• il y a 2 ans
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

[ARCHIVE EUROPE 1 - Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare] Le 28 juillet 1969, une sexagénaire nommée Lucia Isoard est violemment renversée par une voiture à Aix-en-Provence. Quelques heures plus tard, celle-ci succombe à ses blessures. S’agit-il d’un accident de la route ou bien d'un meurtre ? Selon les témoins, la voiture s’est déportée volontairement pour renverser Lucia Isoard. Les services de police décident alors d’ouvrir une enquête. À cette époque, Lucia Isoard est la gouvernante du château de Laroche-Rostellan dont le vicomte, Jacques de Régis est le propriétaire. Lorsque les enquêteurs se rendent sur place, ils interrogent d’abord les employés du château. C’est alors qu’ils découvrent un mystérieux télégramme que Lucia Isoard avait reçu le jour de l’accident. Dans ce télégramme, il est question d’un rendez-vous à la cabine téléphonique du village à une heure précise… l’heure à laquelle a eu lieu le drame de sa mort. Le crime était-il prémédité ? Pour le fermier du Vicomte, pas de doute, la responsable de ce meurtre est Harlette Boulbès, une ancienne prostituée que l’on dit ruinée. Quelques jours plus tôt, une violente dispute avait éclaté entre les deux femmes. Mais pour quel motif ? Harlette Boulbès aurait-elle décidé d’éliminer Lucia Isoard pour de l’argent ? Pourtant, à cette époque, le vicomte ne prévoit en aucun cas de léguer sa fortune à sa gouvernante Lucia Isoard… Pierre Bellemare raconte cette affaire dans cet épisode du podcast “Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare”, issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar.
00:05 Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10 Une idée blanche dans une affaire noire.
00:14 C'est-à-dire une voiture idée blanche qui devient toute petite sur une route bordée d'arbres,
00:19 dessinée sur un sombre fond de toile peinte.
00:23 Également dessinée sur la toile un château, authentique joyau médiéval menacé de ruine.
00:29 Sur le bord de la route, le cadavre en cire d'une vieille dame que la voiture a renversée
00:34 et dont un pinceau a étalé le sang sur l'herbe peinte où il coulera pour l'éternité.
00:40 Dans une chaise longue, démentibulée, inviconte, dont les soixante-dix années de vice
00:45 ont définitivement altéré les traits aristocratiques.
00:49 Près de lui, une grande et belle femme de quarante ans dans une robe blanche.
00:53 En souriant faussement, elle pose la main droite sur l'épaule du vieillard
00:57 tandis que sa main gauche semble faire un signe à la voiture blanche qui fuit sur la route.
01:04 Un homme petit brun, avec des lunettes l'air, je dis bien l'air, d'un souteneur corse,
01:10 et je ne dis pas qu'il est souteneur,
01:13 fait un signe d'intelligence à la femme qui lui jette un regard inquiet.
01:18 Au loin, tout un petit peuple les regarde comme s'ils voulaient se souvenir éternellement de la scène.
01:24 Nous avons aussi un piéton éberlué, une dame à côté de son vélo moteur renversé
01:29 qui note le numéro de la voiture, des fermiers, des agents immobiliers,
01:33 des vieillards et des hommes à la mine patibulaire posant sur les murs et les arbres des affiches électorales.
01:40 Au-dessous, une grosse plaque de cuivre où est inscrite la phrase suivante.
01:49 Affaire de Puy-Ricard, 28 juillet 1969, jugée le 11 juillet 1970.
01:58 Scène reconstituée pour le musée des dossiers extraordinaires par Jacques-Antoine.
02:05 Musée des dossiers extraordinaires
02:09 Vous connaissez, chers amis, ces musées de cire où sont présentés avec plus ou moins de naïveté
02:29 des mannequins souvent historiques mais quelquefois simplement pittoresques
02:33 et choisis parce qu'ils représentent des personnages caractéristiques d'une région, d'une profession, d'un lieu, etc.
02:40 Quelquefois, ces personnages sont groupés dans un décor unique où ils semblent jouer une scène.
02:46 Celle-ci peut être historique, légendaire ou tout simplement documentaire.
02:50 La scène historique, c'est par exemple l'assassinat de Henri IV.
