Agnès VERDIER-MOLINIÉ « La France est au bord de la faillite »

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Agnès VERDIER-MOLINIÉ « La France est au bord de la faillite »
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00:00 [Musique]
00:05 – Bonjour Agnès Verdier-Molinier.
00:06 – Bonjour.
00:07 – Vous dirigez un think-tank, l'IFRAP,
00:08 la Fondation pour la Recherche sur les Administrations
00:10 et les Politiques Publiques.
00:11 Vous publiez "Où va notre argent ?"
00:13 c'est un nouveau best-seller de ce livre.
00:15 "Des dépenses y explosent, des services publics y se dégradent,
00:17 le scandale français", dites-vous aux éditions de l'Observatoire.
00:20 Ce livre a énormément de succès, c'est-à-dire qu'au fond,
00:22 vous mettez le doigt sur quelque chose qui fait mal en France aujourd'hui ?
00:26 – Oui, je crois qu'il y a une énorme prise de conscience
00:29 chez nos concitoyens aujourd'hui.
00:32 C'est-à-dire, un, qu'on paye énormément d'impôts,
00:35 on n'a jamais payé autant de prélèvements obligatoires
00:38 qu'en 2022 depuis les années 90,
00:41 45,3% par rapport à la richesse nationale.
00:45 On a les dépenses publiques les plus élevées du monde,
00:48 et en face, on a l'impression que nos services publics
00:50 sont en train de s'écrouler, de s'effondrer, de se déliter,
00:53 on ne sait pas comment le dire finalement.
00:55 L'école ça ne va pas, l'hôpital ça ne va pas, la justice ça ne va pas,
00:59 le pénitentiaire ça ne va pas, et partout où on se tourne,
01:03 c'est ce que j'explique dans mes chapitres du livre,
01:06 on se dit "mais attends, qu'est-ce qui se passe ?
01:09 Le pays qui dépense le plus, on n'arrive pas à avoir un passeport,
01:12 on n'arrive pas à avoir une carte d'identité ?
01:14 J'ai des témoignages qui arrivent de partout avec ce livre,
01:16 les gens me disent "mais attends, j'ai voulu prendre un rendez-vous en février,
01:19 j'ai le rendez-vous en juillet, et ce n'est même pas chez moi,
01:21 c'est à 20 km, 30 km de chez moi,
01:23 je ne sais pas quand j'aurai mon passeport et je ne peux pas partir".
01:26 Et on se dit "mais attends, finalement, qu'est-ce qui a buggé ?
01:31 Qu'est-ce qui fait qu'on ne comprend pas où va l'argent ? "
01:35 Et ce que je voulais dire aussi dans ce livre,
01:37 c'est que ce n'est pas l'argent de l'État, ce n'est pas l'argent de la Sécu,
01:40 ce n'est pas l'argent des collectivités locales, c'est notre argent.
01:43 – Oui, c'est l'argent des Français, c'est l'argent des SAAE,
01:45 c'est l'argent des entreprises,
01:47 au fond quand vous posez cette question "où va notre argent ?"
01:50 vous laissez entendre que l'argent ne va pas là où il devrait aller
01:53 et qu'il y a trop d'argent finalement qui est prélevé.
01:56 – L'incompréhension vient du fait que finalement tout est fait
02:00 pour nous empêcher de savoir comment on utilise l'argent public.
02:04 Et ça c'est vraiment typiquement français,
02:06 j'ai fait le tour d'Europe dans le cadre de cette enquête pour ce livre,
02:09 et finalement partout il y a des incitations à faire des classements,
02:13 à dire où sont les meilleurs hôpitaux, où sont les meilleures cliniques,
02:16 où sont les meilleures écoles, les écoles finalement les moins chères
02:20 avec en face, globalement, avec en face la meilleure qualité d'enseignement,
02:25 les meilleurs résultats des élèves, mais chez nous ça c'est tabou.
02:29 On n'a pas le droit d'en parler,
02:30 on n'a pas le droit de demander les comptes des opérateurs de l'État,
02:33 vous savez ces grosses agences par exemple, l'ancienne ENA,
02:36 nous on arrivait à la fondation IFRAP à avoir les comptes à peu près tous les ans.
