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NoticiasTranscripción
00:00 – Et d'avoir été un haut fonctionnaire de carrière.
00:02 – Et d'avoir été, pendant les deux premières années, on fait les services extérieurs,
00:05 donc la comptabilité publique, les services fiscaux, etc.
00:10 Mais assez rapidement, on a des missions qui vont dans d'autres ministères.
00:14 Par exemple, j'ai fait une mission, cette fois-ci j'étais chef de brigade,
00:17 à ce qui s'appelait à l'époque la Caisse d'enseignants des monuments historiques et des sites,
00:21 Hôtel de Suilly apparaît, donc ça c'était, s'agissant du ministère de la Culture,
00:25 on avait découvert, bon bref, il y avait quand même beaucoup de ménages qui avaient été faits,
00:29 c'était quand même franchement très mal géré.
00:32 Et j'ai fait des recommandations, on avait fait des recommandations,
00:35 qui ont été suivies, des faits, 10 ans après, 15 ans après,
00:37 mais qui ont été suivies, des faits, petit à petit.
00:38 – Le rythme de l'État.
00:39 – Le rythme de l'État.
00:40 Et puis des missions, il y a une mission, il y a vraiment une mission qui m'a beaucoup,
00:47 beaucoup, beaucoup formé et intéressé aussi en Calédonie,
00:51 et notamment sur la question du problème des terres,
00:53 qui revient, l'appropriation des terres, qui revient sans arrêt quand on parle de la Calédonie.
00:59 Et donc à l'inspection, il n'y a quand même pas énormément de...
01:03 Les inspecteurs des finances pendant la tournée sont quand même un peu nombreux.
01:06 J'avais la réputation, excusez-moi de le dire,
01:08 mais d'être quelqu'un de pointu, de compétent,
01:11 de m'intéresser aussi à la vie à l'étranger.
01:12 – Toujours le bon élève, toujours le bon élève.
01:14 – Tout le monde savait que j'aimais les voyages, que j'avais été au Japon,
01:18 que j'avais fait le tour du monde.
01:18 – Vous aimiez les dossiers.
01:19 – J'aimais les dossiers, donc mon chef de service m'a dit
01:22 « François, tu vas aller pendant 3 mois en Calédonie ».
01:24 Alors j'ai été flanqué dans l'inspecteur général des finances
01:27 et dans l'inspecteur général des affaires de l'agriculture,
01:30 qui sont allés installer la mission à Nouméa.
01:32 Ils sont restés avec moi 4-5 jours.
01:33 On a rencontré les leaders locaux.
01:36 Il y avait Jacques Lafleur à l'époque, Jean-Marie Djibaou.
01:39 Ils sont morts tous les deux. Djibaou a été assassiné.
01:42 Jacques Lafleur, elle, est morte dans son lit.
01:44 Et puis les grands leaders indépendantistes,
01:46 Yeweneh Yeweneh, Diko Kéwe, qui était au commissariat.
01:51 Il y avait aussi comme jeune secrétaire général du Haut-Commissariat M. Carinco,
01:57 qui est aujourd'hui ministre de l'Outre-mer en fin de carrière.
02:02 Et puis au bout d'une semaine, ils étaient repartis.
02:04 Et moi, j'étais resté pendant 3 mois.
02:05 J'étais resté 3 mois à Nouméa et aller vérifier une agence.
02:10 C'était l'Agence pour le Développement rural et l'Aménagement foncier.
02:13 Et vérifier les dossiers et d'aller également sur place.
02:16 Au bout de 4 ans, on a tourné l'inspection.
02:19 J'ai été placé en détachement, comme ça se faisait,
02:24 pendant 2 ans au Crédit national.
02:26 Ah !
02:27 Pour faire de la banque d'affaires avec des entreprises.
02:29 Puisque j'étais considéré comme un bon inspecteur,
02:32 c'était un poste qui était très convoité
02:35 et qui permettait ensuite de partir dans une banque privée
02:38 et de gagner des sommes fabuleuses.
02:39 Ce que beaucoup de vos collègues font.
02:42 Oui. J'ai rencontré des gens dont j'ignorais même l'existence.
02:47 En fait, c'était des très grandes fortunes.
02:49 J'ai découvert... Il y avait des gens qui sont des gens richissimes en France,
02:55 qui sont absolument inconnus du grand public.
02:57 Je pense par exemple...
02:58 Et qui tiennent à le rester.
02:59 Oui. J'avais vu par exemple M. Lagardelle.
03:05 J'avais vu Jean-François...
03:06 Alors c'était des entreprises privées et des entreprises publiques.
03:09 Par exemple, j'avais vu le Faux Prix Jean.
03:11 J'avais vu Hortoli, qui était la tête de TOTA.
03:13 Ça, c'est une entreprise publique.
03:14 Mais j'avais vu aussi Glicha pour Casino.
03:17 J'avais vu Lagardère.
03:19 J'avais vu Martin Boubouig, etc.
03:23 Et puis des gens dont j'ignorais...
03:24 Par exemple, les frères Roquette,
03:26 qui est une entreprise qui, à l'époque,
03:28 championne du Sorbitol,
03:29 qui ont des champs de betterave à sucre
03:31 et qui pesaient...
03:32 C'était une entreprise extraordinairement rentable.
03:34 À l'époque, c'était une entreprise familiale.
03:38 J'avais deux messieurs qui étaient là,
03:40 qui ne payaient pas de mine.
03:41 Mais enfin, leur fortune, à l'époque,
03:43 c'était 8 milliards de francs.
03:44 J'ai pris l'inspection des finances.
03:45 — Vous avez fait l'ENA pour sortir
03:47 aux affaires étrangères.
03:48 — Oui, pour faire un...
03:49 C'est bien pour les affaires étrangères.
03:50 Et je pouvais prendre l'inspection.
03:52 Donc j'ai pris l'inspection,
03:52 qui était un choix de raison,
03:53 mais pas un choix de cœur.
03:55 Parce qu'on m'a proposé...
03:56 Le directeur de la DRE, en l'espèce,
03:57 était ravi de voir l'inspecteur des finances.
04:00 Et il m'a donné le bureau Asie-Océanien.
04:03 — Le voilà. Le voilà. C'était à la DRE.
04:04 Vous étiez à la DRE en 90-91 ?
04:07 — Je suis revenu en 91-91.
04:09 Voilà, 91-91.
04:12 On m'a envoyé tout seul.
04:13 Je suis allé à Phnom Penh, au Cambodge,
04:17 pour renouer les dons de l'État français
04:19 au Cambodge qui avaient été supprimés
04:21 après l'arrivée des Khmers rouges.
04:23 Donc là, c'était en 91-92.
04:25 On m'envoie, moi, à Phnom Penh
04:29 pour aller expliquer un peu comment ça se passe.
04:31 Et ça, c'est... Là aussi,
04:32 vous me demandez...
