• l’année dernière
Quand on souffre d’un handicap, c’est souvent à l’enfance que l’on prend conscience pour la première fois de notre différence et c’est souvent les autres qui nous la font ressentir. Les moqueries peuvent être très cruelles, jusqu’à pousser un enfant à s’effacer.

Ça n’a pas été le cas de Timothée, malvoyant de naissance, pour qui l’hostilité des autres a été un moteur qui l’a poussé à se battre toujours plus fort pour prouver qu’il était capable de réussir de grandes choses au même titre que les autres. Il est venu nous raconter son histoire.

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Amusant
Transcription
00:00 Je leur dis que je veux faire de l'athlétisme.
00:01 Et je tombe sur des gens qui vont vraiment m'accueillir les bras ouverts
00:05 en me disant "Bah écoute, tu sais quoi, nous on connait ni le handicap,
00:08 ni le handisport, mais viens on va faire en sorte que
00:11 tu pratiques comme n'importe quel autre gamin".
00:13 Là-bas je me sens vraiment à ma place, je suis pas rejeté par les autres.
00:17 Là c'est un peu une délivrance, enfin, je fais comme n'importe quel gamin.
00:21 Je fais partie de ces personnes qui sont nées avec une différence.
00:25 Je suis né mal voyant, en voyant, on va dire pour simplifier,
00:29 flou de l'œil gauche et relativement bien de l'œil droit.
00:31 Sauf qu'à 3 ans, je suis opéré de la cataracte des deux yeux.
00:34 Donc le gars déjà il est vieux avant l'âge.
00:35 Sauf que c'est une opération qui a un résultat plus que moyen sur moi,
00:40 ça me laisse les yeux extrêmement fragiles.
00:42 Comme beaucoup de gamins de 3 ans, j'étais un petit peu turbulent,
00:46 comme beaucoup de petits garçons,
00:48 et j'échappe à la vigilance de la personne chez qui j'étais en garde.
00:51 Et je me mets à courir dans une cage d'escalier.
00:54 Sauf qu'en bas il y a une porte vitrée, ça a super bien matché entre elle et moi.
00:57 Je me la prends de plein fouet.
00:59 Je prends le premier cas où de ma vie,
01:01 dans le sens où le choc provoque un décollement de rétine de l'œil droit,
01:05 l'œil avec lequel je vois bien.
01:07 Donc je perds la grande majorité de ma vue à 3 ans.
01:11 Avant même ce décollement de rétine,
01:12 il y avait des médecins qui disaient à mes parents,
01:16 "Ne vous fatiguez pas, votre fils deviendra aveugle, et puis c'est tout.
01:19 Ne vous emmerdez pas avec vos trucs."
01:21 Du coup, on développe le toucher.
01:23 Souvent on dit que quand tu ne vois pas ou quand tu as un sens en moins,
01:27 tu vas développer à fond les autres.
01:29 Pour moi, à part le toucher, c'est une grosse idée reçue.
01:33 C'est plutôt, en fait, on est dans une société
01:35 où tu as 80% des informations qui sont visuelles.
01:38 Donc si on te retire la vue, forcément il faut que tu arrives à avoir des informations.
01:44 Et ton attention, qui est habituellement concentrée sur la vue,
01:46 il va falloir que tu la concentres sur autre chose.
01:48 Donc tu vas percevoir des choses que tu n'aurais peut-être pas entendues en voyant
01:51 parce que ton attention n'était pas sur l'aspect auditif.
01:55 Mais tu ne vas pas te mettre à entendre comme une chauve-souris.
01:58 Entre 3 et 6 ans, je vais être dans une maternité qui accepte de m'accueillir sans problème.
02:02 Il y a une insite spécialisée qui va venir juste de temps en temps
02:06 dans l'optique que je puisse apprendre à lire et à écrire,
02:09 et en braille, et dans le milieu on appelle ça en noir, donc c'est en classique.
