À l'occasion de la 6ème conférence nationale sur le handicap, Elisa Rojas, avocate en Droit du travail et militante pour le droit des personnes en situation de handicap est l'invitée de 9H10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Sonia De Villers, votre invitée ce matin est avocate.
00:02 Bonjour Elisa, alors on dit Rojas, Rojas ?
00:06 Comme vous voulez, Rojas ça me va.
00:08 Rojas ça vous va, voilà, parce que vous êtes née au Chili, c'est donc un nom à
00:13 consonance hispanique.
00:14 Elisa Rojas, vous êtes face à moi, en fauteuil roulant, vous êtes avocate, on va parler
00:20 du handicap et c'est une femme handicapée qui prend le micro sur France Inter.
00:24 Et j'aimerais qu'on raconte la discussion qu'on vient d'avoir toutes les deux dans
00:27 le couloir aux auditeurs.
00:28 Je vous ai dit, voilà, nous sommes à la veille de la conférence nationale du handicap,
00:33 ça chauffe, c'est un grand moment de débat national, c'est un grand moment de rencontre
00:38 entre les pouvoirs publics et les associations, les militants, les personnes atteintes en
00:45 situation de handicap, etc.
00:46 On va détailler.
00:47 Et j'aimerais que vous nous racontiez les points de crispation, tout en faisant référence
00:54 à votre propre vie quotidienne.
00:56 Et vous m'avez dit non.
00:57 Je ne le fais pas parce que systématiquement les journalistes veulent m'emmener vers
01:01 là.
01:02 Et moi, c'est pas ça dont j'ai envie.
01:04 Expliquez pourquoi parce que c'est vraiment intéressant.
01:06 Je vois que tout se recycle, mais vous avez raison, pourquoi pas.
01:10 En fait, la seule chose que je voulais essayer d'expliquer, c'est qu'il y a un traitement
01:13 spécifique du handicap de la part d'une majorité de journalistes.
01:18 Il y a toujours des gens qui traitent les choses autrement, mais il y a un biais, on
01:22 va dire, qui est récurrent et qui est toujours de présenter ce qui concerne le handicap
01:29 et les personnes handicapées sous le prisme du parcours individuel, sous le prisme de
01:33 la difficulté individuelle, avec des sujets très illustratifs.
01:37 Et moi, je pense que malheureusement, ça nuit aux personnes handicapées et à la compréhension
01:42 des difficultés des personnes handicapées par celles qui ne le sont pas, parce que justement,
01:46 elles s'arrêtent à ce parcours individuel en se disant que c'est la faute à pas de
01:50 chance et elles ne voient pas que c'est un problème qui est collectif, que c'est un
01:55 problème qui est social, qui est politique, où il y a aussi des questions de domination,
02:00 de rapport de pouvoir.
02:01 Et donc, ce traitement journalistique-là, malheureusement, je pense qu'il est nuisible
02:06 en fait à notre combat en tant que personnes handicapées.
02:10 Donc, c'est la raison pour laquelle j'essaye toujours, dans la mesure du possible, de trouver
02:14 des compromis avec les journalistes, ce qui n'est pas toujours facile.
02:18 C'est-à-dire que je veux bien que de temps en temps, ils racontent mon parcours, etc.
02:24 pour m'identifier, je suis d'accord, pour qu'on comprenne qui je suis, à quel titre
02:28 je parle aussi, c'est très important, mais qu'on ne se focalise pas non plus trop
02:32 longtemps là-dessus et qu'on soit capable d'élargir la conversation, d'élargir
02:36 la réflexion, parce que c'est essentiel pour que les personnes, surtout celles qui
02:40 sont éloignées du handicap, qui ne sont pas des personnes handicapées, puissent avoir
02:43 une véritable compréhension du sujet.
02:45 Et pour mieux comprendre votre parcours, non pas de femmes handicapées, mais de femmes
02:50 politisées et de femmes qui entrent en politique, à partir de quand vous êtes devenue… à
02:57 partir de quand s'est éveillée chez vous la conscience politique ? Et quel a été
03:01 le déclic ?
03:02 En fait, j'ai un peu l'impression malheureusement d'être née politisée.
03:07 Pourquoi malheureusement ? Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas, mais ce
03:13 qui est certain, c'est que je suis née dans une famille politisée.
03:15 Il y a une partie de ma famille du côté maternel qui sont depuis toujours des militants
03:20 politiques de gauche, qui ont évolué dans un pays qui a connu une dictature extrêmement
03:26 violente, le Chili.
