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Parlons Vrai chez Bourdin avec Richard Fremder, historien, Christophe Rioux, journaliste et écrivain et Louis-Georges Tin, Ancien président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).

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##LA_CONFRONTATION-2023-03-06##

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News
Transcription
00:00 - Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30, Jean-Jacques Bourdin.
00:05 - Nous allons ouvrir le débat autour de la "cancel culture", les déprogrammations, le "wokisme".
00:16 Enfin bon, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, pense qu'il y a danger.
00:22 Elle redoute de voir la France prendre le chemin américain de la censure de livres, de la censure de films ou de tableaux, alors qu'en Amérique du Nord, "offenseur offensé" est devenu "blasphème".
00:35 C'est ce que souligne Michel Guérin, rédacteur en chef au Monde dans une chronique remarquée publiée récemment.
00:43 Une guerre culturelle est-elle engagée ? Nous allons ouvrir le débat.
00:46 Les exemples se multiplient, des textes d'auteurs célèbres sont révisés, des mots changés, des phrases édulcorées pour ne pas heurter telle ou telle sensibilité.
00:54 S'agit-il d'une censure ? Le débat est ouvert avec nos trois invités, par ordre alphabétique, Richard Fremder qui est historien.
01:02 Bonjour Richard. - Bonjour.
01:03 - Merci d'être avec nous. Christophe Rioux, journaliste et écrivain. Bonjour. - Bonjour.
01:07 - Merci d'être là. Et Louis-Georges Thun, ancien président du Conseil représentatif des associations noires de France et professeur S-Lettres. Bonjour.
01:14 - Merci docteur S-Lettres et professeur de Lettres. Merci d'être avec nous, tous les trois.
01:18 Nous avons en ligne aussi notre confrère, Lucas Jakubowicz. Bonjour Lucas.
01:24 - Bonjour, est-ce que vous m'entendez bien ?
01:26 - Mais oui, je vous entends très bien Lucas. - Parfait.
01:28 - Vous êtes rédacteur en chef Décideur Magazine, c'est bien cela.
01:31 Alors vous avez ému, si je puis dire, vous avez ému les réseaux sociaux Lucas, parce que vous avez lancé une...
01:39 Si je dis que c'est une absurdité, vous me dites quoi ? C'est une volontaire, une absurdité volontaire.
01:46 Qu'avez-vous fait sur les réseaux sociaux Lucas ?
01:49 - J'ai fait le pire des crimes apparemment possible sur les réseaux sociaux au règne le premier degré, j'ai fait une blague.
01:55 J'ai fait croire jeudi après-midi que les éditions qui éditaient Astérix et Obélix en anglais allaient remanier tous les albums
02:04 pour cacher les sangliers parce que ça heurtait les protecteurs des animaux et que le terme de "manisme" et d'"obésité" d'Obélix était problématique.
02:14 Voilà, c'était ça la blague. Sachant que c'était une fake news parce que j'avais sourcé la source et j'avais dit que c'était Tullus Dethnitus,
02:20 qui est un personnage de la Zizanie. Voilà.
02:24 - Et que c'était l'éditeur anglais d'Astérix et Obélix. - Et que c'était l'éditeur anglais, oui.
02:29 - L'éditeur anglais qui avait opéré ce gommage en quelque sorte. - Voilà.
02:37 - Et Lucas, donc ça a provoqué immédiatement des quantités de réactions.
02:41 - Voilà, ça s'est fait en plusieurs temps. Alors en fait, le premier lot de réactions, c'était des gens qui étaient...
02:47 qui ont compris que c'était de l'humour, qui ont rigolé. Et ce qui ressortait aussi, et c'est ça le plus préoccupant,
02:53 c'est que les gens avaient intériorisé le fait que c'était possible et que ça risquait tout à fait d'arriver aux États-Unis, en Angleterre et ensuite en France.
03:01 Donc ça, c'est vraiment ce qui m'a le plus frappé, c'est que les gens ont trouvé ça drôle, d'accord, mais aussi possible.
03:08 Pour moi, ça, c'était le plus important. - Oui, et possible de supprimer des scènes de sangliers, où l'on voit des sangliers rôtir,
03:17 des scènes de chasse, symbole de maltraitance animale. - Tout à fait, écoutez, ça s'est fait pour Roald Dahl, c'est en train de se faire pour James Bond.
03:24 - On va en parler. - Moi, j'ai fait cette blague avant tout, en fait, dans un esprit citoyen.
03:29 C'est-à-dire que moi, en tant que citoyen, mais aussi journaliste, ce qui m'horripile en ce moment, c'est effectivement,
03:35 et on en parle beaucoup, la censure des œuvres d'art. Bd, romans, etc. C'est toujours le même, je finis le mot, c'est une minorité d'idéologues,
03:42 qui sont vraiment très, très minoritaires, mais très, très outranciers, qui font la pression sur les acteurs de la culture, sur les musées, sur les éditeurs,
03:50 pour en fait, vers quelque chose qui est totalement hors-relient, au sens propre du terme, c'est changer le passé pour que ce soit conforme au canon du présent.
03:58 Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que ce type de, on va dire, de posture intellectuelle, ça a déjà existé, et ça existe encore,
04:06 dans les régimes totalitaires, par exemple, islamistes, où on cache, par exemple, le corps des femmes, on contrôle les mœurs dans l'art,
04:12 c'est des autodacés nazis aussi, et voilà, ça a vraiment existé, et ça me choque que ça se fasse en France, en Europe, dans l'indifférence générale.
04:21 - Eh bien, vous lancez le débat, hein, vous lancez le débat, mais Lucas Jakubowicz, terminez sur les réactions, donc beaucoup, beaucoup de réactions incroyables sur les réseaux sociaux.
04:29 - Oui, et alors, aussi, le pire, et ça, quand même, c'est vraiment préoccupant, c'est que dans les 20 minutes qui ont suivi le canular, il y a des personnalités intellectuelles,
04:37 publiques, parfois de premier plan, qui l'ont retweeté et qui l'ont pris au pied de la lèvre. Il y a des députés du Rassemblement National,
04:43 il y a des responsables de LR, beaucoup de gens de Schreyer aux conquêtes, mais aussi des gens du PS, des intellectuels, des membres de Think Tank,
04:50 il y a même des journaux qui ont commencé à écrire des brèves sur le sujet, sans prendre la peine de vérifier si c'est un canular ou pas.
04:57 - D'abord, ça montre, Lucas, je vous arrête tout de suite, ça montre l'une des dérives de notre métier, c'est-à-dire qu'à partir du moment où,
05:05 sur les réseaux sociaux, vous avez une affirmation qui est diffusée, immédiatement, malheureusement, aujourd'hui, de plus en plus de rédactions les reprennent,
05:14 ces affirmations, mais sans vérifier quoi que ce soit, hein, Lucas ?
05:18 - Oui, mais je vais vous poser une question, qui est responsable de la dérive ? Est-ce que c'est le journaliste qui fait une blague sciemment ?
05:23 C'est-à-dire un canular, un peu une fake news ? Ou bien est-ce que c'est des responsables publics qui ont un mandat électoraux qui pèsent dans l'opinion publique ?
05:30 - Oui, et les deux, les deux, les deux, Lucas, les deux, les deux.
05:33 Les deux, Lucas !
05:36 - Moi, pour le coup, je me sens pas du tout responsable, hein, j'assume totalement.
05:40 - Non, mais je vous parle pas, vous, vous avez, vous, c'était un canular.
05:44 Je parle de celles et ceux qui ne vérifient pas les informations avant de les diffuser, de les publier, je parle pas de vous, Lucas.
05:54 Et puis, je me mets à la place aussi, vous avez raison, Lucas, des politiques qui embrayent tout de suite, là encore, sans vérifier quoi que ce soit.
06:02 Lucas ? - Oui ?
06:04 - Oui. Et puis dernière chose, dites-moi.
06:07 Ensuite, une fois la supercherie, enfin le canular éventé, que s'est-il passé ?
06:15 - Bah d'abord, le canular, il a pas été éventé parce qu'il était explicitement indiqué.