02:55 La scène que nous qualifierons de légendaire, le retour de l'enfant prodigue.
03:00 La scène documentaire pouvant être un mariage chez les lapins
03:04 ou la vente à la criée sur le vieux port de Marseille en 1850.
03:08 Et bien, imaginez qu'aujourd'hui, en traversant le musée de cire des dossiers extraordinaires,
03:12 vous vous attardiez un instant devant la scène que vous a décrite Jacques-Antoine
03:16 où un groupe de mannequins figés dans une éternelle attitude sont censés représenter l'affaire de Puy-Ricard.
03:23 Bien qu'il s'agisse d'une affaire authentique et relativement récente,
03:26 on ne peut la qualifier d'historique mais sûrement de documentaire.
03:30 Mais attention, chers amis, Jacques-Antoine les a volontairement figés dans des attitudes caractéristiques
03:37 telles qu'elles ressortent des dépositions des témoins, des enquêtes de police
03:40 et telles que finalement les journalistes les ont décrites.
03:44 L'ensemble est tellement vraisemblable, tellement plausible,
03:46 tellement conforme à nos préjugés, aux idées toutes faites,
03:50 que nous ne pouvons plus les voir autrement.
03:53 Ils ont été condamnés, jugés, conduits devant les tribunaux pour cela.
03:57 C'est comme cela qu'ils sont apparus aux jurés.
04:00 Mais ce sont des personnages de cire.
04:04 Ils ont été conçus, modelés par les hommes.
04:07 Alors, est-ce que ces personnages représentent bien la vérité ?
04:12 Est-ce que les hommes n'ont pas trahi la nature profonde de ces gens en voulant les représenter ?
04:16 Bref, est-ce que les musulmans n'ont pas raison en interdisant que les artistes reproduisent l'œuvre du créateur ?
04:24 C'est à cela que nous allons essayer une fois de plus de réfléchir ensemble.
04:30 Toute l'affaire commence donc le 28 juillet 1969,
04:36 lorsqu'une sexagénaire trottine sur une route ombragée de platanes au nord d'Aix-en-Provence.
04:44 Une voiture, idée blanche, parait, bouscule un piéton,
04:52 oblige une femme qui roulait un vélomoteur à se renverser dans le fossé,
04:57 et fauche la sexagénaire.
05:01 Celle-ci heurte de la tête une souche de platane,
05:05 et succombe quelques heures plus tard d'une fracture du crâne.
05:11 Accident de la route dû à l'imprudence d'un chauffard ?
05:17 Le capitaine de gendarmerie enregistre la déclaration d'un premier témoin, Mme Schex,
05:22 c'est la femme au vélomoteur, qui s'est relevée à temps pour noter le numéro minéralogique de la voiture.
05:28 Selon cette dame, la voiture a fait un écart volontaire pour atteindre la passante.
05:35 Selon d'autres témoignages, le conducteur portait un tricot de corps blanc,
05:40 et son visage était dissimulé à l'aide d'un chapeau de paille et de lunettes noires.
05:46 Le capitaine de gendarmerie retrouve sur la route les débris d'un clignotant de la voiture.
05:51 Enfin, la voiture est retrouvée peu après abandonnée, c'est une voiture volée,
05:55 qui n'apporte aucun élément à l'enquête.
05:59 Par contre, les premières démarches du capitaine de gendarmerie vont l'amener à découvrir
06:06 une étonnante série de personnages dont la simple description va le conduire à imaginer toute l'affaire.
06:13 Vous allez voir, chers amis, que c'est très curieux.
06:16 La première démarche conduit le capitaine au château de la Roche Rostellana Puerica.
06:22 Il trouve là le vicomte Jacques de Régis, le propriétaire des lieux,
06:26 vautrait dans une vieille chaise longue démentibulée.
06:30 Bien qu'il ait hérité d'une fortune considérable, le vicomte laisse le château et ses domaines à l'abandon.
06:35 La plupart des pièces sont fermées et les œuvres d'art qu'elles contiennent s'abîment dans la poussière.
06:40 La mauvaise herbe pousse dans la cour et dans le parc.