02:14 Je vais apprendre les deux simultanément.
02:15 La primaire, c'est un petit peu compliqué.
02:18 En termes d'intégration, j'ai quand même deux, trois potes.
02:21 Je ne suis pas non plus isolé sur le monde, mais un petit peu compliqué.
02:25 Parallèlement à ça, j'essaie d'avoir des activités sportives en dehors.
02:30 Je veux faire du judo, je veux faire du basket, surtout du basket
02:33 parce qu'à l'âge de 6 ans, je découvre la NBA, l'Air Jordan, tout ça.
02:38 Et en fait, je comprends rapidement que les clubs ne voudront pas d'un mec qui voit un 20e
02:44 qui n'est pas capable de ne serait-ce que réceptionner une passe aérienne.
02:48 Le judo, pareil, je voulais faire du judo et je vais voir avec ma mère à la fin d'un entraînement.
02:56 On attend à la fin d'un entraînement d'un cours de judo, de jeunes de mon âge,
03:00 et on va s'adresser à l'entraîneur qui était une femme et tout.
03:05 Ma mère, on lui explique que j'ai un petit garçon qui veut faire du judo,
03:10 seulement il ne voit pas très bien.
03:12 Et en fait, la conversation n'est pas allée plus loin que ça
03:15 puisqu'elle a dit "non, moi je ne m'occupe pas d'handicapé, je ne suis pas formé pour ça,
03:18 je ne veux pas, je ne sais même pas, je ne suis pas formé, c'est plus une excuse,
03:22 non, je ne veux pas entendre parler de ça et ciao".
03:25 Alors qu'en fait, c'est bien plus tard, mais j'ai appris
03:28 qu'il y a énormément d'entraîneurs de judo qui bandent les yeux de leur judoka
03:32 parce que le judo, c'est un sport de sensation.
03:35 Et limite, quand tu vois les choses, c'est que c'est trop tard.
03:37 Limite, à certains égards, ne pas voir peut être un avantage
03:40 parce que tu sens mieux les choses.
03:42 En fait, à ce moment-là, je le vis très mal aussi
03:46 parce qu'habituellement, je suis rejeté par les autres
03:49 et on me dit "oui, mais tu verras en grandissant, ça ira mieux".
03:52 Et là, je suis rejeté par un adulte et en fait, ça, je le vis un petit peu mal quand même.
03:57 Et c'est qu'à 11 ans, en fait, pendant les vacances,
04:02 il y a peut-être 10 ans même, c'était l'été 99,
04:06 il y a les championnats du monde de Séville en athlétisme
04:09 et c'est l'été où Michael Johnson fait le record du monde du 200, du 400 mètres.
04:14 Et du coup, ce jour-là, il y a des démonstrations d'épreuves paralympiques
04:18 et dont un 200 mètres de non-voyants qui sont guidés.
04:22 Et je me dis "bah c'est facile, moi aussi je peux le faire".
04:25 Moi aussi, de toute façon, je serai champion du monde, c'est facile.
04:28 Du coup, de mes 10 ans, ça fait rire tout le monde, tu vois.
04:31 Comment ça le gamin, il dit "je vais être champion du monde".
04:33 Ok, il court partout, mais ça fait rire tout le monde.
04:36 Sauf mon père qui me dit "bah c'est tout ce que je te souhaite".
04:39 Mais là, du coup, je prends conscience quand même que
04:40 contrairement à ce que certains adultes peuvent dire,
04:43 "bah en fait, c'est pas parce que tu vois pas que tu peux pas faire de sport".
04:46 Ça me conforte dans l'idée que c'est pas moi le problème en fait.
04:49 En fait, j'ai raison de vouloir prouver ça aux autres
04:52 parce que visiblement, il y en a d'autres qui le font, donc pourquoi pas moi ?