02:39 On pouvait faire une analyse des comptes, regarder si le déficit augmentait,
02:42 comment ils dépensaient l'argent, la masse salariale etc.
02:45 Alors maintenant c'est l'INSP, depuis décembre on a demandé les comptes,
02:49 on n'a pas les comptes. Alors pourquoi ?
02:52 Pourtant c'est obligatoire par la loi,
02:54 on a saisi la commission d'accès aux documents administratifs qui dit
02:57 "oui vous devez avoir accès" mais non on ne les a pas.
02:59 Les bilans sociaux, on voit l'absentéisme des agents dans les collectivités locales par exemple,
03:04 on a demandé les bilans sociaux des 70 plus grandes villes de France,
03:07 ce ne sont pas de petites collectivités, ce sont de grandes villes.
03:10 Depuis août l'année dernière, on n'a la réponse que pour 30 villes,
03:15 alors que c'est une obligation de la loi de 2019,
03:18 donc ce n'était pas hier, pour la transformation de la fonction publique.
03:22 – Mais au fond vous dites, effectivement il y a trop de prélèvements obligatoires,
03:26 vous allez dans le sens des agences de notation,
03:28 non Fitch qui a dégradé la note de la France,
03:32 et peut-être Stardazen Pool qui bientôt va faire de même,
03:35 on dit que le gouvernement a très peur éventuellement de cette décision
03:38 de cette agence de notation, au fond vous dites,
03:40 ce serait justifié que Stardazen Pool dégrade la note de la France ?
03:44 – Ce qui serait justifié c'est qu'on se réveille
03:46 par rapport au problème énorme de gestion publique de nos finances publiques,
03:50 parce que pendant que les pays du Nord se désendettaient
03:53 depuis les années 2015, 2016, 2017,
03:56 nous tous les ans continuons à s'endetter, même avant la crise du Covid.
03:59 – 3000 milliards de dettes environ aujourd'hui.
04:01 – On va atteindre les 3000 milliards de dettes,
04:03 on est en train de les atteindre là en ce moment même,
04:05 on a clairement une charge de la dette, un coût annuel de la dette
04:08 qui est en train d'exploser, c'était une trentaine de milliards,
04:11 on va bientôt arriver dans les 70 milliards d'euros par an,
04:14 on va dépasser potentiellement le coût de l'éducation nationale
04:18 en coût de la dette annuelle, alors c'est vrai que les agences de notation,
04:21 elles ont de quoi se poser des questions, parce qu'il est où le plan
04:24 de rétablissement des finances publiques de la France ?
04:26 On nous a bien dit qu'on allait faire une revue de dépenses,
04:28 on ne l'a toujours pas vue cette revue de dépenses.
04:30 – Il y a l'inflation évidemment qui rentre en compte
04:32 dans cette augmentation de la dette.
04:34 – Oui mais en réalité, l'inflation, on savait qu'on en aurait,
04:38 on savait qu'à un moment, en dépensant autant d'argent public,
04:41 en faisant marcher la planche à billets au niveau de la Banque Centrale Européenne,
04:44 on était dans une anesthésie du système.
04:47 – Je crois qu'il en coûte en fait, notamment pendant le Covid,
04:50 le chèque énergie, un certain nombre de…
04:52 – Mais c'était sûr qu'on allait générer de l'inflation
04:55 avec ce qui s'est passé pendant la crise du Covid.
04:57 On arrête l'économie, on arrête de produire, on arrête de travailler,
05:00 on paye tout le monde à rester chez soi et on pense que les prix
05:03 ne vont pas augmenter, mais nous, on a annoncé que l'inflation
05:06 allait arriver depuis juin 2020, on l'a dit dans une étude
05:09 de la Fondation IFRA, vous pouvez la reprendre sur le site.
05:12 Donc c'était complètement mettre la tête dans le sable,
05:15 de dire "ah ben non, il n'y aura pas d'inflation,
05:18 ou alors il y aura une toute petite inflation, ce sera transitoire,
05:20 ça va durer quelques mois", mais ça c'était complètement faux.