06:43 Depuis toujours, le vicomte, qui a maintenant 70 ans, s'abandonne à la feignantise,
06:47 se contentant d'assouvir de besoins les femmes et l'alcool.
06:52 Sale, locteux, mal rasé, il apparaît gratteux, l'œil vitreux, la bouche tordue,
06:58 mais on s'empresse d'avertir le capitaine de gendarmerie qu'il s'agit là d'un faux-semblant
07:02 et que, lorsqu'il n'a pas bu, son intelligence est encore alerte.
07:07 En ce qui concerne les femmes, le vicomte a choisi la formule la plus simple et la moins onéreuse.
07:13 On peut même dire qu'il a choisi de ne pas choisir.
07:16 Il se contente d'engager des gouvernantes dont il fait ses maîtresses.
07:21 Il les garde comme gouvernantes, donc comme maîtresses,
07:25 tant qu'elle ferme les yeux sur les fantaisies qu'il se permet de temps en temps.
07:29 Il est d'ailleurs parcimonieux lorsqu'il s'agit de récompenser les services
07:32 que ces pauvres gouvernantes lui ont rendus.
07:35 C'est ainsi que l'avant-dernière, après avoir été congédiée en 1956 au profit d'une plus jeune,
07:41 reçoit une rente mensuelle de 25 000 francs, ancien, bien entendu.
07:47 Cela conduit tout naturellement le capitaine de gendarmerie à interroger le vieillard
07:51 au sujet du second personnage de cette étonnante affaire.
07:57 Ce second personnage, c'est l'actuelle gouvernante.
08:00 Du moins, c'était l'actuelle gouvernante, car c'est elle la victime.
08:06 C'est elle dont le crâne a éclaté sur une souche de platane.
08:12 Lucia Izoard est née en 1906.
08:15 Elle était prostituée à Marseille quand le vicomte de Régis la rencontrait
08:19 et lui a proposé de s'installer au château.
08:22 Elle accepta et remplit les diverses fonctions qui lui étaient attribuées
08:27 à la satisfaction du propriétaire, qui n'attachait pas d'importance aux visites
08:31 fort espacées d'ailleurs d'un ancien amant.
08:35 Le vicomte n'était déjà plus très sexy et la gouvernante aurait eu bien du mérite
08:41 si elle n'avait qu'à rester l'espoir d'hériter de la fortune du vieillard
08:44 qui n'a pas de parents proches.
08:47 Veuillez maintenant noter ce détail, chers amis.
08:50 Il va prendre dans la suite une certaine saveur.
08:53 Lorsque le capitaine de gendarmerie demande au vicomte
08:56 si elle avait raison d'espérer cet héritage, le vieillard répond
09:01 « Je lui aurais tout au plus laissé un ou deux millions d'anciens francs. »
09:10 Évidemment le capitaine essaye de reconstituer l'empereur du temps de la malheureuse Lucia Isohar
09:15 pendant les heures qui ont précédé le drame.
09:17 Il obtient deux témoignages importants, celui de Mme Vallette,
09:21 une ex-gouvernante du vicomte qui occupe une petite maison quelque part dans le fond du parc.
09:26 La victime lui aurait fait part d'un télégramme en provenance de Marseille
09:30 lui signalant qu'on l'appellerait au téléphone à la cabine du village entre 16h et 16h30.
09:35 Car le vicomte, vu son inactivité, n'a jamais éprouvé le besoin de faire installer le téléphone au château.
09:41 Le télégramme est signé d'un certain Henri.
09:44 Comme la future victime affirmait ne pas connaître de personne s'appelant Henri,
09:49 Mme Vallette lui aurait donc conseillé de ne pas se rendre à la poste.
09:53 D'autre part, Ribéraud, le fermier du vicomte, lui aurait déclaré de son côté
09:59 qu'il n'était pas disponible cet après-midi-là pour la conduire en voiture.
10:02 Hélas, la malheureuse s'est entêtée et serait partie à pied répondre à cet appel téléphonique.
10:08 Et bien entendu, se faire cueillir par la fameuse idée blanche, ce serait donc un guet-apens bien organisé.
10:16 Évidemment, le capitaine demande au fermier Ribéraud s'il soupçonne quelqu'un.