04:55 Bah fort de cette résolution, je vais avec mes parents,
05:00 trois semaines plus tard, aux formes des associations de ma ville
05:03 et je leur dis que je veux faire de l'athlétisme.
05:05 Et je tombe sur des gens qui vont vraiment m'accueillir les bras ouverts
05:09 en me disant "bah écoute, tu sais quoi, nous on connaît ni le handicap,
05:12 ni le handisport, mais viens, on va faire en sorte que
05:15 tu pratiques comme n'importe quel autre gamin".
05:18 Là, c'est...
05:19 Je vais vraiment faire un truc qui me plaît.
05:22 C'est un peu une délivrance, entre guillemets.
05:24 Et je sens vraiment qu'il y a une volonté de vouloir m'accueillir,
05:28 que c'est pas on le fait pour le faire en fait,
05:31 c'est juste "ok, il y a une différence, et alors ?"
05:35 Je tombe sur des gens vraiment qui vont se creuser la tête
05:38 pour faire en sorte que...
05:40 Bah je vois pas, enfin je vois peu,
05:42 mais pour chaque petit truc, on va trouver une solution.
05:46 Et vraiment, c'est ce qu'ils vont faire.
05:48 En fait, avec 1/20ème, je voyais pas les lignes des couloirs.
05:51 Par contre, la lisse, donc le bord de la piste, c'était plus épais.
05:54 Donc j'arrivais à le voir.
05:56 Donc par exemple, sur le sprint, on me faisait courir au couloir 1.
06:00 Sur la longueur, mon entraîneur, c'était un ancien militaire,
06:03 il mettait son écharpe de sauvetage qui était orange fluo.
06:06 Donc même avec la vitesse, c'est quelque chose...
06:10 Vu que c'était fluo, ça me tapait dans l'œil.
06:11 Du coup, il le mettait au niveau de la planche,
06:13 là où tu dois prendre ton impulsion pour sauter.
06:15 Et du coup, je le voyais.
06:17 Sur les haies, pareil, on mettait des lattes fluo récentes devant la haie,
06:21 alors que la haie, je la vois pas.
06:22 Mais en fait, le fait d'avoir une latte fluo récente au sol, je la voyais.
06:26 Donc je savais à quel endroit je devais prendre mon impulsion
06:29 pour franchir la haie.
06:30 Donc je me suis retrouvé même à faire des courses de haies
06:32 sans voir la hauteur.
06:33 J'allais toucher la barre, la hauteur,
06:35 pour un peu visualiser la hauteur à laquelle elle était,
06:38 avant de prendre ma course d'élan et de sauter.
06:41 C'est plein de petites astuces qui peuvent paraître complètement bêbêtes,
06:45 mais en fait qui étaient super efficaces.
06:46 Là-bas, je me sens vraiment à ma place.
06:48 Je suis pas rejeté par les autres.
06:49 Et non, moi, c'est un échappatoire.
06:52 Enfin, je fais comme n'importe quel gamin.
06:54 J'ai mon activité sportive le mercredi, le samedi.
06:57 Je suis content d'y aller.
06:59 Je fais des compétitions.
07:00 Je fais ce que j'aime.
07:02 Et là, j'ai décidé dans ma tête, non seulement je veux faire de l'athlée,
07:05 je veux, coûte que coûte, je veux faire du basket,
07:08 je veux faire de l'escalade, je veux faire nanani, nanana.
07:11 En fait, tout ce qu'on veut pas me laisser faire, je veux le faire.
07:14 Et j'en parle même à une institut SP, à ce moment-là,
07:18 et qui me dit, de toute façon, si tu veux faire du sport,
07:21 tu veux en faire plusieurs, il n'y a pas de solution,
07:23 il faut que tu ailles à l'INJA.
07:24 L'INJA, c'est l'Institut National des Jeunes Aveugles.
07:26 J'ai toujours considéré que c'était pas pour moi, en fait, ce truc-là.
07:28 Parce que moi, j'étais très bien en intégration.
