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Jeudi 20 avril 2023, SMART BOURSE reçoit Alexandre Tavazzi (Responsable CIO office et recherche macroéconomique, Pictet Wealth Management)

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00:00 (Générique)
00:10 Quelques commentaires et quelques analyses sur la situation de marché après le choc bancaire du mois de mars,
00:17 le stress bancaire du mois de mars.
00:19 Les marchés semblent être dans une phase de normalisation.
00:23 Nous en parlons avec Alexandre Tavadzi, responsable CIO Office et Recherche Macro chez Piquet Wealth Management,
00:28 qui est avec nous en visioconférence depuis Genève.
00:30 Bonjour Alexandre, merci beaucoup d'être avec nous.
00:33 Un mois, un peu plus d'un mois après les événements bancaires,
00:36 SVB signature aux Etats-Unis, Credit Suisse en Europe,
00:39 on constate effectivement une certaine normalisation du marché,
00:43 qui se traduit par la remontée des indices actions,
00:45 avec une baisse assez nette de la volatilité sur les marchés actions.
00:50 Et quand on voit sur le marché obligataire une remontée des rendements obligataires,
00:55 les taux longs ont remonté de quelques dizaines de points de base ces dernières semaines aux Etats-Unis et en Europe,
01:00 mais dans une ambiance qui reste là extrêmement volatile,
01:03 en opposition à ce qu'on peut constater sur les marchés actions.
01:07 Qu'est-ce qu'on peut dire de cette situation à ce stade Alexandre ?
01:11 En fait, la question qui se posait au moment de la crise bancaire était de savoir si on avait un risque systémique.
01:17 On s'est rendu compte que non, pour deux raisons.
01:19 C'est qu'essentiellement il n'y avait pas de transmission de ce mécanisme en Europe.
01:22 On le savait, les banques européennes étaient beaucoup plus stables
01:25 et étaient soumises à des réglementations beaucoup plus strictes.
01:27 Et aux Etats-Unis, les autorités très rapidement ont pris des mesures
01:30 qui ont permis d'éviter une contagion à l'ensemble du système.
01:33 Et donc le scénario de récession probable ou encore beaucoup plus marqué
01:37 que ce qui pouvait être imaginé auparavant ne se réalise pas
01:40 à partir du moment où le secteur bancaire arrive à fonctionner.
01:43 Et puis depuis, on a eu quelques annonces de résultats,
01:45 notamment des grandes banques aux Etats-Unis,
01:47 qui montrent qu'en gros leur business model se comporte bien,
01:50 les résultats sont bons,
01:51 et de façon générale, les résultats qui sont jusqu'à maintenant publiés
01:54 pour le début de cette année sont conformes aux attentes.
01:57 Donc il n'y a pas de raison d'avoir d'augmentation de volatilité
02:00 si finalement la crise financière ne se traduit pas
02:03 par un scénario qui se dégrade ensuite au niveau macroéconomique.
02:06 Comment on explique la différence de volatilité qu'on peut observer
02:09 entre les marchés actions, et vous l'avez dit,
02:11 la volatilité a baissé pour de bonnes raisons sur les marchés actions,
02:15 et une volatilité sur les marchés obligataires qui reste quand même particulièrement élevée.
02:19 Ça fait plusieurs mois qu'on vit avec ce double régime de volatilité,
02:22 Alexandre, mais à ce stade, comment on explique que ces deux niveaux de volatilité
02:27 perdurent en parallèle dans les marchés obligataires et dans les marchés actions ?
02:31 Alors du côté des marchés actions, on a moins d'incertitudes aujourd'hui
02:35 puisque finalement les résultats continuent de confirmer
02:38 que le secteur corporé se comporte bien.
02:40 La réouverture du marché chinois est en train d'aider tout un segment
02:43 qui est le segment dans la consommation du luxe.
02:45 Donc on enlève une incertitude qui était ce qui va se passer en Chine et son impact.
