugier en Iran
00:32 parce que mon père était dans une équipe qui était contre les talibans.
00:35 Et par obligation, on était obligés de quitter l'Afghanistan pour aller dans un autre pays.
00:41 Et en fait, mon père a trouvé une maison à louer
00:46 et on s'est installés dans une petite ville et en fait, il fallait qu'on travaille et tout.
00:51 Et mon père, vu qu'on n'avait pas de papiers, on ne pouvait pas sortir,
00:54 on ne pouvait pas faire ce qu'on pouvait.
00:56 Et ça veut dire qu'il fallait travailler clandestinement.
00:58 Il avait acheté des machines à coudre,
01:01 il avait trouvé des ateliers qui nous fournissaient du travail.
01:04 Genre, c'était du travail en chaîne, faire, je ne sais pas, 200-300 pièces par semaine.
01:09 À l'âge de 9 ans, 10 ans, je commençais à apprendre le métier d'être couturier.
01:14 Et après, ça devient plus intéressant aussi parce que tu t'intéresses,
01:18 tu te dis "Ah, j'ai fait une manche, demain, je vais faire une poche".
01:22 Et après, le lendemain, tu essaies de réaliser la tenue en entier
01:26 et ça devient plus excitant, intéressant.
01:28 Mais c'est vrai que parfois, j'étais gamin,
01:30 je faisais parfois aussi des bêtises pour essayer de ne pas travailler.
01:34 Par exemple, ça m'est arrivé que je prenais le ciseau,
01:37 je coupais une cave d'électricité pour essayer de...
01:40 Il n'y a plus d'électricité pour essayer de ne pas travailler un peu.
01:43 Et en fait, c'était des bêtises parce que c'est juste pour ne pas travailler.
01:46 C'était à force de travailler, travailler, travailler.
01:49 Le travail, en plus, c'était de 8h à minuit.
01:52 Ça peut être une heure, ça peut être... Voilà.
01:54 Et en plus, il n'y avait qu'une journée de repos, c'était vendredi.
01:57 Et finalement, la vie, c'était comme ça.
02:00 Il n'y avait pas de vie à part travailler,
02:02 rester à la maison sans rien faire et pas de projet, pas d'avenir.
02:05 À un moment donné, mon père a fait un déclic.
02:07 Il a décidé de dire "On va voyager dans un autre pays
02:12 pour l'avenir de mes enfants, pour nous et tout,
02:15 pour ne pas que vous ayez le même avenir que ma mère et lui".
02:19 Parce que les deux, ils n'ont jamais allé à l'école,
02:21 ils ne savaient pas écrire ni lire.
02:23 Et surtout, ce n'était pas une vie de vivre en cachette.
02:26 Quand mon père a décidé de quitter l'Iran, j'avais 14 ans.
02:29 En fait, on a quitté aussi clandestinement.
02:32 Mon père avait trouvé des passeurs
02:34 et on a fait des chemins en voiture pendant 2h et 2h.
02:37 Et après, on a marché dans les montagnes,
02:41 les descentes pendant 2h et 2h.
02:43 Après, encore des voitures.
02:45 En vrai, c'était un chemin interminable.
02:48 C'était, on va dire, la vie et la mort.
02:50 Le chemin qu'on a fait dans les montagnes, c'était la nuit vraiment noire.
02:53 Mais il y a des gens qui ne pouvaient plus marcher.
02:55 C'était vraiment la fatigue totale.
02:57 Parce que c'était montagne et après, il y avait les descentes.
02:59 Encore, les montagnes, c'est déjà super difficile.
03:02 Mais descendre, parce qu'à force de marcher beaucoup,
03:05 tes pieds, tes jambes ne te tenaient pas.
03:07 Tu descendais, si tu te lâchais, tu te serais roulé.
03:10 Il y a des gens qui tombaient.
03:12 Et personne ne savait ce qui les arrivait
03:14 parce que les passeurs demandaient que tu marches.
03:16 Et en fait, ils voulaient que...
03:19 Ils ramenaient tous ces gens-là pour qu'ils puissent toucher son argent.
03:22 Et celles qui tombaient, elles tombaient.
03:23 En arrivant en Turquie,
03:25 mon père, encore, il fallait qu'il trouve des passeurs.
03:28 Et en fait, c'est là que le passeur,
03:30 il nous a séparés pour venir en France, je pense.
03:33 Moi, il fallait que je parte seul avec lui.