04:33 Ça fait partie d'une grande souvenir
04:35 qui m'a marqué.
04:36 Je suis arrivé à Phnom Penh.
04:37 Donc moi, je sais que j'ai toujours aimé
04:39 les questions internationales.
04:40 J'étais à la fortune des conseillères nazies
04:41 à l'Océanie.
04:42 Et donc j'ai vécu...
04:44 J'ai suivi au jour le jour
04:46 l'affaire de la chute de Phnom Penh
04:48 le 17 avril 1975
04:49 avec le journaliste du Monde de l'époque
04:51 qui s'appelait Patrice de Baire
04:52 et qui avait écrit « Phnom Penh libéré ».
04:54 — Des bêtises.
04:55 — « Phnom Penh libéré ».
04:56 Il y a eu 2 500 000 morts.
04:58 Il y a eu le quart de la population
04:59 qui a été autogénocidée.
05:00 — Pas le poids de grand libérateur.
05:01 — Voilà.
05:02 Et je suis allé là-bas.
05:03 J'ai des souvenirs vraiment incroyables.
05:06 J'arrive à Phnom Penh.
05:07 Je suis reçu au ministère des Finances
05:09 par le directeur du Trésor
05:11 qui était un type qui avait 35 ans.
05:15 Un peu plus âgé que moi.
05:18 Il était en short et en sandales.
05:21 Il n'avait rien.
05:23 Il m'avait montré...
05:24 Il y avait les vieilles armoires métalliques
05:27 des années 30
05:29 fabriquées en France.
05:30 — En France, oui.
05:31 — Du colonisateur français.
05:34 Il m'avait expliqué
05:36 qu'il était arrivé dans tout le ministère.
05:38 Il n'y avait plus rien.
05:40 Tout avait été vidé par les Khmer Rouges.
05:43 C'était année zéro, franchement.
05:46 Vous imaginez, vous arrivez dans un ministère.
05:48 Tous les miroirs sont absolument vides.
05:49 Le type, il est directeur du Trésor.
05:51 Il n'a même pas de secrétaire.
05:52 Il est en savate.
05:53 Et il me dit « Voilà, je ne sais pas quoi faire ».
05:57 — Et qu'avez-vous fait ?
05:58 — Je lui ai expliqué comment ça marchait.
06:00 Comment la France...
06:01 Je lui ai expliqué ce que c'était.
06:02 Que soit les prêts bonifiés...
06:04 Mais ils étaient trop pauvres
06:04 pour qu'on fasse des prêts bonifiés.
06:05 Donc c'était des dons.
06:07 Que les dons, c'était à 100%
06:09 pour acheter des produits et des services français.
06:11 Tout ça, ça a été ensuite interdit
06:12 par les Américains dans le cadre de l'OCDE.
06:14 Donc là, je parle d'amende qui n'existe plus.
06:16 Mais c'était très précieux pour la France.
06:17 — Bah ils achetaient en France.
06:18 — Voilà. C'est-à-dire qu'on faisait des dons,
06:20 des prêts bonifiés.
06:20 Mais ça permettait d'assurer
06:22 le rayonnement de la France, d'assurer...
06:24 — Parce que ça créait des liens pour plus tard.
06:25 — Bien sûr.
06:26 Et donc j'avais expliqué ça.
06:29 Et c'était d'un point de vue incroyable.
06:32 Et l'ambassadeur de France au Cambodge,
06:34 qui était très content de voir quelqu'un venant de Paris,
06:36 qui m'avait fait visiter les grands lieux de Phnom Penh,
06:40 la butte de Mme Penh.
06:41 « Phnom Penh », ça veut dire « la butte de Mme Penh ».
06:45 Une espèce de butte artificielle,
06:46 un peu comme la Côte de Charbon
06:47 dans la cité interdite à Pékin.
06:49 Et puis... — Les traces d'époque.
06:50 — Voilà. Le fameux musée de Toulouse-Lagues,
06:53 où vous voyez les charniers des...
06:56 C'est vraiment... Ça fait partie de ces missions,
07:01 comment dirais-je, professionnelles
07:03 qui vous marquent à vie, quand même.
07:04 C'est vraiment très important.
07:06 Alors ensuite, en 1993,
07:10 changement de majorité,
07:13 et mon directeur de la DRUM me dit
07:15 « Est-ce que vous avez déposé votre dossier
07:18 pour aller en cabinet ministériel ? »
07:22 Je vous dis, je suis toujours...
07:24 — Le prince Moshkin. — Oui, le prince Moshkin.
07:26 Je le regarde avec des yeux ronds.
07:29 — Mais il était absurde.
07:31 — Il me dit « Vous avez déposé votre dossier ? »
07:33 Je lui dis « Mais non, pourquoi ? »
07:34 Il me dit « Mais enfin bon... »
07:35 Il y avait 27 chefs de bureau.
07:36 Il me dit « Mais il y en a 26 qui ont déposé un dossier. »
07:40 Je ne savais pas.
07:40 Personne ne m'avait dit qu'il fallait faire un dossier.
07:43 Il me dit « Attendez, précipitez-vous, etc.
07:46 Je vais y en importer moi-même. »
07:47 Donc je fais un petit dossier.
07:49 C'était quasiment...
07:50 Alors il y avait à l'époque un ministre de l'Économie,
07:53 Edmond Alphandéri,
07:54 et un ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur
07:56 qui était Gérard Longuet.
07:57 Et donc Jacques Dupont,
08:00 qui était le directeur de...
08:02 Jacques Dépont, qui était le directeur de l'époque,
08:04 me fait faire un petit dossier, un CV, etc.,
08:06 puis une lettre de motivation.
08:08 Mais moi, j'étais très content dans mon truc.
08:10 Mais il m'avait dit « Vous n'avez pas fait rien dans le lot. »
08:13 Et donc je suis convoqué deux jours après
08:16 par le directeur de cabinet de Gérard Longuet
08:20 qui veut me voir.
08:21 Et ça a été assez bref.
08:25 Et qui m'a dit « Écoutez,
08:26 vous commencez lundi. »
08:29 – Je ne savais pas du tout que vous aviez été au cabinet de Gérard Longuet.
08:32 Alors ça, je découvre.
08:32 – Alors je dis à...
08:36 Comment dirais-je ?
08:37 C'est Jean-Bernard Lévy qui est ensuite président de EDF
08:39 et qui est un esprit très politéchicien,
08:41 qui est vraiment quelqu'un de très très intelligent.
08:43 Et qui me dit « Vous commencez lundi. »
08:45 Alors je lui ai dit...
08:47 Toujours mon petit côté un petit peu naïf.
08:51 Je lui ai dit « Mais vous ne me demandez pas mes opinions politiques ? »
08:55 Il me dit « Non, je suppose que ça vous convient d'être... »
08:58 Alors c'est vrai.