05:23 Donc en réalité, on savait qu'on aurait de l'inflation,
05:26 on savait qu'on devrait monter les taux au niveau de la Banque Centrale
05:30 et donc qu'on aurait une augmentation des taux pour la dette,
05:32 et à ce moment-là, nous on sort aussi en juin 2020, une étude,
05:36 les fragilités de la dette française, et on dit "attention,
05:39 on s'est endetté sur des OAT de la dette indexée sur l'inflation,
05:44 donc des taux variables, indexées sur l'inflation en plus de la zone euro,
05:48 et c'est ça qui nous a explosé le coût de la dette annuelle en 2022,
05:52 qui va continuer à faire exploser le coût de la dette".
05:54 – Et qui va donc, si la France est dégradée, faire augmenter le prix de l'argent,
05:58 le taux de crédit.
05:59 – Alors là, ce sera plutôt les taux nominaux qui risquent d'augmenter,
06:02 et on le voit déjà, à 10 ans, on emprunte à plus de 3% en ce moment,
06:05 mais même à un an, on emprunte presque à 3,40 en ce moment.
06:09 Donc il y a toute une évolution là des taux sur la dette française,
06:13 qui est très rapide, et ce qui est intéressant,
06:15 c'est de revenir un an en arrière.
06:17 J'avais sorti un papier dans le JDD, où je disais "attention,
06:20 on a un risque de boule de neige de la charge de la dette,
06:23 on risque d'aller vers 70-80 milliards d'euros de coût annuel,
06:26 on va peut-être aller vers les 4% de taux à 10 ans".
06:30 Mais à ce moment-là, je reçois des messages de Bercy me disant
06:33 "mais comment tu peux dire ça ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
06:36 Où sont tes chiffrages ?"
06:38 Je leur dis "mais attendez, nous on a fait des chiffrages hyper sérieux,
06:40 quels sont vos chiffrages à vous de Bercy ?"
06:42 Et moi ce qui me frappe, c'est le manque de contrôle,
06:45 le manque d'évaluation permanent, mais aussi le manque d'anticipation
06:48 et de prévision, et le manque de partage avec les Français de tous ces sujets-là,
06:52 parce que la réforme des retraites, on la fait aussi
06:54 parce qu'on a un problème de dette.
06:56 – Elle est toujours incomprise, là il y a le projet Lyot qui veut revenir,
07:00 qui est examiné à l'Assemblée nationale aujourd'hui.
07:02 – Elle est toujours incomprise parce qu'on n'a pas expliqué aux Français
07:04 que si on ne fait pas cette réforme, derrière on va avoir des taux
07:07 qui vont monter en flèche sur la dette,
07:09 derrière on va devoir couper dans les retraites et les salaires des fonctionnaires.
07:12 C'est ça la réalité.
07:14 On ne dit pas les choses telles qu'elles sont,
07:17 on dit "on a des problèmes de financement" mais on ne rentre pas dans le détail.
07:20 Et c'est dommage parce qu'on ne prend pas les Français pour des adultes responsables
07:24 qui peuvent comprendre les mécanismes, on leur dit "oui, oui, il faut travailler plus longtemps"
07:28 mais ça ne suffit pas, il faut expliquer le sous-jacent.
07:31 – Sur la fraude sociale en ce moment…
07:33 – Oui, c'est ça actuellement finalement.
07:35 Est-ce que c'est ça la réponse ? Le plan de lutte contre la fraude sociale,
07:38 Gabriel Attal, alors que l'on dit qu'il y a une fraude fiscale bien plus importante ?
07:44 – Les deux, les deux sont à un moment… il faut lutter contre les deux.
07:47 Sur la fraude fiscale, ça fait des années qu'on lutte déjà contre la fraude fiscale.
07:51 Il y a environ une trentaine de milliards de fraudes fiscales,
07:53 c'est ça que je chiffre dans mon livre.
07:55 L'essentiel c'est de la fraude à la TVA par des coquilles d'entreprises
07:59 qui ne sont pas vraiment des entreprises, qui sont quasiment nées à doc pour frauder la TVA.