06:20 Ce qui s'est passé, c'est... c'est ce qui se passe toujours sur les réseaux sociaux, c'est que pendant deux jours, il y a du buzz.
06:26 Il y a des gens qui se félicitent, il y a des gens qui insultent, il y a des gens qui reprennent l'info, etc.
06:31 Ça fait parler.
06:32 Ce qui s'est passé quand même, c'est que beaucoup de médias ont repris l'info, l'ont mise en avant.
06:37 Les éditeurs de Lucky Luke, de Tintin, d'Astérix ont été obligés de se mouiller,
06:41 et de dire publiquement, en tout cas en langue française, et aussi en langue anglaise quand ils ont les droits,
06:47 jamais ils retoucheront aux oeuvres. Donc pour moi, c'est le plus important.
06:50 - Oui. Qu'ils ne retoucheront jamais aux oeuvres.
06:53 Bon, merci, merci Lucas. Vous avez fait votre effet dans tous les cas, hein ?
06:58 - Oui, mais je n'imaginais pas que ça prendrait une telle ampleur, mais c'est un exercice sociologique assez intéressant, on va dire.
07:03 - C'est vrai, c'est vrai, je suis d'accord. Merci Lucas Jakubowicz, merci à vous.
07:07 - Il n'y a pas de quoi.
07:08 - Merci, merci d'être intervenu.
07:10 Qu'en pensez-vous ? Quelles réactions ?
07:13 Qui veut commencer ? Christophe Rioux ?
07:15 - Oui, vous avez parlé de guerre culturelle en citant effectivement un article.
07:20 Moi je pense aussi que la dimension que l'on sous-estime, c'est la guerre économique.
07:24 C'est la dimension économique de ces sujets.
07:26 C'est axéssiament que tout ça est organisé aussi, à travers des stratégies économiques, voire marketing.
07:31 Et si on prend un exemple, qui est celui de Roald Dahl...
07:35 - Alors, on va expliquer, puisque vous voulez prendre l'exemple.
07:38 Mais on va entrer dans l'exemple Roald Dahl, mais sur ce qu'a fait,
07:42 et ce que signifie l'initiative prise par mon confrère, qu'en pensez-vous ?
07:49 Il a eu raison ou pas de faire ça ? Il a montré...
07:52 Qu'est-ce qu'il a montré en prenant cette initiative ?
07:55 - Il a montré que toutes ces questions aujourd'hui de sensibilité, de sensitivity,
08:02 sont très liées à la puissance des réseaux sociaux et à l'emballement médiatique.
08:08 Donc ça, c'est devenu un catalyseur.
08:10 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la question culturelle, quelle qu'elle soit,
08:13 dans l'édition, dans le cinéma, dans l'art contemporain,
08:16 elle est fortement marquée par la présence des réseaux sociaux comme caisse de résonance.
08:20 - Et qu'en pensez-vous Louis Georgetown ?
08:23 - Alors, je suis d'accord avec ça, mais...
08:25 - Il a montré une raison, je ne sais pas, mais bon...
08:28 - Je trouve qu'il y a un petit côté pompier pyromane.
08:31 C'est-à-dire que j'allume l'incendie et je montre qu'il y a un problème que les gens ne vérifient pas.
08:35 Alors c'est vrai qu'il y a un problème, mais il le renforce.
08:37 Donc je trouve qu'il y a un peu un double jeu dans cette histoire.
08:40 Il est bien content d'avoir fait le buzz.
08:42 - C'est significatif quand même.
08:43 - C'est révélateur, mais ce n'est pas une surprise.
08:45 - C'est pas une surprise.
08:46 - Ce n'est pas une surprise, on le savait déjà.
08:47 Mais je pense qu'il y avait vraiment une volonté de faire le buzz.
08:50 - Pour moi, ça me gêne un peu, parce que des gens font confiance à la profession de journaliste, normalement.
08:56 Et quand un journaliste fait une fake news, je trouve que ça n'aide pas la crédibilité des médias dont nous avons besoin.
09:04 - Ça, je vous rejoins, Louis-Georges Detain.
09:07 Richard Fremder ?
09:09 - Je trouve que ça commence très fort, parce qu'on a là toute la synthèse de la société d'aujourd'hui.
09:12 C'est-à-dire qu'effectivement, on veut aller vite, on n'est pas dans la cancel culture, on est dans la fast-food culture.
09:17 C'est-à-dire que je balance une info, que je sois journaliste ou n'importe qui,
09:20 effectivement c'est pire, je trouve, quand on est journaliste, parce qu'on a déjà moins confiance dans les journalistes.
09:24 Alors là, c'est de pire en pire, on est dans le complotisme.
09:27 Ensuite, il n'y a aucune vérification des autres journalistes derrière, ce qui est de pire en pire.
09:30 Et c'est effectivement ce qui se passe aujourd'hui, parce qu'on doit aller le plus vite possible pour sortir l'info le premier.
09:35 Et plus c'est idiot, plus ça passe, dirais-je.
09:38 Et puis ensuite, les politiques s'y mettent, ce qui est encore pire.
09:41 Défaut de culture, mais quand vous continuez, effectivement, et on est dans le sujet,
09:45 vous faites venir un historien, moi je vais être le méchant de service,
09:48 mais moi j'ai besoin du livre, j'ai besoin de la base, de la base originale, pas du livre réécrit.
09:53 Si vous continuez à réécrire des livres et à mettre trois mots de vocabulaire,
09:56 vous aurez une société qui n'aura que trois mots de vocabulaire,
09:58 et qui n'aura que des réactions, on va dire barbares, rapides, idiotes.
10:03 - Bien, il est 11h15, nous allons entrer dans le sujet, et nous allons prendre l'exemple Roald Dahl.
10:08 Tout de suite, puisque, qui n'a pas lu quand il était enfant,
10:13 qui n'a pas eu un enfant, qui a lu Roald Dahl, auteur de "Charlie et la chocolaterie",
10:18 du BGG, le bon gros géant.
10:20 Allez, parce que, pourquoi est-ce qu'on va parler de Roald Dahl ?
10:24 Eh bien, parce que certains textes ont été modifiés.
10:27 Il est 11h15, à tout de suite.
10:36 - Bien, des textes d'auteurs célèbres révisés, des mots changés, des phrases édulcorées.
10:43 Avant d'entrer dans l'exemple Roald Dahl, ça s'est multiplié ces derniers temps ?
10:48 Vous qui observez tout cela, vous êtes des experts.
10:50 Est-ce que ça s'est multiplié ?
10:52 Ça se multiplie en ce moment. Est-ce que les exemples se multiplient ?
10:55 Dites-nous, Christophe.
10:57 - Ça n'est pas tout à fait nouveau, puisqu'on a déjà eu des précédents,
11:00 si on regarde même historiquement, dans le temps long.
11:02 Et puis, il est clair qu'on a eu le flop des cinq.
11:05 Il y a quelques temps, on a eu Agatha Christie, on a eu Joseph Conrad.
11:09 - Qu'est-ce qui s'est passé avec Agatha Christie ?
11:11 On avait changé, on avait modifié un peu ?
11:13 - On avait effectivement modifié le titre.
11:16 Et moi, ça m'a beaucoup fait penser...
11:18 - Et Dipty Negr !
11:19 - Exactement ! Et ça m'a beaucoup fait penser aussi à cette formule...
11:21 - Dipty Negr, on l'a appelé comment ?
11:23 - Ils étaient dix.
11:24 - Ils étaient dix, oui.
11:25 - Et ça m'a fait penser justement à la formule d'Uberto Eco
11:29 qui dit assez justement "un titre doit embrouiller les idées".
11:32 Pour le coup, ce titre a vraiment embrouillé les idées.
11:34 C'est toute la question de l'intégrité même du titre et de le modifier.
11:39 Mais il y a d'autres éléments.
11:41 Le club des cinq qui a perdu son passé simple
11:44 et des changements comme ceux de Roald Dahl qui sont extrêmement importants.
11:48 - Alors Roald Dahl, j'explique, auteur de "Charlie et la chocolaterie",
11:51 de BGG, "Le bon gros géant".
11:54 Tu as un petit exemple.