03:28 Donc, ma mère m'a toujours très bien expliqué les choses, non seulement le parcours de sa
03:33 famille, mais également ce pourquoi nous nous battions, où nous nous positionnions
03:39 sur les équipes politiques et quelle était la société que l'on essayait de défendre
03:44 et de construire.
03:45 Et donc, j'ai toujours été politisée, ça m'a toujours intéressée, depuis que
03:49 je suis petite.
03:50 Indépendamment de la situation du handicap ?
03:52 Par contre, j'ai mis du temps, il est vrai, à pouvoir comprendre la situation des personnes
03:58 handicapées via ce prisme-là.
04:00 Parce qu'on n'a pas l'habitude justement, parce qu'on dépolitise énormément cette
04:04 question-là.
04:05 Et c'est vrai, régulièrement, les grands porte-parole de la cause, les responsables
04:12 de grandes associations de personnes en situation de handicap se réclament d'une parole à
04:16 politique, justement.
04:18 Moi, je pense qu'elles le font à tort, je pense qu'elles ont tort de prendre les choses
04:22 sous cet angle-là.
04:23 Je pense qu'il faut politiser cette question, que même il en va de notre survie, il en
04:27 va vraiment de l'avancée de nos droits et de notre émancipation.
04:31 C'est vrai que c'est la tendance, encore une fois, générale de notamment des grosses
04:36 associations qui gèrent des services et des établissements pour personnes handicapées
04:40 et qui sont considérées comme représentatives des personnes handicapées, alors qu'elles
04:44 ne le sont pas.
04:45 Et d'ailleurs, les instances internationales, notamment l'ONU, considèrent qu'elles ne
04:48 peuvent pas prétendre agir pour les droits des personnes handicapées.
04:51 Mais je vous avais raison de le souligner, on présente les choses de façon apolitique.
04:56 Et malheureusement, moi, il y a eu un moment où, effectivement, je ne faisais pas les
05:01 bonnes connexions, je ne faisais pas les bons liens entre ce que je savais, ce que je comprenais
05:05 déjà sur plein d'autres sujets et le handicap.
05:08 Mais il y a un moment donné où le puzzle, quelque part, s'est assemblé de lui-même,
05:12 je pense aussi beaucoup du fait des études que j'ai faites.
05:15 Alors, vous êtes avocate, vos études, ce sont donc des études de droit jusqu'à
05:20 passer le concours du barreau.
05:22 Vous avez cogné dur ces dernières années.
05:24 Et le paradoxe, et c'est ça qui est intéressant, c'est qu'on a un président de la République
05:29 qui, lors de sa première campagne présidentielle en 2017, avait multiplié les discours et
05:34 les promesses sur le handicap.
05:35 On ne l'attendait pas forcément sur ces sujets-là.
05:37 Il s'est passé pas mal de choses pendant le premier mandat.
05:42 Peut-être qu'on peut réécouter un extrait du discours de politique générale d'Elisabeth
05:47 Born.
05:48 Et on va entendre des applaudissements qui vont annoncer un moment historique qui s'est
05:52 passé ensuite à l'Assemblée nationale.
05:54 « Je vous annonce que mon gouvernement réformera avec vous, avec les associations, l'allocation
06:01 adultes handicapés.
06:02 Il s'agira d'une réforme en profondeur.
06:07 Nous partirons du principe de la déconjugalisation. »
06:11 Et voilà, l'année suivante, un mois de juillet, un mois de juillet à l'Assemblée
06:22 nationale.
06:23 Mais vraiment, une grande fréquentation, c'est-à-dire la plupart des députés étaient
06:28 là et il y a eu une voix contre.
06:30 C'est-à-dire que ça a été voté à une écrasante unanimité.
06:34 Fait rare de concorde à l'Assemblée nationale quand on sait ce qui va se passer derrière.
06:39 Oui, et du coup, je n'ai pas bien compris la question.
06:42 Non, la question c'est qu'il s'est passé des choses, ça a été un sujet assez central.
06:46 Là, on ne l'attendait pas.
06:47 Et pourtant, il reste beaucoup à faire.
06:49 Vous avez beaucoup critiqué.
06:51 Et là, au moment où va commencer la conférence nationale sur le handicap, du handicap, ce
06:57 sont les manquements qu'on pointe.
06:58 En fait, le problème, c'est que sur cette séquence-là, si on s'arrête deux secondes,
07:02 il faut reprendre l'histoire depuis le début.