07:30 Je me disais, j'ai pas besoin d'être avec d'autres aveugles,
07:34 d'autres malvoyants.
07:36 Et puis, encore plus à ce moment-là,
07:37 encore, tu m'en aurais parlé un an plus tôt,
07:39 où j'étais isolé et tout, why not ?
07:41 Mais là, je suis intégré, j'ai trouvé enfin des potes,
07:44 des gens qui m'acceptent et tout.
07:45 J'ai pas envie de partir d'une certaine façon.
07:48 Mais d'un côté, on me dit que là-bas,
07:51 je peux faire tout le sport que je veux, quoi.
07:53 Et c'est ce qui va gagner.
07:54 Faut savoir que j'avais 13 ans, donc c'est...
07:56 J'accepte d'aller en internat, j'accepte beaucoup de choses, en fait,
07:59 juste pour pouvoir faire du sport.
08:01 Quand j'intègre l'INJA, là, c'est la catastrophe.
08:03 Là, des bandades.
08:04 Je suis tout sauf à ma place.
08:05 Enfin, l'internat, je le vis pas super bien non plus.
08:08 Je suis loin de ma famille,
08:10 qu'on m'avait dit que j'allais faire du sport,
08:12 que ça n'a toujours pas commencé.
08:13 Et puis, au bout d'un mois, en fait,
08:14 il y a la visite médicale, des nouveaux.
08:16 J'arrive à la visite médicale et...
08:18 Tu veux faire du sport ?
08:19 Ben ouais, je suis là pour ça.
08:21 Et donc, ah bon, tu voudrais faire quoi ?
08:23 Ben, je veux faire ça, ça, ça, ça et ça.
08:26 Ben alors, ça, tu peux pas, ça, tu peux pas,
08:27 ça, tu peux pas et ça, tu peux pas.
08:29 Et en fait, on m'a privé de tout sport.
08:31 Je le vis comme une trahison.
08:33 J'ai quitté mes potes, j'ai quitté ma famille,
08:34 j'ai tout quitté.
08:36 Pour le final, c'est même pas...
08:37 On me laisse en faire un, c'est rien.
08:39 Ben, tu dois attendre un an.
08:40 Et donc, ça a été une année particulièrement difficile.
08:43 Psychologiquement, d'autant plus qu'il y a un incident
08:46 qui arrive cette année-là.
08:47 Heureusement, en fait, le gars qui était dans ma chambre
08:49 était très, très cool.
08:50 Sauf que, il y a une nuit, en fait,
08:52 il y a des potes à lui qui viennent dans la chambre
08:54 et on était en plein hiver.
08:55 Il faisait du bruit, il fumait dans la chambre,
08:57 alors que déjà, je supporte pas l'odeur de la clope et tout.
09:00 Et pour pas se faire gauler par le veilleur de nuit,
09:02 ils ouvrent la fenêtre en grand.
09:04 En plein hiver, il fait froid.
09:05 Enfin, c'est bon, je suis saoulé.
09:07 Je leur dis, je sais pas, allez ailleurs, faites un truc.
09:09 Mais c'est bon, je vais dormir, quoi.
09:11 Ses potes, ils s'en foutent, clairement.
09:13 Et à un moment, je vais m'exciter, en fait.
09:14 Je vais m'énerver.
09:15 Et il y en a un qui est un peu plus costaud que moi.
09:17 Il a 4 ans de plus que moi.
09:18 Il me coince dans un mur et il me passe une flamme de briquet
09:21 dans l'oeil gauche, volontairement.
09:23 Quelques mois plus tard, à l'âge de 15 ans, en fait,
09:25 on m'a vu commencer à se dégrader, réellement,
09:29 jusqu'à l'âge de 17.
09:30 Je fais de la musique en parallèle.
09:32 Je dis un petit truc pour la fête de la musique,
09:33 je descends de scène,
09:34 il y a un léger mouvement de foule
09:35 et je prends un coup de coude sur l'oeil gauche.
