Marie Papet et Yves Mérillon sot les invités du 13h, mardi 21 novembre, à l'occasion du lancement de la campagne d'hiver des "Restos du Cœur".
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00:00 C'est donc le début de la campagne des Restos du cœur aujourd'hui, 39ème du nom et quand leur président,
00:04 Patrice Douré, a lancé un appel à l'aide début septembre, il a laissé entendre que cela pourrait être
00:09 l'une des dernières, car entre la hausse des demandes et l'inflation, la situation financière de l'association
00:16 est critique. On va en parler, parler aussi des bénévoles qui font tourner les restos, parler des bénéficiaires
00:21 avec nos deux invités, originaires de la même région, mais ça n'est pas fait exprès. Marie Papé, bonjour !
00:26 Vous êtes la directrice de l'antenne des Restos de Fleury-les-Aubray, près d'Orléans. Nous sommes dans le département
00:32 du Loiret et avec nous ici en studio Yves Mérillon. Bonjour !
00:36 Bonjour !
00:37 Porte-parole des Restos du cœur, vous avez aussi été bénévole et vous l'êtes peut-être toujours dans cette région
00:43 et dans ce département du Loiret. Merci à tous les deux d'être là. J'attends pour vous les questions des auditeurs
00:48 01, 45, 24, 7000 ou via l'application France Inter. Marie Papé, vous avez lancé la campagne hier.
00:56 Comment ça s'est passé ? Est-ce que vous avez eu beaucoup de monde ?
00:59 On a beaucoup de monde, oui. Le centre de Fleury-les-Aubray est un très grand centre. C'est le plus grand du département
01:06 du Loiret et nous avons accueilli à la fin de la campagne été, 23 450 familles, c'est-à-dire l'équivalent de plus de 3000 personnes
01:14 à nourrir par semaine. Nous sommes ouverts 4 jours par semaine et nous avons constaté, ce qui est assez remarquable,
01:23 une augmentation de la fréquentation de notre centre depuis le Covid, de 22% par an. Autant dire que nous devons faire face
01:34 à une fréquentation importante et nous organiser pour que tout le monde puisse être servi.
01:41 22% par an, ça fait combien de personnes ? 1450 actuellement.
01:46 En plus par an, combien de personnes en plus ? 22%, donc ça fait plusieurs centaines, 600 personnes.
01:59 Comment est-ce que vous faites pour faire face ? On a beaucoup dit que les restos ne pourraient pas accueillir tout le monde cette année.
02:05 Comment est-ce que ça s'est passé de ce point de vue-là hier et peut-être avant ?
02:09 Nous avons anticipé bien sûr cette décision. Notre préoccupation est multiple. Autre les problèmes de stock et d'achat
02:20 et également de ramasse des magasins, nous devons mettre en place la gestion des flux de nos familles qui sont très nombreuses
02:28 à Fleury-les-Aubray, de manière à pouvoir servir tout le monde. Pas simple parce qu'on est déjà ouvert 4 jours par semaine
02:35 et on essaie aussi d'optimiser chaque mètre carré des locaux pour garder bien le lien avec les familles,
02:42 ce qui est très cher au reste du cœur. Les réinscriptions de la 39e campagne ont démarré il y a déjà un mois.
02:51 Il y a encore des retardataires, donc nous continuons cette semaine à réinscrire sur des critères financiers,
02:58 c'est-à-dire qu'on leur demande quelles sont leurs ressources, les petits salaires, les allocations d'adultes handicapés, retraite
03:07 et nous déduisons de cela les dépenses de loyer qui sont toujours très élevées et les dépenses d'énergie.
03:13 Et à partir du reste à vivre que nous en déduisons, nous le comparons à un barème national qui varie avec le nombre de personnes dans la famille
03:22 et si les personnes sont au-dessous de ce barème, nous les acceptons à venir une fois par semaine.
03:28 S'ils sont au-dessus, c'est un crève-cœur parce qu'on doit les refuser.
03:32 Donc critères de revenus pour choisir les gens que vous pouvez aider en fait ?
03:35 C'est ça, exactement, c'est sur ces critères-là.
03:38 Yves Mérion, ça c'est le cas à Fleury-les-Aubray, c'est le cas dans tous les centres aujourd'hui des Resseaux du cœur ?
03:44 Oui, c'est une décision qui a été prise pour l'ensemble du pays et l'ensemble de nos 2000 centres de distribution.
03:50 On n'a pas pu faire autrement, c'est la première fois que les restos prennent une décision en 38 ans d'histoire.
03:55 Financièrement, nous ne pouvons plus accueillir autant de monde en leur attribuant à chacun l'équivalent de 6 repas par semaine et par personne,
04:04 comme c'était le cas au-delà.