11:55 Tant éponge n'est plus terriblement grosse et flasque
11:58 mais devient une vieille brute méchante.
12:03 - Elle n'est plus grosse et flasque.
12:05 - Parce que flasque, c'est peut-être un peu compliqué pour des jeunes.
12:08 - C'est parce que c'est compliqué le mot ?
12:11 Ou c'est parce que flasque, évidemment, c'est péjoratif ?
12:16 - Tout est compliqué à partir du moment où on a l'impression que ça va gêner
12:20 certains qui peut-être ne comprennent pas
12:22 ou qui seront gênés en termes d'ethnie, en termes de politique, en termes de tout.
12:27 On a peur de tout.
12:29 - On a peur de tout, Louis-Georges Etaing ?
12:31 - Il faut resituer ces débats dans la très longue durée.
12:34 C'est ce que vous disiez, M. Rieu, parce que ça a toujours existé.
12:37 C'est-à-dire que la littérature a toujours été une réécriture.
12:41 Par exemple, les contes.
12:43 Les contes sont de fond mythologique.
12:46 Les contes de Grimm, d'Andersen, de Perrault ont été réécrits.
12:49 Cendrillon, par exemple, on en a compté au moins 345 versions.
12:52 Et parfois on disait, parce que dans la version de Perrault, de Grimm, par exemple,
12:57 à la fin, les sœurs sont mutilées, elles se coupent les orteils.
13:00 Et on dit aujourd'hui, c'est un peu compliqué.
13:02 Dans la version allemande, figurez-vous que les sœurs sont sur des chaussures brûlantes.
13:05 Elles sont punies, elles meurent, en fait, comme ça.
13:07 Évidemment, pour des enfants d'aujourd'hui, on ne voudrait pas mettre des choses comme ça.
13:10 Donc il y a toujours eu des versions.
13:12 En tout cas, aujourd'hui, personne ne fait ça.
13:14 - Personne ne fait ça.
13:16 - Ce que je veux dire par là, c'est que, dans beaucoup de cas, notamment en littérature de jeunesse,
13:20 il est très difficile d'identifier un fond, une origine,
13:24 parce que ce sont des textes qui ont circulé.
13:27 Et il y a 345 versions de Cendrillon.
13:29 Donc quand vous dites qu'il faut respecter l'auteur, oui, mais lequel ?
13:32 - Oui, mais lequel ?
13:33 - Alors, c'est pas la même chose.
13:35 - Il y a un autre exemple, c'est Blanche-Neige et les Sept Nains.
13:37 Le baiser.
13:39 Le baiser...
13:41 Le prince doit embrasser d'un baiser d'amour véritable
13:45 pour que Blanche-Neige se libère du maléfice.
13:50 Du maléfice de la méchante reine.
13:52 Alors, il paraît que ce baiser, c'est une création de Disney en 1937.
13:56 - Mais c'est pour ça que je dis que toutes ces oeuvres, en fait, ont vécu.
13:59 Donc souvent, on se dit qu'il faut respecter l'auteur,
14:02 mais des auteurs, il y en a beaucoup.
14:04 Moi, j'ai lu, par exemple, Homer en sixième, dans une version pour enfants.
14:08 C'est-à-dire qu'on a considéré que l'Iliade, c'était trop compliqué.
14:11 J'ai lu une version pour enfants, ce qui ne m'a pas empêché de lire après le texte original.
14:15 Donc, ça fait très très longtemps, Jules Verne, par exemple, la plupart des enfants,
14:18 l'ont lu dans des versions raccourcies.
14:20 - Oui, mais là, c'est parce qu'on considère que c'était trop compliqué.
14:24 - Mais c'est une des raisons pour lesquelles certains textes sont revisités.
14:27 - Quand vous publiez Jules Verne dans une version divisée par deux,
14:30 il y a beaucoup de choses qui disparaissent.
14:32 Moi, ce que je dis, c'est qu'au fond, on a toujours écrit.
14:35 Moi, ce que j'aimerais simplement, c'est la transparence.
14:38 C'est-à-dire que quelqu'un qui dit "je vais changer le texte",
14:41 j'ai envie de dire "sur le fond, ça ne me gêne pas".
14:44 J'aimerais juste le savoir.
14:46 J'aimerais juste savoir, dans une introduction, une préface, ce qui a été changé.
14:49 Et le débat, pour moi, ne porte pas sur le fait qu'on ait changé ou pas,
14:53 mais pourquoi on a voulu changer.
14:55 Et il y a de bonnes ou de mauvaises raisons.
14:57 Si on dit "on va changer Homère tout en le précisant,
15:01 pour qu'il soit plus accessible à la jeunesse", je dis "c'est une bonne idée".
15:05 Si on dit "on va changer tel autre texte par rapport à telle sensibilité",
15:09 je dis "il faut débattre au cas par cas".
15:11 Donc je ne ferai pas un débat de fond, de principe, je veux dire,
15:15 parce que ça s'est toujours fait.
15:17 Simplement, on le fait souvent sans dire.
15:19 Je prends un exemple simple.
15:20 Les sonnets de Shakespeare, qui sont pour la plupart des sonnets homosexuels, homoérotiques,
15:26 eh bien, pendant des siècles, on les a transcrits en changeant les "hi" en "shi".
15:31 Donc il n'était plus amoureux d'un homme et d'une femme, mais on ne le disait pas.
15:35 Si on avait dit dans une préface "l'homosexualité ne nous convient pas, on a changé etc.",
15:40 bon, à la limite, mais non.
15:41 On n'a pas dit.
15:42 On avait occulté, on avait trafiqué l'oeuvre.
15:44 Et là, c'est gênant.
15:45 Vous voyez, moi, ce qui me gêne plus, c'est l'absence de transparence.
15:48 Parce qu'on a toujours écrit, mais on ne le dit pas toujours.
15:50 - Oui, mais Louis-Georges Teint, lorsque, dans les romans de Jan Fleming, le créateur de James Bond,
15:57 on change les textes, par exemple les références à la couleur de peau noire qui sont supprimées,
16:03 une peau couleur chocolat, on supprime cette phrase-là.
16:07 Ou des yeux en amande, on supprime aussi cette phrase-là.
16:10 Ça vous choque ou pas qu'on la supprime ?
16:12 - Si on ne dit pas dans une introduction, dans une préface,
16:14 "nous avons fait des modifications pour telle ou telle raison", là, ça me choque.
16:17 Si on précise les raisons pour lesquelles on le fait, je dis que ça ouvre un débat intéressant.
16:21 - Qu'est-ce que vous en pensez, Richard Flanders ?
16:24 - J'hallucine parfois un petit peu de ce que j'entends, mais je comprends pas.
16:30 Non, ça ne s'est pas fait depuis toujours.
16:31 Quand on veut réécrire quelque chose, on écrit un autre texte.
16:34 Par exemple, "La marmite", qui a été écrite au 3ème siècle avant notre ère, de Plaute,
16:40 c'est devenu "L'Avare" plus tard.
16:42 Parce que ça a été réécrit, mais c'est devenu une autre oeuvre.
16:45 Pour ce que vous racontiez, non, c'est des contes et légendes.
16:48 Et effectivement, les contes et légendes, c'est de l'oral.
16:50 Et l'oral, effectivement, il y a 340 versions, peut-être 340 000, parce que dans différents pays...
16:54 - Mais des versions écrites ! Je prends des versions écrites.
16:56 - Et ça devient ensuite des versions écrites, évidemment, derrière.
16:59 Donc, c'est pas la même chose.
17:00 Donc, pourquoi réécrire un livre ?
17:03 En plus, c'est une aberration, comme je le disais tout à l'heure.
17:05 Un historien peut pas dire, "qu'est-ce que je prends, moi, comme livre ?
17:08 Qu'est-ce que je prends, moi, en tant qu'historien, comme texte ?
17:10 Je prends l'original, je prends celui qui plaît parce qu'on veut pas lire ceci."
17:13 - Moi, qui suis historien de la littérature, je dis, je prends tous les textes.
17:15 Si je veux le texte original, j'ai besoin de savoir que la version que j'entre les mains n'est pas la version originale.