07:04 Parce que c'est facile de montrer le moment où la déconjugalisation a été actée,
07:09 mais c'est le fruit d'une bataille qui a été extrêmement longue.
07:13 Il y a beaucoup de gens qui s'y sont investis.
07:16 Ça vient des personnes handicapées d'abord et avant tout, qui ont fait ressurgir le sujet
07:21 via une pétition, via les réseaux sociaux.
07:23 Et la première réponse du gouvernement Macron à cette demande, ça a été de refuser.
07:28 Sophie Cluzel a tout fait pour s'opposer à cette déconjugalisation.
07:32 À l'époque, elle était secrétaire d'État au handicap.
07:35 Donc voilà, il se trouve qu'à un moment donné, ça n'a plus été possible pour eux
07:40 de refuser cette disposition-là.
07:43 Parce qu'en plus, il y a des exigences internationales, et ça j'insiste énormément
07:47 au-dessus, parce que la France n'est pas seule au monde.
07:49 Elle a aussi signé des conventions internationales dans lesquelles elle s'engage à faire avancer
07:54 le droit des personnes handicapées.
07:55 Il se trouve que cette demande-là est aussi une demande de l'ONU.
07:59 Donc à un moment donné, ils ne peuvent pas…
08:01 Et la déconjugalisation, c'était l'idée qu'on ne dépend pas financièrement de son conjoint.
08:06 On reçoit une allocation parce qu'on est en situation de handicap, indépendamment
08:11 de la situation financière de son conjoint.
08:14 Tout de toute façon dans le combat des personnes en situation de handicap, et pour renforcer
08:19 l'autonomie.
08:20 Vous, vous êtes une femme handicapée, vous êtes une femme qui travaille.
08:22 Oui, mais ce que je voulais dire, c'est qu'à quelques mesures comme ça, on trompe l'œil,
08:29 qui semblent être des avancées, et qui sont évidemment extrêmement mises en avant par
08:33 le gouvernement, parallèlement à ça, il y a quand même plus de régression que d'avancées
08:38 en matière de handicap.
08:39 On n'est pas dans une phase positive pour les personnes handicapées.
08:43 On n'est pas dans une phase de stagnation, on est dans une phase de régression.
08:46 Oui, on est dans une phase de régression.
08:47 Vous parlez de la question de l'accessibilité.
08:49 Il y a tellement d'autres questions, il y a l'accessibilité qui n'est pas un point
08:52 très important.
08:53 Reprenons les points les uns après les autres.
08:55 La question de l'accessibilité.
08:56 La question de l'accessibilité, c'est que ça n'avance pas tout simplement parce
08:59 qu'à chaque fois, on reporte et on reporte l'obligation.
09:03 C'est-à-dire que c'est quand même une obligation qui date de 1975, et la loi de
09:08 2005 a rappelé cette obligation.
09:10 La seule chose qu'elle a vraiment mis en avant, c'est un délai pour que justement,
09:15 on sorte de l'attentisme et de la stagnation et qu'on avance.
09:20 Et à partir de ce délai-là, les choses devaient être mises en conformité et devaient
09:23 permettre, si ce n'était pas fait, aux personnes handicapées de pouvoir éventuellement
09:27 se pourvoir en justice.
09:29 Alors justement, c'est ça qui est intéressant, c'est qu'on assiste à une multiplication
09:32 des dérogations pour les établissements publics devant recevoir du public, public
09:37 ou non public, puis public ou privé devant recevoir du public.
09:39 On assiste à une démultiplication des dérogations, ce qui fait qu'il y a plein d'établissements
09:45 qui sont conformes, qui ne sont pas dits non conformes, parce qu'ils sont sous le coup
09:51 de ces dérogations.
09:52 Et que justement, c'est ce que disent les associations, il y a un moment ou un autre,
09:56 on va attaquer en justice.
09:57 On va judiciariser cette question-là.
09:59 Mais en fait, au dernier moment, tout a été fait pour reporter les délais, pour éviter
10:03 la création de ces actions en justice.
10:06 - Et vous, vous êtes avocate, je le rappelle.
10:08 - Oui, voilà, pour empêcher le contentieux, comme on dit dans notre profession, c'est-à-dire
10:12 empêcher les gens d'aller faire les recours qui pourraient éventuellement être à leur
10:17 disposition.
10:18 Donc très très volontairement, à ce moment-là, c'était le gouvernement de François Hollande,
10:23 très très volontairement, on a réformé cet aspect de la loi de 2005 pour donner encore
10:28 des délais supplémentaires.