09:38 Pas fort du tout.
09:39 Et l'oeil est tellement fragilisé
09:40 que là, ça fait un décollement de rétine de l'oeil gauche
09:42 et c'est game over.
09:43 On arrive à avoir rendez-vous avec une ophtalmo
09:46 qui me suivait plus jeune et qui nous dit,
09:48 j'ai l'impression de voir du sang au fond de l'oeil.
09:50 Il y a quelque chose qui ne va pas.
09:51 Donc, elle me fait une lettre de recommandation
09:54 pour voir un professeur à l'Hôtel Dieu.
09:56 Et quand je vais le voir, en fait,
09:59 il me dit, c'est normal que tu aies mal.
10:00 Tu as une hémorragie dans l'oeil avec un EDM
10:03 et donc tu as un décollement de rétine depuis un mois.
10:05 Donc, ce professeur me dit,
10:07 il faut savoir que là, cette opération,
10:09 après, il n'y a plus rien, c'est terminé.
10:12 Je dis, de toute façon, je ne vois déjà plus rien en réalité
10:14 parce que ce que je vois, ce n'est pas la réalité.
10:15 Donc, en vrai, moi, je ne veux juste plus avoir mal.
10:19 À ce moment-là, moi, j'ai juste hâte de passer cette opération
10:23 parce que j'ai trop mal.
10:24 Je ne vois déjà plus rien.
10:25 Donc, j'ai plus l'impression que les autres ne l'ont pas compris.
10:29 Mais moi, je suis très lucide là-dessus.
10:32 Je n'ai pas vu de changement en termes de vision
10:35 entre avant et après l'opération.
10:36 Je plaque tout un peu du jour au lendemain.
10:38 Je voulais reprendre l'athlée pour me faire plaisir.
10:40 Je n'étais pas dans une idée de je vais faire carrière.
10:43 À la base, j'ai rencontré Artemoit Gimana,
10:46 pour ceux qui veulent jouer au Scrabble.
10:47 Il m'a regardé et avec son petit accent chantant de Burundi,
10:51 Artemoit m'a répondu, pour toi, ce sera du 400 et du 800.
10:54 Il me trouve un guide et ça commence comme ça.
10:55 Il tient parole et un mois plus tard, je commence.
10:58 Au bout de quelques mois, je fais de bonnes PR.
11:00 À l'été 2011, je suis présélectionné pour les Jeux de Londres.
11:04 C'est comme ça que ça démarre.
11:06 Ça fait six mois que je n'ai repris même pas.
11:07 Je me dis, quand même, si je m'entraîne dur,
11:11 peut-être qu'il y a un moyen,
11:12 en sachant que je ne m'entraîne que deux, trois fois par semaine.
11:15 Ah ouais, quand même.
11:16 Donc, je me prépare,
11:18 sauf que mon corps n'est pas prêt à encaisser une charge d'entraînement
11:22 tous les jours, à haute intensité,
11:25 voire deux fois par jour.
11:27 Et donc, je vais me blesser assez souvent.
11:29 J'arrive à faire les minima internationaux,
11:31 comme un autre Français,
11:32 sauf qu'il y avait un autre Français qui était bien meilleur que moi à ce moment-là.
11:35 Et arrivé au moment de la sélection,
11:37 je ne fais pas partie de la sélection de ceux qui partent à Londres en 2012.
11:41 Je me prends une claque monumentale,
11:42 mais je pense que ça m'a servi pour la suite en réalité.
11:45 Et ce qui est compliqué pour moi,
11:46 c'est que du coup, j'ai mon guide qui, sur la déception,
11:49 arrête aussi.
11:51 Donc, de août 2012 à novembre 2012,
11:53 je vais m'entraîner tout seul,
11:54 en fait, avec mon coach,
11:56 mais il va me guider uniquement à la voix.