04:06 Mais ça n'est pas qu'un problème financier, vous avez souligné effectivement les problèmes d'inflation
04:11 qui fait qu'on avait poussé un cri d'alarme en disant "si on ne fait rien, en 3 ans on ferme boutique".
04:16 C'est aussi l'explosion de la précarité, on l'a aussi dit.
04:19 Donc effectivement on fait quelque chose, mais je voudrais insister sur le fait que ce n'est pas qu'un problème de finance,
04:24 c'est aussi un problème pour les bénévoles de pouvoir accueillir correctement les personnes qui viennent nous voir.
04:29 Nous ne sommes pas que des distributeurs de boîtes de conserve, nous sommes une association qui milite pour l'inclusion sociale et professionnelle.
04:38 Donc il faut qu'on ait le temps de parler avec les gens, qu'on ait le temps d'identifier les difficultés qui les ont conduits à frapper à notre porte,
04:44 et pour ça il faut du temps. Et c'est le projet Resto qui est mis en cause par cette affluence considérable.
04:49 Aujourd'hui on a 1 300 000 personnes qui sont inscrites, ça n'est plus possible d'accueillir correctement tous ces gens-là.
04:55 Ça veut dire que cette année il y aura moins d'1 300 000 personnes, ou alors il y en aura plus,
05:01 mais parmi les gens qui vont venir vous ne pourrez pas accueillir tout le monde ?
05:04 Nous avons pris une mesure pour essayer de stabiliser le nombre de gens que nous accueillons à ce qu'il était il y a un an à peu près 1 100 000 personnes.
05:11 Mais évidemment, toutes ces mesures n'auront d'efficacité que si la pauvreté ne continue pas à augmenter dans le pays.
05:18 Parce que si les gens viennent de plus en plus nombreux et sont en dessous du barème comme l'a expliqué Marie,
05:23 eh bien notre mesure sera insuffisante. C'est bien là où il y a un problème de long terme,
05:28 c'est qu'on a pris des mesures d'urgence pour arriver à terminer l'année,
05:31 mais pour le long terme, pour être durable, il faut qu'il y ait des mesures structurelles beaucoup plus importantes.
05:36 Marie Papey, vous avez des problèmes de local par exemple ? Trop exigus ? Ou de camions qui manquent ?
05:42 La crise de croissance pose ce type de problème ?
05:45 Oui, les camions qui manquent, on en a souvent parlé,
05:48 des problèmes de ramasse qui sont moins généreux qu'autrefois,
05:51 parce que les magasins valorisent par eux-mêmes les produits qui nous étaient dédiés dans le passé.
05:56 Et puis oui, un problème d'organisation.
06:00 Nous avons à cœur de pouvoir continuer à accueillir et écouter nos familles
06:04 pour détecter les problèmes qu'ils ont souvent accumulés et qui les a amenés au resto du cœur.
06:11 Donc on se doit de peaufiner le centre de manière à ce qu'il y ait des petits coins d'accueil.
06:18 Et en effet, on optimise les mètres carrés, ce qui n'est pas toujours simple.
06:22 Mais enfin, on y arrive et surtout, ce que je voulais dire, c'est qu'en effet,
06:26 pour aller dans le sens de ce que dit Yves, on a depuis longtemps déjà une grosse action
06:32 au niveau de l'accompagnement de nos familles pour les aider à se réinsérer.
06:36 C'est-à-dire qu'au-delà de l'aide alimentaire,
06:38 souvent on se rend compte qu'ils ont accumulé des difficultés qui n'ont pas été réglées.
06:43 Et on les aide pour essayer de dénouer un petit peu tous ces problèmes-là
06:48 et puis faire qu'ils quittent un peu la galère.
06:51 - Au-delà évidemment de l'aide alimentaire et de permettre aux gens de se nourrir tous les jours.
06:57 Beaucoup d'appels et beaucoup de messages sur franceinter.fr mais aussi par téléphone.
07:02 C'est le cas de Daniel qui nous appelle du département de la Dordogne.
07:05 Bonjour Daniel !
07:06 - Bonjour !
07:08 - Vous êtes bénévole vous-même ?
07:09 - Oui et bon accueil aussi aux autres intervenants.
07:13 Oui, je suis également bénévole.
07:15 Moi, je suis chargé de la prospection sur le département de la Dordogne.
07:19 - Ça veut dire quoi la prospection Daniel ?
07:21 - Alors c'est le contact avec tous les magasins et tous les donateurs potentiels
07:26 de manière à faire rentrer le maximum de dons à travers des ramasses
07:31 ou à travers des dons qui se font d'entreprises en direction des Restos du Coeur.