10:29 Là, on est à un tel désordre sur ces règles qui se sont empilées les unes les autres.
10:35 Il y a eu des régressions aussi au niveau du logement avec la loi Elan, puisque ça
10:40 aussi c'est une des régressions extrêmement symboliques.
10:43 - Rappelez-le, parce que ce sont des dossiers que vous connaissez.
10:45 - La loi Elan, qui a été quand même prise sous la présidence de Macron, c'est réduire
10:50 le nombre de logements accessibles dans le bâti neuf.
10:53 Alors qu'il devait justement être 100% accessible, on réduit la proportion de logements.
10:58 Ça n'a absolument aucun sens.
11:00 On ne pourra jamais progresser si à chaque fois, soit on revient sur les délais, soit
11:05 on revient sur les obligations mêmes, on les vide de leur contenu.
11:09 Donc c'est pour cette raison qu'à chaque fois, les gens se demandent "mais pourquoi
11:13 en France, rien ne se passe ? On a l'impression que tout va extrêmement lentement ou alors
11:18 tout reste totalement figé".
11:21 Il y a une raison.
11:22 Il y a des textes en fait qui n'avancent pas.
11:24 - On est le mauvais élève de l'Europe.
11:25 - On n'applique pas les textes déjà et on n'applique pas non plus les engagements internationaux
11:28 et ça c'est fondamental.
11:29 Parce que ces engagements doivent permettre à la France de passer d'une vision totalement
11:34 médicale du handicap à une vision qui est axée sur le respect des droits fondamentaux,
11:39 sur l'égalité des droits, la non-discrimination et l'autonomie de vie des personnes handicapées.
11:44 - Il est 9h20, vous écoutez France Inter.
11:50 Mon invitée est avocate, elle s'appelle Elisa Rojas et on va parler ensemble justement
11:56 de ces points d'achoppement entre les pouvoirs publics et les associations qui représentent
12:00 les personnes en situation de handicap.
12:02 Nous sommes à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
12:04 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
12:33 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
13:03 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
13:32 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
14:01 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
14:24 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
14:54 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
15:23 - On est à la veille, je vous rappelle, de la conférence nationale.
15:38 - Et le titre de cette chanson colle impeccablement à mon invitée Elisa Rojas qui est avocate,
15:44 qui est face à moi, en fauteuil roulant, qui est elle-même handicapée.
15:49 Je vous rappelle que demain commencera la conférence nationale du handicap.
15:52 C'est un événement, c'est une réunion qui a lieu tous les trois ans.
15:57 Si je ne me trompe pas, peut-être un mot sur la façon, puisqu'on a commencé l'émission
16:04 comme ça, la façon dont on médiatise les personnes en situation de handicap.
16:08 Et vous, vous avez un discours extrêmement intéressant.
16:10 C'est-à-dire que vous êtes une militante, vous n'avez pas peur de taper sur la table,
16:14 vous n'avez pas peur du combat.
16:16 Et pourtant, vous ne voulez pas être présentée comme une combattante.
16:19 Forcément comme une combattante.
16:21 C'est-à-dire que les personnes handicapées sont soit des petites choses fragiles, victimes
16:27 de leur situation, soit des super héros qui, grâce au combat, ont surpassé leur situation.
16:34 Pourtant, c'est le droit d'être entre les deux, quelque part entre les deux ?
16:37 - Oui, déjà, c'est le droit à la subtilité, à la complexité.
16:41 Je pense qu'on l'est tous, et les personnes handicapées aussi, et donc moi dedans.
16:45 Après, le problème, c'est que moi, j'ai choisi un métier qui est un métier de combat
16:50 aussi, avocat, je l'assume totalement.
16:52 Ça correspond aussi à ce que je suis, à ce que j'aime.
16:56 Ça permet de faire vivre aussi ces idées, notamment politiques.
17:03 On peut mettre au service de ces idées.
17:04 Ça ne me dérange pas qu'on me présente comme une combattante.
17:08 Simplement, ce qu'il faut que les gens comprennent, c'est que c'est par la force des choses.
17:11 C'est pas parce que ça me plaît tant que ça.
17:14 Moi, je préférerais, comme tout le monde, vivre très sereinement ma petite vie, je
17:18 sais pas, à regarder des films et à me faire les ongles, que sais-je.
17:22 J'ai pas des loisirs extrêmement originaux.
17:25 Mais ce que je veux dire, c'est qu'on est dans un contexte, les personnes handicapées
17:29 sont dans un contexte où elles n'ont pas d'autre choix.