10:21 « Bien sûr ! » répond Ribéraud. « C'est Arlette Boulebes ! »
10:27 « Et pourquoi Arlette Boulebes ? »
10:32 « Parce que, » répond Ribéraud, « Arlette Boulebes voulait mettre la main sur la fortune du vicomte
10:37 et Lucia s'en était aperçue. D'ailleurs, Lucia m'a dit, un jour ou l'autre, elle va me tuer.
10:43 Et Arlette Boulebes, de son côté, m'a dit un jour que Lucia devenait gênante. »
10:49 C'est donc ainsi que le capitaine va découvrir l'existence d'Arlette Boulebes,
10:55 autre personnage et le plus important de l'affaire depuis Ricard.
11:01 L'état civil vous oblige de choisir un prénom figurant dans la liste qu'il a établie,
11:07 au moins, il exigeait, mais il admet des orthographes fantaisistes.
11:11 C'est pourquoi la mère d'Arlette Boulebes décida d'appeler celle-ci Arlette,
11:17 Harlette, avec un H. Arlette, donc, a eu une existence mouvementée.
11:25 Elle est née en 1927 et a 17 ans. Elle est venue s'installer à Toulouse avec sa mère.
11:31 La police les accusera toutes les deux de s'être livré ensemble à la prostitution,
11:35 puis d'avoir tenu une maison close clandestine.
11:38 Arlette le niera, tout en reconnaissant avoir eu de très nombreux amants.
11:43 Il faut aussi lui rendre cette justice, chers amis, qu'elle a cessé d'exercer ce métier lucratif,
11:48 alors qu'elle était encore jeune et très belle,
11:50 et on ne peut pas oublier non plus qu'elle a élevé elle-même trois enfants naturels.
11:55 En 1964, elle achète un domaine et y installe une maison de repos pour personnes âgées.
12:02 L'administration lui retire une première fois son agrément, car sa gestion a provoqué de nombreuses plaintes.
12:09 Puis, en 1967, il y a deux ans, l'administration a ordonné la fermeture définitive.
12:17 Ça ne fait rien. Arlette recueille à son domicile les pensionnaires qui s'étaient attachés à elle.
12:23 L'un lui consent le bail d'une villa à un prix dérisoire, l'autre lui lègue son appartement,
12:28 et le troisième lui cède ses biens enviagés.
12:31 Il meurt peu après, de la manière la plus naturée.
12:35 Bien que la disparition de ces trois vieillards ait été inévitable à court terme,
12:40 les journalistes n'hésiteront pas à qualifier Arlette de « gérontophage ».
12:45 C'est la première fois qu'apparaît ce néologisme qui mériterait de rester dans notre langue.
12:51 Faute de ne pouvoir renouveler cette clientèle, en 1969, Arlette Boulebaisse n'a plus un sou.
12:58 Elle cherche alors soit à s'introduire dans une maison de repos pour vieillards déjà existante,
13:02 soit à en créer une.
13:05 C'est à ce moment qu'elle apprend que le vicomte Jacques de Régis,
13:08 propriétaire de Roche-Rostellane, est décidé à vendre.
13:12 Alors elle va le voir. Pas de chance.
13:15 Le vicomte vient de signer un compromis de vente avec une agence immobilière.
13:18 Mais un compromis, ce n'est qu'un papier qui peut toujours être déchiré.
13:21 C'est du moins ce que déclare le capitaine de gendarmerie,
13:23 qui imagine tout naturellement le scénario suivant.
13:27 Arlette est une grande et belle femme qui, malgré un air sévère et une moue arrogante,
13:32 peut provoquer l'attirance, le désir, voire la passion.
13:36 Devant l'aspect du vieillard, elle s'est permis quelques agaceries, quelques coquetteries.
13:44 Les réactions du vieillard l'auraient amené, c'est, je vous le rappelle, la thèse de la police,
13:49 à entrevoir une perspective beaucoup plus intéressante que l'achat du château et du domaine,
13:54 qu'elle n'a d'ailleurs pas les moyens de s'offrir.
13:56 Selon la police, elle aurait envisagé, au prix de quelques complaisances et d'un peu de courage,
14:01 car tout de même, le vie compte physiquement comme moralement d'ailleurs,
14:04 c'est pas un cadeau, de capter toute ou partie de l'héritage, et qui sait, peut-être, le mariage.