08:59 Moi, le côté baladur, je trouvais ça trop europééiste pour moi.
09:05 Entre-temps, j'avais quand même en 92 voté non à Maastricht.
09:08 – Vous allez vous poser la question à Maastricht.
09:10 – Mais je savais qu'il n'était pas de mon tour d'en parler.
09:14 Bon bref, on était en 93.
09:15 – Mais vous avez dit que vous aimez l'idée européenne.
09:18 Vous avez longtemps aimé l'idée européenne.
09:19 – Pas tellement. Enfin de 79 à...
09:21 Je vous ai dit, c'est quand j'étais au Japon que j'ai commencé à m'en détacher.
09:24 – Plutôt, oui.
09:24 – À m'en détacher.
09:25 Et donc, dans le 92, j'avais voté non à Maastricht.
09:27 Parce que la campagne électorale, c'était...
09:29 Bon, j'ai toujours été très sensible quand on veut me manipuler.
09:32 Alors ça, la campagne de 92,
09:34 on faisait débattre des partisans du Oui, de droite,
09:37 avec des partisans du Oui, de gauche.
09:39 Les partisans du Oui, ils n'avaient pas le droit à la parole.
09:40 – Vous vous souvenez de ce qu'avait dit Jacques Delors ?
09:42 « Ceux qui votent non devraient changer de métier. »
09:44 – Oui, oui, oui.
09:44 J'avais un poste qui était quand même éminent,
09:47 puisque je m'occupais de tout le commerce extérieur bilatéral,
09:50 pas le multilatéral.
09:52 J'avais une collègue qui s'appelait Laurent Dubois-Destrizet,
09:56 qui, elle, était la grande spécialiste de tout ce qui était le commerce extérieur bilatéral,
10:00 avec notamment le grand dossier qui était la création d'Organisation mondiale du commerce.
10:04 Ou Gérard Longuet, qui avait fini par m'apprécier,
10:07 m'avait demandé de l'accompagner.
10:08 Mais c'était pas moi qui étais le leader sur ce dossier.
10:10 Et donc je suis allé au 15 avril 94 à Marrakech pour voir...
10:14 C'est un événement très important dans l'histoire du monde contemporain,
10:16 la création de l'OMC.
10:18 Mais moi, j'avais tout le commerce extérieur bilatéral,
10:20 qui est en fait, pour certains, un des plus importants.
10:21 – On a beaucoup dit que c'était pas l'Organisation mondiale du commerce,
10:23 mais l'organisation commerciale du monde.
10:26 – Organisation mondiale, et non plus internationale.
10:29 Ça, c'est très, très important.
10:30 Parce que le mondial veut dire que c'est au-dessus des nations.
10:33 Ça, ça change absolument.
10:35 Et moi, j'ai vu ça, mais j'ai vu que c'était tout à fait pas sûr.
10:37 Mais moi, mon portefeuille...
10:37 – C'était une organisation qui supposait que tout dépendait de la concurrence,
10:42 c'est-à-dire que toute politique, y compris les services publics,
10:45 ou politique culturelle, soit soumise à la règle du commerce.
10:50 – Oui, à la marchandisation du commerce.
10:52 – C'est en effet très important dans l'histoire du monde contemporain.
10:54 – Absolument. Et ça, c'est vraiment la fin de l'URSS.
10:56 – On avait réussi, nous, à sauver l'exception culturelle.
10:58 Mais c'était devenu un peu théorique, hélas.
11:02 – Et puis bon, pourquoi se battre pour l'exception culturelle ?
11:04 Parce que tout ça, parce qu'il y a des lobbys culturels en France.
11:06 Mais je vois pas pourquoi on défendrait particulièrement...
11:08 C'est très bien de défendre la création culturelle.
11:11 – Mais il faut tout défendre. – Mais il faut tout défendre.
11:13 Pourquoi pas défendre les agriculteurs français ?
11:14 – Mais alors vous étiez à Marrakech, donc ?
11:16 – Oui, je suis allé le 15 avril 2014.
11:18 – C'est pas tout à fait à votre honneur, mais que faire d'autre ?
11:20 – Bah, c'est pas à mon honneur.
11:21 D'une part, j'étais pas le décideur,
11:23 de deuxième part, j'avais pas du tout pu me tremper dans les dossiers.
11:25 J'étais un peu un observateur.
11:26 Jean-Marc Gaël m'avait emmené, parce que...
11:29 J'ai eu, en fait, avec tous les ministres que j'ai servi,
11:33 j'ai toujours eu quand même, ça s'est toujours très bien passé.
11:35 Il a été interviewé par des journalistes,
11:37 il était certainement très embêté de savoir ce qu'il pouvait dire de moi.
11:39 – Et qu'a-t-il dit ?
11:40 – Et il a dit, c'était quelqu'un qui me faisait des dossiers
11:45 d'une méticulosité extraordinaire.
11:47 – Ah oui, méticuleux, le mot, où va ?
11:49 – C'est qui était, voilà, parce que...
11:51 – Le mot, on l'a très bien, méticuleux.
11:53 – Et donc il aimait beaucoup ça, il aimait...
11:55 Et donc, du coup, je suis allé avec lui, j'ai voyagé.
11:58 On a accompagné Baladur en Arabie Saoudite.
12:00 – Alors ?
12:00 – On a accompagné Mitterrand en Corée et au Kazakhstan.
12:04 On est allé en Malaisie, à Singapour.
12:06 On est allé dans plein d'endroits.
12:08 Mais il était très surchargé, parce qu'il était ministre de l'Industrie,
12:11 des Postes et Communications, qui était en voie de privatisation,
12:14 Commerce extérieur.
12:15 Il était par ailleurs président du Conseil général de la Meuse
12:21 et président du Parti républicain.
12:23 Et il avait acquis un poids politique auprès de Baladur très important,
12:26 de telle sorte que, je me rappelle, il y a eu une couverture de L'Express.
12:30 C'était Longuet, Montant-Puissance.
12:32 Et ce que l'on se racontait, nous, dans les années 1994...
12:35 – Et qui serait le Premier ministre de Baladur.
12:37 Chirac gagne les élections.
12:38 Hervé de Charette est ministre des Affaires étrangères.
12:41 Et vous êtes chargé, là, cette fois, de l'Asie et du Pacifique, c'est ça ?
12:45 – Je vais auprès d'Hervé de Charette.
12:46 – Toujours.
12:47 – Alors, il y a eu une petite chose cocade.
12:49 Je vous raconte des secrets d'alcool.
12:51 – Ah bah il est temps.
12:51 C'est pour ça que je vous fais boire, d'ailleurs.
12:53 – Oui, c'est ça.
12:53 Je présume que je devrais.
12:54 – J'ai bien compris.
12:54 – Parce que je mets en cause parfois des gens qui sont toujours vivants
12:56 et qui peuvent vérifier ce que je dis.
12:58 Donc par exemple, quand je suis allé...
