Nathalie (2)

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00:00 Nathalie Ambe, bonjour et merci de nous avoir accordé cet entretien.
00:04 Bonjour, merci de m'avoir conviée.
00:06 Je vous en prie.
00:08 Vous avez participé à la conférence parlementaire Russie-Afrique
00:12 en tant qu'intervenant dans la table ronde consacrée au néocolonialisme occidental
00:17 et comment faire pour que l'histoire ne se répète pas en Afrique.
00:21 Pouvez-vous nous en dire un peu plus succinctement ?
00:25 Comment jugez-vous cet événement et quelles conclusions en tirez-vous
00:30 d'autant plus qu'il s'est produit au même moment où le président chinois
00:35 rendait visite à Moscou pour rencontrer son homologue Vladimir Poutine ?
00:42 Merci beaucoup.
00:44 Je trouve que cet événement était utile.
00:47 Il était utile pour plusieurs raisons.
00:52 En tant qu'Africaine, c'est malheureux de le dire,
00:56 mais c'est souvent dans ces événements-là que nous avons l'occasion d'échanger
01:00 avec une large palette de décideurs africains.
01:04 Ces opportunités nous sont rarement offertes sur notre continent.
01:08 Quand il y a des réunions de l'Union africaine ou du Parlement panafricain,
01:13 c'est un parlement qui existe même si presque personne ne le connaît,
01:16 ce qui n'est pas mauvais puisqu'il ne fait rien de très bon,
01:20 mais on a rarement ce genre de forum où on peut rencontrer des décideurs,
01:26 des législateurs, des experts, des militants africains.
01:30 C'est d'une part dommage que ça se passe toujours à l'extérieur,
01:34 mais d'un autre côté, ça permet aux gens de voyager
01:38 et ça permet dans le temps présent également de contrer le narratif
01:48 qui consiste à dire que la Russie est isolée.
01:51 Parce que moi j'ai vu tout autre chose que la Russie isolée.
01:56 Vous avez parlé de l'arrivée du président Xi Jinping
01:59 et moi j'ai vu plus d'une quarantaine de délégations de parlementaires
02:03 avec qui j'ai pu échanger, j'ai vu des étudiants, j'ai vu des diplomates africains
02:08 et ça me faisait lézèrement sourire quand sur Twitter je lisais des articles
02:12 de médias européens qui parlaient de l'isolement de la Russie.
02:16 Ça nous a aussi donné l'occasion de faire le point,
02:21 de constater les similarités auxquelles la Russie et l'Afrique,
02:26 ou une partie de l'Afrique, sont confrontées.
02:29 La falsification de l'histoire, l'ostracisation de certaines personnes
02:37 et vous savez quand vous ostracisez des gens, soit ils se couchent, soit ils se révoltent.
02:42 Et quand vous avez des gens qui se révoltent et qui en plus s'unissent,
02:47 ça crée quelque chose qui va forcément dépasser ce que vous vouliez.
02:51 Donc je suis très contente d'être ici, j'ai été contente d'avoir été invitée.
02:56 J'entends souvent les médias et les politiques occidentaux nous accuser
03:03 d'être à la solde de la Russie.
03:06 Je leur rétorque que moi je vais parler de l'Afrique partout où on m'invite.
03:11 Si vous ne m'invitez pas à parler de l'Afrique à Montpellier,
03:14 si vous ne nous ouvrez pas les antennes de vos chaînes de télévision,
03:17 ne faites pas du le serre à l'estomac quand vous nous voyez parler ailleurs, notamment en Russie.
03:23 - D'accord. Lors de votre intervention à la conférence,
03:26 vous aviez donné, vous aviez dénoncé l'histoire du colonialisme
03:31 qui se poursuit avec le néocolonialisme
03:34 qui a vu le jour avec l'octroi des indépendances aux pays africains.
03:39 Alors, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce concept
03:43 et nous expliquer comment le colonialisme a réussi à muter
03:47 et à se pérenniser après les indépendances ?
03:50 - Oui, volontiers.
03:53 Le colonialisme, on nous parle du néocolonialisme
03:56 comme si c'était quelque chose qui était tombé comme ça du ciel,
03:58 mais c'est la continuité d'une domination sur nos pays.
04:05 Ça avait commencé par l'esclavage qui s'est mué plus tard en colonisation
04:10 et lorsque c'est devenu quasiment intenable pour nos dominateurs de l'époque,
04:16 parce que avant des gens comme nous, il y a eu d'autres personnes
04:21 qui ont lutté pour l'accès à l'indépendance.
04:23 Il y a eu les Ruben Umniobé, Félix Moumié, Lou Mumba, ils étaient partout.
04:28 Ils se battaient avec les moyens de l'époque
04:30 et je reconnais par exemple à Ruben Umniobé
04:34 le fait d'avoir vraiment dérangé la France
04:38 en allant à plusieurs reprises porter notre voix
04:43 au sein de l'organisation des Nations Unies.
04:45 Ce qui a fait qu'au bout d'un certain temps,
04:48 dans ces instances auxquelles les Africains n'appartenaient pas à l'époque,
04:53 les autres partenaires internationaux ont commencé à dire
04:56 "mais bon, il y a toujours ces gens-là qui viennent se plaindre
04:58 de la façon dont vous gérez leur territoire,
05:03 peut-être qu'il faut envisager quand même leur donner l'indépendance,
05:06 faites quelque chose".
05:07 Donc c'est contraint et forcé que la France, à l'époque,
05:11 a été obligée de faire un geste.
05:15 Et c'est ainsi qu'on nous a donné les indépendances.
05:18 Mais les indépendances qu'on a eues ne sont pas, par exemple,
05:21 comparables à la déclaration d'indépendance des États-Unis
05:25 où les opprimés se sont assis et puis ont déclaré
05:29 "vous nous avez fait ça, ça, ça, ça et ça"
05:31 et en conséquence, nous n'acceptons plus cette situation
05:35 et nous nous déclarons aujourd'hui souverains, libres de toutes attaches.
05:39 Nous, c'est un document administratif
05:42 qui a d'ailleurs, dans plusieurs cas,
05:44 été passé entre deux membres du même gouvernement,
05:47 c'est-à-dire que Félix ou Fouette-Boigny étaient ministres en France
05:50 pendant qu'on nous donnait l'indépendance.
05:52 Donc c'était des indépendances fictives
05:56 et comme on ne pouvait plus appeler ça colonisation,
06:01 puisqu'il y avait quand même un acte administratif
06:03 qui faisait non pas une indépendance mais un transfert de compétences,
06:07 on a préparé tout un système pour combler
06:10 la colonisation brutale et violente qui existait
06:13 par un système qui était beaucoup plus insidieux,
06:16 comme vous l'avez dit tout à l'heure, plus perverse, plus vicieux,
06:19 où on disait "mais non, mais vous voyez,
06:21 maintenant c'est vous qui avez le droit de faire,
06:23 voilà des Africains qui sont dans ces fonctions-là",
06:27 sauf que ces Africains-là, bon, c'était des exécutants,
06:30 mais le colon avait changé de couleur,
06:33 il n'avait pas changé sa nature de colon.
06:37 Donc la néocolonisation, c'est le système qui a été mis en place
06:41 pour se substituer à la colonisation qui a été beaucoup plus brutale,
06:45 violente physiquement,
06:49 et ce système-là est beaucoup plus insidieux,
06:51 il passe par des accords
06:53 qui ont été passés dans les domaines économiques,
06:56 dans les domaines culturels, dans les domaines politiques,
07:00 dans les domaines militaires, sécuritaires,
07:04 et malheureusement, nous avons eu des dirigeants
07:08 qui ont joué le jeu,
07:10 qui n'ont pas été suffisamment soit courageux,
07:15 soit smart, je n'en sais rien,
07:17 mais qui n'ont pas dit "ok, ils me donnent des compétences,
07:20 une fois que je les ai,
07:22 je redonne la liberté à mon peuple".
07:25 Ils ont préféré être là et être les relais,
07:29 les laquais du colonisateur.
07:32 - D'accord.
07:33 Il y a quand même une question que j'aimerais bien vous poser,
07:37 parce que quand on écoute les débats
07:41 dans les médias français en particulier,
07:43 il y a beaucoup qui se disent historiens de la colonisation,
07:48 et qui affirment que la France Afrique est un fantasme,
07:53 elle n'a jamais existé.
07:56 Donc, la question,
07:58 si la France Afrique n'existe plus,
08:02 ou n'a jamais existé,
08:04 pourquoi les dirigeants français éprouvent-ils le besoin
08:07 de répéter à qui veut entendre qu'elle fait partie du passé ?
08:11 - Justement, je veux dire,
08:13 ce n'est même pas moi qui contredit leur narratif
08:17 à ces historiens ou experts.
08:19 Vous savez, moi j'ai beaucoup aimé écouter
08:23 ces présidents que vous avez cités, Sarkozy, Hollande,
08:27 maintenant Macron,
08:28 parce que nous, nous passons notre temps
08:30 à décrire le phénomène de la France Afrique.
08:32 Et chaque fois, on nous dit que nous sommes des menteurs,
08:35 que ça n'existe pas, que c'est un fantasme,
08:37 que c'est des bobards, c'est des éducubrations.