07:36 Donc c'est aussi le moyen pour nous de limiter au maximum les coûts d'achat de matières premières, de produits,
07:43 de manière à avoir une substitution, ce qu'on appelle maximum et la plus forte possible.
07:51 - Vous manquez de dons ou de bénévoles Daniel ?
07:53 - Alors nous ce qui nous manque aujourd'hui, on vient de réussir notre campagne départementale,
07:58 notre collecte départementale et elle a été vraiment un très grand succès au niveau de la générosité des personnes
08:06 puisque là c'était les clients des grandes surfaces qui donnaient.
08:10 Et on a fait une collecte qui a été le triple de celle de l'année dernière.
08:16 Par contre ce qu'on empêche c'est la problématique des bénévoles qui manque de plus en plus.
08:22 C'est de plus en plus compliqué d'avoir des bénévoles qui peuvent libérer du temps
08:26 et qui peut-être se sensibilisent aussi à la cause des Restos du Coeur et peut-être d'autres aussi, d'autres associations.
08:34 Encore quand on sait que nous on tourne principalement par exemple en Dordogne avec 3 salariés pour 27 centres,
08:43 tout le reste ce sont des bénévoles.
08:45 - Ce sont des bénévoles, d'où l'importance du bénévolat évidemment.
08:47 - C'est hyper important.
08:49 - Merci Daniel pour ce témoignage. Il faut que je donne la parole à d'autres auditeurs qui nous écrivent,
08:53 qui ont beaucoup de questions et puis à nos invités également.
08:56 Yves Mérion au plan national, est-ce que vous constatez aussi que c'est compliqué de fidéliser ou d'attirer des bénévoles ?
09:02 - Alors on est plutôt favorisé au Restos du Coeur, on a 73 000 bénévoles réguliers et puis 25 000 occasionnels.
09:08 Mais le problème du recrutement de bénévoles c'est d'une part peut-être dans les zones rurales,
09:13 comme il y en a pas mal en Dordogne, c'est plus difficile parce que notamment il y a des déplacements.
09:19 Et quand des bénévoles ont besoin de faire 10, 15, 20 kilomètres pour venir au centre, ça peut commencer à leur coûter cher.
09:25 C'est pour ça que les Restos du Coeur demandent une mesure de crédit d'impôt pour les dépenses de déplacement des bénévoles.
09:31 Aujourd'hui, les bénévoles qui payent l'impôt peuvent déduire de leur revenu les dépenses de déplacement qu'ils font pour leurs bénévoles au Restos du Coeur.
09:39 - Mais plein d'essence pour aller à Sarla par exemple dans le département de la Dordogne au centre des Restos du Coeur, je peux les déduire de mes impôts ?
09:46 - Si vous payez les impôts, mais l'autre problème c'est que les bénévoles qui ne payent pas d'impôt,
09:50 et nous avons 15% de nos bénévoles qui sont des personnes accueillies par les Restos et qui sont en même temps bénévoles.
09:55 Donc des gens qui ne payent pas d'impôt et ces gens-là c'est une dépense immédiate très forte de déplacement et effectivement ça peut empêcher de devenir bénévole.
10:04 - Marie Papé, vous êtes dans une zone urbaine autour d'Orléans, est-ce que vous avez des problèmes pour attirer des bénévoles ou pour les garder peut-être ?
10:10 - Alors, du fait que nous sommes urbains, comme vous le disiez, cela nous permet d'avoir accès à pas mal de bénévoles
10:17 et pour faire tourner ce centre de 1400 qui accueille 1400 familles, nous sommes 200 bénévoles sur le centre
10:23 et il faut que nous soyons 35 à 40 personnes par jour pour que cela fonctionne.
10:28 Nous sommes ouverts 4 jours par semaine, donc effectivement je pense que la proximité citadine nous permet de recruter peut-être plus facilement des bénévoles
10:37 qui sont soit des retraités, donc à peu près 50% à Fleury, 107 bénévoles en particulier, surtout des femmes,
10:44 mais nous avons également 50 bénévoles salariés qui, à leur jour de congé, sont intéressés pour faire du bénévolat au Resto du Coeur.
10:54 Et puis nous accueillons également, et ça nous y tenons beaucoup, à valoriser les familles, les personnes accueillies.
10:59 Nous avons en ce moment une quarantaine de bénévoles qui sont des personnes accueillies et ils sont très très preneurs de cela
11:08 parce que ça leur permet de rester dans le coup et d'avoir un rythme de travail et puis aussi du lien social.
11:15 Daniel nous disait à l'instant Yves Mérion qu'il est en relation avec notamment les grandes surfaces pour recueillir des produits, des denrées.
11:23 Question de Laurence, je suis au Resto du Coeur de Saint-Malo, la semaine dernière Lidl nous a informé qu'il ne nous donnerait plus.