17:20 - Oui, mais vous, quel est le texte que l'on doit livrer au public, au grand public ?
17:24 Est-ce que c'est un choix éditorial ou est-ce que c'est le texte modifié ?
17:28 - C'est un choix éditorial. L'éditeur, il prend une responsabilité.
17:31 - Alors, il y a une raison économique, hein.
17:33 - Il a besoin, bien sûr.
17:35 Mais si il dit...
17:37 D'abord, du vivant de l'auteur, il y a parfois beaucoup de versions.
17:39 Ronsard, par exemple, a souvent réécrit plus de 7 ou 8 fois ses oeuvres de son vivant.
17:45 Donc, encore une fois, que l'éditeur fasse un choix, c'est sa liberté.
17:50 Mais qu'il ne dise pas quel est ce choix, là, c'est le danger.
17:54 - Mais lorsqu'Agatha Christie, le titre "Les 10 petits nègres échangés", c'est le titre qui est changé.
17:59 - Mais Agatha Christie, de son vivant, avait déjà, sur ce point précis, c'est pour ça que je dis "fois le aucun marqua",
18:04 elle avait déjà donné un accord pour l'édition anglaise sur ce titre-là.
18:07 Et les ayants-droit, qui ont évidemment des droits, par définition, ont donné leur accord.
18:12 Donc, quand les ayants-droit, à foncierie et l'auteur, disent "oui" à ce changement,
18:16 eh bien, on peut ne pas être d'accord.
18:18 Mais, du point de vue légal, ils ont, évidemment, le droit.
18:21 - Est-ce qu'on peut parler... Est-ce que...
18:23 - Vous voyez pourquoi je dis qu'il est important de regarder les choses cas par cas.
18:25 - Mais est-ce que, dans de nombreux cas, on peut parler de censure ?
18:28 Parce que, encore une fois, la ministre de la Culture s'inquiète.
18:32 Certains écrivent et parlent de censure Salman Rushdie lui-même.
18:36 C'est une censure absurde !
18:38 L'éditeur de Roald Dahl devra avoir honte de changer comme ça un texte,
18:46 de changer des mots, de changer des phrases.
18:48 - Oui, Richard Fremdeyre...
18:50 - J'ai envie de me souvenir du siècle des Lumières,
18:53 où, justement, on se levait contre l'oppression.
18:56 On va prendre Beaumarchais, si vous me donnez quelques secondes, je vais vous lire Beaumarchais.
18:59 Parce que, quand même, dans son "Mariage de Figaro",
19:02 vous avez donc le héros qui veut changer de métier,
19:04 et qui se lance dans la presse et dit
19:06 "Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte,
19:09 ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place,
19:11 ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles,
19:14 ni de personnes qui tiennent à quelque chose, je puis tout imprimer."
19:17 On a fait la révolution pour ça.
19:19 Mais attention, les mots ont un sens.
19:21 - Pour la liberté d'expression.
19:23 - Mais oui, mais la révolution, c'est un retour au départ.
19:26 Les mots ont un sens. Il faut faire attention à ne pas revenir à ça.
19:29 Et ça, moi, je m'inquiète très fortement parce qu'on va...
19:32 - On prive les mots de sens ?
19:34 - Mais bien entendu.
19:35 - On prive des textes de sens ?
19:37 - Vous parliez de Ronsard qui réécrivait, mais on en a d'autres.
19:40 Flaubert passait une journée à écrire parfois une phrase.
19:43 Et les mots ont un sens. C'est extrêmement important.
19:46 Quand vous privez, si on prive qu'on soit éditeur ou qu'on soit ayant droit,
19:50 si on prive l'oeuvre originale, mais changez de titre, dans ces cas-là.
19:54 Faites une autre oeuvre, dans ces cas-là.
19:56 - Vous parlez d'une manière un peu générale.
19:58 - Mais non, mais c'est important...
20:00 - Quand on réécrit ses oeuvres, ou lorsque des ayants droit proposent des modifications,
20:04 ils ont légalement le droit de le faire, typiquement.
20:07 Après, je dis, il doit y avoir un débat.
20:10 Et sur chacun des sujets, on peut débattre.
20:12 Mais, pour qu'il y ait un débat, encore faut-il qu'on soit informé de ce qui a été changé.
20:18 Donc, ce n'est pas la même chose lorsqu'il y a une volonté d'occultation
20:21 et lorsqu'il y a un changement qui répond à des exigences
20:23 sur lesquelles on peut être d'accord ou pas d'accord.
20:26 Donc, je pense qu'il faut être très attentif, moi je le dis en tant qu'historien de la littérature,
20:29 aux situations qui ne sont pas les mêmes.
20:31 Et encore une fois, c'est un débat très ancien.
20:33 Les éditions expurgées, par exemple, c'est très ancien.
20:36 - Bien sûr.
20:37 - Aujourd'hui, simplement, on en parle plus parce qu'il y a les réseaux sociaux.
20:40 - On en parle plus parce que ça dépasse les textes.
20:43 - Mais ce n'est pas qu'il y a une même histoire à soi, nouveau.
20:44 - Ça dépasse les textes, aujourd'hui.
20:46 Aujourd'hui, ça atteint le théâtre, ça atteint le cinéma...
20:49 - Mais bien sûr, c'est toujours tel cas.
20:51 Hollywood, par exemple, en matière de cinéma,
20:54 que faisait-il et pourquoi a-t-il eu ce succès planétaire ?
20:56 C'est-à-dire que, dès le début,
20:59 il faisait des séances auprès des différentes minorités.
21:04 Donc il faisait venir un Irlandais, un Noir, un Latino,
21:07 et il disait "Regardez ce film".
21:09 Et les différents publics disaient "Non, moi j'aime pas", etc.
21:11 Ils intégraient cela et disaient "Avec cette manière,
21:16 nous pourrons vendre notre film,
21:18 non seulement au niveau national, mais au niveau international".
21:20 On mettait toujours des acteurs français, des acteurs brésiliens,
21:23 des acteurs espagnols, et jusqu'à aujourd'hui...
21:24 - C'est du marketing.
21:25 - C'est du marketing.
21:26 Ils ont décidé, et c'est leur choix,
21:28 d'intégrer la réception dans la production.
21:32 Vous ne pouvez pas être d'accord.
21:33 Mais ce n'est pas quelque chose de nouveau.
21:35 Et c'est pour ça que le cinéma américain
21:37 s'est si bien vendu un peu partout,
21:39 et même au niveau international.
21:40 C'est-à-dire que vous prenez un ave américain,
21:42 mais vous mettez un acteur français,
21:44 vous êtes sûr qu'il fera un carton en France.
21:46 Et on a de bons acteurs français par ailleurs.
21:48 Donc, encore une fois, cette intégration de la sensibilité
21:51 n'a absolument rien de nouveau.
21:53 Dès le début du cinéma, dès le début de la littérature,
21:55 ces phénomènes se font.
21:56 Toute la littérature médiévale fonctionne comme ça.
21:58 - Il est 11h30, nous allons poursuivre ce débat qui est passionnant.
22:01 Et si vous voulez vous mêler à notre conversation,
22:04 n'hésitez pas 0826 300 300.
22:06 A tout de suite, un peu de pub, il est 11h30.
22:08 - Il est 11h34.
22:17 Allez, je reprends ce que dit la ministre de la Culture,
22:21 et encore une fois, c'est mon confrère du Monde
22:25 qui rapporte ce qu'elle dit.
22:28 Elle dit "Il n'est pas question de restreindre
22:30 la liberté d'interpréter tel ou tel rôle."
22:32 À propos du cinéma, pour la ministre,
22:35 un noir peut jouer un blanc, un hétéro, un homo,
22:38 une femme, un personnage trans, et inversement.
22:41 Et elle prend l'exemple de Tom Hanks.
22:44 Tom Hanks, l'acteur américain,
22:45 oscarisé pour son rôle d'homosexuel atteint du sida
22:48 dans Philadelphia.
22:49 Qui aujourd'hui refuserait le rôle
22:51 parlant de l'inauthenticité d'un hétéro jouant un gay.