14:11 Seulement, voilà, il y a un obstacle, un obstacle qui paraît de taille, la gouvernante.
14:17 Ni Arlette Boulebaisse ni la gouvernante ne connaissent les intentions du vieillard.
14:21 Elles ne savent pas que celui-ci a l'intention de récompenser les services de la gouvernante
14:25 par un ou deux malheureux petits millions d'anciens francs.
14:28 La gouvernante, ancienne prostituée à Marseille, Arlette Boulebaisse, que la police prétend ancienne prostituée à Toulouse,
14:35 se sont vite comprises l'une et l'autre, le manège de l'une n'échappe pas au regard de l'autre.
14:40 Un jour, la gouvernante reconduit Arlette en lui disant,
14:44 « Inutile de revenir, je ne vous ouvrirai plus la porte. »
14:47 Arlette lui répond, « Et moi, je vous conseille de ne pas vous présenter la prochaine fois que je sonnerai.
14:52 Je ne veux pas avoir affaire à une larbine. »
14:55 Inutile de vous dire, chers amis, que le mot « larbine » est d'elle, pas de nous.
14:59 N'empêche que la gouvernante est un obstacle et qu'il faut trouver une solution.
15:04 Mais ce n'est pas Arlette Boulebaisse qui va tuer, quand même.
15:08 Parvenu à ce point, l'enquête va révéler deux nouveaux personnages
15:12 qui, encore une fois, par leur seule existence, imposent à la police une version de l'affaire.
15:17 Mais encore une fois, est-ce la vérité ou son apparence ?
15:21 [Musique]
15:31 Arlette Boulebaisse, à pour amant, sauveur pas devenu.
15:36 Eh oui, bien sûr. Sauveur est un corps, s'âgé de 55 ans,
15:40 qui semble jouir d'une certaine influence à Aix-en-Provence.
15:44 Pourquoi ? Sauveur n'a pas d'instruction, il a échoué dans une douzaine de métiers.
15:48 D'où lui vient cette influence ? Certes, il aurait eu une certaine tendance
15:52 à se faire aider financièrement par les femmes dont il partage la vie,
15:55 mais ce n'est pas un proxénète.
15:57 Il n'est pas non plus, à proprement parler, un homme du milieu.
16:00 Il a été accusé récemment de détention d'armes, mais il s'agissait d'un geste politique.
16:05 Il n'a reçu qu'une petite peine de prison avec sursis et son casier judiciaire est vierge.
16:10 Pourtant, c'est là l'explication de son influence.
16:13 L'affaire à l'origine crapuleuse prend une couleur politique.
16:17 Sauveur Padovani est le chef du service d'action civique d'Aix.
16:21 Les attentats de l'OAS à la fin de la guerre d'Algérie
16:25 et les nombreuses campagnes électorales qui se sont succédées
16:28 ont amené les services d'action civique d'Aix à élargir leur recrutement.
16:33 La police prétend que, selon une tradition méditerranéenne,
16:36 adoptée d'ailleurs par tous les partis, on ne s'est pas montré difficile.
16:39 C'est ainsi que les voyous sont accourus en masse.
16:42 Et parmi eux, le cinquième personnage de l'affaire puéricard.
16:48 Il s'agit cette fois d'un personnage qui paraît un petit garçon
16:52 à côté d'Arlette Boulebaisse et de Sauveur Padovani.
16:56 Ce cinquième personnage s'appelle Gaston Costerat d'Ijo-Lexois.
17:01 Fils de commerçant, peu dû pour les études,
17:04 il s'est essayé à être garçon de restaurant, mitron, peintre en bâtiment.
17:07 Il a même joué du trombone dans la formation de la lyre aixoise
17:11 avant d'être renvoyé parce qu'on le trouvait trop turbulent.
17:14 Ce garçon exubérant a trouvé un exutoire à son énergie refoulée
17:19 en pratiquant le parachutisme sportif,
17:21 puis en faisant son service militaire dans un régiment aéroporté.
17:25 À son retour d'Algérie, il se fait rapidement pincer
17:28 pour un cambriolage et un vol de voiture.