08:41 Et puis,
08:43 il y a le monsieur qui paye,
08:47 ces gens qui nous disent ça,
08:49 qui vient dire "ce système est obsolète, il doit mourir".
08:53 Ah bon, lui aussi c'est un menteur ?
08:55 Lui aussi, il parle d'un fantasme ?
08:58 Non, ils sont gênés,
09:01 parce qu'aujourd'hui,
09:03 on ne peut plus cacher la réalité.
09:06 On ne peut plus cacher la réalité.
09:08 Moi, j'aime bien la dernière intervention de Macron,
09:11 avant sa tournée des plantations en Afrique,
09:14 m'a plu, parce que
09:16 je me suis rendu compte qu'en fait Emmanuel Macron répondait
09:19 aux arguments que nous portons,
09:21 moi et d'autres personnes qui sont dans ce combat de l'émancipation.
09:25 On a dénoncé la France Afrique dans sa dimension
09:29 business, en disant qu'il y a des monopoles protégés.
09:32 Il a dit la même chose, il a dit
09:35 il faut maintenant qu'il y ait de la concurrence.
09:37 On est arrivé dans un monde où les monopoles protégés
09:39 ne peuvent plus exister.
09:42 Il a même ajouté
09:44 que souvent les entreprises françaises
09:46 qui avaient des monopoles protégés
09:48 ne fournissaient pas du travail de qualité.
09:51 Et avaient des attitudes méprisantes
09:53 envers les décideurs de nos États.
09:56 Il a dit "oui, mais si vous continuez d'emmener des N-1
10:00 ou des N-12 pour aller parler au président africain,
10:03 il faut changer cette façon de faire,
10:05 je ne peux plus vous défendre si vous agissez comme ça".
10:07 Donc, le mépris,
10:09 la mauvaise exécution inhérente
10:12 aux monopoles protégés qu'ils avaient,
10:15 il les a reconnus comme ça, en direct,
10:17 lors de sa conférence de presse.
10:19 Moi, j'ai apprécié.
10:21 Comme ça, la prochaine fois qu'on me dira
10:23 que je raconte des conneries,
10:25 je n'aurai plus qu'à dire "bon, allez demander,
10:27 allez écouter le discours de Macron, si moi, ça ne vous plaît pas".
10:30 Lui, il dit la même chose.
10:32 Ils se contredisent en permanence.
10:34 Ils ont le besoin
10:36 de nous ostraciser,
10:40 de décrédibiliser notre parole,
10:42 mais en même temps, la vérité s'impose.
10:44 Nous ne sommes plus dans les années 40 ou 50,
10:47 aujourd'hui,
10:49 vous parliez de mon intervention
10:51 lors de la conférence,
10:53 aujourd'hui, il y a des archives, il y a des documents
10:55 qui sortent, il y a des gens qui
10:57 parlent, il y a des gens qui témoignent,
10:59 qui osent, parce qu'on a
11:01 quand même réussi à enlever la peur
11:03 chez certaines personnes.
11:05 Et donc, ça devient difficile de nier
11:07 l'évidence. Donc, les "experts"
11:09 qui
11:11 foisonnent sur les plateaux français
11:13 me font bien sourire,
11:15 puisque leur patron
11:17 enterrit notre discours.
11:19 Et admettent
11:21 qu'il faut changer. Enfin, l'admettent
11:23 devant les
11:25 micros et devant les caméras.
11:27 En fait, on est en train
11:29 de réinventer chaque fois la France-Afrique.
11:31 On arrive, on dit "la France-Afrique
11:33 est morte", mais dès qu'on sort
11:35 de là, on arrive
11:37 et on crée de nouveaux mécanismes.
11:39 J'aime bien une expression d'un ancien
11:41 combattant pour la liberté
11:43 en grand temps politique.
11:45 Peut-être que vous le connaissez, M. Haïtamed.
11:47 Aussi un Haïtamed algérien.
11:49 Et qui a
11:51 une assez bonne formule
11:53 pour décrire ça. C'est "changer
11:55 pour que rien ne change".
11:57 J'ai dit à Sochi, dans mon
11:59 fameux discours, il y a quatre ans, j'ai dit
12:01 "la France avance sans bouger".
12:03 Je pense que ça rejoint
12:05 effectivement ce que
12:07 Haïtamed avait dit,
12:09 sans que je ne le sache.
12:11 Alors maintenant, j'aimerais qu'on passe
12:13 justement aux détails.
12:15 Parce que c'est très très important.
12:17 La France-Afrique,
12:19 comme j'aimais beaucoup ce que vous
12:21 avez dit tout à l'heure, est un système.
12:23 C'est un système
12:25 qui a ses institutions,
12:27 qui a ses entreprises,
12:29 qui a ses circuits,
12:31 qui a ses circuits de décision.
12:33 Ce n'est pas juste une parole
12:35 disons
12:37 dans les nuages
12:39 qui relèvent de l'idéologie.
12:41 Et on peut en citer
12:43 déjà le
12:45 Franc CFA. Moi-même,
12:47 j'ai lu les accords qui ont
12:49 été signés justement lors de la création
12:51 du Franc CFA. C'est hallucinant
12:53 de voir qu'à ce jour,
12:55 c'est la France
12:57 qui est
12:59 la garante
13:01 du Franc CFA, qui impose le taux
13:03 de change, la transférabilité
13:05 des fonds, la priorité
13:07 sur la transférabilité
13:09 des matières premières,
13:11 ainsi de suite. Alors, dans votre
13:13 discours, vous avez indiqué
13:15 justement que ce colonialisme, cette
13:17 France-Afrique, a un
13:19 volet politique, un volet
13:21 économique, un volet militaire, un volet
13:23 culturel et social. Avant
13:25 d'ajouter une phrase qui est
13:27 très importante, vous avez dit que
13:29 la falsification, pour chacun
13:31 de ces aspects, a eu un discours précis
13:33 dans lequel les Africains
13:35 baignent encore. Alors,
13:37 pouvez-vous nous donner un exemple
13:39 justement, soit
13:41 de la politique, de l'économie, du
13:43 militaire, ou surtout du culturel,
13:45 parce que les autres
13:47 aspects ne sont que les corollaires du
13:49 culturel. - Oui,
13:51 il y a même d'ailleurs toute
13:53 une foultitude de discours pour
13:55 chacun de ces éléments,
13:57 mais je vais vous en prendre
13:59 brièvement quelques-uns.
14:01 J'en ai parlé lors de la conférence.
14:03 Aujourd'hui,
14:05 les gens découvrent en Afrique ce qu'on
14:07 appelle le rôle de porte-plume
14:09 au sein de l'ONU.
14:11 On dit "mais c'est quoi
14:13 un porte-plume ?". Il y a des
14:15 conférences sur le Mali,
14:17 sur le Centre-Afrique, sur tous les
14:19 pays qui ont des conflits en Afrique. Tous les
14:21 trois mois, se réunit le Conseil de
14:23 Sécurité, et là-dedans sont
14:25 présentées des résolutions
14:27 qui sont adoptées
14:29 et puis qui sont ensuite exécutées.
14:31 Ces résolutions,
14:33 imaginez-vous, ce n'est pas le pays
14:35 qui a le problème
14:37 qui les rédige.
14:39 Ce n'est pas lui qui dit "je connais
14:41 la nature des problèmes auxquels je suis
14:43 confrontée, donc voilà ce dont nous
14:45 avons besoin, voilà ce que je vais rédiger".
14:47 Non, c'est la France
14:49 ou l'Angleterre, les deux
14:51 puissantes puissances
14:53 coloniales généralement, les États-Unis quand il s'agit
14:55 de la Syrie et du
14:57 coin là-bas. Ce sont les anciennes puissances
14:59 coloniales qui ont la
15:01 prérogative d'écrire
15:03 les résolutions
15:05 ou les communications du président du
15:07 Conseil de Sécurité. Ce qui s'explique,
15:09 d'ailleurs, ce n'est pas l'ONU,
15:11 le FMI, la Banque mondiale ont été
15:13 créées en 1945. En 1945,
15:15 nos États n'existaient
15:17 pas dans leur forme souveraine
15:19 d'aujourd'hui. C'était soit
15:21 des colonies, soit des territoires sous
15:23 tutelle, c'était voilà.
15:25 Et donc quand on crée l'ONU, quand vous regardez
15:27 les statuts, les gens n'aiment pas lire, vous avez dit,
15:29 vous avez lu
15:31 les statuts de création du franc CFA,
15:33 quand vous allez lire les statuts
15:35 de la création du FMI ou de
15:37 de l'ONU,
15:39 il est écrit dedans que
15:41 les pays parlent et
15:43 prennent des dispositions pour que
15:45 l'ordre règne dans leurs
15:47 colonies, leurs territoires d'outre-mer
15:49 etc. Et on a gardé
15:51 le même, ça n'a pas évolué.