22:55 Et à cela, l'acteur français Vincent De Dienne
22:58 a rétorqué que si Tom Hanks n'est pas gay,
23:00 Denzel Washington, son avocat dans le film,
23:03 n'est pas avocat dans la vie.
23:04 Ajoutant "Il fait sale temps pour les acteurs."
23:07 C'est très intéressant.
23:09 - Je serais d'accord avec ça
23:11 si nous étions dans un monde sans discrimination.
23:14 Prenons la question noire par exemple.
23:16 Beaucoup de noirs, aux Etats-Unis comme en France,
23:19 n'avaient pas un très grand accès au monde du cinéma
23:22 et ne pouvaient jouer que des rôles de noirs entre guillemets.
23:25 Par exemple, pour les femmes, c'était le rôle de la domestique,
23:28 la "boniche" comme on dirait.
23:30 Pour les hommes, c'était le rôle du malfrat ou du domestique.
23:34 Donc, lorsqu'il y avait de grands rôles,
23:36 les acteurs noirs ne pouvaient pas jouer des rôles ordinaires,
23:39 c'est-à-dire des rôles de blancs.
23:41 Donc, si vous voulez, lorsque les noirs
23:43 ne peuvent jouer que des rôles de noirs,
23:45 et plus, au télo et joués par un blanc,
23:48 comme c'est arrivé il y a quelques années ici en France, à l'Odéon,
23:51 eh bien, ils disent qu'on ne peut ni jouer les rôles de noirs fameux,
23:55 ni jouer les rôles sans couleur fameux.
23:58 Nous sommes toujours cantonnés à des rôles mineurs,
24:01 de noirs, marginaux.
24:03 Nous n'avons pas de grands rôles.
24:05 Donc, dans un cadre idéal, je dirais, il n'y a pas de problème.
24:08 Mais on n'en est pas là. Vous voyez la difficulté ?
24:10 - Non, non, mais je comprends. Vous renversez.
24:12 - Ni les grands rôles de noirs, ni les grands rôles de blancs,
24:15 quelle est la carrière à laquelle il pourra aspirer ?
24:18 - Je suis d'accord. Mais en quoi est-ce choquant
24:21 qu'un grand personnage blanc soit joué par un acteur noir ?
24:25 Est-ce que c'est choquant ? Vous pensez que ça nous choquerait ?
24:28 - Eh bien, c'est ça qui a été testé, par exemple, dans les chroniques de "Budgerton",
24:31 qui se passe dans la royauté anglaise, avec des acteurs noirs,
24:35 ce qui est évidemment complètement fantaisiste.
24:37 Au début, les gens étaient choqués.
24:39 Et je crois qu'après quelques minutes, ils ne voient plus la couleur.
24:42 - Il faut dire qu'il est exceptionnel, l'acteur.
24:44 - L'acteur est exceptionnel. C'est ça qu'on retient.
24:46 Et c'est intéressant, parce qu'ils disent finalement
24:48 qu'un noir peut jouer un rôle de blanc, parce que la rééditoria était blanche,
24:51 mais il y a une actrice noire... - Mais certains ne veulent pas.
24:53 - Certains ne veulent pas, c'est ça le problème.
24:55 - Certains ne veulent pas qu'un noir joue un rôle de blanc,
24:57 mais certains dans la communauté noire, comme dans la communauté blanche.
25:00 - Mais en réaction. - En réaction.
25:02 - Parce que des noirs se disent "si nous, nous ne pouvons pas jouer des rôles de blanc,
25:05 pourquoi est-ce qu'on voudrait autoriser des blancs à jouer des rôles de noir ?"
25:07 Mais si tout le monde pouvait jouer n'importe quel rôle du moment qu'il est un grand acteur,
25:11 le problème serait réglé. - Ça vous choque qu'un hétéro joue un rôle de gay ?
25:15 - Je ferais la même réponse. - Même réponse ?
25:17 - Mais regardez Omar Sy, par exemple. Omar Sy dans "Arsène Lupin".
25:20 Il ne joue même pas le rôle d'Arsène Lupin.
25:22 Il joue le rôle de quelqu'un qui aime Arsène Lupin.
25:25 Mais aussitôt que les gens ont su qu'il y avait un film qui s'appelle "Arsène Lupin"
25:29 dans lequel Omar Sy joue le rôle principal,
25:31 ça a été évidemment polémique sur polémique, le roquisme, etc.
25:34 Or, même si Omar Sy jouait le rôle d'Arsène Lupin, pourquoi pas ?
25:38 - Oui, Christophe Riau.
25:40 - Oui, on le voit bien que depuis Otello et Orson Welles,
25:44 on voit bien que tout ça a agité, il y a eu du grand débat autour de tous ces sujets
25:48 et que la question c'est la contextualisation.
25:50 C'est évidemment la question du contexte.
25:52 Et je reviendrai à l'exemple qu'on évoquait tout à l'heure qui était celui des contes.
25:55 C'est un peu la même chose.
25:56 C'est-à-dire qu'aujourd'hui le danger, le vrai danger,
25:59 au-delà de la censure qu'on a citée ou soulignée,
26:03 qui me semble dans un certain nombre de cas assez éloignée,
26:08 on peut avoir de l'auto-censure.
26:11 En revanche, c'est la charge même, la puissance.
26:14 Si je reprends l'exemple des contes,
26:16 il ne faut pas oublier qu'un psychanalyste comme Bruno Bettelheim,
26:19 dans sa psychanalyse des contes de fées,
26:21 a signé au conte une puissance cathartique d'émotion
26:25 et que édulcorer ses oeuvres est un risque majeur.
26:30 - Un stop-là ? Pardon, mais un livre, ça aide à grandir.
26:34 Ça aide les enfants à apprendre.
26:37 On ne peut pas édulcorer un texte sous prétexte.
26:42 Non, je ne sais pas, les enfants ont besoin de réalité.
26:47 - Ce n'est pas au bon vouloir.
26:48 Quand vous supprimez de la comtesse de Ségur,
26:50 il y a une partie du baptême parce que,
26:52 ah là là, il y a le baptême et donc on ne peut pas l'étudier dans les écoles laïques.
26:55 On en arrive à quelque chose qui n'est pas normal.
26:58 Ce qui est grave, à mon sens, c'est que sous prétexte d'égalité pour tous,
27:02 on va en arriver à des gens qui, nous, on a eu la chance d'aller à l'université,
27:06 donc on a des enfants, donc on peut dire, tu vas lire plutôt celui-ci,
27:09 donc l'original, et donc on va avoir une véritable inégalité des chances
27:14 sous prétexte d'égalité, ça n'a pas de sens.
27:16 - Alors, j'ai lu un autre texte, attendez, je vais le citer,
27:21 texte de Lormura, je ne sais pas si vous la connaissez,
27:23 qui est historienne, essayiste, professeur de littérature
27:26 à l'université de Californie à Los Angeles, et qui dit,
27:29 attention, on ne réécrit pas l'histoire, dit-on, c'est ce qu'elle a écrit,
27:34 or rien n'est plus faux, on passe son temps à réviser nos jugements,
27:38 à découvrir de nouveaux éléments, à fournir des interprétations inédites,
27:41 la cancel culture, à qui il est reproché de sortir les choses de leur contexte
27:45 et d'imposer un regard manichéen sur le passé,
27:48 braque le projecteur sur des aspects le plus souvent liés à l'histoire coloniale
27:52 dans le but de rééquilibrer un récit jugé mythique, partiel, incomplet,
27:56 pour mieux s'en émanciper. Elle défend.
27:59 - Moi je suis assez d'accord avec ce que dit Lormura,
28:01 je vais prendre l'exemple très fameux de Tintin au Congo.
28:03 - Oui, Tintin au Congo.
28:05 - Tout le monde se rappelle des images extrêmement racistes de Tintin au Congo.
28:08 Les Ayants-Droit, la maison d'édition, dans l'édition anglaise,
28:13 a proposé une introduction expliquant le contexte de l'époque.
28:17 Ce qui me semble une très bonne formule.
28:19 - Oui, c'est très bien, c'est sûr.