13:00 Entre-temps, j'avais eu un petit interlude,
13:02 parce que j'avais été...
13:03 Quand effectivement, Chirac était élu président,
13:06 moi, j'avais donc la réputation d'être un inspecteur des finances compétent.
13:11 Et on me propose d'être le directeur de cabinet de Mme de Panafieu du tourisme.
13:15 – Que vous refusez ?
13:16 – Que j'accepte.
13:17 Et donc j'ai été directeur de cabinet de Mme de Panafieu
13:19 pendant 5 mois et 23 jours, puisqu'elle était ministre du tourisme.
13:23 Et puis c'était Jean-Pierre Denis, qui était secrétaire général adjoint de l'Élysée,
13:26 qui me téléphone et me dit
13:27 « François, ça serait bien que tu diriges le cabinet de Mme de Panafieu ».
13:30 Donc j'y vais.
13:32 Le tourisme, c'était intéressant, mais ça a duré brièvement,
13:34 puisque Mme de Panafieu s'est fait en fait remercier.
13:38 – Elle a fait partie au bout de 6 mois des Jupettes.
13:40 – Il y a eu 7 ou 8 femmes qui ont été virées par les Jupettes.
13:42 – Plus Jean Boyeux.
13:44 – Voilà.
13:45 – Qui n'était pas une femme et qui a été aussi éphémère.
13:47 – Voilà.
13:48 Donc je le plie par souci de précision.
13:51 Et ensuite, Mme de Panafieu est reçue par Jacques Chirac,
13:55 qui lui dit « Qu'est-ce que tu veux, François ? ».
13:57 C'est elle qui me l'a raconté.
13:58 Et elle a dit « Je voudrais être ambassadeur le plus près possible de chez moi ».
14:01 Donc elle a été nommée à l'UNESCO.
14:03 Elle était à la biais d'un ami d'un 16e sud.
14:05 Donc il suffit de traverser la Seine pour être ambassadeur à l'UNESCO, place de Fontenoy.
14:10 Elle a eu la gentillesse de demander qu'on recasse son dircard.
14:13 C'est-à-dire moi.
14:15 Et donc je connaissais un peu Dominique de Villepin,
14:17 que j'avais connu quand j'étais au cabinet énervé de Gérard Longuet,
14:21 puisqu'il était le directeur de cabinet d'Alain Juppé,
14:23 ministre des Affaires étrangères à l'époque.
14:24 — Et qui est devenu secrétaire général de l'Élysée.
14:26 — Secrétaire général de l'Élysée.
14:27 Et donc c'est aussi Dominique de Villepin qui a suggéré que j'aille au cabinet...
14:32 — Vous ne le connaissiez pas, Charette.
14:34 — Non, énervé de Charette, je ne le connaissais pas.
14:36 Et donc je suis allé voir Hervé de Charette.
14:37 Alors pour la petite histoire, c'était à la fin 1995.
14:40 Il y avait 1 500 000 manifestants dans les rues.
14:43 Et donc Juppé avait dit que...
14:44 — Les trains en grève.
14:45 — Oui, oui, parce que c'était le plan Juppé.
14:47 C'était déjà les contraintes de Maastricht.
14:49 Et donc il y avait Juppé qui avait dit
14:51 que s'il y avait 2 millions de personnes dans les rues, il démissionnait.
14:53 Il y a eu 2 millions. Il n'a pas démissionné.
14:55 Et donc c'était dans cette...
14:58 Il faut quand même comprendre que ça fait des décennies
15:00 que la France est dans une situation quand même de jacquerie permanente.
15:05 C'est un pays qui a quand même une espèce de...
15:07 — C'est en croissance, j'ai l'impression.
15:08 — Ça se développe.
15:09 Mais il y a quand même un vrai malaise dans ces cités françaises.
15:13 Et donc je vais voir Hervé de Charette, donc fin 1995.
15:16 Ça a commencé avec Maastricht, ce malaise.
15:18 — Oui. Et puis la politique du Francfort.
15:21 — Parce que dans les années 70 et 80,
15:23 ce malaise était quand même pas tout à fait voyant.
15:27 Enfin, si j'insiste...
15:28 — Il y a eu la crise depuis 1975,
15:29 la guerre de Quipour, on peut dire...
15:31 — Oui, c'était autre chose. La France était en pleine expansion.
15:33 C'est les années 90 où on commence à chuter.
15:35 Il faut dire que c'était passé beaucoup de choses
15:37 qui ont traumatisé les Français.
15:38 — Les problèmes de la crise de 1979 ont quand même cassé le truc.
15:40 Enfin bref, je vais voir Charette.
15:42 Il était comme tous les ministres.
15:45 C'est-à-dire qu'il voulait...
15:47 Pour eux, ça faisait partie de...
15:49 — Un inspecteur des finances.
15:51 — Un inspecteur des finances, c'est chic, quoi, d'avoir dans son cabinet.
15:53 Il y en a tellement peu.
15:55 J'étais précédé d'une très bonne réputation.
15:57 Et donc je suis avec Charette.
15:59 Et alors il me propose...
16:03 Il avait su comment me prendre.
16:05 Il me propose d'être à son cabinet
16:07 responsable de l'Asie, de l'Océanie,
16:11 de l'Amérique latine et des questions économiques.
16:13 C'est un portefeuille extraordinaire.
16:15 Il y avait d'autres choses.
16:17 J'avais pas des questions sur l'Afrique,
16:19 j'avais pas le Moyen-Orient, j'avais pas l'OTAN,
16:21 j'avais pas...
16:23 — Vous aviez sous votre coup plusieurs directeurs du Quai d'Orsay.
16:25 — Oui, il y en avait au moins 3.
16:27 Donc il me propose un truc formidable.
16:29 Mais je me suis dit...
16:31 Entre-temps, je m'étais dit finalement...
16:33 Bon, il faut dire les choses,
16:35 il faut être soi-même, etc.
16:37 Donc je me rappelle très bien.
16:39 Il était derrière son bureau.
16:41 Il y avait un parafeur.
16:43 C'est un type remarquablement intelligent.
16:45 Il avait déjà un rêve.
16:47 Et donc il signait, comme ça.
16:49 Et puis j'étais devant lui.
16:51 Le bureau du ministre des Affaires étrangères
16:53 est le plus beau bureau de la République.
16:55 — C'était celui de Vergenne.
16:57 — Oui. Mais le bureau même...
16:59 Non seulement le bureau même, mais la pièce.
17:01 C'est beaucoup plus grand que le bureau du président de la République.
17:03 C'est un truc extraordinaire.
17:05 — Il y a le bureau du président de l'Assemblée nationale à côté,
17:07 qui est pas mal non plus.
17:09 Et puis le bureau de l'hôtel de ville du maire de Bari.
17:11 — C'est vrai.
17:13 Donc je suis donc devant Hervé de Charette,
17:15 qui me propose un poste.