08:03 Donc là, il y a vraiment une grosse fraude, mais ce n'est pas la fraude dont on nous a parlé,
08:08 des ultra-riches, etc. Il n'y a aucun chiffre qui montre que plus on est riche,
08:12 plus on fraude fiscalement. En réalité, la grosse fraude fiscale, c'est la fraude à la TVA.
08:16 Derrière, on récupère à peu près 11 milliards d'euros sur les 30 milliards.
08:20 Mais sur la fraude sociale, ça fait des années qu'on ne fait quasiment rien.
08:24 Les contrôles, ils sont faits par les personnels…
08:27 – C'est-à-dire qu'on dirait, c'est quoi la fraude sociale ?
08:30 Le gouvernement, les values à 6-7 milliards, je crois, et vous, c'est à 20 milliards.
08:33 – Oui, 20 milliards parce que c'est 10 milliards de fraude aux cotisations,
08:37 c'est quand vous travaillez, en fait, mais que vous ne déclarez pas vos revenus.
08:40 Et puis, c'est 10 milliards de fraude aux prestations.
08:42 Par exemple, vous vous déclarez parent isolé, alors vous n'êtes pas parent isolé,
08:45 donc vous touchez des aides en plus.
08:47 Ou alors, vous travaillez, mais non déclaré, et vous demandez une prestation sociale.
08:52 En fait, vous n'y avez pas droit.
08:54 – Ou alors, vous résidez à l'étranger, vous continuez de toucher des prestations sociales.
08:57 Là, le gouvernement a annoncé qu'il faudra résider en France 9 mois au lieu de 6
09:01 pour toucher les prestations sociales.
09:02 – Oui, mais encore faut-il qu'on puisse le contrôler,
09:04 parce que la CNIL ne veut pas qu'on regarde des billets d'avion
09:07 des personnes qui touchent des minima sociaux.
09:09 Alors, pour l'instant, on n'est pas sûr d'avoir les autorisations pour le faire.
09:12 Bercy n'est pas sûr de pouvoir le faire.
09:14 Alors que sur la fraude fiscale, toutes les autorisations sont données en permanence.
09:18 La personne qui est résidente fiscale à l'étranger,
09:21 mais qui réside plus de 6 mois par an en France,
09:24 ils vont la récupérer, ils vont la tracer.
09:27 La personne qui finalement vit 12 mois par an à l'étranger et qui touche le RSA,
09:32 j'aimerais bien savoir s'il y a déjà eu finalement des contrôles
09:36 qui ont permis d'en retrouver.
09:38 En réalité, il n'y a pas de contrôle aujourd'hui.
09:41 – Mais au fond, comme certains le disent,
09:43 est-ce qu'on ne stigmatise pas finalement les plus pauvres ?
09:46 Est-ce que c'est ça vraiment le problème ?
09:49 – En réalité, quand on fraude le fiscal,
09:51 on fraude aussi souvent le social et vice-versa.
09:54 Pourquoi ? Parce que quand vous demandez des prestations sociales
09:58 auxquelles vous n'avez pas droit parce que vous travaillez à côté,
10:00 vous fraudez les prestations sociales, vous fraudez les cotisations sociales,
10:04 donc vous n'êtes pas solidaire de vos concitoyens qui payent, eux, leurs cotisations,
10:08 mais aussi vous fraudez l'impôt, puisque vous ne déclarez pas vos revenus.
10:11 Et donc, vous ne payez pas d'impôt, vous ne payez pas de CSG.
10:15 Donc à un moment, la fraude sociale et la fraude fiscale, c'est le même combat.
10:19 Et pourquoi le gouvernement, effectivement, se lance dans ce sujet en ce moment ?
10:23 C'est aussi pour rassurer les marchés, car à un moment,
10:25 on va arrêter de fermer les yeux sur cette espèce de gabegie sociale
10:31 qui existe dans notre pays.
10:33 Sur les 20 milliards de fraude sociale dont on parle,
10:35 on n'en récupère que 1,6.
10:37 Vous voyez, 1,6 milliard par rapport à 20 milliards,
10:40 et de l'autre côté, sur la fraude fiscale, 11 ou 12 milliards versus 30 milliards,
10:46 on n'est pas du tout dans le même niveau.