15:53 Donc c'est toujours
15:55 cet instrument construit au moment de
15:57 la colonisation qui est
15:59 appliqué aujourd'hui alors que
16:01 une foultitude de pays, en
16:03 Asie, en Afrique, en Amérique du Sud
16:05 d'ailleurs, ont acquis l'indépendance
16:07 à un moment donné. - C'est juste une précision
16:09 encore pour rajouter, ce que
16:11 en général les occidentaux appellent
16:13 le "Darwa international", c'est en fait
16:15 le Darwa que les
16:17 anciennes puissances
16:19 coloniales et impériales ont façonné
16:21 et donc auxquelles
16:23 ils s'attachent encore et qu'ils refusent de
16:25 changer. - Et qu'ils appliquent d'ailleurs
16:27 on le voit avec la Russie à géométrie variable.
16:29 Parce que quand le
16:31 droit international ne leur convient
16:33 pas, ils font des
16:35 usages ou des
16:37 applications du droit international
16:39 à leur faconde.
16:41 Donc le droit international
16:43 en fait c'est la raison du
16:45 plus fort. Le problème aujourd'hui c'est que le plus
16:47 fort n'est plus nécessairement celui qui était fort
16:49 au sortir de la guerre.
16:51 Et ces tremblements,
16:53 on appelle ça
16:55 le
16:57 conflit
16:59 d'une puissance
17:01 hégémonique qui est
17:03 en phase de déclin
17:05 avec un monde
17:07 ascendant qui veut s'émanciper.
17:09 C'est un peu la guerre entre
17:11 Sparte et la Grèce à l'époque,
17:13 le piège de Thucydide
17:15 dont on parlait.
17:17 Donc il y a ce narratif-là
17:19 qui continue
17:21 dans le monde politique à justifier
17:23 que ce soit la France qui
17:25 présente les résolutions sur
17:27 le Mali, sur le centre-Afrique. Or
17:29 aujourd'hui la France est partie
17:31 prenante du conflit.
17:33 La France qui présente
17:35 les résolutions est
17:37 une partie
17:39 prenante du problème.
17:41 Elle est en conflit avec l'État. On ne peut pas
17:43 accepter cela. Et
17:45 moi à ce moment-là, vraiment
17:47 je souligne aussi la responsabilité
17:49 de nos chefs d'État.
17:51 La responsabilité de nos
17:53 intellectuels. Et c'est pour ça
17:55 qu'on essaye de faire
17:57 connaître ces affaires-là. Comme
17:59 on n'aime plus beaucoup lire de nos jours,
18:01 nous on prend le temps de lire, on prend le temps
18:03 de faire des recherches et on essaye de
18:05 diffuser au maximum les informations
18:07 pour que les gens prennent conscience que
18:09 ce n'est pas par hasard
18:11 que ça existe.
18:13 Le franc CFA c'était pour
18:15 remplacer les pertes que
18:17 les esclavagistes avaient à la fin
18:19 de l'esclavage. Il fallait
18:21 maintenant, Bonaparte
18:23 disait "Bon j'ai mes esclavagistes,
18:25 les grandes familles qui avaient des plantations
18:27 et tout ça. L'esclavage est terminé
18:29 ils vont perdre. Ils vont perdre
18:31 des revenus puisque
18:33 les esclaves seront libérés.
18:35 Comment est-ce qu'on va faire ?
18:37 Écoutez, on va aller essayer de créer une banque
18:39 qui va financer
18:41 des choses. Et on a créé la banque
18:43 du Sénégal à l'époque.
18:45 C'est de là que sort le franc CFA.
18:47 Si vous allez sur le site de la BCEAO
18:49 vous cliquez dans le
18:51 dans le tag "Histoire"
18:53 et on vous raconte tout ça. C'est pas
18:55 Nathalie qui se lève et puis qui
18:57 invente. C'est leur propre histoire
18:59 qu'ils écrivent. Le franc CFA
19:01 c'est un
19:03 franc qui a été créé
19:05 pour combler le déficit
19:07 financier des, non pas des
19:09 esclaves, mais des détenteurs
19:11 d'esclaves qui ont perdu du business
19:13 à la fin de l'esclavage. Dans le
19:15 niveau culturel, là
19:17 c'est encore pire parce qu'il y a le niveau
19:19 culturel, je vais prendre deux exemples
19:21 les musées et les médias.
19:23 Les musées... - Et l'éducation.
19:25 - L'éducation alors c'est une catastrophe.
19:27 C'est à dire que je trouve d'ailleurs que
19:29 tous ceux qui aujourd'hui parlent
19:31 contre ce système
19:33 ou contribuent à démonter
19:35 ce système, si ils sont
19:37 issus du système éducatif africain
19:39 ont beaucoup de mérite
19:41 parce que ce qu'on nous apprend à l'école n'a rien
19:43 à voir avec la réalité historique
19:45 que nous avons vécu, que nous avons traversé.
19:47 Quand vous entendez quelqu'un parler
19:49 de la libération de la Guinée
19:51 par exemple,
19:53 quand vous lisez les livres, ce qu'on nous dit dessus
19:55 de temps en temps dans certains de
19:57 nos livres sur le nom de ces couturés
19:59 etc. et comment ça s'est passé
20:01 et que vous écoutez ce que
20:03 il y a encore des gens qui vivent
20:05 qui ont vécu cette époque ou qui étaient
20:07 enfants et qui peuvent en parler, mais c'est
20:09 deux histoires totalement différentes.
20:11 Quand vous prenez les luttes d'indépendance au Cameroun,
20:13 mais elles sont passées sous silence.
20:15 La guerre de libération du Cameroun
20:17 qui a eu plus de 300 000 morts,
20:19 il n'y a pas une famille au Cameroun
20:21 je dis bien il n'y a pas une famille qui n'a pas
20:23 au moins perdu un membre
20:25 dans cette guerre d'indépendance.
20:27 Quand Pierre Mesmer
20:29 venait sourire aux lèvres
20:31 recréer les camps de
20:33 ils appelaient ça les camps de
20:35 regroupement au Cameroun pour
20:37 ceux qui se battaient contre l'indépendance.
20:39 - Ce qui était une formule un peu...
20:41 - Non, non, il le disait même avec le sourire en disant
20:43 "on s'est inspiré des camps
20:45 de concentration".
20:47 C'est pas moi qui dis, c'est lui
20:49 qui dit, il y a des documentaires.
20:51 Donc quand eux ils parlent
20:53 de l'histoire
20:55 et qu'ils travestissent
20:57 des pans entiers de l'histoire
20:59 ou bien qu'ils les passent sous silence.
21:01 Vous savez le problème qu'on a aussi
21:03 en Afrique, c'est que nous nous avons
21:05 une tradition orale.
21:07 En Afrique en général c'est pas
21:09 ce qui est écrit. On se transmet
21:11 les choses par l'oralité.
21:13 C'est d'ailleurs pour ça que
21:15 ce que nous faisons aujourd'hui, parler à la
21:17 radio ou faire des vidéos
21:19 ça circule beaucoup mieux
21:21 parce que les gens sont habitués
21:23 à l'oralité. Nous racontons
21:25 notre histoire. Mais tant
21:27 que ce n'est pas écrit
21:29 ça compte pas dans le monde tel qu'il
21:31 existe. Donc on nous
21:33 enseigne une histoire qui n'est pas la nôtre
21:35 qui glorifie
21:37 ceux qui nous ont battus,
21:39 ceux qui nous ont volés,
21:41 ceux qui continuent de nous voler.
21:43 On nous met en place des médias
21:45 et on dit
21:47 si ça ne passe pas dans ces médias c'est que
21:49 ça n'est pas crédible.
21:51 On dit ça au monde extérieur.
21:53 Si vous voulez entendre parler de l'Afrique
21:55 il faut allumer tel média, tel média
21:57 ou regarder telle télé ou lire tel journal.
21:59 Et
22:01 malheureusement beaucoup de nos décideurs
22:03 endoctrinés adhèrent
22:05 à ce narratif et donc
22:07 pensent que quand ils doivent parler de leur pays
22:09 il faut qu'ils aillent dans le média
22:11 du colon. Or des organes
22:13 comme RFI, France 24
22:15 sont des organes qui font
22:17 partie de l'organigramme du Quai d'Orsay.
22:19 C'est le ministère français
22:21 des affaires étrangères. Ils portent la parole
22:23 et la politique de la France
22:25 à l'extérieur. Comment vous pouvez
22:27 penser que ceux-là vont vous dire
22:29 la vérité alors qu'ils cherchent
22:31 à vous dominer, à vous garder
22:33 sous leur coupe ? Difficile ?
22:35 - Justement pour rebondir
22:37 avant la fin de cette première partie
22:39 sur ce que vous venez de dire
22:41 dans la situation
22:43 internationale actuelle
22:45 donc
22:47 la France qui se trouve
22:49 dans de grandes difficultés
22:51 économiques, énergétiques, politiques
22:53 et sociales, pourrait-il
22:55 vraiment, pourrait-elle
22:57 vraiment songer à mettre en fin
22:59 au système de la France afrique
23:01 dans tous ses aspects, comme le disent
23:03 les chefs d'Etat ?
23:05 - Maintenant moins que jamais.