17:17 J'en mourrais d'envie.
17:19 Mais il y a un problème.
17:21 Alors il était derrière son...
17:23 Il avait des parafeurs.
17:25 Puis là, il a les lunettes un peu comme ça.
17:27 Il était comme ça.
17:31 Je lui dis qu'il y a un problème.
17:33 Il me regarde au-dessus de ses lunettes.
17:35 Il s'arrête. Il me dit : « Quel problème ? »
17:37 Je lui dis que le problème,
17:39 c'est que je suis contre la construction européenne.
17:41 — Ah, cette fois, vous crachez le morceau.
17:43 — Je lui dis que je suis contre la construction européenne.
17:45 — Très honnête.
17:47 — Je considère que c'est une erreur historique.
17:49 — Là, nous sommes en 1996.
17:51 — En 1995.
17:53 En décembre 1995.
17:55 — Décembre 1995.
17:57 — Des 6 mois, au bout de 6 mois.
17:59 Je considère que c'est une erreur historique
18:01 et que ça se terminera très mal.
18:05 C'est quand même honnête et courageux de ma part.
18:09 — Oui, c'est bien. Mais personne ne le fait.
18:11 — Il me regarde comme ça.
18:15 Il me dit...
18:17 « Et alors ? »
18:19 — Ah !
18:21 — Je ne vois pas où est le problème.
18:23 Alors j'ai dit...
18:25 « Écoutez, quand même,
18:29 c'est quand même un peu embêtant,
18:31 compte tenu des fonctions que vous avez.
18:33 Compte tenu des fonctions que j'aurais auprès de vous...
18:35 — Est-ce que vous pensez que vous allez la fermer, quoi, en fait ?
18:37 Ça ne change rien.
18:39 — Il me dit...
18:41 « Mais monsieur, est-ce que je vous confie
18:43 les dossiers concernant l'Europe ? »
18:45 Je lui dis non.
18:47 Il me dit donc...
18:49 « Il n'y a aucun problème. »
18:51 Alors là, je lui dis...
18:53 Alors écoutez, monsieur,
18:55 il est très drôle. Il pince sans rire.
18:57 — Je ne sais pas si c'est à son honneur, cette histoire,
18:59 parce que tout de même, il y a une petite frivolité, là, derrière.
19:01 Et donc j'ai dit, écoutez, si vous le prenez comme ça,
19:03 très bien. Alors moi, je vous dis...
19:05 Au moins, je ne dirai rien au public.
19:07 Au moins, je vous aurais prévenu.
19:09 Et donc c'est sur cette base-là,
19:11 entre lui et moi,
19:13 que moi, je deviens...
19:15 Donc effectivement, je n'avais pas à m'occuper des questions européennes.
19:17 Et je me suis occupé...
19:19 Vraiment, honnêtement, c'est sans doute
19:21 une des plus grandes parties de ma vie, parce que c'est là...
19:23 — Voyage tout le temps. Et vous avez des enfants.
19:25 Il faut s'occuper de votre femme.
19:27 — Oui, oui, oui. J'avais une petite fille qui venait de naître.
19:29 C'est vrai. Mais... — Et bien alors ?
19:31 — Oui, si vous voulez, c'était...
19:33 Afrique du Sud, déjeuner avec Nelson Mandela,
19:35 accompagner...
19:37 Voir tous les grands de ce monde.
19:39 Dîner avec l'empereur du Japon,
19:41 discuter le bouffon... — Dîner avec l'empereur du Japon ?
19:43 — Oui, quand il était venu à Paris. Oui, absolument.
19:45 Également des entretiens
19:47 au plus haut niveau avec
19:49 Chiang She-min, le président chinois.
19:51 C'est-à-dire la Cité interdite.
19:53 La partie de la Cité interdite réservée aux dirigeants.
19:55 Mais aussi le docteur Mohamed Mahathir,
19:57 qui est toujours vivant, qui a 95 ans,
19:59 premier ministre de Malaisie.
20:01 Lee Kuan Yew, le père fondateur de... J'ai vu vraiment
20:03 des choses extraordinaires. — C'est à ce moment-là que vous rencontrez le pape, non ?
20:05 — Euh...
20:07 Oui, c'est à ce moment-là que j'ai rencontré le pape.
20:09 — Là, vous montrez des photos de votre rencontre avec Jean-Paul II.
20:11 — Oui, je savais que ça vous plairait.
20:13 — Ah bah écoutez, c'est bien gentil. Vous vous connaissez bien.
20:15 — Il n'y avait pas de portable, à l'époque.
20:17 Ce qui fait que tous les grands de ce monde que j'ai rencontrés,
20:19 il n'y a quasiment pas de photos.
20:21 Mais là, quand je suis allé...
20:23 — C'est normal. Avec le premier ministre chinois, ça aurait été...
20:25 — Président. Mais j'ai retrouvé quand même,
20:27 dans une vague de trucs, on doit retrouver...
20:29 J'avais vu sur Internet, on voyait en tout petit,
20:31 c'était avec Jiang Zemin, Li Peng, le premier ministre.
20:33 — Il est président du parti, quoi.
20:35 — En 1996,
20:37 en mai 1996,
20:39 il y a
20:41 un Français,
20:43 Jean-Gabriel Perbois,
20:45 qui est un prêtre mariste
20:47 ou de la congrégation de pitbulls,
20:49 ou je sais pas quoi, qui est martyrisé
20:51 en Chine en 1860.
20:53 Et en 1996,
20:55 il monte sur les hôtels de la Sainte-Église.
20:57 Il est canonisé à Rome,
20:59 avec un Italien et un Espagnol.
21:01 Il y a trois canonisations
21:03 le même jour. Et la tradition
21:05 veut que la France, fille aînée de l'Église,
21:07 même si la République française
21:09 est laïque, la tradition veut que
21:11 lorsqu'un Français devient un saint
21:13 de l'Église catholique, la France
21:15 se fait représenter par un membre du gouvernement.
21:17 Voilà. Alors Chirac
21:19 et Bernadette. Dès que Chirac
21:21 avait été élu à l'Élysée...
21:23 — Il avait allé à Rome. — Très rapidement, il avait voulu
21:25 à Rome pour aller rencontrer le saint Père.
21:27 — Et Bernadette l'avait voulu aussi. — Oui, je crois.
21:29 Donc il y avait eu une visite d'État au Vatican.
21:31 OK. La visite d'État à laquelle
21:33 Chirac avait participé.
21:35 Mais 6 mois après, ou un an après...
21:37 — Vous n'avez pas recommencé. — Voilà. Il y avait...
21:39 Là, il fallait qu'il y ait un ministre qui y aille.
21:41 Donc ni...
21:43 ni...
21:45 Comment dirais-je ? Ni Chirac, ni Juppé,
21:47 n'avaient pas eu envie d'aller.