10:48 Ça veut dire qu'il y a une énorme marge de manœuvre,
10:51 on pourrait récupérer potentiellement une dizaine de milliards sur la fraude sociale, tous les ans.
10:56 Et ça, c'est aussi l'idée de remettre le fil rouge sur le travail,
11:01 parce qu'il n'y a que 40% des personnes qui touchent le RSA qui sont inscrits à Pôle emploi.
11:05 Il n'y a pas d'obligation, finalement, de chercher un emploi
11:08 quand vous touchez des minima sociaux en France.
11:10 Alors qu'au Danemark, alors qu'en Suède, alors qu'en Allemagne,
11:12 partout dans les pays du nord de l'Europe,
11:14 il y a des aides généreuses, comme en France,
11:16 mais il y a l'obligation de reprendre un emploi quand vous pouvez le faire.
11:20 Et en fait, vous devez le faire, sinon vous perdez vos prestations.
11:23 – Mais est-ce qu'il n'y a pas un risque, pardon Agnès Verdier-Molini,
11:26 il y a un risque d'explosion sociale, si vous vous en prenez,
11:29 d'ailleurs vous le dites, vous le dénoncez dans ce livre,
11:31 au fait que les résidents des HLM, pour moitié d'entre eux, ne travaillent pas,
11:35 par exemple, est-ce qu'au fond, il n'y a pas un risque d'explosion sociale
11:38 dans un climat tendu, notamment en banlieue, par exemple ?
11:41 – Alors, moi, ce que je veux expliquer avec ce livre,
11:43 et notamment sur les questions des HLM, des crèches, etc.,
11:46 c'est montrer que finalement, ceux qui supportent le poids de l'impôt,
11:49 souvent on leur dit, "ben oui, mais le service public, finalement, il n'est pas pour toi".
11:53 Imaginons quelqu'un qui est serveur ou qui est infirmier dans Paris,
11:57 par exemple, il travaille dans une clinique privée,
12:01 par exemple, il travaille dans un restaurant,
12:03 est-ce qu'il va réussir à obtenir un HLM dans Paris, intramuros ?
12:06 C'est quasiment impossible, parce que finalement,
12:09 soit les places sont pour le droit au logement opposable,
12:12 soit les places sont pour des personnels de la mairie de Paris
12:14 ou des personnels d'administration publique.
12:16 Et donc, quand vous regardez les ratios, vous vous rendez compte
12:21 que celui qui va faire deux heures de RER matin et soir
12:24 pour se rendre à son travail dans le secteur privé dans Paris,
12:28 il n'a quasiment aucune chance d'obtenir un logement.
12:32 D'ailleurs, on le voit dans la cotation des logements,
12:34 c'est-à-dire les points que vous avez quand vous demandez un logement social sur votre dossier.
12:38 Vous avez des points si vous avez reçu des lettres d'huissier,
12:41 vous avez des points si, finalement, vous avez des problèmes conjugaux,
12:44 si vous avez divorcé, etc.
12:46 Mais si vous travaillez dans Paris, vous n'avez pas de points,
12:49 vous avez juste des majorations de points que vous avez déjà.
12:52 Et ça, je trouve que c'est délétère.
12:54 C'est pareil pour les crèches.
12:55 Moi, je pensais naïvement, quand je me suis lancée dans la rédaction de mon chapitre sur les crèches,
12:59 qu'il n'y avait que des enfants de parents qui travaillent dans les crèches.
13:03 Mais pas du tout.
13:04 Il y a 30% des enfants qui ont au moins un des deux parents qui ne travaillent pas,
13:07 alors qu'ils ont une place en crèche.
13:08 Quand vous voyez la difficulté pour obtenir une place en crèche,
13:11 quand vous travaillez, vous vous posez la question,
13:14 mais comment est-ce possible que, finalement, on privilégie le social plutôt que le travail ?
13:19 Et je dis attention.
13:20 Attention à la question du consentement à l'impôt.