11:29 Tout cela sans explication. Est-ce que vous avez des témoignages comme celui-là qui vous remontent ?
11:33 Dans le cas de Lidl, ils ne donnent plus. Par contre, ils vendent des cassettes à 1 euro à leurs clients et ils nous reversent la moitié.
11:40 Donc si vous voulez ce qu'on n'aura pas sous forme de produit en nature, on le reçoit sous forme d'argent.
11:44 C'est récent ?
11:45 Non, ça fait plusieurs années que c'est comme ça.
11:47 C'est un accord que vous avez passé avec eux en quelque sorte ?
11:49 Et ça nous a permis notamment d'acheter beaucoup de camions.
11:52 Donc c'est un groupe qui aide d'une autre façon. Mais est-ce que vous avez eu des remontées de magasins qui ne s'associent plus ?
11:59 Ce n'est pas qu'ils ne s'associent plus, c'est que les magasins soldent eux-mêmes, si je puis dire, leurs produits et la ramasse diminue.
12:04 Mais nous avons un modèle qui est relativement robuste parce qu'au niveau national, la ramasse, c'est moins de 20% de nos approvisionnements.
12:11 Nous achetons un tiers des repas que nous distribuons. L'Europe nous permet d'acheter un autre tiers des repas que nous distribuons.
12:18 Donc si la ramasse diminue, c'est embêtant, notamment parce que ça nous donne de la diversité dans les produits.
12:23 Mais ce n'est pas pour ça que notre modèle est en danger. Nous devons pouvoir compenser par les achats que nous faisons.
12:29 On parlait des incitations fiscales. Est-ce que les groupes qui vous aident pour cette ramasse ont des incitations fiscales ?
12:34 Oui, tout à fait. Ils peuvent défiscaliser une partie pour la valeur comptable des produits qu'ils nous donnent.
12:40 C'est pour ça que jusqu'à présent, ça ne marchait pas pas mal. Mais apparemment, pour certains magasins, ça devient plus intéressant de le vendre eux-mêmes,
12:47 même à 50% du coût, plutôt que de nous le donner en défiscalisant.
12:52 On a deux questions de Joël et de Jeanne-Marie sur les différentes associations qui sont mobilisées sur l'aide.
12:59 Joël, pourquoi autant d'associations qui font quasiment la même chose ? Pourquoi ne pas se regrouper pour réaliser des économies d'échelle,
13:06 mutualiser les moyens ? Jeanne-Marie, sur le même thème, immédiatement.
13:10 C'est une question qui revient souvent. Alors déjà, il y a des entrepôts qui sont partagés, par exemple, avec les banques alimentaires.
13:15 Mais je crois qu'aussi, la diversité des associations, ça permet de s'adresser à la diversité des personnes que nous accueillons.
13:23 Et ça permet aussi d'avoir des donateurs extrêmement différents. Donc c'est une richesse, la diversité.
13:29 Si on mutualisait tout, je pense que ça pourrait être un appauvrissement, y compris au sens propre du terme,
13:34 parce que le donateur des Restos du Cœur n'est pas celui du Secours Populaire, qui n'est pas celui du Secours Catholique.
13:39 Donc la diversité, c'est quelque chose, c'est une richesse, je crois, de la vie associative.
13:42 Dernière question, Marie Papé, sur un constat qui vous frappe tous les jours, c'est la jeunesse des bénéficiaires et des gens qui viennent vous demander de l'aide alimentaire.
13:51 Oui, ça c'est vrai. C'est quelque chose qu'on a constaté déjà depuis quelques années. On a des jeunes de plus en plus jeunes.
13:57 Et nous avons ouvert, par exemple, le samedi matin, justement, pour des jeunes salariés qui peuvent maintenant accéder à l'aide alimentaire.
14:06 Ils sont nombreux, on en a à fleur et des eaux près de 150. À la source, là où il y a le campus universitaire, le centre de la source a ouvert le samedi matin, essentiellement pour les étudiants.
14:17 Nous avons déjà, ça vient d'être ouvert, on a déjà 250 personnes qui sont inscrites et qui viennent et qui ont besoin d'aide pour manger.
14:24 Donc oui, ça c'est un sujet. La jeunesse, c'est un problème. Alors à nous aussi d'essayer de mettre en face des services qui leur permettront à ces jeunes, très vite, de se réinsérer dans le monde du travail.
14:34 Et nous offrons d'ailleurs cette possibilité d'accompagnement.
14:38 Merci à tous les deux, Marie Papé, Yves Mérion, pour les dons. Ça se passe sur le site des Restos du Coeur.
14:44 Restosducoeur.org
14:45 Merci à tous les deux. 13h45 sur Inter.