17:32 Si elles veulent exister, elles doivent constamment se battre.
17:35 Et moi, ce que je veux, c'est que les gens retiennent que ce n'est pas normal.
17:39 Moi, je n'ai pas choisi de me battre autant, que ce soit pour faire des études ou pour
17:45 travailler ou pour faire entendre nos revendications.
17:49 Et particulièrement les femmes.
17:50 Mais oui, bien sûr, particulièrement les femmes, puisqu'elles se retrouvent à l'intersection
17:55 de deux systèmes d'oppression, que sont d'une part le patriarcat et d'autre part
18:00 le système d'oppression qui est spécifique aux personnes handicapées, ce qu'on appelle,
18:03 vous l'avez cité tout à l'heure, le validisme, c'est-à-dire de reconnaître que les difficultés
18:09 que rencontrent les personnes handicapées, elles sont dues au rapport de pouvoir, au
18:13 rapport de domination qui existe.
18:15 C'est-à-dire une société qui est faite par des personnes valides pour des personnes
18:19 valides.
18:20 Et nous, on en est exclu.
18:21 Donc voilà, le validisme, c'est reconnaître que c'est un système d'oppression au
18:25 même titre que d'autres systèmes.
18:27 Et les femmes handicapées, elles se retrouvent au minimum, je dis bien au minimum parce
18:30 qu'elles peuvent rencontrer d'autres systèmes d'oppression, mais au minimum, elles sont
18:33 coincées entre ces deux-là.
18:35 Vous vous êtes battues, dites-vous, pour apprendre, vous vous êtes battues pour étudier.
18:40 Et pourtant, vous avez fait des études, même des études brillantes, puisque vous êtes
18:45 arrivée jusqu'au barreau, vous êtes aujourd'hui avocate.
18:47 Et on sait, le taux d'échec scolaire qui frappe la population handicapée.
18:54 Vous êtes passée par des établissements très différents.
18:57 C'est-à-dire que vous êtes passée à la fois par des établissements ordinaires,
18:59 à la fois par des établissements spécialisés.
19:02 Ça va être un des grands sujets de la conférence qui démarre demain sous l'égide du président
19:07 de la République.
19:08 On en est où ?
19:09 On en est où ? C'est-à-dire ? On en est que malheureusement, les choses ne sont pas
19:14 simples pour les élèves handicapés.
19:17 Déjà, on a un système qui est totalement axé autour des établissements spécialisés
19:22 et dont on nous demande en tant que pays de sortir en application du droit international.
19:28 Donc, il faut arrêter de raisonner autour de tout ce qui est spécifique aux personnes
19:32 handicapées et reconnaître qu'elles ont le droit d'étudier avec les autres en milieu
19:37 ordinaire.
19:38 Mais évidemment, pour ça, il faut mettre les moyens.
19:41 C'est-à-dire qu'il faut rediriger les moyens.
19:43 Au lieu de donner à des associations pour gérer des établissements et services spécialisés,
19:47 il faut qu'on donne les moyens à l'éducation nationale de pouvoir accueillir correctement
19:52 toutes les personnes handicapées avec les moyens humains.
19:55 Ça peut être évidemment de construire un système d'aide humaine avec des auxiliaires
20:01 de vie scolaire vraiment qui ne soit pas précaire, qui soit payée correctement.
20:05 On peut peut-être reparler justement, parce que là, on parle quand même d'une population
20:08 qui est mal formée et horriblement mal payée, qui est en sous-nombre, en sous-effectif et
20:16 souvent recrutée à temps partiel avec des salaires de 700 euros net par mois.
20:22 Tant qu'on ne mettra pas les moyens pour justement construire un statut pérenne, solide, pour
20:28 reconnaître une véritable place à ce métier au sein de l'éducation nationale avec des
20:33 salaires à la hauteur, il est clair qu'on ne permet pas aux élèves handicapés d'étudier
20:37 dans de bonnes conditions.
20:38 Si les personnes qui les accompagnent elles-mêmes ont des conditions de travail détériorées,
20:44 leurs conditions d'études à tous les élèves handicapés sont également détériorées.
20:49 C'est évident.
20:50 NICOLAS : Merci beaucoup Elisa Rojas.
20:52 Merci beaucoup.
20:53 Dossier à suivre sur France Inter puisque la conférence nationale du handicap démarre
20:57 demain.
20:58 Merci d'avoir été mon invitée ce matin.
20:59 ELISA ROJAS, présidente, France Inter.