23:07 Vous voyez le problème
23:09 des retraites en France qui, quand
23:11 vous allumez la télé, moi j'ai un énorme plaisir
23:13 ces derniers jours à regarder la télévision
23:15 le matin en France parce que je vois
23:17 je me demande d'ailleurs où est l'ONU, où est la Cour
23:19 pénale internationale quand on voit les
23:21 manifestations qui ont lieu, la façon dont elles sont
23:23 réprimées, mais
23:25 perdre la France afrique, je le répète
23:27 depuis toujours
23:29 c'est, et Chirac l'avait dit, vous l'avez cité
23:31 en entame, c'est
23:33 une déperdition
23:35 totale du niveau de vie en France
23:37 ça va directement
23:39 faire baisser le niveau de vie en France
23:41 ça va amener la précarisation
23:43 encore plus accrue
23:45 des français, parce que
23:47 la France politique
23:49 n'a jamais réfléchi
23:51 à comment substituer
23:53 le système de domination
23:55 qu'est la néocolonisation
23:57 ou la France afrique, par un système
23:59 de coopération. Les anglais
24:01 ont été beaucoup plus malins et se sont
24:03 dit à un moment donné, bon
24:05 il faut changer quelque chose, on va essayer
24:07 de faire de notre précaré
24:09 un marché
24:11 un marché avec qui on va pouvoir échanger
24:13 et c'est comme ça que l'Angleterre
24:15 puissance coloniale, vous la retrouvez
24:17 aujourd'hui moins riche
24:19 d'ailleurs que les Etats-Unis
24:21 que le Brésil, que l'Inde
24:23 que des endroits où ils ont été
24:25 la France n'a jamais, ils n'ont pas
24:27 la capacité intellectuelle
24:29 à pouvoir
24:31 envisager un monde
24:33 dans lequel ils doivent
24:35 redéfinir leurs sources
24:37 de confort, leurs revenus
24:39 etc. Donc ce qui se passe
24:41 en France actuellement
24:43 va au contraire
24:45 accroître leurs besoins
24:47 de verrouiller le précaré
24:49 France-Afrique. D'accord et
24:51 à ce titre, je rappelle juste
24:53 ce qu'a dit
24:55 Christine Lagarde
24:57 en sa qualité de ministre de l'économie
24:59 en 2010, c'est-à-dire
25:01 c'est l'actuelle présidente ou gouvernante
25:03 de la BCE
25:05 la Banque Centrale Européenne
25:07 donc concernant, dans une déclaration
25:09 à Genafri, concernant justement
25:11 le fonctionnement du Front CFA
25:13 je rappelle que les pays
25:15 membres de l'Agence CFA sont obligés
25:17 de déposer des réserves
25:19 à la Banque
25:21 de France pour qu'ils
25:23 reçoivent en contrepartie
25:25 le papier qui s'appelle Front CFA
25:27 et dont un euro
25:29 vaut 657
25:31 francs CFA
25:33 donc voilà ce que dit Christine Lagarde
25:35 en 2010
25:37 ça n'a pas changé
25:39 à Genafrique
25:41 historiquement, l'obligation était
25:43 de 65%
25:45 ce n'est pas vrai, c'était de 100%
25:47 ça a changé après de 65%
25:49 mais
25:51 elle est de 50%
25:53 actuellement
25:55 pour les deux zones économiques
25:57 donc du Front CFA
25:59 l'Afrique Centrale et l'Afrique de l'Ouest
26:01 depuis 2005
26:03 donc en contrepartie, il y a une garantie
26:05 de convertibilité
26:07 que l'on accepte d'honorer
26:09 voilà, donc je laisse les auditeurs
26:11 juger par
26:13 eux-mêmes. Dans votre locution
26:15 à la conférence parlementaire
26:17 russo-africaine, vous avez mentionné
26:19 les accords léonins
26:21 signés avec la France
26:23 et leurs effets visibles
26:25 comme les manuels scolaires, la culture
26:27 les musées et les médias
26:29 ce que vous avez tout à l'heure évoqué
26:31 mais selon vous, il y a
26:33 toute une autre partie
26:35 qui n'est pas visible et qui se traduit
26:37 par la dissimulation des
26:39 archives et le soft power
26:41 utilisé dans les coulisses des
26:43 institutions, des événements et des
26:45 conférences internationales auxquelles l'Afrique
26:47 n'a pas accès. Je répète bien
26:49 je souligne, n'a pas accès
26:51 alors, pouvez-vous
26:53 nous en dire un peu plus sur ce phénomène
26:55 là et expliquer à nos auditeurs
26:57 comment cela fonctionne. Mais avant
26:59 tout, vous pouvez rebondir
27:01 d'abord sur la question de la convertibilité
27:03 et de
27:05 la garantie de convertibilité
27:07 de France CFA par la France
27:09 la banque de France. D'accord, merci beaucoup
27:11 et puis merci encore aux auditeurs
27:13 de Radio Maliba d'être avec
27:15 nous aujourd'hui.
27:17 Non, je voulais juste sur la
27:19 garantie de convertibilité, c'est la plus
27:21 grosse arnaque qui existe en fait, elle n'est pas
27:23 appliquée. Vous savez, la garantie
27:25 de convertibilité, ça
27:27 couvrait les cas de figure
27:29 où je me lève
27:31 j'habite en Côte d'Ivoire, je me lève
27:33 je vais faire des achats
27:35 à Dubaï et puis
27:37 je paye là-bas
27:39 et je reviens et la banque
27:41 de France rachète donc les France
27:43 CFA que j'ai dépensé à Dubaï
27:45 elle les rachète pour les
27:47 réinjecter dans
27:49 le système parce qu'à Dubaï, bon
27:51 ils n'ont rien à faire du France CFA, ils n'ont pas
27:53 utilité donc la banque
27:55 de France doit les racheter. Sauf que
27:57 lorsque la France a constaté
27:59 que les Africains
28:01 avaient découvert que c'était beaucoup plus
28:03 intéressant de faire des achats en Asie
28:05 plutôt que de venir dépenser des sommes
28:07 doubles, triples, quadruples en Europe
28:09 pour s'approvisionner,
28:11 ils ont simplement arrêté
28:13 d'exercer la garantie de convertibilité.
28:15 Vous ne pouvez plus utiliser le
28:17 France CFA nulle part qu'en dehors de la
28:19 zone CFA concernée parce que
28:21 vous prenez vos France CFA BCAO
28:23 vous n'allez pas acheter
28:25 une baguette de pain ou une boule
28:27 d'atiké dans l'autre zone
28:29 ça n'existe pas. Il n'y a pas de
28:31 c'est une arnaque
28:33 comme le système l'est
28:35 de façon globale.
28:37 Ça n'existe pas.
28:39 Voilà, c'est ce que je voulais dire sur la garantie.
28:41 La façon visible
28:43 et invisible alors comment ça se passe ?
28:45 Dans les réunions internationales
28:47 on fait souvent allusion, je pense que
28:49 beaucoup de gens entre temps ont
28:51 entendu parler par exemple de la conférence de Berlin.
28:53 Ce qu'on dit, à la conférence de Berlin
28:55 l'Afrique n'était pas présente.
28:57 Donc des gens se sont assis autour d'une table
28:59 et ont décidé
29:01 qu'ils allaient se partager l'Afrique.
29:03 C'était en 1884.
29:05 1884, ça a duré jusqu'en 1885.
29:07 Ils ont partagé l'Afrique.
29:11 D'ailleurs il faut noter que la Russie était présente
29:13 à cette conférence mais qu'elle n'a pas du tout
29:15 participé à la question du partage
29:17 de l'Afrique. Elle a dit "ça
29:19 ça ne m'intéresse pas".
29:21 C'était
29:23 les puissances coloniales de l'époque qui étaient là.
29:25 L'Afrique n'était pas là dedans.
29:27 Mais la Russie y était.
29:29 C'est ce que j'ai dit lors de ma conférence.
29:31 Ils étaient dans la salle. Ils n'ont pas pris un seul
29:33 morceau du continent. Ils ont dit
29:35 "ça ne nous intéresse pas,
29:37 ça ne nous concerne pas". Mais ils savent ce qui
29:39 s'est dit là-bas.
29:41 Quand ils ont été à Yalta
29:43 pour créer l'ONU,
29:45 l'Afrique n'était pas là. C'était les vainqueurs
29:49 de la première,
29:51 de la deuxième guerre mondiale qui étaient là.
29:53 Donc quels sont
29:55 les accords ? Il y a ce qu'on voit,
29:57 ce qui est écrit dans les statuts. Mais comment
29:59 s'en est arrivé là ? Quelles concessions
30:01 ont été faites ? Lesquelles
30:03 n'ont pas été faites ? On ne sait pas.
30:05 Monsieur Lavrov nous a
30:07 sortis,
30:09 a levé un petit bout
30:11 du voile. Et c'est sur ça que moi
30:13 j'ai rebondi lors de la conférence.
30:15 Lorsque récemment, dans
30:17 de récentes interviews, le ministre des Affaires
30:19 étrangères russe a par exemple
30:21 dit que monsieur Borrell
30:23 et monsieur Le Drian étaient venus le voir
30:25 lors d'une conférence
30:27 pour lui dire qu'il faut
30:29 arrêter de soutenir le Mali
30:31 et d'envoyer des gens au Mali. Le Mali c'est chez nous.
