L'Invité du 13h (13h - 27 Octobre 2023 - Didier Varrod et Mademoiselle K)
Mademoiselle K et Didier Varrod sont les invités du 13h00 vendredi 27 octobre 2023.
Mademoiselle K et Didier Varrod sont les invités du 13h00 vendredi 27 octobre 2023.
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00:00 - Bonjour Didier Varro, directeur musical des antennes de Radio France, "Rock la France",
00:05 l'ouvrage est publié aux éditions Marabout, Radio France, il vient de sortir, il raconte
00:10 60 ans de rock en France, vous l'avez co-dirigé avec Alexis Bernier et Patrice Bardot et vous
00:15 vous êtes entouré d'une vingtaine d'auteurs et d'autrices qui ont donc contribué, on
00:20 retrouve les groupes, les personnalités, les salles, les labels qui ont fait ces 60
00:25 ans d'histoire, les villes aussi, c'est un aspect que j'ai trouvé passionnant dans ce
00:29 livre, Lyon, Bordeaux, Marseille, Strasbourg, Clermont-Ferrand, là où le rock bouillonne
00:34 dans notre pays depuis une soixantaine d'années, on va en parler ensemble et parmi les artistes
00:39 qui ont droit à leur encadrer dans "Rock la France", il y a notre deuxième invitée,
00:43 Mademoiselle K, bonjour.
00:44 - Bonjour.
00:45 - En ligne avec nous, merci d'être là, je suis très heureux que vous puissiez partager
00:48 cette histoire avec nous de l'intérieur, parce que vous vous êtes sur scène régulièrement
00:52 et vous êtes dans ce livre, j'attends aussi bien sûr les questions et les témoignages
00:58 des auditeurs de France Inter, 01 45 24 7000, ou via l'application France Inter.
01:03 Didier Varro, pourquoi cette somme aujourd'hui ? Est-ce que c'est au fond une défense du
01:08 rock français au moment où le rap semble triompher et emporter le morceau ?
01:12 - Vous avez tout à fait raison de poser cette question, retour aux fondamentaux, d'abord
01:16 un anniversaire, 63 2023, 60 ans effectivement, puisque nous nous sommes appuyés sur la soirée
01:24 organisée par SLC à l'époque, "Salut les copains" de notre radio-concurrente Europe
01:29 1, qui avait organisé un concert un peu improvisé pour les 1 an de "Salut les copains", place
01:34 de la nation, ils attendaient au mieux 20 000 personnes, 200 000 personnes ont déboulé,
01:38 avec à ce moment-là un acte fondateur pour le rock français, mais aussi pour le rock
01:43 mondial.
01:44 C'est la première fois que la jeunesse se retrouve dans un même lieu, à ciel ouvert,
01:49 pour faire la fête et partager la même émotion sur une musique qui leur est commune.
01:53 Ni aux Etats-Unis, ni en Angleterre, ça avait eu lieu, c'est quand même le premier grand
01:58 événement rock'n'roll, et c'est en France.
02:00 - Ça c'est la date de naissance.
02:02 - Après vous le savez, il y a un certain John Lennon à qui on fait dire que le rock
02:08 français ce serait comme le vin anglais, donc tout d'un coup on vit, nous, français,
02:14 avec ce complexe vis-à-vis du rock anglo-américain, et il était important non seulement de revenir
02:20 sur ce complexe, mais aussi de revenir sur une autre histoire de France, qui est celle
02:24 de l'insoumission, de la révolte, de la contre-culture, et quand vous parlez très
02:29 justement du rap qui aujourd'hui occupe la majorité des écoutes chez les jeunes sur
02:34 les plateformes de streaming, on a pris cet événement de la mort de Johnny Hallyday
02:39 pour rappeler quand même que l'ensemble des rappeurs, ce jour-là, ont revendiqué
02:47 Johnny comme non seulement une idole, mais comme le patron.
02:51 Ils ont finalement, dans leurs émotions, décrypté une similitude assez forte entre
03:00 le mouvement qui est celui du rap et le rock'n'roll qui était né à la fin des années 50 ou
03:05 au début des années 60.
03:06 - Donc passerait les filiations entre les deux mouvements.