28:20 - Lecran, à l'époque j'en étais président, avait demandé exactement la même chose
28:24 dans la version française. La maison d'édition l'a refusée.
28:27 Donc nous n'avons jamais demandé que l'on supprime Tintin au Congo
28:30 ou qu'on le réécrive. On disait, il faut mettre un contexte,
28:34 vous avez parlé tout à l'heure de contexte à juste titre,
28:36 et on se demande pourquoi dans le contexte français ils ont refusé,
28:39 alors que dans le contexte anglais ils l'ont fait.
28:41 Le problème il est là. C'est pour ça que je dis que nous devons être attentifs
28:44 aux situations, parce que la situation de Tintin au Congo
28:47 n'est pas la même que celle de Hergé, n'est pas la même que celle des comptes de Grimm,
28:50 n'est pas la même que celle d'Omer dont je parlais, etc.
28:53 Et dans l'emballement médiatique, on est souvent guidé par des préoccupations
28:56 idéologiques et pourquoi pas, et on mélange tout.
28:59 Or chacune de ces situations est très différente.
29:02 - Vous avez raison, on mélange tout.
29:03 - Mais quel est le rôle de l'école ?
29:04 - On a un autre exemple d'ailleurs.
29:05 - Quel est le rôle de l'école aujourd'hui ? Pardon, mais l'école devrait servir à ça,
29:07 à contextualiser. Malheureusement, c'est pas du tout le cas.
29:10 - Explication, c'est ce qu'on veut.
29:12 - C'est comme ça qu'on fabrique des êtres humains évolués.
29:15 - Bien sûr.
29:16 - Évolués et curieux.
29:18 - Madeleine, tiens.
29:20 - Oui, bonjour.
29:21 - Oui, Madeleine, vous allez bien, Madeleine.
29:23 - Oui, bonjour, très bien. Merci pour vos émissions, c'est vraiment extraordinaire.
29:27 - Bah, merci, Madeleine.
29:28 - Moi, je voulais dire, moi je suis de l'ancienne génération,
29:31 et je pense que la France doit garder sa liberté d'expression.
29:35 Alors, j'ai beaucoup aimé votre dernier interlocuteur,
29:38 en étant pas manichéen,
29:41 et je pense qu'il faut qu'il y ait un groupe,
29:44 je pense que c'est l'État peut-être,
29:47 pour avoir un groupe,
29:50 pour que l'école, pour que tout ça soit bien mis en perspective,
29:54 parce qu'on va arriver, effectivement...
29:56 - Voilà. On garde le texte originel,
29:58 et quand il faut le mettre en perspective, on le met en perspective.
30:01 - Exactement.
30:03 Il faut arriver à ce que les gamins comprennent,
30:07 à ce que les gens comprennent.
30:08 Les gens manquent de culture actuellement,
30:11 et l'école, bon, ça devient terrible.
30:14 - Oui, vous avez raison, Madeleine.
30:15 - Donc la France doit rester la France.
30:17 On n'est pas l'Amérique, on n'est pas l'Angleterre.
30:19 - Là, on est bien d'accord, c'est d'ailleurs un peu l'unanimité,
30:23 autour de l'exception...
30:25 Parlons de l'ex...
30:26 Ah non, vous n'êtes pas d'accord, Louis-Georges Tintin ?
30:28 Merci, Madeleine.
30:29 - L'exception culturelle française...
30:31 - Chaque pays est une exception.
30:32 - Oui, chaque pays est une exception.
30:33 - Parce que le mot "exceptionnel" a deux sens.
30:35 Soit on veut dire unique, soit on veut dire supérieur.
30:37 - Dites-moi, dites-moi un lien, pour animer notre débat.
30:40 Churchill, on connaît tous, on a...
30:43 Moi, j'ai beaucoup lu Churchill.
30:45 Bon, évidemment, Churchill, l'inégalité des races,
30:49 il en a fait des déclarations, on le sait.
30:52 Bon, sa statue qui a été taguée, par exemple,
30:57 "raciste", on a mis sur sa statue.
30:59 Vous comprenez ça ou pas ?
31:00 - Alors, concernant Churchill, il ne s'agit pas simplement de déclarations.
31:03 Il faut se rappeler que pendant la Seconde Guerre mondiale,
31:05 il a organisé une famine en Inde,
31:07 qui a causé la mort de 3 millions de personnes.
31:09 C'est un crime contre l'humanité.
31:10 - Oui, il y a plus que des déclarations.
31:11 - Les Russes ont fait la même chose en Ukraine.
31:12 Il y a un très bon documentaire qui a été fait.
31:14 Donc, c'est un crime contre l'humanité.
31:15 - En USS. Pas qu'en Ukraine, mais bon...
31:17 - Voilà, vous avez raison.
31:18 Donc, c'est un autre débat, mais qui est assez proche, vous avez raison.
31:22 Et lorsque l'on a l'exaltation de ces personnages historiques
31:26 qui ont commis des crimes contre l'humanité,
31:28 nous avons le même problème en France.
31:30 - Ben, Napoléon ?
31:31 - Napoléon.
31:32 Quand j'étais présent en Ukraine, nous avons fait campagne, par exemple.
31:35 - Quel crime contre l'humanité ?
31:36 - Attendez, attendez.
31:37 Sur Colbert, vous avez la statue de Colbert.
31:39 Vous savez qu'il est celui qui a préparé le Côte-Noir,
31:41 celui qui a fondé la Compagnie des Indes,
31:43 qui est une compagnie esclavagiste.
31:45 Quand vous avez sa statue devant l'Assemblée,
31:47 sous l'écrito "Liberté, Égalité, Fraternité",
31:50 alors qu'il était l'ennemi de la liberté,
31:52 l'ennemi de l'égalité, l'ennemi de la fraternité.
31:54 C'est un problème.
31:55 Faut-il casser la statue ? Je dis non.
31:57 Faut-il la garder devant l'Assemblée ? Je dis non.
31:59 Je dis qu'il faut la mettre dans un musée,
32:01 où précisément, on pourra expliquer.
32:03 - Mais pourquoi est-ce que vous ne la gardez pas devant l'Assemblée,
32:04 avec une explication ?
32:05 - Ben, même ça, ça a été refusé.
32:07 - Justement, avec une explication, comment dire ?
32:09 Juste, une explication, équilibrée.
32:13 - Mais même ça, ça a été refusé.
32:14 Vous voyez, monsieur Macron a dit "on ne touche à rien".
32:16 Le président de l'Assemblée a dit la même chose.
32:18 Donc même ça, vous voyez, puisqu'on avait dit la même chose sur Tintin.
32:20 Donc on pourrait faire la même chose.
32:22 Même ça, ça a été refusé.
32:23 Vous voyez ?
32:24 - C'est à ça qu'on sert, c'est à ça que je sers.
32:27 - Et au fond, lorsque...
32:28 - Les historiens, oui, heureusement qu'on est là pour contextualiser.
32:30 - C'est pour ça que, quand on dit "les gens, ils veulent tout casser", etc.
32:33 Je dis non.
32:34 Nous voulons expliquer.
32:35 Mais précisément, ceux qui en fassent,
32:37 en ce discours idéologique,
32:39 sont les premiers à refuser toute explication.
32:41 Lorsqu'on sait que l'Elysée a été un palais
32:43 qui a été acheté par le plus grand esclavagiste de l'histoire de France.
32:47 - Oui, c'était surtout Macron.
32:48 - Qui est-ce qui le sait ?
32:49 - Oui.
32:50 - J'écris une tribune pour le dire, ça a été confirmé,
32:52 c'était sur France Culture.
32:54 M. Macron qui a toujours dit
32:55 "il faut vous regarder la vérité en face",
32:57 mais il n'a rien regardé du tout.
32:59 Et les yeux, évidemment, aveugles, ils ne voient rien.
33:01 - Oui, mais on peut être mort en déménage ?
33:03 - Non, pas du tout.
33:04 On peut avoir un lieu à l'Elysée,
33:06 ou sur le site de l'Elysée,
33:08 qui dit "voilà l'historique, mais nous avons avancé,
33:10 l'esclavage a été aboli", etc.