30:33 Alors
30:35 quand le ministre des Affaires étrangères
30:37 russe nous dit ça, ça ne s'est pas passé
30:39 devant les caméras. C'est dans les
30:41 couloirs de l'ONU,
30:43 c'est dans les couloirs du FMI,
30:45 c'est dans les couloirs du G20,
30:47 etc. que ce genre
30:49 d'accords ou de
30:51 de tractations se font. Certaines
30:53 fois, les partenaires
30:55 disent "ok, on vous laisse faire
30:57 mais en contrepartie, vous venez pas nous
30:59 embêter du côté de la Syrie,
31:01 du côté de l'Irak". Il y a des
31:03 tractations qui se font. L'Afrique
31:05 n'est pas là. Quels sont
31:07 quels sont
31:09 la teneur de ces
31:11 deals qui se passent
31:13 loin de toute l'attention médiatique ?
31:15 Si on dit qu'on est
31:17 aujourd'hui des alliés, qu'on
31:19 subit les mêmes problèmes,
31:21 alors je pense qu'il faut qu'on puisse
31:23 se dire la vérité
31:25 et que ceux qui ont l'information
31:27 viennent nous la communiquer
31:29 pour que nous ayons des armes
31:31 encore plus scientifiques pour
31:33 démonter le narratif
31:35 que l'on essaye d'imposer sur l'Afrique
31:37 ou au monde. Vous
31:39 voulez aller chercher de l'argent,
31:41 chercher
31:43 de l'aide ou des fonds
31:45 auprès du FMI
31:47 ou de la Banque mondiale, vous n'avez
31:49 aucun problème. Je vais prendre l'exemple de la Centrafrique.
31:51 La Centrafrique est le meilleur élève
31:53 de la Banque mondiale dans
31:55 la zone CEMAC.
31:57 Ils appliquent les décisions,
31:59 ils font les rapports, ils font tout
32:01 mais bizarrement,
32:03 on ne leur donne pas les moyens
32:05 de compter, on ne récompense pas
32:07 la bonne attitude. Pourquoi ? C'est
32:09 parce que par derrière, la France
32:11 va et
32:13 parle dans les couloirs aux
32:15 autres administrateurs, ceux qui
32:17 donnent l'argent en leur disant "non, non, eux, il ne faut pas"
32:19 etc. Et c'est pour ça que
32:21 ça ne marche pas. Il faut qu'on arrive
32:23 à mettre ce système
32:25 sous-jacent, ce système
32:27 insidieux, pervers,
32:29 parallèle.
32:31 Et c'est un système qui
32:33 est inscrit dans les statuts du FMI.
32:35 Article 31G
32:37 de mémoire des statuts
32:39 de création du FMI,
32:41 vous allez le regarder, on dit,
32:43 parce qu'ils ont été créés en même temps que l'ONU,
32:45 que les territoires,
32:47 la puissance
32:49 coloniale, celle qui a des territoires,
32:51 des colonies,
32:53 etc. C'est elle qui
32:55 parle à la place
32:57 de ses... Oh non ! Et bien, ils continuent de
32:59 perdurer. C'est pour ça que je dis, il faut
33:01 détruire chacun
33:03 de ces systèmes. On ne peut pas dire qu'une réforme,
33:05 une réformette,
33:07 puisse changer quelque chose.
33:09 Il faut carrément réécrire
33:11 de nouveaux statuts.
33:13 Ça reflétait...
33:15 Le modèle qui existe aujourd'hui,
33:17 reflétait une réalité politique de 1945.
33:19 Elle n'est plus
33:21 du tout la réalité politique
33:23 de 2023.
33:25 Il faut avoir le courage
33:27 de le dire. Il faut avoir le courage
33:29 de se dire que ce n'est pas si on donne
33:31 un siège au Conseil de Sécurité
33:33 à l'Afrique que ça va changer
33:35 quoi que ce soit. Ça ne va rien
33:37 changer du tout. - Certainement.
33:39 Le fonctionnement
33:41 du Conseil de Sécurité doit être revu.
33:43 Les rapports de force du Conseil
33:45 de Sécurité doivent être revus.
33:47 Vous avez aujourd'hui... - C'est un exemple,
33:49 on peut citer combien de fois le Conseil
33:51 de Sécurité a voté
33:53 une résolution et tout de suite
33:55 après elle a été violée sans qu'on...
33:57 - Non, alors il y a des pays dans le monde
33:59 comme Israël qui peuvent violer...
34:01 - Pas uniquement Israël... - Non mais je dis comme.
34:03 Je dis comme. - Mais il y a
34:05 même les États-Unis qui ont violé.
34:07 - Mais il y a même les États-Unis
34:09 concernant l'Irak, concernant
34:11 la Libye... - Selon
34:13 que vous êtes d'un coup
34:15 protégé... - Non, c'était juste pour dire que
34:17 même au sein du Conseil de Sécurité
34:19 pour dire que voilà,
34:21 c'est pas le fait de donner
34:23 le siège permanent, mais il y a aussi
34:25 le poids. - Ça n'apportera rien
34:27 du tout. Je vais vous dire, si on me
34:29 posait la question,
34:31 je suggérerais, non pas
34:33 qu'on donne un siège à l'Afrique
34:35 au Conseil de Sécurité,
34:37 mais qu'on mette fin au statut de
34:39 membre permanent avec droit de veto.
34:41 Ce statut-là
34:43 se justifiait parce que c'était les gagnants
34:45 de la guerre à l'époque. Et on se disait
34:47 comme c'est eux qui ont fait la guerre et qui l'ont
34:49 gagné, ils ont compris
34:51 comment on doit faire pour éviter une
34:53 troisième guerre. Et donc on leur a
34:55 donné, ils se sont donnés, c'est pas qu'on leur a...
34:57 ils se sont donnés un statut,
34:59 mais si aujourd'hui vous partez du principe
35:01 que l'Organisation des Nations Unies
35:03 est une organisation dans laquelle
35:05 tous les pays sont
35:07 souverains et égaux, alors
35:09 il faut mettre en place simplement le système
35:11 de un pays, une voix.
35:13 Vous pouvez garder 15 membres,
35:15 vous pouvez garder la méthode
35:17 tournante, tous les deux ans,
35:19 les membres changent, mais il n'y a plus
35:21 de membre permanent. C'est-à-dire que
35:23 vous pouvez arriver à un moment, à un
35:25 jour où vous avez le Conseil de Sécurité
35:27 qui n'a ni la France, ni la Chine,
35:29 ni la Russie, ni
35:31 le Royaume-Uni, ni les États-Unis qui sont
35:33 membres du Conseil, mais
35:35 vous avez des pays
35:37 qui sont là, vous avez
35:39 la Namibie, vous avez le
35:41 Liechtenstein, vous avez je sais pas quoi
35:43 qui sont dedans, et si les
35:45 grandes puissances, entre griffes,
35:47 ont envie de faire
35:49 pousser des dossiers, eh bien ils devront utiliser
35:51 de la négociation,
35:53 ils devront utiliser de la conviction
35:55 et non pas imposer
35:57 et puis il n'y a rien qui se passe.
35:59 Il faut qu'on soit un peu plus créatif et il faut qu'on
36:01 assume qu'aujourd'hui
36:03 les États-Unis, bon,
36:05 ne pèsent pas plus que Vanuatu.
36:07 Au sein du Conseil de Sécurité
36:09 on est tous des pays. On est tous
36:11 des pays indépendants, soi-disant.
36:13 On relativise un peu, mais sur le papier
36:15 on est des pays indépendants.
36:17 Donnons-nous les moyens de réécrire
36:19 toutes ces institutions.
36:21 - D'accord. Vous avez aussi évoqué
36:23 une question que
36:25 j'estime être
36:27 extrêmement importante,
36:29 c'est celle des archives.
36:31 La confiscation
36:33 des archives.
36:35 Et pas uniquement ceux
36:37 de la colonisation. Même ceux
36:39 qui ont, d'avant la colonisation
36:41 ont été confisqués. Je prends l'exemple
36:43 de l'Algérie dont je suis originaire.
36:45 Même les archives
36:47 de la période ottomane, qui n'a rien
36:49 à voir avec la présence française, ont été confisquées.
36:51 Est-ce que ce n'est pas une façon
36:53 de confisquer la mémoire ?
36:55 - Absolument. - Et faire en sorte
36:57 des gens qui ne connaissent pas leur histoire
36:59 des objets
37:01 faciles à dominer.
37:03 - Absolument. Le fait de méconnaître
37:05 son histoire,
37:07 vous place dans la position
37:09 de l'avoir se répéter
37:11 à l'infini.
37:13 On vous en pute de
37:15 connaissances qui expliquent pourquoi les choses
37:17 sont arrivées, comment elles sont arrivées,
37:19 quand elles sont arrivées, par qui elles ont été
37:21 exécutées.
37:23 Vous ne savez pas. Donc, on peut
37:25 venir vous raconter tout et
37:27 remettre en place les mêmes mécanismes
37:29 à l'infini. Vous ne le saurez pas.