03:09 Mademoiselle Kaye, il y a une citation dans le livre, vous parliez de John Lennon, Didier
03:14 Barrault, qui m'a fait réagir, c'est le chanteur et patron de la belle Bertrand Burgala
03:18 qui dit « Une des beautés du rock français est qu'il a été la plupart du temps méprisé
03:23 ». Est-ce que vous êtes d'accord ? - C'est Bertrand Burgala qui parle comme
03:29 ça de moi ? - Non, du rock français.
03:33 - Du rock français.
03:35 Ouais, c'est très beau surtout, je trouve ça surtout super poétique, après le rapport
03:41 à la popularité du rock français, effectivement c'est autre chose.
03:45 Vous avez parlé de Johnny Hallyday, mais moi je pense quand même à Telephone aussi,
03:52 qui est un des groupes les plus populaires du rock français jusqu'à ce jour.
03:56 - Qui a été pour vous une source d'inspiration ?
04:00 - Ouais, entre autres, après bizarrement, chez les Français, ce n'est pas les plus
04:05 rock qui ont été une source d'inspiration.
04:06 Moi je me suis quand même pas mal tournée vers l'Angleterre et je pense que c'est
04:13 le cas de la plupart des groupes de rock français ou des artistes français.
04:16 Johnny Hallyday vous le disait lui-même, les influences viennent quand même des Américains
04:22 et des Anglais sur ce style-là.
04:24 Mais c'est une très belle phrase de Burgala, effectivement.
04:28 - On va parler justement du mariage du français et de l'anglais dans le rock français dans
04:32 quelques minutes.
04:33 Vous avez commencé ce voyage juste dans les années 60, puisque c'est le point de
04:37 départ, vous le signalez Didier Varro.
04:39 Juste après les deux pages qui sont consacrées à ce concert Place de la Nation, il y a un
04:44 premier artiste qui a une double page dans le livre, c'est lui.
04:46 Tu parles trop, j'entends du soir au matin, les mêmes mots, toujours les mêmes refrains.
05:00 Tu parles trop, tu parles trop.
05:06 - Ça ne s'adressait pas au présentateur radio mais peut-être que c'était un bon
05:10 conseil quand même.
05:11 Eddie Mitchell évidemment avec les chaussettes noires, Tu parles trop, 1961.
05:15 Pourquoi avoir choisi ce morceau Didier Varro ?
05:17 - Très symptomatique.
05:18 Eddie Mitchell justement qui dans son premier titre adapte un titre de Joe Jones.
05:23 Donc le complexe du rock français qui est obligé d'aller adapter des standards anglo-américains.
05:29 C'est la première chose donc assez symbolique.
05:31 Et très vite, Eddie Mitchell qui va vouloir composer et écrire des chansons originales
05:39 pour évidemment trouver sa propre singularité dans le creuset du rock français.
05:44 Et puis aussi début du marketing puisque ce groupe qu'avait fondé Eddie Mitchell
05:49 s'appelait Five Rocks.
05:50 Et on leur dit après l'enregistrement du premier 45 tours dont est issue cette chanson,
05:56 vous allez passer à 17 heures dans l'émission de Salut les copains.
05:59 Ils sont évidemment comme tous les jeunes à l'écoute de cette émission.
06:03 Et puis ils découvrent qu'ils vont non plus s'appeler les Five Rocks mais les chaussettes
06:09 noires car leur producteur qui n'était autre qu'Eddie Barclay avait passé un deal avec
06:15 la lanière de Roubaix pour que à la fois le disque soit plus représenté dans les
06:20 magasins et puis pour donner un petit peu ce truc un peu marrant, c'est chercher des
06:25 hooks et des gimmicks dans ce début de l'industrie musicale où on invente le marketing.
06:30 Eddie Mitchell raconte dans le livre qu'à la sortie des concerts dans ces années-là,
06:35 il y a des bastons terribles en permanence.
06:36 Ils se font embarquer par les flics dans le panier à salade.
06:40 Le rock a très mauvaise réputation.
06:42 Oui, ça commence en 1961 au Palais des Sports où le deuxième concert de ce premier festival
06:47 international du rock se termine par des bastons avec ce qu'on appelait à l'époque les
06:52 blousons noirs, les banlieusards, tiens donc on peut faire un petit parallèle avec ce
06:56 qui se passe dans le rap, une musique stigmatisée, une musique violente, la musique qui ne plaît
07:02 pas à ceux qu'on désigne alors comme les croulants, c'est-à-dire les vieux.