03:36 Ma mère et ma soeur et mon père, une semaine, deux semaines après,
03:40 ils devraient me rejoindre, genre, soit en bateau, soit en avion.
03:43 Après, on a pris plusieurs trains.
03:45 Et après, on est arrivé à la gare de Tours.
03:47 Moi, je ne savais pas que c'était Tours.
03:49 Je ne savais même pas que je suis en France.
03:51 En fait, on est sorti de la gare de Tours.
03:53 Il a resté un peu au téléphone et tout.
03:54 Et à un moment donné, il m'a dit,
03:55 "Attends d'ici, je vais récupérer la voiture.
03:58 Je reviens et on va rentrer."
04:01 Et j'attendais longtemps et il n'est pas venu.
04:02 J'attendais vraiment...
04:05 J'attendais la nuit.
04:06 Et finalement, je me suis dit,
04:08 je pense que c'était un escroc.
04:10 Il a pris l'argent, il est parti.
04:12 Et maintenant, comment je peux avoir des nouvelles de ma famille ?
04:16 Comment ça va se passer ?
04:17 Il y avait la peur parce que tu ne pars pas la langue.
04:20 En vrai, tu ne réfléchis pas trop.
04:21 C'est que tu réfléchis où sont mes parents ?
04:24 Qu'est-ce qui va m'arriver ?
04:25 Qu'est-ce qui va se passer ?
04:26 Et dans tous les cas, je ne pouvais pas continuer à rester dans la rue
04:28 et de revivre en cachette.
04:29 Je n'avais ni le moyen, ni...
04:32 Je ne savais même pas comment je peux gérer le truc.
04:35 Et surtout, tu te trouves dans un pays où c'est complètement différent
04:38 de ce que tu as vécu pendant 14 ans.
04:40 Le lendemain, je suis allé vers le policier, vers le commissariat.
04:45 Et direct, ils m'ont pris en mode dans une cellule.
04:49 Et là, j'ai commencé à pleurer parce que je n'étais pas bien.
04:52 Et j'ai resté quoi ?
04:53 3-4 minutes dans la cellule.
04:54 Je crois qu'en fait, il y avait des caméras, ils ont vu.
04:57 Après, ils m'ont placé dans leur bureau à eux-mêmes.
05:00 Et là, dans leur bureau, je restais au moins 4-5 heures, je crois.
05:03 Après, j'étais placé dans mon foyer.
05:04 Ils m'ont mis direct dans un foyer où il y avait des enfants
05:07 qui avaient des difficultés dans leur famille.
05:09 C'était des Français, des étrangers, un peu tout mélangé.
05:11 Et là, je suis placé là-bas.
05:12 Je suis arrivé au foyer, les éducatrices sont venues me voir.
05:15 Bon, je ne comprenais rien à ce qui se passe.
05:18 Au début, je me suis dit que c'était un prison pour les enfants peut-être
05:21 parce que tu arrives dans un endroit où il y a 2-3 personnes
05:24 et tu ne peux pas sortir à cette heure-ci.
05:26 Ils ne te laissent pas sortir.
05:27 C'est pas de ma chambre, je ne mangeais pas.
05:29 J'étais triste, je pensais à mes parents.
05:32 J'ai demandé, j'ai essayé de communiquer avec les éducateurs,
05:35 ils ne comprenaient pas non plus.
05:36 Et finalement, j'ai compris, je n'ai pas le choix.
05:38 Il faut que je me motive un peu, essayer de comprendre
05:40 parce que sinon, je vais passer ma vie comme ça.
05:42 Et après, ils m'ont emmené un traducteur.
05:44 Et le traducteur, il m'a expliqué un peu la situation.
05:47 Ok, je suis en France, tu es protégé, il n'y a pas de problème, etc.
05:50 Ils vont t'aider.
05:51 Le temps est passé, mais je ne savais pas que je vais voir mes parents
05:55 ou je ne vais pas le voir.
05:56 Au bout de je ne sais pas combien de temps,
05:58 quelques temps, j'ai compris que le passeur, il nous avait fait avoir
06:02 dans le sens que je suis sûr qu'il a pris l'argent.
06:04 Et voilà, il m'a laissé tomber.
06:06 Mes parents, plus de nouvelles, comment je peux avoir des nouvelles ?
06:09 Pour moi, c'était, j'ai dit, peut-être plus jamais
06:13 je ne vais voir ma famille.
06:15 Et ça qui me mettait plus dans une situation triste, pas bien.