11:58 Et du coup, il y a cette grosse interrogation de
12:02 « Attends, est-ce que je ne m'entraîne pas pour rien ? »
12:04 Parce qu'en compétition, tu n'as pas le droit de te guider à la voix.
12:07 Tu es obligé de courir avec un guide.
12:09 Donc, là, pour l'heure, je n'ai pas de guide.
12:12 Mais quatre mois, c'est long, en fait,
12:13 quand tu es dans l'incertitude totale.
12:15 Et donc, je finis par avoir un guide.
12:17 Et c'est l'année où je vais exploser au niveau mondial.
12:19 En fait, je vais gagner 4 secondes sur 400 mètres.
12:22 Je progresse fortement aussi sur 100 et sur 200.
12:25 Et je me sélectionne pour les championnats du monde.
12:28 Je fais une demi-finale sur 200
12:30 et je suis le premier non qualifié pour la finale du 200 mètres.
12:34 À la surprise générale,
12:36 enfin, mon coach, pour lui, ce n'était pas une surprise,
12:38 mais pour le public, pour la fédération,
12:40 pour beaucoup, c'était une surprise générale
12:42 quand je me suis qualifié en finale du 400 mètres.
12:44 Et je prends ma première médaille internationale
12:47 en faisant une médaille de bronze.
12:48 Alors aujourd'hui, je suis vice-champion paralympique du 100 mètres,
12:51 alors que tout le monde me catégorisait comme un athlète du 400 mètres.
12:55 J'ai été champion du monde du 400,
12:58 vice-champion du monde du 100 mètres.
12:59 J'ai été six fois champion d'Europe,
13:01 deux fois sur 100 mètres,
13:02 deux fois sur 200,
13:03 deux fois sur 400.
13:04 J'ai le record d'Europe du 200.
13:05 J'ai eu, pendant un moment, le record du monde du 60.
13:08 Là, dans quelques jours, on retourne le récupérer.
13:11 J'ai eu le record d'Europe du 100 mètres
13:13 et je l'ai battu alors qu'il tenait depuis 32 ans.
13:16 Je l'ai battu en 2015.
13:18 Je l'ai perdu, mais c'est pareil, on va le récupérer.
13:20 C'est vrai qu'on a un palmarès sympa,
13:22 mais qui aurait pu être quasiment le double
13:24 avec toutes les 10 qualifications que j'ai connues.
13:26 J'en ai eu 8 en 7 ans.
13:28 Parce que, en fait, la course guidée,
13:31 c'est de la course à haute intensité
13:32 puisque je suis sur des épreuves de sprint,
13:34 qu'on est deux, donc le facteur erreur humaine
13:37 est multiplié par deux
13:38 et que les règles concernant le guide
13:42 sont extrêmement sévères.
13:43 Il n'y a aucune tolérance.
13:44 Et donc, forcément, vu que tu vas à haute intensité,
13:48 l'erreur, elle arrive beaucoup plus vite.
13:49 Au jeu en 2016,
13:52 je mets mon pied sur la ligne intérieure de mon couloir
13:54 sur quelques millimètres,
13:56 donc je suis disqualifié.
13:57 À Londres en 2017, au championnat du monde,
14:00 mon guide franchit la ligne 3 millième.
14:02 Ce n'est pas des centièmes, ce n'est pas des dixièmes,
14:04 c'est des millièmes de secondes avant moi.
14:06 Donc on nous disqualifie.
14:07 Alors que j'étais champion du monde.
14:09 Donc t'es champion, et en plus,
14:10 on t'annonce pas tout de suite.
14:12 T'as 45 minutes de laps de temps,
14:14 donc j'ai eu le temps de pleurer
14:16 dans les bras de mes parents.
14:17 J'ai eu le temps d'aller faire des interviews
14:19 en pleine interview pour la télé américaine.
14:21 On t'annonce français, là, premier, disqualifié.