02:51 Donc du côté des marchés actions, on est plutôt rassuré de ce qui est en train de se passer.
02:55 Et du côté des marchés obligataires, l'incertitude sur l'évolution des banques centrales
02:59 est toujours totale. On ne sait pas si le prochain mouvement sera de 25 points de base.
03:03 Si on écoute les discours des différents membres de la Fed,
03:06 certains nous disent qu'il faudra continuer à lutter après,
03:09 on va s'arrêter d'ici le mois de mai.
03:11 Donc on voit une incertitude de ce côté-là.
03:13 En Europe, on voit que les paramètres d'inflation restent supérieurs à ceux des États-Unis,
03:17 donc probablement plus de continuation en termes de politique monétaire européenne.
03:21 Et puis on a eu les récents chiffres en Grande-Bretagne
03:24 qui montrent que l'inflation continue à rester un problème.
03:26 Donc on a plus d'incertitudes structurelles dans les marchés obligataires aujourd'hui
03:30 du fait des différents cycles économiques et des réactions de chacune des banques centrales.
03:34 Et puis on rajoute à ceci un élément qui est important, qui est un élément de liquidité.
03:40 Les banques centrales sont en train de se retirer des marchés obligataires,
03:44 elles l'ont indiqué, c'est ce fameux QT,
03:46 ce qui fait qu'on a moins de liquidité parce qu'on a plus les acheteurs structurels
03:49 qui viennent à chaque émission d'obligation gouvernementale
03:52 qui vous permettent ensuite d'assurer un minimum de liquidité.
03:55 Et donc si on a moins de liquidité, on a un mouvement des prix qui est plus important,
03:59 et c'est probablement ce qu'on enregistre dans les paramètres de volatilité.
04:02 Sur le front de l'inflation, Alexandre,
04:04 est-ce qu'on est en train de constater des histoires de plus en plus divergentes
04:09 de part et d'autre de l'Atlantique ?
04:11 Le postulat de départ il y a quelques mois a été de dire
04:13 qu'il y a un décalage temporel entre le phénomène inflationniste
04:16 qu'on a observé d'abord aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, puis en zone euro.
04:22 On a l'impression, et l'exemple britannique est assez intéressant de ce point de vue-là,
04:26 que les deux histoires sont en train de diverger
04:29 et qu'il ne s'agit plus simplement d'un décalage temporel.
04:33 La nature de l'inflation devient très différente en Europe et aux Etats-Unis.
04:38 C'est exactement ça.
04:40 Aux Etats-Unis, on commence à avoir les prémices d'un ralentissement du marché du travail,
04:44 qui était une des conditions qui auraient permis à la Fed d'arrêter de remonter les taux d'intérêt.
04:48 On y arrive.
04:49 Les premiers éléments que l'on voit, c'est peut-être moins de recherche d'emploi de la part des entreprises,
04:54 des entreprises qui commencent à indiquer qu'elles vont peut-être moins continuer à monter les salaires.
04:58 Donc on arrive finalement à ce que recherchait la réserve fédérale.
05:01 En Europe, c'est le contraire, puisque finalement,
05:03 toutes les négociations salariales qui ont lieu aujourd'hui en Europe
05:06 conduisent à une augmentation des revenus.
05:09 Donc on avait un effet décalé, mais finalement, les deux choses sont complètement divergentes,
05:12 puisqu'aux Etats-Unis, c'est en train de se calmer du côté du marché du travail.
05:16 En Europe, on enregistre le phénomène inverse.
05:20 Mais les éléments coïncidents sont les mêmes.
05:23 C'est une baisse généralisée des prix de l'énergie, ça, on l'a vu.
05:25 C'est une baisse généralisée des biens.
05:27 Il reste les services.
05:28 Et les services sont un segment de l'activité qui nécessite énormément de main-d'œuvre,
05:33 et nous, effectivement, c'est différent en termes de cycle d'inflation.