13:23 Parce que, finalement, si à chaque fois que vous travaillez,
13:26 que vous jouez le jeu de la solidarité, que vous payez vos cotisations,
13:29 que vous payez votre CSG, que vous payez vos impôts sur le revenu,
13:32 et qu'en face, on vous dit "Bah non, service public, ce n'est pas pour toi",
13:36 je pense qu'à un moment…
13:37 – Vous croyez vraiment ?
13:38 Parce que j'allais presque dire, on a vu des grèves, on voit des grèves,
13:41 et d'ailleurs, vous l'avez dénoncé, notamment à la SNCF, récurrente, au moment des fêtes, etc.
13:46 Et notamment, on a vu les grands mouvements sociaux contre la réforme des retraites.
13:49 On n'a jamais vu de mouvements sociaux ou de grèves contre une augmentation des impôts
13:54 ou contre une augmentation des cotisations.
13:56 Est-ce que finalement, les gouvernements ne sont pas plutôt tentés d'aller vers cette direction,
14:00 n'ont pas été jusqu'ici tentés d'aller vers cette direction,
14:02 quand on voit, finalement, la difficulté sociale à affronter,
14:06 quand, par exemple, on veut augmenter les retraites, l'âge de la retraite ?
14:10 – Je pense que c'est en train de changer.
14:12 Parce que, par exemple, vous avez vu que les syndicats, sur les dernières grèves,
14:15 ils ont fait attention à ne pas faire de grève sur, justement,
14:18 des week-ends importants de départ en vacances, etc.
14:21 – Ça pourrait prendre quelle forme, finalement, cette opposition à l'impôt ?
14:24 – Parce que, finalement, il y a une lassitude aussi de la part de nos concitoyens.
14:27 Regardez ce qui se passe sur la question des non-remplacements de profs
14:29 dans les écoles publiques, en ce moment,
14:31 avec des collectifs de parents d'élèves qui se mettent en place pour dire
14:34 "mais attendez, nous, on veut des profs parce que, finalement,
14:38 il y a un moment où on paye les impôts nécessaires en face,
14:41 et on n'a pas le service, et on n'a pas la qualité d'enseignement minimum
14:47 qu'on devrait exiger, et quand même pouvoir exiger dans un pays comme la France.
14:51 Donc c'est en train de se retourner, tout ça, attention.
14:54 Sur la question des passeports et des cartes d'identité,
14:56 je peux vous dire que tous les ministres qui se déplacent en France aujourd'hui,
14:58 les gens ne leur parlent que de ça, en disant "mais attendez,
15:01 le pays des droits de l'homme, le pays où, finalement,
15:05 on nous dit qu'on est au top en termes de République, etc.
15:09 et puis derrière, on ne peut pas avoir de papier d'identité dans un délai normal.
15:12 Donc, c'est une prise de conscience.
15:14 C'est pour ça que ce livre est très regardé et qu'il trouve un écho,
15:18 et je m'en réjouis, parce que si on ne se réveille pas maintenant,
15:22 on va avoir un délitement et un déclassement de la France beaucoup plus important.
15:26 Alors que si on se réveille maintenant, on peut tout faire,
15:30 parce qu'on peut classer les écoles.
15:32 Par exemple, nous, on a montré que sur les 100 premiers collèges de France,
15:35 en termes de résultats au brevet à l'écrit, il n'y en a que 9 qui sont publics.
15:39 Pourtant, les collèges publics, ils nous coûtent plus cher que les collèges privés.
15:42 On met beaucoup plus d'argent public dedans.
15:44 Alors, ce n'est pas qu'une question d'argent.
15:46 C'est une question de gestion.
15:48 C'est une question de gestion de l'absentéisme.
15:50 Pourquoi est-ce qu'on admet qu'il y a plein de profs absents dans le public
15:52 et beaucoup moins dans le privé ?
15:54 Pourquoi, finalement, on arrive à mieux gérer l'argent des services publics
15:59 qui sont gérés par le privé que par le public ?
16:01 Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas donner à un moment tous les comptes ?
16:05 Et c'est ce que je demande aussi, en inspiration de ce qui se passe dans les autres pays.