06:20 Je faisais des cauchemars tous les soirs.
06:22 Et après, au bout de un an, j'ai été placé dans un troisième foyer.
06:27 Et dans ce troisième foyer, c'était le foyer définitif.
06:30 C'est-à-dire où tu peux rester jusqu'à 23 ans.
06:32 Et en fait, dans ce foyer, un jour, je rentre de collège
06:36 et je voyais que la femme de ménage était en train de coudre un torchon,
06:40 un truc comme ça vite fait.
06:41 Et moi, je m'entendais super bien avec eux.
06:44 Je me dis, je regardais, ça m'a fait rire parce que
06:47 je connaissais très bien la machine à coudre,
06:48 mais c'était une machine à coudre familiale.
06:50 Et ça m'a fait rire, j'ai dit bon, c'est...
06:51 Et j'ai demandé de me laisser faire, si tu veux, de me laisser faire.
06:54 Là, j'ai commencé à coudre, j'étais genre un peu choqué,
06:57 genre mais comment ça se fait et tout ?
06:59 Et après, elle a parlé avec tous les éducateurs et éducatrices
07:01 et ça parlait et tout le monde l'a su.
07:03 Et après, j'ai demandé s'ils pouvaient me prêter la machine
07:05 pour que dans ma chambre, comme ça, je fais des petits trucs pour moi et tout.
07:09 Et je commençais à faire des petits trucs pour moi,
07:12 des t-shirts avec mon nom, prénom, des pantalons avec différents trucs.
07:16 Et avec ça, je portais, je suis allé au collège.
07:19 Et c'est ma prof qui me demandait, mais comment ça se fait ?
07:22 Qui te fait ça et tout ?
07:23 J'ai dit, c'est moi.
07:24 En fait, j'étais inscrit dans un lycée CAP Restauration.
07:29 Et en fait, dernière minute, c'est ma prof principale qui a tout fait
07:34 pour que je puisse rentrer dans un lycée Bac ProMod.
07:36 Il avait préparé un dossier et tout, comme quoi il s'est coudre, etc.
07:38 Finalement, je suis rentré dans un lycée Bac ProMod.
07:41 Et c'est là que ça a commencé la mode, les stages, etc.
07:47 Un jour, je rentre du club de foot, j'allume le ordinateur,
07:50 je prends ma douche, je mange,
07:51 je l'allume le ordinateur pour aller sur Facebook.
07:53 Et là, je reçois un message de quelqu'un.
07:56 Ta mère s'appelle ça, ton père s'appelle ça, ta soeur s'appelle ça et tout.
07:59 Je trouvais ça bizarre.
08:00 Je me disais, c'est bizarre, il n'y a pas de photo, il n'y a rien.
08:03 Avec un numéro de téléphone en dessous.
08:04 Et j'avais un peu peur.
08:07 Et j'appelle ma éducatrice référent en disant,
08:11 j'ai reçu un message comme ça, ça me stresse et tout.
08:13 Et j'appelle ce numéro avec ma famille d'accueil.
08:15 Et là, je tombe sur un monsieur.
08:18 Le monsieur me dit, on est à Orléans, dans le 115,
08:21 c'est les gens qui sont dans la rue qui dorent dans un endroit juste pour la nuit.
08:28 Il dit, ta mère et ta soeur sont là et tout.
08:30 Je trouvais ça super bizarre.
08:33 Je ne le croyais pas en fait.
08:34 Il me donne ma mère, je vois ma mère au téléphone,
08:36 j'étais bouleversé, j'étais choqué.
08:38 Je dis, mais non, ce n'est pas vrai.
08:39 Et en fait, ma mère était choquée aussi.
08:42 Je dis à ma famille d'accueil, on y va.
08:44 C'est là que j'ai retrouvé ma mère et ma soeur.
08:47 On s'est vus.
08:48 C'était vraiment le choc total.
08:50 C'était vraiment le jour le plus heureux.
08:53 Et c'est là qu'il y avait peur de mon père.
08:55 Après, ma mère m'a expliqué tout ce qui s'est passé quand je suis arrivé en France.
08:59 En fait, moi, quand je suis arrivé en France,
09:02 le passeur, il a pris l'argent, il n'avait plus de données de nouvelles.
09:04 Et ma famille cherchait un autre passeur et il se fait rattraper par les polices turques.
09:08 Il se fait renvoyer en Afghanistan, en Iran et l'Iran en Afghanistan.