14:26 C'est des moments extrêmement difficiles.
14:28 Tu crois que tu as accompli ton objectif.
14:32 Londres, en fait, c'était particulièrement difficile
14:34 parce que déjà, j'allais à Rio en 2016
14:36 en tant que je faisais partie des favoris.
14:38 Et je reviens sans rien parce que
14:41 j'arrive très, très fort à Rio.
14:42 Dès les séries du 100 mètres,
14:44 je bats le record d'Europe.
14:46 Enfin, j'améliore mon propre record d'Europe,
14:49 mais de beaucoup.
14:50 Meilleur temps des séries,
14:51 les médias s'enflamment.
14:53 On a un français futur champion paralympique
14:55 sur 100 mètres et tout ça.
14:56 J'arrive en demi-finale,
14:57 qui devait être une formalité pour moi.
14:58 Et en fait, sur la sortie des Starching Bloc,
15:00 je me pète l'épaule.
15:01 Malgré tout, je vais au bout de ma course.
15:03 Et donc, je fais une course pas top du tout,
15:06 mais j'arrive pour un millième.
15:08 En fait, le chinois fait 11,284,
15:10 et je fais 11,285.
15:11 Pour un millième, je ne passe pas en finale.
15:13 Mais là, c'est que le début de la malchance.
15:15 Je ne le sais pas.
15:16 Il y a des trucs qui ne sont pas cicatrisés.
15:17 Tu as l'impression d'être dans une spirale infernale
15:19 et tu n'arrives pas à t'en sortir.
15:21 Et tu te dis,
15:22 "Putain, mon palmarès, il pourrait être
15:24 vraiment plus que ça."
15:26 Et pendant un moment, en fait,
15:27 j'ai même été perçu comme le gars,
15:29 "Ah, le gars, il est chaud,
15:30 mais il est en meeting, il cartonne."
15:32 Par contre, arrivé le jour des championnats,
15:34 il n'est plus là.
15:35 Mais comment ça, en fait ?
15:36 Sur la piste, à chaque fois,
15:38 je me dis, "Peut-être que j'ai été disqualifié."
15:40 Par contre, le numéro un sur la piste,
15:41 c'était moi, en fait.
15:42 Tu as travaillé comme un ouf,
15:44 tu as eu un investissement de ouf.
15:46 Et en fait, ce n'est même pas que
15:47 tu n'es pas performant.
15:48 Et il y a même un moment où je disais,
15:49 "Je préfère être quatrième,
15:51 ne même pas monter sur la boîte,
15:52 mais au moins, je ne suis pas disqualifié."
15:55 Et puis, c'est beaucoup d'ascenseur émotionnel.
15:57 Et puis, en fait,
15:59 il y a tous tes proches qui sont là.
16:00 Tu ne te sens nul, en fait, à ce moment-là.
16:02 Et en 2018, du coup,
16:04 je me suis dit, "Mais est-ce que je suis fait pour ça ?
16:06 Est-ce que je continue ?
16:08 Je n'ai plus envie, en fait.
16:09 Ce n'est plus une passion.
16:10 Ça me fait plus mal qu'autre chose."
16:13 Et je prends deux, trois mois
16:16 avant de revenir à l'entraînement
16:17 après cet échec.
16:18 Je prends de nouvelles résolutions en fin 2018
16:21 où je dis à mon coach, "Écoute,
16:22 que tu veuilles ou que tu ne veuilles pas,
16:24 moi, je vais réintégrer la musique dans ma vie.
16:26 Je vais revenir, en fait,
16:28 à ce que je faisais quand ça marchait.
16:29 Alors, je ne vais pas la réintégrer de n'importe comment.
16:32 Je vais avoir une bonne hygiène de vie.
16:33 Je ne vais pas y aller la nuit.
16:35 Je vais y aller en journée.
16:36 Je vais y aller sur mes temps libres.
16:39 Je ne vais pas faire ça de n'importe comment."