37:31 C'est
37:33 quelque chose qui est extrêmement violent,
37:35 je trouve, et extrêmement
37:37 condamnable.
37:39 C'est pour ça que
37:41 si les puissances coloniales,
37:43 dans les diverses parties du monde,
37:45 comme vous dites, c'est pas seulement en Afrique
37:47 ou en Afrique subsaharienne
37:49 que ça se passe, ça se passe partout
37:51 et ça se passe à différentes époques.
37:53 Mais ceux qui ont les
37:55 archives ont le devoir
37:57 de les rendre publics et
37:59 accessibles. Et pas
38:01 de la façon pernicieuse et
38:03 vicieuse dont le fait M. Macron.
38:05 Parce que là, j'ai vraiment, j'en ai
38:07 le goitre, là, comme on dit.
38:09 Quand il s'agit de
38:11 Thomas Sankara,
38:13 on vient nous dire "on va vous
38:15 ouvrir les archives". Et puis, on
38:17 transmet des cartons d'archives
38:19 mais on dit "mais les derniers
38:21 cartons, là, non, c'est à l'Elysée,
38:23 on ne donne pas". Donc c'est eux qui choisissent
38:25 ce qu'ils veulent bien nous donner.
38:27 Dernièrement, il est venu au Cameroun
38:29 et il a dit "on va
38:31 mettre en place une commission
38:33 qui va aller étudier les crimes
38:35 coloniaux ou la période coloniale".
38:37 Et puis il rentre à Paris et il
38:39 met en place sa commission mixte
38:41 mais tout seul. Et il désigne
38:43 à la tête de la commission,
38:45 pour la France, ou du côté
38:47 français, une chercheuse historienne
38:49 et pour le côté
38:51 camerounais, il désigne un
38:53 chanteur.
38:55 Bon.
38:57 Qu'est-ce que ce chanteur
38:59 va pouvoir apporter
39:01 dans le débat,
39:03 la recherche historique sur les crimes
39:05 coloniaux, je ne sais pas.
39:07 Quand le New York Times fait toute
39:09 une série sur la situation à Haïti,
39:11 la dette coloniale française,
39:13 la dette odieuse française sur Haïti,
39:15 ils se sentent obligés,
39:17 c'est des choses dont on parle depuis longtemps, mais comme c'est le New York Times
39:19 qui a fait toute une série
39:21 dessus, qui a mis des chercheurs, des journalistes
39:23 et tout ça, ils sont obligés de réagir.
39:25 Ils vous disent "bien, on va mettre
39:27 en place une commission, c'est nous
39:29 qui allons choisir les chercheurs
39:31 et les personnes qui vont accepter pour étudier
39:33 cette question". Non. Ce que nous
39:35 demandons, c'est de rendre public
39:37 les archives. Si quelqu'un de
39:39 l'Ouzbékistan, si quelqu'un de
39:41 l'Afrique du Sud, si quelqu'un de
39:43 Mars a envie de descendre avec son
39:45 OVNI pour venir étudier les archives,
39:47 il n'a qu'à venir étudier les archives.
39:49 Tout le monde doit y avoir accès et chacun
39:51 peut ensuite en faire l'interprétation
39:53 et la diffusion qui
39:55 lui s'y est. Voilà ce combat.
39:57 Il y a des combats comme ça qu'on ne connaît
39:59 pas vraiment, celui pour les archives
40:01 et celui pour les réparations,
40:03 qui doivent maintenant monter en puissance
40:05 partout. - Non mais
40:07 il y a aussi des archives qui sont
40:09 extrêmement importantes parce que
40:11 on fait en sorte
40:13 d'oublier,
40:15 prenons l'exemple de l'Algérie, la
40:17 guerre d'Algérie finie pour
40:19 l'armée française, certes,
40:21 mais elle n'est pas finie pour les Algériens.
40:23 Pour les Algériens, il faut
40:25 rappeler que l'armée française avait
40:27 planté... - 11 000
40:29 des mines ? - Oui.
40:31 11 millions. - De mines, oui.
40:33 - On a dit c'est 11 millions de mines
40:35 antipersonnelles dont elle a
40:37 ouvert les archives qu'on 2007.
40:39 Vous savez que les mines bougent à cause
40:41 de l'érosion des sols, mais il y a
40:43 pire. Il y a les essais
40:45 nucléaires. Il y a
40:47 eu beaucoup d'essais nucléaires
40:49 dont les nuages radioactifs
40:51 se sont propagés dans toute
40:53 l'Afrique, atteignant même le sud
40:55 de l'Europe. Et
40:57 actuellement, comme
40:59 il n'y a pas eu
41:01 d'ouverture d'archives, il n'y a pas eu de
41:03 décontamination des sols,
41:05 à ce jour, le danger persiste,
41:07 il peut même menacer l'Europe à cause
41:09 des vents de sable et la
41:11 sécheresse. - Non, c'est tout à fait, c'est
41:13 criminel. Cette dissimulation
41:15 des archives,
41:17 moi je trouve que c'est criminel, c'est un combat
41:19 que j'essaye de pousser
41:21 partout où je peux, raison
41:23 pour laquelle j'en ai parlé
41:25 lors de la conférence. - D'accord. Qu'attendez-vous
41:27 de la Russie
41:29 et des gens d'Ebry, qui sont en général,
41:31 en ce qui concerne cette question
41:33 du néocolonialisme et que doivent-ils
41:35 faire pour ne pas refaire
41:37 les mêmes erreurs du colonialisme
41:39 et que doivent faire les Africains
41:41 eux-mêmes pour y mettre fin ?
41:43 - Ah, vaste question.
41:45 D'Ebryx, de la Russie
41:47 et d'Ebryx en général,
41:49 j'attends
41:51 une collaboration sincère,
41:53 pas seulement opportuniste,
41:55 sincère. C'est-à-dire que si on dit
41:57 qu'on est des amis, alors vraiment,
41:59 on se donne les moyens
42:01 de s'aider les uns les autres.
42:03 On vient de parler
42:05 des archives et tout ça.
42:07 Je pense que
42:09 c'est mon...
42:11 C'est plus aux Africains
42:13 de travailler
42:15 à ce que le néocolonialisme
42:17 ne vienne pas de ce côté-là.
42:19 C'est à nous.
42:21 C'est à nous de mettre des barrières,
42:23 de nous comporter
42:25 de sorte à ce qu'on nous respecte.
42:27 La Russie, dans notre
42:29 partie du monde, alors je ne parle pas
42:31 dans les autres zones d'influence qui les concernent,
42:33 aussi bien la Russie que la Chine,
42:35 mais je dis chez nous, parce que moi je parle
42:37 en tant qu'Africaine, chez nous,
42:39 la Russie et la Chine
42:41 n'ont jamais
42:43 tenté
42:45 d'instrumentaliser leur influence
42:47 pour faire des changements de régime.
42:49 Beaucoup de gens qui me disent "oui, mais la Russie
42:51 c'est aussi une puissance coloniale en Europe
42:53 de l'Est, ils ont colonisé, etc."
42:55 Je dis certes.
42:57 Mais chez nous... - Si c'était l'Union
42:59 soviétique, c'était pas... - Oui, c'était l'Union soviétique.
43:01 Voilà, tout à fait à l'époque, mais bon, on fait les...
43:03 Mais je dis, mais chez nous, même l'Union
43:05 soviétique était aux côtés de nos mouvements
43:07 qui se battaient pour l'indépendance.
43:09 Ils n'étaient pas du côté des
43:11 mouvements, des colons
43:13 qui venaient et nous aidaient à nous en débarrasser.
43:15 Ceci dit, il ne
43:17 faut pas être
43:19 naïf. Les puissances
43:21 ont, tous les pays
43:23 du monde d'ailleurs ont leurs intérêts.
43:25 Si le mur de ta maison
43:27 est fissuré, il ne faut pas
43:29 te plaindre que quelqu'un
43:31 essaye de s'y introduire. Tu essayes
43:33 de réparer la fissure. C'est à nous
43:35 de poser les conditions.
43:37 Les BRICS, pour moi, c'est un...
43:39 Je suis étonnée
43:41 que dans beaucoup de nos États,
43:43 il n'y ait pas un ambassadeur ou
43:45 un service de veille des BRICS.
43:47 Parce que les BRICS, pour moi, c'est l'avenir.
43:49 C'est-à-dire que c'est
43:51 la meilleure option d'un monde multipolaire
43:53 que nous ayons aujourd'hui.
43:55 J'ai parlé du FMI, de la Banque mondiale
43:57 qui sont plein de conditions,
43:59 qui sont des instruments de chantage
44:01 et de domination
44:03 et de rétorsion. Parce que la République
44:05 centrafricaine a un problème avec la France.
44:07 Pas avec le FMI ou pas avec
44:09 la Banque mondiale. Mais la Banque
44:11 mondiale suspend ses aides.
44:13 Pourquoi ? Ça n'a rien à voir.
44:15 Mais c'est parce que derrière,
44:17 ce sont des instruments.
44:19 Les BRICS ont créé une banque
44:21 de développement.