07:06 Mademoiselle K, un mot du phrasé d'Eddie Mitchell qu'on vient d'écouter, faire sonner
07:10 le rock avec des mots en français.
07:13 Est-ce que c'est difficile ? Je sais qu'au début vous étiez plutôt sur l'anglais.
07:16 Non, non, j'ai vraiment commencé avec le français.
07:19 Sur mes six albums, j'en ai fait qu'un en anglais.
07:22 Donc dès mon premier album, Sam Ewex, mon truc c'était de faire du rock en français
07:28 et pour répondre à votre question, j'ai envie de dire on travaille le texte comme
07:36 on le travaillerait pour une chanson pop ou de la chanson, c'est juste que ça peut être
07:40 éventuellement plus court et plus incisif dans le propos, mais c'est le même travail
07:47 sur le texte et après ce qui fait vraiment la différence pour moi et ce qui fait aussi
07:51 l'essence du rock, c'est quand même les guitares.
07:52 Je pense que c'est vraiment l'instrument roi de ce genre, les guitares et l'énergie.
07:57 Et c'est là qu'on va se distinguer avec le français, dans ce genre-là.
08:06 Mais il n'y a pas de difficulté pour vous dans l'écriture quand c'est en français,
08:10 ça coule aussi facilement quand c'est en anglais ?
08:12 Non, la phrase de Lennon, vous connaissez cette phrase, le rock français c'est comme
08:16 le vin anglais, ça n'existe pas.
08:19 Bon, avec le réchauffement tout bouge, comme vous savez, le rock c'est pareil.
08:24 Je trouve que la scène française se porte quand même hyper bien, que ce soit en anglais
08:28 ou en français.
08:29 Et je trouve aussi que les femmes ont vraiment quelque chose à apporter à ce genre qui
08:34 a été longtemps, justement Didier Varro parle d'Eddie Mitchell, des mythes fondateurs
08:39 du rock qui sont quand même tous des hommes.
08:41 Et ce que je trouve intéressant aujourd'hui, en 2023, c'est ce qu'apportent les femmes
08:50 dans le rock parce qu'elles ne sont pas dans le même historique, ce n'est pas aussi chargé.
08:57 Donc il y a plein de choses à faire, c'est une manière de renouveler le genre de manière
09:01 très intéressante et aussi dans les propos.
09:03 Je vous ai demandé de choisir, Mademoiselle K, un groupe, justement vous avez choisi
09:06 le groupe Bandi Bandi, avec cet extrait de l'album Taki Kardi, ça s'appelle "Néant".
09:10 * Extrait de "Néant" de Bandi Bandi *
09:36 Ça c'est le rock français aujourd'hui Mademoiselle K, pourquoi ce choix ?
09:41 Choix parce que c'est une nana qui chante et qu'elle chante très bien, qu'il y a des
09:47 super riffs de guitare, j'aime vraiment beaucoup ce premier album d'eux, que c'est dark au
09:55 possible, pour toutes ces raisons.
09:58 Mais j'ai pensé à eux, j'ai pensé aussi à un groupe émergent qui s'appelle Ravage
10:02 Club, par exemple Lilouah, je pense à Otis Kerr.
10:05 Lizzie Strata, Mannekins, il y a vraiment des très bons groupes de rock français.
10:12 Otis Kerr en playlist sur France Inter d'ailleurs.
10:14 Très bien.
10:15 Forcément, je pense plus à des femmes parce qu'on n'est pas nombreuses et que je trouve
10:27 qu'elles apportent une couleur différente, un regard différent, que ça déclive aussi,
10:36 si ce mot existe, ce sera l'occasion de le créer.
10:40 Ça ouvre le genre du rock et ça lui permet aussi de sortir de plein de clichés tout
10:47 en renouvelant bien les clichés du rock parce qu'on en a besoin à tous.
10:51 Et ce qu'on aime dans le rock, c'est aussi la sueur, les guitares, des batteries et aussi
10:57 des textes et un engagement.
11:00 Je pense qu'on n'est pas sur le même engagement par contre que quand le rock a commencé.
11:03 Je pense que dans les textes, ça reste le rap aujourd'hui quand même qui est le genre
11:10 le plus engagé.
11:11 Après, à voir quand même sur tout ce qui est la cause féministe, je trouve que les
11:17 nanas ont pas mal de trucs à raconter et que c'est aussi un combat très actuel depuis
11:22 Me Too et qu'il y a pas mal de choses encore à...