33:12 C'est pas compliqué.
33:13 - Non, ça je suis d'accord.
33:14 - Et comment vous expliquer
33:15 qu'on ait détruit la statue de Victor Schoelcher ?
33:17 Alors à ce moment-là,
33:18 il n'y a pas un manque de culture et d'éducation ?
33:20 - Alors, en Martinique,
33:21 - En effet, Victor Schoelcher qui a signé le secret,
33:23 mais c'est celui qui a aboli l'esclavage,
33:25 ça n'a pas de sens.
33:26 - Alors, moi je ne l'aurais pas fait.
33:28 - Non, mais je ne sais pas, vous avez bien fait.
33:30 - Mais je précise.
33:31 La raison pour laquelle les gens...
33:33 Au fond, le message a été maladroit, je pense,
33:35 même si sur le fond je suis d'accord,
33:37 mais je n'aurais pas fait ça.
33:38 Ce que les gens ont voulu condamner en Martinique,
33:40 ce n'est pas Schoelcher,
33:42 mais le schoelcherisme.
33:43 C'est-à-dire que dans toutes les rues de la Martinique,
33:45 le lycée Schoelcher, la ville de Schoelcher,
33:47 la maternité Schoelcher,
33:48 et on célèbre toujours, comme on dit,
33:50 le grand sauveur blanc.
33:52 Alors que les libérateurs martiniquais,
33:54 qui sont nombreux,
33:56 vous avez Delgrès, vous avez...
33:57 - Oui, quand on dit d'autres...
33:58 - Eh bien, ne sont jamais célébrés.
34:00 Donc, au fond, les gens n'ont pas voulu dire
34:03 Schoelcher était un salopard,
34:04 ils ont voulu dire
34:05 il y en a marre de la célébration permanente
34:07 des héros blancs, et il y en a,
34:08 alors que les héros noirs ne sont pas.
34:10 Mais je suis d'accord qu'en faisant cela,
34:11 c'était peut-être mal compris.
34:12 Donc il fallait faire autrement,
34:13 mais le message, au fond, il était bon.
34:15 - On en revient à ce qu'on disait tout à l'heure,
34:17 quand on n'a plus de vocabulaire,
34:18 on devient entre guillemets barbare,
34:20 on devient violent.
34:21 - Mais comment peut-on, dans certains pays,
34:24 cacher la nudité de tel ou tel statut ?
34:26 Par exemple.
34:27 - Oui, mais c'est ridicule.
34:29 - Mais oui.
34:30 - Bien sûr.
34:31 - Mais c'est...
34:32 - Mais vous avez la...
34:33 C'est évident, vous avez la danse de Carpeau
34:34 sur l'opéra, qu'on adore tous,
34:36 qu'on a balancée de l'encre dessus.
34:39 - Ce qui prouve que ce sont des pratiques
34:40 très anciennes.
34:41 - Mais bien sûr.
34:42 - Ceci fait que le christianisme...
34:43 - Les oeuvres sont là pour choquer, parfois.
34:45 - On a vraiment un télescopage,
34:46 quand on regarde, que ce soit l'acte de Desboulonnées
34:49 ou les réécritures,
34:51 on voit bien qu'on a un télescopage
34:53 entre un temps long,
34:54 le temps de l'art,
34:55 le temps de l'art et de la littérature
34:57 sous toutes les formes artistiques et culturelles,
35:00 et un temps court,
35:01 qui est celui de sensibilité parfois exacerbée.
35:04 Et ce télescopage temporel fait que
35:08 on a une forme de radicalité avec ce télescopage.
35:13 - Je vais peut-être revenir sur une chose,
35:14 vous disiez tout à l'heure,
35:15 l'histoire, il faut la revisiter.
35:18 L'histoire c'est une science,
35:19 et toutes les sciences doivent être remises
35:20 tout le temps à plat, à zéro,
35:22 où il faut aller chercher.
35:24 Moi je passe mon temps à déboulonner des statues
35:26 pour les remonter le plus près possible.
35:29 - C'est une découverte, l'histoire.
35:30 - Mais bien sûr,
35:31 et il faut essayer d'être à chaque fois
35:32 au plus près de la vérité,
35:33 c'est pas facile.
35:34 - Évidemment.
35:35 Il est 11h47,
35:36 petite pub et nous terminons ce débat passionnant.
35:38 D'ailleurs je vous remercie 0826 300 300,
35:40 vous n'hésitez pas.
35:41 A tout de suite.
35:42 - Wauquiz me cancelle culture,
35:50 des programmations,
35:52 la ministre de la culture pense qu'il y a danger,
35:56 nous en parlons ce matin.
35:57 Alors, en Amérique du Nord,
35:59 offenser est devenu blasphème.
36:02 C'est ce que dit la ministre de la culture,
36:04 vous êtes d'accord ?
36:05 Offenser est devenu blasphème.
36:07 - Je crois qu'elle exagère.
36:08 Elle faisait référence à un certain nombre de réformes
36:10 qui ont eu lieu dans les Oscars,
36:12 et dans le jury des Oscars,
36:14 il y a maintenant plus de femmes
36:16 et plus de personnes noires.
36:18 - Dites-moi,
36:19 puisque vous parlez des Oscars,
36:21 pour concourir en 2024
36:24 dans la catégorie du meilleur film,
36:26 il faudra remplir deux de ces critères,
36:29 un rôle principal ou secondaire
36:31 issu d'un groupe ethnique sous-représenté,
36:33 30% des rôles secondaires
36:35 issus de groupes minoritaires,
36:37 une intrigue axée sur une minorité.
36:39 - C'est la logique des quotas.
36:41 - C'est la logique des quotas.
36:43 On met des quotas dans des oeuvres ?
36:45 - Je vais vous donner un exemple.
36:46 On a mis des quotas pour les femmes
36:48 et pour la diversité aux Etats-Unis,
36:49 dans le jury aussi.
36:50 - Oui, dans le jury.
36:52 - Les choses commencent à changer.
36:54 Une personne comme Usanne Palsy,
36:56 qui est une cinéaste martiniquaise,
36:58 donc française,
36:59 a reçu, il y a trois mois,
37:02 un Oscar pour l'ensemble de sa carrière aux Etats-Unis.
37:05 - Oui.
37:06 - Elle est une star reconnue au plus haut niveau.
37:08 Ici, les médias n'en ont pas parlé,
37:11 aucune télé, le monde, Libération non.
37:13 Et on ne la connaît pas.
37:14 Pourquoi ?
37:15 Parce que Usanne Palsy,
37:16 malgré son talent qui est incontestable,
37:17 elle a fait tourner Marlon Brando,
37:19 elle a reçu des prix internationaux
37:21 dès ses premiers films,
37:22 "Rue Cazenègre" par exemple.
37:23 Elle est connue au niveau international,
37:25 elle est célèbre aux Etats-Unis.
37:26 Il n'y a pas beaucoup d'acteurs français
37:28 qui ont reçu un Oscar.
37:29 - Mais elle vit aux Etats-Unis, non ?
37:30 - Elle vit en France.
37:31 - Elle vit en France ?
37:32 - Vous pouvez la contacter demain matin,
37:33 je la fais venir si vous voulez.
37:34 - Avec plaisir.
37:35 - En France, elle n'est pas reconnue.
37:38 Donc, si on ne prend pas des mesures drastiques,
37:40 on n'y arrive pas.
37:41 Si on avait d'autres solutions,
37:42 j'en serais ravi,
37:43 mais aujourd'hui,
37:44 ça n'est pas le cas dans le cinéma.
37:45 Ça évolue évidemment, heureusement,
37:47 mais on revient de loin.
37:48 La première femme aux Etats-Unis,
37:50 la femme noire à recevoir un Oscar,
37:52 eh bien, elle n'a pas pu recevoir son Oscar
37:54 parce que c'était une salle blanche interdite au noir.
37:56 - Pour aller plus loin, l'offense,
37:58 l'offense existe dans de très nombreuses œuvres.
38:02 Il faut garder cette offense, non ?
38:05 Enfin, je ne sais pas, moi,
38:06 c'est pas placé matoire.