09:12 Ma famille est complète.
09:13 Et quand il s'est fait renvoyer en Afghanistan,
09:16 mon père est fait arrêter à la frontière de l'Iran et Afghanistan.
09:20 Ma mère et ma soeur, ils laissent parce que c'est deux femmes.
09:22 Et mon père, il se fait arrêter.
09:23 Ma mère et ma soeur, ils vont en Afghanistan.
09:25 Ils restent pendant un an, plus de nouvelles de mon père.
09:27 Et ils décident de quitter l'Afghanistan parce qu'ils savaient que je suis en France.
09:32 C'est parce que le passeur, ils ont payé.
09:34 À l'aide de des amis, ils ont trouvé des passeurs et ils ont décidé de venir en France.
09:38 Ils en restent à Orléans.
09:39 Moi, je suis retourné à Tours.
09:40 Et après, il fallait que je vienne le voir avec ma famille d'accueil assez souvent.
09:43 Mais ils étaient dans 115.
09:45 La journée, il fallait qu'ils sortent dans Orléans et se baladent.
09:48 Mais ils ne connaissent pas, ils ne parlent pas la langue.
09:50 J'avais vécu un peu ça, mais moi, j'étais dans le foyer.
09:52 J'étais très bien accueilli.
09:53 Parfois, moi, je n'avais pas l'argent non plus pour leur amener à manger.
09:57 Et ils n'étaient pas payés non plus.
09:58 Parfois, avec ma famille d'accueil, heureusement que j'avais ma famille d'accueil,
10:01 on faisait des petites courses, on les ramenait.
10:04 Ils mangeaient dans les parcs et tout.
10:06 Et 115, ils dormaient avec tout le monde dans une pièce.
10:09 Il y avait 10 personnes qui dormaient et ils dormaient avec eux.
10:13 Et après, j'ai décidé de... J'ai demandé à mes éducateurs, éducatrices.
10:18 J'ai dit, j'aimerais bien que ma famille me rejoigne.
10:20 Ils me disent, non, ce n'est pas possible.
10:22 En fait, c'est à toi de les rejoindre.
10:24 J'ai dit, mais ça fait un an et demi que je suis ici.
10:26 Je viens d'accepter la école de mode.
10:28 J'ai été au club de foot.
10:30 Je me suis fait des amis.
10:31 Ils m'ont dit, non, c'est la règle en France.
10:33 C'est les mineurs.
10:34 C'est l'enfant qui rejoigne la famille.
10:36 Je suis rentré, j'ai demandé à ma famille d'accueil.
10:38 J'ai dit, comment on peut faire ?
10:40 Est-ce que quelqu'un qui est plus fort en France,
10:43 pour qu'on puisse demander à quelqu'un qui est haut placé pour dire, OK ?
10:46 Il m'a dit, si tu veux écrire au ministre.
10:49 Je dis, pourquoi pas ?
10:51 On a pris un papier, on a écrit à un ministre de la culture.
10:55 C'était Marisol Touraine.
10:56 C'était quelqu'un de tout court, Marisol Touraine.
10:59 Je ne sais pas, en vrai, c'est la famille d'accueil qui m'a expliqué.
11:01 Je lui ai dit, on l'écrit.
11:02 J'ai expliqué que je suis un jeune afghan arrivé à ça.
11:05 Je viens d'accepter dans l'école de mode.
11:07 Je joue au club de foot.
11:09 Ça fait un an et demi que je suis en France.
11:10 Je me suis fait des amis et tout.
11:12 Et le préfet de Tours et de Orléans,
11:14 ils n'acceptent pas que ma famille, ma mère et ma soeur me rejoignent à Tours.
11:17 Une semaine après, je reçois une lettre comme quoi,
11:19 votre dossier est bien envoyé aux préfectures de Orléans
11:22 et votre famille va vous rejoindre.
11:23 Il faut juste qu'on trouve une place.
11:25 Au bout de 4-5 mois,
11:27 en fait, il y avait une place qui s'est libérée dans un foyer à Tours.
11:30 Ils sont venus à Tours et après, je les ai rejoints dans ce foyer-là.
11:33 Et ça a tout changé.
11:34 Je n'étais plus dans le famille d'accueil ni rien.
11:36 Il fallait que je vive avec ma famille.
11:37 Mais j'ai toujours allé voir ma famille d'accueil,
11:41 qui est celle qui m'accueille le week-end et les vacances.