21:49 Chirac avait déjà fait le voyage du Vatican.
21:51 Il n'avait pas envie de recommencer. Et donc on est allé...
21:53 — Charles Millon était ambassadeur. — Et donc on est allé.
21:55 J'ai accompagné
21:57 Jacques Godefroy à cette canonisation.
21:59 — Alors montrez-nous. — Ce qui m'a... Bon, c'est un peu
22:01 un souvenir, mais enfin c'est...
22:03 — Ah bah c'est assez touchant. — C'est un beau souvenir.
22:05 Parce que ça m'a quand même permis
22:07 de connaître la... Voilà. Alors bon,
22:09 j'ai une photo. J'ai quand même... — Vous connaissez le Saint-Siège.
22:11 — J'ai quand même 27 ans de moins.
22:13 — Ah oui. Il nous reste encore 27 ans.
22:15 — Est-ce qu'on la voit bien avec la caméra ?
22:17 Je sais pas laquelle l'a montrée.
22:19 Cette photo touchante de François Asselineau.
22:21 — Et puis derrière, il y a le directeur d'Europe
22:23 du Quai d'Orsay de l'époque. Alors je suis, comme on dit,
22:25 en habillé décoration. C'est-à-dire il faut être en hadit,
22:27 en queue de pie, etc.
22:29 Et il nous a reçus
22:31 dans la littérature de Saint-Pierre de Rome,
22:33 dans la chapelle où il y a la piéta
22:35 de Michel-Ange, c'est-à-dire tout à fait à droite.
22:37 Moi, par exemple, il y a des gens qui m'ont marqué.
22:39 J'ai été très marqué.
22:41 J'ai tellement d'anecdotes à raconter.
22:43 Par exemple, le roi Sianouk que j'ai revu, c'est incroyable.
22:45 — On peut faire une dizaine de conversations.
22:47 — Oui, un type incroyable. J'avais été marqué par
22:49 Chiang Shai-mi, le président chinois.
22:51 — Sianouk, incroyable. — Ah oui, incroyable.
22:53 Alors là, je vous raconterai ça une autre fois.
22:55 Avec le roi Sianouk, quand j'étais allé avec Charette,
22:57 qui nous avait reçus ensuite à Plemben.
22:59 C'est bien plus tard que l'épisode que je vous racontais
23:01 où j'étais chef du bureau. J'y suis retourné.
23:03 C'était incroyable. Sianouk, c'est un personnage...
23:05 — Vous avez rencontré aussi, mais c'est incroyable.
23:07 Vous avez rencontré tout le monde.
23:09 — Mais Nelson Mandela. — On dirait que vous êtes fait
23:11 pour être président de la République française.
23:13 C'est pas possible. Vous connaissez des gens du monde.
23:15 Vous êtes président de la République.
23:17 — Oui, mais je l'ai dit. En 2017, parmi tous les candidats,
23:19 à part Fillon, j'étais celui qui avait le plus de compétences
23:23 pour devenir chef d'État. — Ah oui.
23:25 — Fillon avait plus de compétences. Il avait été premier ministre.
23:27 Donc il en connaissait plus que moi dans les relations internationales.
23:29 Encore qu'il avait peut-être fait moins de voyages internationaux que moi.
23:32 Mais non, non, j'ai vraiment connu beaucoup de gens.
23:35 Alors il y a des gens qui m'ont fait toute petite impression.
23:38 — Qui ?
23:40 — Pfff... — Allez, allez, allez, allez.
23:42 — Des dirigeants... — Un petit garde-épinots, si vous voulez.
23:45 (Rires)
23:47 — Des dirigeants européens. — Ah, voilà.
23:49 — Je ne sais pas. — Allez, allez, allez.
23:51 — Stoltenberg, par exemple.
23:53 — C'est le temps, ça.
23:55 — Il est actuellement secrétaire général de l'OTAN.
23:57 Mais moi, dans le début, c'était quand j'étais chez Charles.
23:59 Pas chez Charles, parce qu'il avait été parti.
24:01 Il avait été remplacé les derniers mois par José Rossi.
24:03 On était allés à Oslo.
24:05 Stoltenberg, c'est le patricien.
24:07 C'est-à-dire fils d'ambassadeur.
24:09 Une grande famille riche de Norvège.
24:11 Il était là à se lamenter que les Norvégiens,
24:13 pour la deuxième fois consécutive,
24:15 avaient refusé d'entrer dans l'UE.
24:17 Et mon ministre José Rossi, qui avait les éléments de langage,
24:19 comme on dit du Quai d'Orsay, en disant « Oui, on vous soutient.
24:21 Il faut absolument que les Norvèges rentrent dans l'UE ».
24:23 Enfin... Pfff...
24:25 — Il y a des grands et il y a des petits, François Asselineau. C'est ça ?
24:27 — Oui, oui, oui. Il y a des gens qui sont vraiment pas terribles.
24:29 Il y a des gens qui sont un peu minus, quoi.
24:32 Carlos Menem, en Argentine,
24:34 n'a pas fait une très très forte impression.
24:36 — Dans un sort de tango.
24:38 — Il y a des gens aussi très rigolos.
24:40 Quand j'étais au cabinet de Jader Vey,
24:42 donc ça arrête, à un moment...
24:44 Bon, ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'il y a une espèce d'honneur.
24:46 C'est-à-dire que les États-Unis d'Amérique...
24:50 — Eh oui.
24:52 — L'ambassadeur des États-Unis ne s'adresse qu'au président de la République,
24:54 au premier ministre. Et éventuellement,
24:56 qu'on descend à parler à un ministre.
24:58 — Oui, on fait des dangers.
25:00 — Donc une fois, c'était Mme Pamela Harryman,
25:02 qui était du temps de José Rossi,
25:04 donc au ministre de l'Industrie du commerce externe,
25:06 qui pendant les 6 derniers mois, après la démission de Charrette de Longueuil,
25:09 avait été ministre de l'Industrie du commerce externe.
25:11 Mme Pamela Harryman, ambassadeur des États-Unis,
25:13 était venue à Bercy pour un déjeuner
25:16 avec mon ministre et puis les membres de son cabinet.
25:18 Et cette femme qui avait un peu la tête de Nancy Reagan, en fait,
25:22 vous voyez un peu, blonde platine américaine comme ça,
25:25 femme du milliardaire Avril Harriman...
25:28 — Ce sont des postes qui s'achètent aux États-Unis.
25:30 — Absolument. Ce sont les plus grands de notre monde.
25:32 Elle était arrivée comme si c'était l'impératrice.
25:35 — La vice-ministre. La vice-présidente.
25:37 — Et tout. Et moi, ce qui me faisait mal,
25:41 c'est que je voyais tous les huissiers, tous les...
25:43 C'était incroyable. C'était jamais que l'ambassadeur des États-Unis.
25:46 Mais en revanche, il y a des petits pays...