05:36 Et comme vous l'avez mentionné de votre côté,
05:38 la Grande-Bretagne reste complètement à part avec des problèmes qui lui sont propres.
05:42 Et donc on a de plus en plus d'anticipation de divergence des cycles monétaires dans chacune des régions.
05:47 Il y a un point commun peut-être entre l'inflation britannique et celle de l'eurozone, Alexandre.
05:53 C'est la composante alimentaire, qui devient vraiment l'éléphant dans la pièce,
05:58 qui devient évidemment l'inflation la plus médiatisée, la plus politisée aussi, sans doute.
06:04 Mais ce phénomène d'inflation alimentaire, on est quasiment à 20% de hausse pour l'inflation alimentaire au Royaume-Uni.
06:10 Je n'ai pas l'impression qu'on l'a observé dans cette mesure aux Etats-Unis.
06:14 Et surtout aujourd'hui, l'inflation alimentaire aux Etats-Unis ne semble pas être un sujet,
06:19 alors que chez nous, en Europe, c'est un sujet encore grandissant devant nous.
06:23 Absolument.
06:25 C'est un problème considérable parce que ça vient se rajouter à une faiblesse des ménages.
06:30 Si je prends le cas de la Grande-Bretagne, on a un impact très important des taux hypothécaires,
06:34 puisqu'en Grande-Bretagne, on a essentiellement des taux variables.
06:37 Donc là-haut, ces taux d'intérêt déjà décidés par la Banque centrale d'Angleterre
06:41 sont déjà en train d'impacter le revenu des ménages au travers de la facture hypothécaire.
06:46 Et on vient rajouter à ceci une augmentation de l'inflation sur la nourriture,
06:50 ce qui quelque part veut dire qu'on a une partie de la population qui est particulièrement touchée par la situation actuelle.
06:56 Donc on a une situation un peu paradoxale où l'inflation reste élevée,
07:00 ce qui conduit la Banque centrale à continuer à augmenter les taux d'intérêt
07:03 et donc à créer à quelque part une situation encore plus inquiétante en termes de situation macroéconomique.
07:08 C'est la raison pour laquelle, sur l'économie britannique, on n'a pas les moyens aujourd'hui d'être particulièrement positifs.
07:15 Et en Europe, ça reste un problème également,
07:17 la différence avec l'Europe c'est qu'on a ce phénomène de salaire.
07:20 Alors on ne va pas rattraper complètement l'augmentation des prix de la nourriture,
07:24 mais on essaiera de compenser un tout petit peu.
07:26 Donc ces éléments-là sont perçus de façon différente dans les ménages dans différentes régions géographiques.
07:31 Mais l'impact le plus important c'est bien évidemment la hausse des prix de la nourriture
07:36 qui se rajoute à la hausse des tarifs hypothécaires,
07:39 étant donné qu'en Grande-Bretagne on a essentiellement des taux hypothécaires qui sont à taux variable.
07:44 Parmi les phénomènes ou les interrogations qu'on avait sur la dynamique d'inflation,
07:48 se posait la question de l'intensité inflationniste de la reprise économique en Chine
07:54 qu'on a pu constater à travers des chiffres un peu durs
07:57 qui ont été publiés par le bureau des statistiques chinoises en début de semaine.
08:01 Alexandre, est-ce que ce risque d'un redémarrage de l'inflation énergétique
08:07 ou de certains produits de base spécifiques liés à la reprise économique en Chine,
08:13 est-ce que ce risque-là est écarté à ce stade ?
08:16 Il n'est pas complètement écarté mais il est peu probable.
08:19 Et en fait il est peu probable du fait de la nature de la reprise en Chine.
08:23 La Chine a publié cette semaine les premiers chiffres du premier trimestre de cette année.
08:27 On voit deux choses intéressantes, c'est que les exportations ont l'air de reprendre un tout petit peu,
08:31 ce qui est plutôt encourageant pour l'activité économique mondiale,
08:34 mais surtout la consommation a fait un bond de 10%.