11:43 Et au bout d'un an, après, il fallait faire des stages.
11:47 Moi, j'avais fait 2-3 modèles, 2-3 robes et tout.
11:50 J'ai pris en photo vite fait et j'ai imprimé tout ça.
11:53 J'avais envoyé pour au moins 70 entreprises.
11:57 Et sur 70 entreprises, c'est Galliano qui m'a fait une réponse positive.
12:00 Après, il fallait faire un deuxième stage au lycée.
12:02 C'est le deuxième stage, j'ai postulé chez Jean-Paul Gaultier.
12:05 Et là, j'ai été accepté direct.
12:08 Et chez Gaultier, quand je suis rentré,
12:09 pareil, j'ai essayé de demander de faire des choses.
12:12 Il y a des couturiers qui m'ont demandé de faire des poches vite fait.
12:16 J'ai fait en deux secondes.
12:17 Et le mec était choqué.
12:18 Il a dit "ah ouais".
12:19 Il est allé voir le chef en me disant "mais il sait déjà coudre et tout".
12:22 Après, j'ai fait une robe en entier, en haute couture.
12:26 Et la chef de l'atelier l'a vue.
12:28 Elle était super contente.
12:28 Et j'ai demandé si je peux faire un apprenti de stage.
12:30 Et ils m'ont accepté direct.
12:32 Et j'ai signé un contrat.
12:33 Et j'ai arrêté en deuxième année.
12:36 C'était génial.
12:37 Et en fait, mon premier stage, ça m'a permis de me lancer dans la création et tout.
12:41 Parce que j'ai été invité au défilé des Galliano.
12:43 Dans le back stage, voir le défilé et tout,
12:46 je me suis dit "c'est un autre monde".
12:48 Genre faire des vêtements, le porter.
12:50 Il y a des filles, on le prend soin, mais c'est bizarre.
12:53 Après, il y a les filles qui vont passer devant tout le monde
12:56 dans le salle avec les lumières, les décors et tout.
12:59 À la fin, le créateur arrive, tout le monde applaudit.
13:02 Il n'a même pas cousu des vêtements.
13:04 Je me suis dit "c'est facile, mais pourquoi pas moi ? Je vais le faire".
13:08 Et après, je suis allé au lycée.
13:10 J'ai demandé "est-ce que vous pouvez m'aider à trouver une salle ?
13:13 Je vais faire un défilé".
13:14 C'est là qu'après la presse s'est apparlée.
13:16 Ça s'est pris à une ampleur un peu plus que je pensais.
13:20 J'ai quitté Jean-Paul Gaultier.
13:21 J'ai démissionné.
13:22 J'ai créé une nombre de marques.
13:25 Et quand j'ai commencé à faire mes premières collections,
13:27 le thème, c'était sur l'exode.
13:29 Et en fait, dans mon passé, en Afghanistan, en Iran,
13:33 quand je voyais ma famille, les femmes, comment elles vivaient,
13:40 toutes en noir et tout.
13:41 Et de voir les femmes ici, quand je suis arrivé, toutes les femmes en minijupes.
13:46 Et les signatures que j'ai prises, c'était les barbelés.
13:49 Parce que tous les voyages qu'on a faits, on a passé pas mal de frontières
13:54 et chaque frontière avait des barbelés.
13:56 C'est comme tu traverses dans un pays où t'es pas libre
13:59 et que tu passes dans un pays où t'es libre.
14:01 J'avais cette idée-là et j'ai travaillé beaucoup sur ça
14:05 et je trouvais que ça donnait super bien sur le tissu et j'ai pris ça.
14:09 Mais je parle beaucoup de la liberté de femme dans le tissu, dans les créations,
14:14 dans des trucs vraiment sexy, classe.
14:17 Je suis né dans un pays où les femmes, elles n'ont aucun droit.
14:20 Les femmes, elles prennent leur courage à deux mains
14:22 et maintenant, elles font changer tout, surtout en Iran.
14:25 Même en Afghanistan, maintenant, les femmes, elles ont zéro droit.
14:28 Elles ne pourront même pas prendre leur courage.
14:31 En Iran, encore ça va, ça commence à monter.
14:33 C'est pour ça que je me suis dit, en tant qu'Afghan,
14:36 que d'origine, je suis musulman et que les gens, j'ai le droit de parler.
14:42 En fait, ma mère, elle a 66 ans.
14:45 Et depuis 66 ans, elle a porté la voile.