16:09 Je donne 20 principes qui marchent à l'étranger et qui pourraient être tout à fait appliqués en France
16:14 et qui permettraient qu'on aille voir ce qui se passe dans la boîte noire de l'argent public.
16:18 Mais, finalement, pour ça, il faut qu'on respecte l'article 14
16:22 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que j'ai mise au dos du livre.
16:26 Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants
16:30 la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement et d'en suivre l'emploi.
16:35 Normalement, c'est le Parlement qui doit être finalement outillé pour pouvoir évaluer où va l'argent public.
16:42 Et nos administrations, qu'elles soient centrales ou qu'elles soient locales,
16:46 ou qu'elles soient des administrations du Parlement ou qu'elles soient des administrations sociales,
16:50 elles font tout pour que le Parlement ait le moins de capacités possibles de chiffrage,
16:54 d'économétrie, de statistiques, d'évaluation sur place, etc.
16:58 Et ça, il y a une résistance même des grands corps de l'État
17:01 pour que nos parlementaires, qui ont été élus par nous, puissent aller voir comment utiliser l'argent public.
17:08 Et pourtant, c'est ça qui permet aussi sur l'évaluation des normes,
17:12 c'est ce que font les Allemands, ce que font les Pays-Bas, ce que font les Belges,
17:15 l'évaluation des normes de ce qui est voté à l'Assemblée nationale, ça devrait être obligatoire.
17:20 Nous, on a des études d'impact, mais il n'y a rien dedans.
17:23 C'est incroyable d'avoir voté la loi Climat-Énergie avec autant de nouvelles normes,
17:27 la zéro artificialisation des sols, des normes partout.
17:30 Et finalement, on ne sait même pas ce que ça va impacter en termes d'emploi,
17:34 en termes d'usines, en termes de capacités de production.
17:37 – Donc vous êtes d'accord avec Emmanuel Macron qui demande que les normes soient mises entre parenthèses,
17:40 y compris d'ailleurs sur les questions environnementales.
17:43 – Mais c'est un sacré paradoxe, parce qu'après avoir voté la loi Climat-Énergie,
17:46 dont on n'évalue rien, alors que c'est bourré de normes supplémentaires dans cette loi Climat-Énergie
17:52 et qu'il n'y a rien dans l'étude d'impact, il n'y a pas d'évaluation, il n'y a rien,
17:55 dire qu'on va arrêter au niveau européen, alors qu'on sait très bien
17:58 qu'on a beaucoup plus de normes en France imposées à l'industrie.
18:01 Par exemple, pourquoi est-ce qu'une usine en France, ça met 18 à 24 mois pour pouvoir se construire,
18:06 alors que dans les autres pays de la zone euro, c'est moitié moins de temps,
18:09 alors qu'ils ont les mêmes normes européennes ?
18:11 Donc il y a une hypocrisie totale.
18:13 Les aides-feu, on n'était pas obligés d'en faire comme ça, avec autant de contraintes,
18:19 et d'ailleurs on voit que toutes les dates sont repoussées en permanence.
18:22 Donc on est dans une hypocrisie importante.
18:25 En 2035, les moteurs thermiques, est-ce que la France s'est rebellée officiellement,
18:30 comme les Allemands, les Italiens, les Polonais,
18:32 contre cette date qui est beaucoup trop rapide et qui est hyper grave pour notre industrie automobile,
18:37 parce que ça peut détruire énormément d'emplois en France ?
18:39 Mais non, la France, elle n'a rien dit, elle ne s'est pas mobilisée.
18:43 Donc on ne peut pas à la fois dire qu'il y a trop de normes,
18:46 et en même temps faire voter des normes à qui mieux mieux au Parlement,
18:48 et ne pas évaluer l'impact pour notre économie, pour les Français, pour les entreprises françaises.
18:54 Merci beaucoup Agnès Verdier-Molinier, vous avez fait la une, je le montre, du Figaro Magazine.
18:59 Merci à vous.
19:00 Comment l'État gaspille notre argent, donc votre livre est publié aux éditions de l'Observatoire,
19:04 Où va notre argent ? Merci d'avoir été notre invitée.
19:08 Avec joie.
19:09 [Musique]

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