08:37 Et quand on regarde les composants de la consommation qui ont rebondi,
08:41 ce sont essentiellement des produits de luxe.
08:43 C'est la raison pour laquelle les grandes entreprises qui sont dans ce segment-là font bien
08:47 ou sont particulièrement favorisées, notamment sur la bourse française.
08:51 Mais ça veut dire également qu'on a une reprise qui est très différente des reprises précédentes.
08:55 Les phases de reprise précédentes pour l'économie chinoise,
08:58 c'était essentiellement de l'investissement, de l'infrastructure
09:01 et donc une demande en matière première qui était importante.
09:04 Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que c'est une reprise de consommation,
09:07 il n'y a pas vraiment de reprise de l'investissement.
09:09 On assiste à une stabilisation du marché immobilier, mais rien de plus.
09:13 Ce qui veut dire que la demande en matière première est relativement faible.
09:16 Et si on n'avait pas eu la baisse de la production décidée par l'OPEP récemment,
09:21 probablement les prix du pétrole ne se seraient pas stabilisés au niveau actuel.
09:25 Parce que même de ce côté-là, le retour de la Chine sur le marché de l'énergie
09:29 ne se traduit pas par une demande importante, étant donné encore une fois la nature de la reprise chinoise.
09:34 En matière de stratégie d'investissement et d'allocation d'actifs, Alexandre,
09:37 quels sont les actifs qu'on a envie de détenir aujourd'hui,
09:41 sachant que les actions sont peut-être un peu topiches pour certains,
09:45 mais avec une volatilité moindre,
09:47 quand les marchés obligataires offrent certes des rendements qu'on n'a plus vus depuis des années,
09:52 mais conservent quand même un régime de volatilité très important.
09:56 En fait, les obligations telles que nous les percevons
10:00 ne sont pas du tout dans une optique de trading.
10:03 L'idée, c'est de choisir une entreprise qui sera là le jour de la maturité de l'obligation,
10:08 mais on est particulièrement bien rémunérés aujourd'hui de ce côté-là.
10:12 Donc pour nous aujourd'hui, sans prendre trop de risques,
10:14 c'est-à-dire sans devoir aller dans les segments les plus risqués du marché obligataire,
10:17 tout ce qui est « investment grade » aujourd'hui fait complètement du sens,
10:20 parce qu'encore une fois, on a eu un petit écartement des « spreads »,
10:23 donc on est bien rémunérés de ce côté-là.
10:25 Et les actions sont un peu un point d'interrogation,
10:27 puisque finalement les indices continuent de monter,
10:29 avec une volatilité qui est relativement faible,
10:31 mais si on se projette entre maintenant et la fin de l'année,
10:34 on devrait avoir quand même un ralentissement marqué au niveau de l'économie,
10:38 probablement plus aux États-Unis qu'en Europe,
10:40 mais ça va donc se traduire par un ralentissement des chiffres d'affaires
10:44 à un moment où effectivement le coût du travail est relativement élevé,
10:48 et on a beaucoup d'entreprises qui hésitent aujourd'hui
10:50 à réduire le nombre de travailleurs qu'elles occupent,
10:53 simplement parce qu'on a ce sentiment de se dire
10:56 « si je m'en sépare aujourd'hui, je n'arriverai pas à les retrouver d'ici six mois ».
11:00 Donc les entreprises acceptent de facto une compression de leurs marges,
11:04 qui devrait se traduire finalement dans la deuxième moitié de cette année
11:07 par une baisse des résultats.
11:09 Donc les marchés actions sont nettement moins attractifs aujourd'hui
11:12 que ce que l'on a sur les marchés obligataires.
11:15 Merci beaucoup Alexandre, merci pour cet éclairage sur les marchés et la macro.
11:20 Alexandre Tavadzi, responsable CIO Office et Recherche Macro
11:23 chez Pictet Wealth Management, qui est avec nous en visioconférence depuis Genève.

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