14:48 Aujourd'hui, s'il n'a pas la voile sur la tête,
14:50 elle pense qu'elle a perdu quelque chose.
14:52 C'est pas par obligation qu'elle le porte.
14:54 Après, c'est son choix, si elle le porte, elle le porte,
14:56 si elle le porte pas, elle le porte pas.
14:57 Ma sœur, elle le porte pas, par exemple.
14:58 C'était juste par rapport à ça.
14:59 Elle est libre de faire ce qu'elle veut.
15:01 Et je fais des créations super sexy.
15:04 J'ai fait défiler des filles, on va dire, nues.
15:07 Ma mère, elle est à tous mes défilés, là.
15:09 Elle me juge pas.
15:09 Elle est là, elle félicite.
15:12 En fait, je trouve, c'est juste qu'on est tous...
15:15 On parle de la liberté en Iran, en Afghanistan,
15:18 les hommes, ils ont le droit de...
15:20 Les femmes, là-bas, c'est un objet, quasi.
15:22 En Afghanistan, c'est un objet, c'est sûr.
15:24 Aujourd'hui, je parle pas d'il y a 2-3 ans avant.
15:28 Aujourd'hui, de pas aller à l'école, de pas faire ça, en fait,
15:31 de te cacher et de te montrer à ton mari.
15:33 Aujourd'hui, j'ai une marque de vêtements.
15:35 J'ai créé une marque de vêtements qui s'appelle Saminori Paris.
15:37 Je fais le prêt-à-porter de luxe et la haute couture.
15:40 J'ai une boutique en ligne qui s'appelle Saminori Paris.
15:43 Mais réécrire un livre, j'aurais jamais pensé.
15:45 Là, j'ai rencontré le directeur éditorial de Robert Laffont.
15:50 Il m'a convaincu d'écrire pour donner un espoir aux jeunes
15:53 de réussir, de courage, etc.
15:55 J'ai dit OK, parce que sinon, c'est vrai que c'est une vie privée.
15:58 Le livre, il est vraiment détaillé.
16:00 C'est toute ma vie.
16:01 Je me suis dit, bon, si c'est positif, pourquoi pas ?
16:05 J'ai pas envie de...
16:06 Finalement, j'ai décidé de co-écrire avec Olivia Karam.
16:10 C'est une femme géniale.
16:11 C'est elle qui l'écrit.
16:12 On a mis un an à écrire et c'est ça.
16:15 Sinon, j'avais pas l'idée.
16:15 Je me suis pas levé le matin pour écrire un livre.
16:17 Vous savez, chaque jour, il y avait une nouvelle porte qui s'ouvrait.
16:22 J'étais médiatisé, j'ai fait le défilé, j'ai fait des rencontres.
16:25 J'ai été invité à gauche, à droite.
16:27 J'ai fait le festival des 15.
16:28 J'étais invité avec l'ancien premier ministre en Chine trois fois.
16:33 C'est ça que je trouvais fou.
16:35 Parce qu'arriver dans un pays, tu parles pas la langue.
16:37 T'as rien et là, tu commences à...
16:39 Les gens, ils s'intéressent.
16:41 Et c'est ça que je trouvais vraiment génial.
16:42 C'était le hasard de belles rencontres.
16:45 En fait, je pense que pour réussir, c'est que tu respectes les gens.
16:49 Être bien.
16:50 Je pense que tout le monde a envie d'être là pour toi.
16:53 Tout le monde a envie de communiquer et tout.
16:55 Après, c'est vrai qu'on est jeune.
16:56 Moi, en vérité, j'ai pas vécu une enfance.
16:59 J'ai pas eu d'enfant.
17:00 J'ai travaillé à l'âge de 8 ans, j'ai pas eu d'enfant.
17:02 Aujourd'hui, je suis dans un pays où je travaille un peu.
17:03 Mais c'est vrai que même si je suis pas riche ou quoi que ce soit,
17:06 je me sens bien.
17:07 Je sais que je suis en sécurité.
17:08 Je fais parfois l'enfant.
17:10 À mon âge maintenant, c'est pas méchant.
17:12 Ça arrive à tout le monde.
17:13 Mon rêve, c'est de faire connaître ma marque dans le monde entier
17:16 et que les gens me connaissent à travers mes créations,
17:18 pas à travers mon histoire.
17:20 Je pense que j'ai un moyen de le faire.
17:22 ♪ ♪ ♪
17:27 [Musique]
17:29 [SILENCE]

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