25:48 Moi, ça, c'est mon côté très chinois.
25:50 Vous savez que les Chinois, que vous soyez le royaume du Tonga ou les États-Unis,
25:53 ils vous traitent, tout le monde, la même dignité.
25:55 — La souveraineté, c'est ça. — C'est ça, la souveraineté.
25:57 — La souveraineté entre les souverains. — Donc moi, je trouve que c'est ça qu'il faudrait faire.
25:59 Alors un jour... C'est une anecdote parmi nous, parmi nous.
26:01 — La souveraineté et l'art de rendre égales les puissances inégales.
26:04 — Et puis les peuples sont tous égaux à moi. Voilà.
26:06 — Voilà. C'est ça, la souveraineté, rendre égales les puissances inégales.
26:08 — Un jour, il y avait la présidente du Sri Lanka qui était de passage à Paris,
26:14 qui s'appelle Chandrika Bandaranaike Kumaratunga.
26:17 — Quelle mémoire.
26:19 — Et elle était la fille de madame...
26:21 Enfin de Sirimavo Bandaranaike, qui avait été présidente du Sri Lanka avant.
26:29 Et son père avait été le leader de l'indépendance du Sri Lanka en 1948.
26:33 Donc c'était une héritière, en fait. Un colosse, cette femme, 1m90, 100 kg va voir.
26:41 Et alors elle parlait très très bien français. Et elle avait fait des études à la Sorbonne en 1968.
26:47 Elle était de passage à Paris. Elle devait à l'époque avoir 40 et quelques années, 45 ans.
26:53 Et Hervé de Charette avait donné son accord pour la recevoir.
26:56 Mais comme vous le savez, il y a quand même 190 pays dans le monde.
26:58 Donc il y a souvent des pays qui...
27:01 — Qui passent à la Sorbonne.
27:03 — Le Sri Lanka est considéré... Moi, c'est un pays que j'aime beaucoup, que j'ai visité.
27:06 C'est un pays avec des habitants qui peuvent être tout à fait charmants.
27:10 Puis c'est une vraie culture, un vrai... C'est un des épisodes célèbres du Ramayana,
27:17 un des deux grands poèmes du monde indien qui se déroule au Sri Lanka. Bref.
27:21 Elle vient. Et Charette me dit...
27:23 — On ne dit plus « c'est lent ». C'est dommage.
27:26 — Non, on ne dit plus « c'est lent ». Et Charette a été pris par je sais pas quoi.
27:30 Il me téléphone. Il devait avoir rendez-vous à 17h.
27:33 Il me téléphone, il me dit : « Écoutez, là, Sri Lankaise, je n'ai pas le temps pour le moment.
27:37 Cette nuit, fais l'antichambre. J'arrive au plus vite ».
27:40 Je dis bon, très bien. Donc je reçois la présidente qui arrive avec l'ambassadeur du Sri Lanka à Paris.
27:47 L'ambassadeur de France au Sri Lanka, pour lui, c'était un grand jour,
27:50 parce que c'est rare que le chef d'État sri-lankaise vienne en France.
27:53 Et donc il était... Pour lui, c'était important. Voilà. Et puis il y avait le directeur d'Asie.
27:57 Et c'était moi qui représentait le ministre. Donc je le reçois. J'étais pas dans le bureau du ministre.
28:01 On faisait l'antichambre. Et je commence à discuter le bout de gras avec cette femme
28:06 qui était extrêmement drôle, non seulement intelligente, mais très drôle, très très drôle.
28:11 Elle avait été étudiante en 68. – Oui, elle avait pris un petit but parfait.
28:15 – Elle parlait très bien le français, ce qui était peu inattendu de la part de la présidente.
28:20 Un pays quand même très anglophone, enfin, qui a été sous la coupe des Anglais.
28:24 À partir du 19e, ils ont chassé les Néerlandais. Les Portugais ont été chassés par les Néerlandais.
28:29 Les Anglais ont chassé les Néerlandais. Bref. Le temps passe.
28:34 – Il n'arrive pas. – 5 minutes. – Le ministre n'arrive pas.
28:37 – Un quart d'heure. – Et de quoi parlez-vous ?
28:39 – Alors je parle de choses et d'autres. Je commence à parler des dossiers.
28:41 C'était moi qui connaissais les dossiers, de toute façon. – Oui, Valémien.
28:43 – Le ministre les avait pas regardés. Donc je commence. Et notamment, il y avait des dossiers
28:46 sur un dossier l'an suivant qui était la présence des Tamoules, qui étaient des immigrés,
28:50 qui étaient réfugiés en France et qui étaient un peu la 5e colonne. À l'époque, il y avait une guerre civile
28:54 dans tout le nord-est du Sri Lanka, ce qu'ils appelaient l'Ela, Tamoule,
28:58 puisque il y a donc deux peuplements différents. Et moi, j'étais là en train de dire « Bon, on va faire ce qu'on peut ».
29:04 25 minutes, 30 minutes. – Pas de chavette.
29:06 – Et je vois à un moment quand même l'ambassadeur du Sri Lanka et puis l'ambassadeur de France
29:10 qui commencent à trouver ça scandaleux, parce que j'étais quand même chef d'État.
29:14 Moi, j'étais conseiller auprès du ministre. Alors 5 minutes, c'est bon. Mais là, on a frisé.
29:20 On a frisé l'incident diplomatique. Et finalement, au bout de 35, 40 minutes, Charette est arrivée.
29:29 Mais elle la laisse en aller. – Mais elle l'a bien pris quand même ?
29:33 – Oui, mais elle a eu un entretien qui était assez drôle, parce que Charette lui a présenté toutes ses excuses.
29:39 Et donc elle l'a traitée d'une façon avec pas mal d'humour, en fait. Elle dit qu'elle savait très bien ce que c'était.
29:45 Donc elle a montré qu'elle était... Mais c'était une fille rigolote. Enfin une femme. Mais je pense qu'elle avait été
29:50 une étudiante assez rigolote quand elle était... – Et vous avez vu ces personnages-là, plein d'épaisseurs.
29:56 – Oui, oui. – C'est pas Schlottenberg, ça.
29:58 – Il y a eu une suite triste. – C'est pas le Norvégien.
30:00 – Oui. 6 mois ou 1 an après, elle a eu un attentat. Elle a perdu un œil. Elle a été la moitié du visage arraché.
30:06 – À cause des fameux tabous. – Oui, à cause des fameux tabous. Donc c'est du sérieux.
30:09 Et puis comme quelques mois auparavant, j'avais dîné avec Bénazir Bhutto qui était à le passage à Paris,
30:15 qui était à la tête du premier ministre du Pakistan. – Mais qui l'avait pas connue ?
30:19 – Elle a été assassinée, Bénazir Bhutto. – Oui, ça je sais bien. Vous avez connu tout le monde. C'est incroyable.