38:07 - Pourquoi pas, mais toutes les offenses ne sont pas les mêmes.
38:08 Par exemple, offenser les puissants,
38:10 ce n'est pas la même chose que
38:11 offenser les plus discriminés.
38:13 - Oui.
38:14 - Vous comprenez ?
38:15 Un film, une œuvre de Tartuffe,
38:17 le Tartuffe de Molière,
38:19 c'est offenser les puissants.
38:21 - Oui.
38:22 - Nous devons soutenir cela.
38:23 Quand Molière écrit "Les femmes savantes"
38:24 pour se moquer des femmes
38:25 qui veulent faire des sciences,
38:26 ce n'est pas la même chose.
38:27 Alors, est-ce qu'il faut censurer
38:28 les femmes savantes ?
38:29 Bien sûr que non.
38:30 J'enseignais "Les femmes savantes",
38:31 mais j'explique qu'il y a à l'époque
38:32 ce qu'on appelle la querelle des femmes.
38:34 Beaucoup de femmes et d'hommes
38:36 se battent pour que les femmes
38:37 aient accès à l'éducation.
38:38 - Mais on ne doit pas toucher aux femmes savantes.
38:39 - Et on enseigne les femmes savantes
38:41 en mentionnant que Molière
38:43 s'inscrit dans ce débat
38:44 en prenant une position
38:45 qui va à l'encontre
38:46 de l'accès des femmes à l'éducation.
38:48 - Non, parce que certains demandent la censure.
38:50 - Certains le demandent.
38:51 - Certains demandent la censure.
38:53 - En tout cas, moi ce que je trouve intéressant,
38:55 c'est qu'au début, nous étions dans un débat
38:57 ici ou dans la société
38:58 qui ressemblait à un débat pour ou contre,
39:00 et non, tout le monde est pour la liberté, etc.
39:02 Du moment qu'on entre dans les contextes
39:05 qui sont très différents les uns des autres,
39:07 là, je pense qu'on sort de l'idéologie
39:10 et on entre dans la réflexion.
39:11 - C'est ça.
39:12 - Et c'est l'intérêt de ce débat.
39:13 - Sortir de l'idéologie, ça m'intéresse beaucoup.
39:14 - Et c'est l'intérêt de ce débat.
39:15 Et la dame, je la remercie,
39:17 elle disait qu'il faut sortir du manichéis.
39:19 Elle disait que l'interlocuteur précédent,
39:20 je crois que c'est moi,
39:21 permettait de sortir de ça.
39:22 Et je crois que c'est ça,
39:23 parce que ça n'aide pas à penser
39:24 quand on est dans un schéma
39:25 où on est pour ou contre
39:26 l'américanisation, le roquis, ceci, cela.
39:28 Non, voyons les cas qui sont très différents.
39:30 Quand un auteur,
39:31 deux sons vivants font des choses,
39:32 c'est pas la même chose
39:33 quand un ayant droit...
39:34 - Et nous n'avons pas le même regard sur les œuvres
39:37 qu'un américain ou...
39:39 - Exactement.
39:40 - Oui, justement, on parlait quotas,
39:42 on parlait représentation des minorités.
39:43 Là encore, j'en reviens à l'économie
39:45 qui me semblait être une clé centrale, fondamentale.
39:48 - Vous avez raison.
39:49 - Aujourd'hui, on le voit,
39:50 dans l'édition, par exemple,
39:51 qu'on a citée au tout début,
39:52 mais on le retrouve aussi dans le cinéma,
39:54 on était dans des logiques de déclinaison,
39:55 où on déclinait un format,
39:57 on passait du grand format aux poches,
39:59 ensuite on est passé à des diversifications,
40:01 en allant du livre vers l'audiovisuel.
40:03 Aujourd'hui, on est dans l'hyper-segmentation.
40:05 On travaille la logique de niche.
40:07 Et donc, la stratégie des industries culturelles et créatives,
40:10 celles qu'on appelle les ICC aujourd'hui,
40:12 c'est vraiment de viser des segments de population
40:16 de plus en plus différenciés.
40:17 La culture n'a rien inventé,
40:19 ça existait déjà dans le domaine du luxe et de la cosmétique,
40:22 avec l'ethnocosmétique, par exemple,
40:23 où vous avez des produits adaptés en fonction des types de peau.
40:25 - Donc on adapte le produit, l'oeuvre, à l'air du temps.
40:28 - On l'adapte à l'air du temps,
40:30 et on l'adapte dans des logiques de niche.
40:32 - Regardez un film comme "Intouchables",
40:33 qui, comme on le sait, bien sûr,
40:35 est un des films les plus réus...
40:37 enfin, qui a le plus d'audience en France.
40:39 Au fond, ce film n'était pas du tout bankable, au départ.
40:42 Les deux personnages principaux,
40:44 un homme en fauteuil roulant,
40:46 un jeune noir des banlieues, etc.
40:48 Mais les producteurs de ce film se sont dit
40:50 que ce sont des gens qu'on ne voit pas beaucoup à la télévision,
40:53 donnant leur une place centrale.
40:55 Eh bien, je crois que beaucoup de gens se sont reconnus dans ce film
40:58 parce que, précisément, on voyait ce qu'on ne voit pas.
41:01 Le cinéma français, parfois,
41:02 il se passe dans trois arrondissements parisiens.
41:04 Là, les gens ont dit "Tiens, c'est différent".
41:06 Et cette logique commerciale,
41:08 que vous avez évoquée à juste titre,
41:09 eh bien, elle peut être intéressante.
41:11 C'est une logique d'inclusion,
41:12 je dirais même que c'est une logique républicaine.
41:14 - Oui, Richard Fander.
41:15 - Moi, je suis aussi chef d'entreprise.
41:16 J'ai le choix quand j'ai des clients.
41:18 Soit, effectivement, je parlais de culture fast-food,
41:20 soit je leur vends de la merde parce que je sais que c'est facile,
41:22 je peux le refaire rapidement.
41:23 Soit je me dis "J'aime pas la culture pour tous".
41:26 L'idée de rabaisser la culture pour tout le monde,
41:28 ce n'est pas le sens.
41:29 Moi, j'aime essayer d'élever les gens vers la culture.
41:32 Donc, j'évite de leur vendre de la merde,
41:34 j'évite justement de faire du marketing de base
41:36 et j'essaye d'élever un petit peu le niveau.
41:38 Mais parce que j'aime bien me regarder dans la glace.
41:40 Après, c'est les chefs d'entreprise divers et variés.
41:43 Mais attention, je pense que Disney est en train de revenir un petit peu en arrière
41:47 puisqu'on parle économie.
41:49 Ça ne se passe pas si bien que ça.
41:50 Leurs abonnements, parce que le walkisme, la cancel culture,
41:53 les gens commencent à en avoir un peu ras-le-bol.
41:55 Netflix, c'est pareil.
41:56 Qu'ils fassent attention.
41:57 C'est le marché qui décide.
41:59 - Oui, ça c'est le marché qui décide.
42:01 - Il faut peut-être le préciser.
42:02 - Le marché Disney, oui.
42:03 - Pour Netflix, dans le cas de Netflix,
42:05 qui a racheté la société des ayants-droit de Roald Dahl.
42:08 - Absolument.
42:09 - C'est comme ça qu'on reboucle la boucle.
42:10 C'est-à-dire que les GAFAM,
42:13 ou en tout cas un certain nombre d'acteurs économiques
42:15 comme Netflix ou Disney qu'on vient de citer,
42:18 sont vraiment au cœur de cette stratégie.
42:20 - En tout cas, je plaide pour la complexité
42:22 et qu'on se sorte de l'idéologie dans ces débats qui n'est pas à penser.
42:24 - Tout à fait d'accord.
42:25 - Merci à tous les trois d'être venus nous voir
42:27 pour débattre sur un sujet que je trouve très intéressant
42:31 et qui mérite réflexion, dans tous les cas.
42:34 Vous avez été nombreux, je sais, à appeler.
42:36 Je n'ai pas pu vous prendre tous, malheureusement, à l'antenne.
42:38 Merci, il est 11h57.

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