44:23 Peut-être qu'il faut qu'on aille
44:25 consulter les conditions
44:27 de travail et surtout
44:29 qu'on leur dise
44:31 on ne vous demande pas de venir remplacer la France
44:33 mais on demande
44:35 un partenariat gagnant-gagnant. Vous êtes des
44:37 craques en termes d'énergie. Vous avez un know-how
44:39 que nous on n'a peut-être pas encore.
44:41 On n'a pas envie de vous
44:43 exporter de la poussière,
44:45 d'uranium ou du yellow cake. On a envie
44:47 que vous veniez construire, nous aider
44:49 à construire une centrale nucléaire. D'ailleurs,
44:51 j'ai entendu hier le président Poutine dire
44:53 que la Russie fait même des centrales
44:55 nucléaires écologiques.
44:57 Donc, venez construire une centrale nucléaire
44:59 écologique chez nous. Venez
45:01 investir dans ça. On fait du partenariat
45:03 dedans. On n'attend de part. Et puis, on
45:05 vend de l'énergie à la sous-région.
45:07 On n'exporte pas notre
45:09 matériel. C'est nos chefs
45:11 d'État qui ont une beaucoup
45:13 plus grande part de responsabilité
45:15 là-dedans. Maintenant, il faut
45:17 naturellement que les BRICS
45:19 comprennent quels sont les
45:21 mécanismes qui nous maintiennent
45:23 sous domination. - Absolument.
45:25 - Pour qu'on puisse
45:27 travailler ensemble pour
45:29 les déconstruire. Il faut qu'ils sachent que quand
45:31 ils disent "OK" à la France
45:33 dans un couloir là-bas, voilà les effets que
45:35 ça a chez nous ici.
45:37 Ce dialogue-là, c'est pour ça que je dis qu'il faut
45:39 qu'il y ait ces rencontres, ce dialogue, qu'il y ait cette
45:41 ouverture d'esprit pour qu'ils apprennent
45:43 quels sont
45:45 les effets des accords qu'ils ont
45:47 avec notre grand là-bas.
45:49 Qu'est-ce que ça a comme effet sur nous
45:51 ici ? Et c'est à nous
45:53 même de nous redresser, de cesser d'être
45:55 couché par terre, à penser que
45:57 nous ne sommes rien. C'est parce que nous sommes couchés
45:59 que les autres pensent qu'ils sont grands.
46:01 Quand nous nous relèverons,
46:03 ils verront qu'on se regarde droit dans les yeux.
46:05 Mais encore faut-il qu'on ait à la tête de nos
46:07 États des gens qui préfèrent
46:09 être debout plutôt qu'à genoux.
46:11 Ça c'est notre prochain challenge.
46:13 - Les BRICS ont
46:15 axé leur coopération
46:17 internationale sur
46:19 trois vecteurs. Donc le commerce,
46:21 l'investissement direct,
46:23 dont la transformation des matières
46:25 premières, et l'aide au
46:27 développement. Donc dans chacun
46:29 de ces domaines, comme vous venez de le
46:31 rappeler à juste titre, l'Afrique
46:33 a déjà assez d'expérience
46:35 pour ne pas se faire
46:37 hara-kiri encore une fois.
46:39 Alors,
46:41 par exemple,
46:43 prenons l'exemple de l'énergie.
46:45 Vous avez
46:47 cité dans votre
46:49 allocution,
46:51 je vous reprends,
46:53 cette religion du
46:55 climat avec laquelle ils
46:57 veulent nous bloquer pour que
46:59 l'Afrique ne se développe pas.
47:03 Et à juste titre, parce que
47:05 qu'est-ce qui pollue en Afrique actuellement ?
47:07 Rien du tout.
47:09 Alors, est-ce que
47:11 vous pouvez nous expliquer pourquoi vous dites que
47:13 c'est une religion ?
47:15 C'est une certaine...
47:17 C'est une dictature du climat.
47:19 C'est une dictature.
47:21 Et comment cela, justement, peut jouer
47:23 contre le développement de l'Afrique ?
47:25 Ah, mais c'est un outil,
47:27 c'est un outil, c'est le nouvel
47:29 outil
47:31 pour freiner le développement africain.
47:33 Vous savez, l'histoire, toujours, les réponses
47:35 sont toujours dans l'histoire.
47:37 La France, pas la France,
47:39 l'Europe se construit autour
47:41 du charbon et de l'acier.
47:43 Et du plastique.
47:45 Oui, c'est ce qui fait
47:47 c'est ce qui fait
47:49 qui est d'ailleurs
47:51 qui arrive en amont de la création
47:53 de l'Union Européenne et tout ça.
47:55 La construction de l'Europe, l'émergence
47:57 de l'Europe, l'envol de l'Europe
47:59 se fait autour du charbon
48:01 et de l'acier
48:03 à l'époque.
48:05 Vous...
48:07 Ils ont décimé leurs forêts,
48:09 ils ont fait des grandes plantations,
48:11 l'agriculture européenne
48:13 aujourd'hui représente
48:15 une forte part dans le PIB
48:17 européen.
48:19 La Chine
48:21 utilise le charbon,
48:23 l'Allemagne, la puissance...
48:25 Actuellement ! Actuellement ! Mais même en France,
48:27 on ré-ouvre des centrales à charbon.
48:29 Mais tous ces gens qui ont
48:31 construit
48:33 leur enrichissement, leur développement
48:35 sur
48:37 l'utilisation
48:39 des ressources
48:41 qu'ils avaient, des sols, des sous-sols, des forêts,
48:43 etc. sans réfléchir
48:45 aux impacts que ça pouvait avoir
48:47 viennent aujourd'hui nous dire
48:49 alors qu'ils sont bien assis
48:51 que nous il ne faut surtout pas qu'on touche
48:53 à nos terres,
48:55 il ne faut pas qu'on touche à nos forêts,
48:57 il ne faut pas qu'on touche... Alors il ne faut pas qu'on...
48:59 Si on ne touche pas aux forêts, on ne peut pas toucher
49:01 ni au sol, ni au sous-sol.
49:03 Les grandes plantations,
49:05 l'exploitation
49:07 des ressources et tout ça, on n'y touche pas.
49:09 Non, il faut que les papillons puissent continuer
49:11 de voler, il faut que les lézards
49:13 puissent continuer de ramper.
49:15 Vous êtes le poumon de la planète.
49:17 Mais c'est faux. Si vous avez besoin d'un poumon,
49:19 vous qui êtes les pollueurs
49:21 par excellence du monde, mais allez replanter
49:23 vos forêts chez vous.
49:25 Sacrifiez ! Sacrifiez
49:27 des espaces, sacrifiez des surfaces,
49:29 remettez vos forêts et cherchez votre poumon.
49:31 Vous-même.
49:33 Et je suis très en colère vis-à-vis de nos présidents
49:35 qui, chaque fois, se précipitent
49:37 dans des avions pour aller participer
49:39 à des COP et à des réunions
49:41 où on vient leur dire
49:43 "Oui, on dirait qu'ils ressortent
49:45 très fiers. Oui, nous sommes le poumon
49:47 de la planète. La belle affaire.
49:49 Ça nous donne quoi à manger ?" Alors on leur promet
49:51 des miettes
49:53 par rapport à ce que l'on pourrait faire
49:55 si on exploitait nos ressources. On leur promet
49:57 des miettes qu'on ne leur donne pas.
49:59 Et puis vous les voyez arriver à la prochaine COP
50:01 et puis ils sont là en train de pleurnicher.
50:03 Je me souviens, une des dernières
50:05 COP, je crois que c'était le président
50:07 Tshisekedi qui pleurnichait que "Oui, vous nous
50:09 avez promis des choses, mais ce n'est pas encore venu.
50:11 Tu as envie d'entrer dans le micro
50:13 de lui flanquer des claques ? C'est pas possible !
50:15 On ne peut pas aujourd'hui...
50:17 - Reste en ! Reste en !
50:19 - Non, je suis très...
50:21 Je ne suis pas entrée dans le micro, mais on a envie.
50:23 Non, je veux dire, c'est pas
50:25 des choses...
50:27 Il faut qu'on arrête de répéter
50:29 comme des perroquets. Nous ne sommes pas des perroquets.
50:31 Ils nous sortent le climat,
50:33 mais c'est pour empêcher
50:35 notre développement.
50:37 - D'ailleurs, si
50:39 l'opération spéciale russe en Ukraine
50:41 a un mérite
50:43 sur le plan énergétique,
50:45 si elle a un mérite sur le plan énergétique,
50:47 c'est d'avoir, justement,
50:49 complètement dévoilé, pour ne pas
50:51 dire autre chose,
50:53 dévoilé cette arnaque
50:55 des énergies
50:57 renouvelables, parce qu'en réalité,
50:59 c'est juste une fumisterie,
51:01 une bulle...
51:03 - Mais aujourd'hui, on vient vous dire
51:05 le nucléaire, en fait,
51:07 c'est quelque chose qui est très écologique.
51:09 Vous savez... - Oui, mais ce qu'on ne dit pas,
51:11 c'est que pour les Africains qui ont
51:13 besoin de beaucoup d'énergie,
51:15 de beaucoup d'eau,
51:17 ils ne pourront pas le faire avec les énergies renouvelables.