30:23 – En Asie, j'ai vu beaucoup de gens. – Et en Amérique latine.
30:26 – Et en Amérique latine aussi. Oui, oui. Mais je ne vais pas raconter tout.
30:28 – Vous avez même quelques décorations latines. Est-ce que c'est cette période-là ? On peut montrer, d'ailleurs.
30:32 – J'ai accompagné... Chirac a voulu, en 1996, refaire le voyage resté célèbre dans les mémoires de De Gaulle.
30:42 – Très long voyage. – Très long voyage. Pendant près d'un mois, De Gaulle avait fait...
30:45 – Non, non, plus d'un mois. – Il était allé au mois d'avril, mai, je crois, au Mexique.
30:49 Et à l'automne, il avait fait toute l'Amérique du Sud. Et d'ailleurs, il y avait le croiseur, je sais plus, Colbert ou je sais pas quoi,
30:56 qui suivait les longs des côtes. Et donc lorsqu'il s'agissait de signer des documents officiels,
31:01 De Gaulle prenait un hélicoptère pour aller sur le croiseur pour signer des documents sur territoire français.
31:07 C'était tout un truc. – Parce que c'est très rare, un chef d'État qui ne revient pas pendant plusieurs semaines à l'Élysée.
31:14 – Oui. Alors c'est ce qu'avait voulu faire Chirac. Sauf que Chirac, au lieu de passer un mois, il avait passé 10 jours.
31:20 Et on était allé au Brésil, en Uruguay, au Paraguay, en Bolivie, en Argentine et au Chili.
31:34 Alors pour la petite histoire, ça, c'était quand même très drôle. On était dans le voyage. On avait dû partir une douzaine de jours.
31:40 Et donc Chirac, arrivant en Bolivie... Nous, on était en avion présidentiel. Donc on avait nos habitudes.
31:49 Il y avait dans ce voyage Platini, parce que Platini avait convaincu Chirac de militer pour que la Bolivie puisse faire partie des pays
31:58 où pouvait se sélectionner la Coupe du monde de foot, parce qu'il y avait à la FIFA des gens qui disaient
32:02 « La Bolivie, c'est trop au perché. On peut pas faire le truc. » Bon. Alors voilà. Donc Chirac avait pris le dossier de la Bolivie en main.
32:08 Et donc on était allé en Bolivie. Et on arrive donc au Parlement de La Paz. Il y a un grand décorum. Chirac fait un discours, etc.
32:17 Et à la fin, c'était prévu dans le protocole, mais Chirac est décoré de la plus grande décoration bolivienne.
32:23 Et la plus grande décoration de Bolivienne, c'est le Grand Condor. Donc quand on a repris l'avion, il y avait à La Paz,
32:34 le canin enchaîné. Le grand titre, c'était « Chirac, le Grand Condor ». Alors ça, c'était...
32:41 — Ça l'avait fait rire, non ? — Bah oui, c'était rigolo, parce que...
32:44 — Vous l'avez beaucoup fréquenté, Chirac, en somme. — Oui, enfin en l'espèce. Mais oui, on était...
32:47 — Dans l'avion, par exemple. Le chef de l'avion. — C'était un petit passé.
32:50 — Vous l'avez aimé ? — Il avait ce côté comme ça direct, sympathique, en fait.
32:55 — Bon copain. — Mais comme me l'avait dit Hervé Le Charette, et il avait raison, attention, c'est pas un con.
33:05 Parce que Chirac adorait... — Il pouvait être gentil. Il s'en doutait d'un imbécile.
33:08 — Adorait jouer aux imbéciles. Il l'appliquait. C'est un stratagème chinois. C'est mieux vous avoir l'air d'un imbécile
33:13 que de rester toute sa vie. Et donc Chirac aimait beaucoup jouer les petits...
33:18 — Faire l'andouille. — Faire l'andouille, alors qu'en fait, il était très très très très malin.
33:21 Il était assez rusé, quand même. — Mais il aimait les gens, quand même.
33:24 — Oui. Ça, c'est ce que me disait Pascual. Il m'a dit « Chirac, il aime les gens ».
33:27 — Mais oui, il a fait des choses très... — Tout le monde l'avait dit. Il faisait des gens vivants.
33:30 — J'ai aucune sympathie pour Chirac. Mais enfin... — Ce sont des décorations que l'on m'avait remises.
33:35 Étant de la suite du président de la République française, ce sont des décorations qui sont destinées...
33:41 — Au passage, on vous décore, quoi. — Oui. Alors je vous ai apporté ça, parce que j'ai su que ça vous ferait plaisir.
33:45 — Ah bon, les décorations. — Donc... Alors ça, c'est l'ordre...
33:48 — Ça, c'est brésilien, non ? — Oui. Je suis commandeur... Excusez-le un peu.
33:51 Je suis commandeur de l'ordre de Rio Branco du Brésil. — Il y en a mal.
33:56 — C'est une décoration qui est donnée à des étrangers, uniquement à des étrangers, par des Brésiliens,
34:01 qui ont contribué à développer les relations entre la France et le Brésil. Et comme j'étais en charge du Brésil au cabinet
34:07 des affaires étrangères et que j'accompagnais le président de la République, on m'avait donné ça.
34:10 Ça, c'est le commandeur de l'ordre de Bernard-Hong Higgins du Chili, qui a été le premier chef d'État chilien aux alentours des 1817-1823,
34:20 qui après est allé se réfugier au Pérou. — Mais vous êtes hyper naïf. Vous vous souvenez de tout ça ?
34:25 — C'était un peu mon métier, quand même. Et puis ça, c'est l'ordre de Saint-Martin. Donc là, je ne suis qu'officier, je crois.
34:34 Oui, parce qu'il y a... C'est comme en France. — C'est le Gratte.
34:37 — Donc ça, c'est... Et ça, c'est le Rouguail. Voilà. Il n'y avait pas eu d'autres décorations. Les autres pays ne me l'avaient pas décoré.
34:44 Alors je vous montre ça parce que ce sont des souvenirs. — Mais vous n'êtes pas un collectionneur de médailles ?
34:49 — Oui. En plus. — En plus. — Pas ce genre de médailles. Des médailles...
34:52 — Non, non. Mais je vous montre ça parce qu'il y a quelques... D'abord, ce sont des souvenirs qui me rappellent une période de ma vie,
35:00 qui également... C'est important, parce que chacun, c'est des décorations pour des étrangers. C'est tout le protocole du Quai d'Orsay.
35:07 — Vous avez aimé ça aussi. — Oui, j'aimais bien, parce que c'était aussi la récompense d'un travail.
35:12 Vous savez, on n'est pas très très bien payé quand on est en cabinet ministériel. — Ah, il valait mieux faire la banque.
35:17 – Oui, beaucoup moins bien payé. – Vous vous en fichez ?
35:19 – Oui, moi je m'en fiche, mais ça, ça me parle.