11:26 Il y a pas mal de portes encore à défoncer.
11:30 Et de combats à porter, ce que vous faites, Mademoiselle K.
11:33 Je l'ai dit, Didier Varro en introduction, dans ce livre "Rock la France", il y a toute
11:38 une partie à la fin qui est consacrée aux villes françaises du rock où le rock bouillonne.
11:43 Il y en a une en particulier qui est à l'honneur, c'est Rennes.
11:46 On va s'y replonger, fin des années 70, début des années 80.
11:49 Choix de Mark Itzad, Didier Varro, qui n'est pas le groupe français le plus connu mais
12:14 qui a eu une influence majeure.
12:15 Influence majeure, sans Mark Itzad, pas d'Étienne Dao, pas de Seine-Rennais, peut-être pas
12:21 les transmusicales.
12:22 Effectivement, à Rennes, place forte du rock français et de son déploiement sur l'Europe
12:27 entière.
12:28 Donc ça, c'est très important.
12:29 Et puis, ce groupe, il est assez symptomatique aussi des contradictions du rock français,
12:37 rock français en français, rock français en anglais.
12:40 Puisque dans ce titre-là, Conrad Veidt, il chante à la fois en anglais et en français.
12:45 Il chante en acteur allemand.
12:47 Voilà, exactement.
12:48 Et puis, c'était surtout pour revendiquer que la suprématie du rock anglo-saxon n'était
12:54 pas une fin en soi.
12:55 Et Philippe Pascal, Franck Darcel développait l'idée d'un rock européen, continental.
13:01 Et ils ont développé ça à travers deux albums.
13:03 Et c'était aussi une idée très forte qui, je pense, structure encore aujourd'hui l'idée
13:09 de ce que doit être le rock français.
13:12 On parlait de Rennes, Mademoiselle K, est-ce qu'il y a une ville en France où on respire
13:19 davantage le rock par le public, par la salle, où on sent que ce genre est à l'honneur ?
13:25 Oui, je trouve quand même que la Bretagne a quand même...
13:30 J'élargis même de Rennes à la Bretagne.
13:34 Effectivement, depuis mes débuts, je trouve qu'il y a une culture de ce son-là.
13:42 C'est aussi une région qui est tournée vers l'Angleterre.
13:46 Donc, ça permet cette culture-là.
13:49 Donc, je pense quand même toujours que la Bretagne, Rennes, a un truc particulier avec
13:56 le rock.
13:57 Je trouve quand même que Rouen est pas mal aussi, pour avoir fait connaissance avec cette
14:01 ville plus récemment et les groupes qui en sortent.
14:06 Je pense à Manneken, j'ai appris il n'y a pas longtemps que Tahiti 80 était de là
14:09 aussi.
14:10 Nantes aussi, ça c'est plus au sud.
14:15 Et après, moi en tant que parisienne, franchement, je pense que Paris quand même...
14:20 Juste parce que j'ai passé ma vie à Paris, je pense à tous ces clubs qui sont toujours
14:26 là.
14:27 Ce point éphémère notamment, je pense au Trabendo, même la Marocinerie qui sont quand
14:33 même des grands endroits où il y a des super groupes de rock.
14:38 Pour conclure le message d'Antoine de Rouen, il y a une ville dont on n'a pas parlé, mais
14:42 vous avez parlé de la Normandie, Mademoiselle K.
14:43 Le Havre est une ville spéciale du rock.
14:45 Avant d'aller à Paris pour leur concert, les rockeurs anglais faisaient une escale par
14:48 chez nous.
14:49 Avant d'aller à Paris, c'est aussi une ville ouvrière qui avait des airs de Manchester.
14:52 On y fait mention dans le livre évidemment.
14:54 C'est une ville à laquelle on rend hommage.
14:56 Et il nous dit Antoine, merci à tous les deux.
14:59 Rock la France aux éditions Marabout et Radio France.
15:03 60 ans de guitare et d'électricité.
15:04 Merci d'être venu nous en parler.
15:07 Le point éphémère, vous y serez en concert Mademoiselle K.
15:13 Votre album Mademoiselle K, toujours disponible également.
15:17 Vous serez le 17 novembre à Haut-Duncour, le 18 à Suisse-Yambri.
15:19 Donc c'est le 4 décembre je crois au point éphémère.
15:22 Merci à tous les deux.
15:23 13h47.