16:40 Et donc, je me lance dans un projet de musique,
16:43 enfin, de reprendre la musique,
16:45 dans un projet de stand-up,
16:47 dans d'autres projets.
16:48 2019, j'ai la naissance de mon fils.
16:50 Et du coup, je suis champion du monde du 400
16:52 et je suis champion du 100 mètres.
16:53 Il n'y a pas de disqualification.
16:54 Il y a rien du tout.
16:55 Enfin, la meilleure année de ma carrière.
16:56 Tout va bien.
16:58 J'avance en tant que grand favori pour les Jeux.
17:00 J'arrive aux Jeux,
17:02 champion d'Europe, champion du monde en titre sur 400.
17:04 Je chantais que j'allais encore du monde
17:05 et en fait, on gagne notre demi-finale,
17:07 mais boum, disqualifié.
17:08 Et là, tu te dis, "Non, c'est pas possible.
17:09 Ça recommence."
17:11 C'est une règle toute con
17:12 qui ne change rien à la performance,
17:13 mais c'est l'athlète et le guide
17:16 doivent franchir la ligne ensemble.
17:18 Sauf que, comme vous l'avez compris
17:20 pour l'histoire de Londres,
17:21 l'athlète doit franchir la ligne avant son athlète,
17:23 sinon, on est disqualifié.
17:25 Et du coup, Jeffrey, mon guide,
17:26 se met un petit peu en arrière
17:28 pour être sûr de me laisser passer
17:29 au moment de l'arrivée.
17:31 Et en fait, le lien glisse de sa main
17:33 à 45 centimètres de la ligne.
17:35 Le lien qui nous réunit,
17:36 c'est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête.
17:37 Ça semble irréel.
17:38 Tu te dis, "Mais non, c'est pas possible."
17:41 Surtout, le 400 mètres,
17:43 c'est une discipline où l'entraînement
17:45 est tellement, tellement dur.
17:46 Tu te mets dans des états pas possibles.
17:48 Et tu te dis, "On a fait tout ça pour rien."
17:51 On n'a jamais été disqualifié
17:52 pour deux fois la même chose.
17:53 Ce que tu pourrais dire, "Il est bête, le gars.
17:55 À chaque fois, il se fait disqualifier."
17:56 Non, à chaque fois, c'est un nouveau motif.
17:58 Et ouais, pendant 24 heures,
18:00 j'arrive pas à parler.
18:01 C'est un peu une situation de choc
18:03 parce que là, ça devait être
18:05 la concrétisation, en fait.
18:06 Et non, encore une fois,
18:08 ça passe sous le nez.
18:10 Sauf qu'il me restait encore le 100 mètres.
18:11 Et sur le 100 mètres,
18:13 j'ai réussi à rebondir
18:14 en étant vice-champion paralympique,
18:15 en signant la deuxième meilleure perf de l'histoire.
18:17 Et voilà.
18:18 Et championnat du monde cette année à Paris.
18:20 À la maison.
18:21 Aujourd'hui, quand je regarde
18:23 un petit peu en arrière,
18:24 je me dis qu'il y a eu des trucs très cool.
18:26 Donc, si je devais m'adresser
18:28 un petit peu à un moi plus jeune,
18:30 je dirais, lâche vraiment pas l'affaire.
18:32 Tu as des rêves, donc va au bout.
18:34 Donne-toi les moyens, surtout.
18:35 La route, elle n'est jamais facile.
18:37 Donc, tu vas te casser la gueule.
18:38 Ça, il faut en avoir conscience
18:40 parce que quand tu te fixes
18:41 tes grands objectifs,
18:42 la route, elle est semée d'embûches.
18:44 Mais en fait, le jour où tu y arrives,
18:46 tu le savoures d'autant plus.
18:48 Donc, lâche pas
18:49 et va jusqu'au bout de toi-même.
18:51 [Générique]
18:56 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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