51:19 - Mais bien sûr que non !
51:21 - Déjà, du fait qu'elles sont intermittentes.
51:23 - Oui, mais... - Quand il n'y a pas le soleil,
51:25 il n'y a pas le soleil, et quand il n'y a pas le vent, il n'y a pas le vent.
51:27 - Vous ne soutenez
51:29 pas une industrialisation avec
51:31 des énergies renouvelables.
51:33 Vous pouvez vous dire que, ok,
51:35 dans des villages, par exemple,
51:37 dans des petites localités à l'intérieur,
51:39 on va faire des fermes
51:41 de solaire, on va mettre
51:43 une petite centrale autonome pour une localité
51:45 à l'intérieur, mais l'énergie
51:47 dont l'industrie a besoin,
51:49 c'est une énergie stable, c'est une énergie...
51:51 - C'est absolument pilotable.
51:53 - Ce que les spécialistes appellent
51:55 "pilotable". - Voilà.
51:57 Or, tout le plan,
51:59 tout le plan de ce dont on parle
52:01 depuis le début de cette interview,
52:03 consiste à s'assurer
52:05 que l'Afrique ne s'industrialise pas.
52:07 Car si l'Afrique s'industrialise,
52:09 alors l'Afrique,
52:11 c'est un géant qui se lève.
52:13 C'est un géant qui se lève.
52:15 Et si, à la tête des États africains,
52:17 nous avons des gens qui commencent à réfléchir
52:19 et à se dire "écoutez, moi j'ai plus envie
52:21 d'exporter ma matière première,
52:23 j'ai du pétrole,
52:25 je raffine mon pétrole, je l'utilise
52:27 ici pour faire
52:29 plusieurs choses". - Justement, moi,
52:31 j'avais discuté avec certains
52:33 diplomates, dont, après
52:35 la fin de la table ronde
52:37 sur les lois et tout,
52:39 et on s'était...
52:41 Tout le monde
52:43 était d'accord pour dire
52:45 que s'il y a une loi que les Africains
52:47 doivent faire passer tout de suite,
52:49 c'est d'interdire l'exportation des matières premières,
52:51 imposer leur
52:53 transformation localement
52:55 et interdire l'importation de tout ce qui
52:57 est fabriqué en Afrique.
52:59 Alors,
53:01 pour finir,
53:03 Nathalie Yamb,
53:05 par rapport à ça, ce que
53:07 le président Poutine a dit hier,
53:09 donc,
53:11 à la Douma, sur
53:13 la disposition de la Russie
53:15 à aider les pays africains à construire
53:17 des centrales nucléaires,
53:19 donc, qui certainement
53:21 fourniront assez d'énergie
53:23 et assez de chaleur
53:25 pour faire de l'eau,
53:27 de l'eau distillée.
53:29 Est-ce que vous pensez que c'est la voie
53:31 à suivre
53:33 et pourquoi pas aussi une coopération
53:35 dans le spatial,
53:37 dans les matières,
53:39 dans les infrastructures,
53:41 les transports rapides ?
53:43 C'est à nous,
53:45 c'est à nous d'avoir une idée claire
53:47 de là où on veut aller.
53:49 Moi, j'ai assisté au discours du président Poutine
53:51 à Sochi en 2019.
53:53 Il n'a pas dit autre chose que ce qu'il a répété
53:55 hier à la Douma.
53:57 Déjà, à l'époque, il a dit
53:59 "On peut travailler avec vous
54:01 dans l'énergie, dans le spatial,
54:03 dans le médical,
54:05 dans l'agriculture." Il avait tout listé.
54:07 Il avait cité, je crois, à l'époque,
54:09 c'était l'Egypte qui était le partenaire
54:11 ...
54:13 On vous propose tout un
54:15 catalogue de choses avec lesquelles
54:17 nous pouvons travailler ensemble pour
54:19 construire, transférer des compétences,
54:21 faire du business, etc.
54:23 Et nous, nous venons
54:25 et nous venons dire "Bon, il faut me donner
54:27 trois
54:29 clopinettes, je vais aller faire une route dans mon
54:31 village." C'est à nous de savoir.
54:33 J'espère que, avant le
54:35 sommet, avant le prochain sommet,
54:37 nos chefs d'État vont faire leur introspection
54:39 et vont vraiment se projeter.
54:41 Il y a des pays en Afrique, je vous assure,
54:43 je parle avec certains chefs d'État,
54:45 certaines fois je suis scandalisée,
54:47 il y a des pays en Afrique qui n'ont pas de plan
54:49 énergétique.
54:51 Ils n'ont pas de plan énergétique.
54:53 Alors, ces gens-là, qui savent pas,
54:55 c'est au coup par coup, au jour le jour.
54:57 "Il faut m'électrifier le village, là."
54:59 Non, mais recense tes ressources.
55:01 Décide lesquels tu vas utiliser
55:03 maintenant, lesquels tu vas utiliser dans 50 ans.
55:05 Développe un plan
55:07 et une vision. On n'a pas ça.
55:09 Alors, vous avez des gens qui peuvent offrir
55:11 des voies,
55:13 mais
55:15 la clé, la solution,
55:17 l'avenir est dans les mains
55:19 de ceux qui dirigent nos États aujourd'hui.
55:21 Est-ce qu'ils ont l'intelligence de saisir
55:23 les opportunités qui sont offertes?
55:25 D'abord, de définir
55:27 quels sont leurs besoins, d'identifier, de définir
55:29 leurs besoins, de penser
55:31 à des solutions et d'aller ensuite chercher
55:33 les meilleurs partenaires pour
55:35 gérémenter ces solutions.
55:37 Moi, je suis... Un pays comme
55:39 le Centre Afrique, je me demande
55:41 pourquoi il y a si peu... La couverture
55:43 d'électricité est si médiocre alors qu'il y a
55:45 des ressources qui sont là.
55:47 Faisons, mettons en place
55:49 une centrale nucléaire là-bas.
55:51 Ça va attirer les investisseurs
55:53 qui vont gagner de l'argent.
55:55 Ça va permettre de booster l'industrialisation
55:57 et là où il n'y a pas d'électricité, vous n'allez
55:59 mettre qu'à l'industrie. Vous ne pouvez pas en mettre.
56:01 Donc, c'est toute une planification
56:03 et c'est pour ça que quand on secoue
56:05 les présidents africains,
56:07 moi je le fais très volontiers parce que
56:09 nous sommes aujourd'hui dans un...
56:11 Je parle toujours d'un épisode géopolitique
56:13 où le monde est en train de se redéfinir.
56:15 Si nous,
56:17 Africains, on reste avec des gens
56:19 qui sont tétanisés
56:21 et qui se disent "On n'a qu'à attendre là où
56:23 les autres vont aller, là on va choisir, on va les suivre."
56:25 Nous, on ne veut plus suivre quelqu'un. On ne veut plus
56:27 appartenir à quelqu'un. On veut
56:29 être de ceux qui décident et qui
56:31 montrent la marche pour le continent.
56:33 Le président Poutine nous a
56:35 fait des offres. Il y a d'autres...
56:37 La Chine fait des offres, l'Inde fait des offres,
56:39 l'Allemagne fait des offres, tout le monde fait
56:41 des offres mais pour savoir laquelle est la plus pertinente,
56:43 il faut déjà savoir ce dont tu as besoin,
56:45 ce que tu veux.
56:47 Si c'est ce que...
56:49 Je n'ai pas encore fait mais je m'apprête à faire une vidéo
56:51 sur le discours, un des
56:53 nombreux discours des présidents français.
56:55 Et ce qui me...
56:57 Ce qui me gêne,
56:59 ce n'est pas que M. Macron, par exemple,
57:01 fasse un discours sur la stratégie
57:03 française de l'Afrique
57:05 depuis l'Elysée avant de venir en Afrique.
57:07 Ce qui me gêne, c'est que dans
57:09 beaucoup de cas,
57:11 sa stratégie française en Afrique
57:13 sera reprise par nos présidents
57:15 comme la stratégie
57:17 africaine de la France.
57:19 C'est-à-dire, ce qu'il a décidé là-bas,
57:21 on a des
57:23 valets qui sont là et qui disent
57:25 "Bon, comme il a dit ça, c'est ça qu'on va faire."
57:27 C'est ça qui m'inquiète.
57:29 - Je vous remercie
57:31 Nathalie Ambe
57:33 pour cet entretien
57:37 passionnant
57:39 et riche en informations.
57:41 J'espère que nous avons réussi
57:43 à éclairer un peu plus cette
57:45 question complexe du
57:47 néocolonialisme et de la France-Afrique
57:49 et apporter à nos auditeurs
57:51 plus d'outils et d'éléments
57:53 qui leur permettraient de mieux la comprendre,
57:55 l'incerner, pour y mettre fin.
57:57 J'espère vous retrouver
57:59 sous peu, dans un
58:01 autre entretien, pour traiter d'un autre
58:03 sujet
58:05 touchant à la vie de tous les jours
58:07 de nos auditeurs. Merci encore une fois
58:09 et à très bientôt. - Merci à vous.
58:11 à vous.
58:11 Merci.
58:12 [SILENCE]