17:31 Souteneur d'occasion, généralement fauché,
17:34 il a rencontré Sauveur Padovani dans son quartier général, le bar Paris-Nice.
17:40 Il a maintenant 30 ans et comme il n'a pas peur de la bagarre,
17:44 Sauveur Padovani l'engage dans le service d'action civique
17:48 pour défendre ses colleurs d'affiches.
17:51 Voici donc bien campés les cinq personnages de l'affaire Purikar
17:56 et voici tout naturellement la version qu'imagine la police
17:59 qui, comme vous allez le voir, découle moins des faits
18:02 que du passé et de la personne des protagonistes.
18:07 Premier acte, Arlette Boulebaes explique à Sauveur Padovani
18:12 que la gouvernante du Vicomte la gêne.
18:15 Sauveur Padovani imagine alors de l'écarter,
18:18 pas question de la tuer, nous ne sommes pas à Chicago,
18:21 mais il pense à un petit accident
18:24 qui pourrait envoyer la gouvernante à l'hôpital pour quelques mois.
18:28 Bien entendu, ils ne vont pas faire ça eux-mêmes,
18:31 Arlette Boulebaes est trop engagée dans cette affaire
18:34 et Sauveur et son amant est de plus beaucoup trop connu.
18:37 Alors il pense à Jolexoie et lui propose un million
18:41 pour provoquer un petit accident sur la route
18:44 qui écartera la gouvernante.
18:47 Jolexoie accepte et reçoit 3 000 francs d'accompte.
18:52 Deuxième acte, voici comment l'affaire est organisée,
18:55 c'est du moins la version de la police.
18:58 Un télégramme signé Henri est envoyé à la gouvernante
19:01 pour l'avertir qu'on l'appellera à la cabine téléphonique du village
19:04 entre 16h et 16h30.
19:07 Vers 16h, Jolexoie qui a volé la veille une idée blanche
19:12 s'arrête au bord de la route devant le hangar d'une ferme
19:15 à quelques centaines de mètres du château et il attend.
19:18 A la même heure, Arlette Boulebaes et Padovani Sauveur
19:22 se rendent chez le vicomte au château de la Roche Rostellane.
19:28 Troisième acte, lorsqu'Arlette voit la gouvernante partir pour le village,
19:34 elle attend quelques minutes qui ont été soigneusement calculées
19:37 et sort du château, c'est un signal convenu.
19:40 Elle a une robe blanche et de l'endroit où elle se place,
19:44 Jolexoie la voit.
19:46 Comme l'apparition d'Arlette dans sa robe blanche signifie
19:49 que la gouvernante est sur la route du village,
19:51 Jolexoie actionne le démarreur de la voiture.
19:55 La suite, vous la connaissez, au lieu de s'en tirer avec quelques fractures,
19:59 le hasard veut que la gouvernante heurte du crâne
20:02 la souche d'un platane et en meurt.
20:06 Dans la présentation que la police fait de cette affaire,
20:09 tout est logique et surtout parfaitement conforme
20:11 au caractère des personnages.
20:13 D'ailleurs, à part un alibi de dernière heure que s'invente Jolexoie
20:17 et qu'un commissaire de police démontra sans difficulté
20:20 mais aussi sans grande certitude,
20:22 rien ne vient contrarier cette thèse.
20:25 Le trio compare donc devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence
20:28 l'année suivante au mois de juillet,
20:30 sous l'accusation de coups et blessures volontaires
20:33 ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
20:37 Ce sera un procès plutôt bizarre.
20:40 D'abord la salle est houleuse car les accusés y ont beaucoup d'amis.
20:44 Ensuite et surtout, on parle beaucoup plus du passé des accusés
20:48 que de l'affaire elle-même.
20:50 Le vicomte, qui est entré définitivement dans une maison de repos,
20:54 n'est même pas là, à tel point qu'Arlette Boulebaisse,
20:57 toujours belle et arrogante, s'exclame plusieurs fois
21:00 « Mais je suis venu ici pour qu'on parle de l'affaire de Puy-Ricard,
21:03 j'aimerais bien qu'on en parle ! »
21:06 Malgré cela, l'accusation a définiment sa charme à démontrer
21:10 la vilainie d'Arlette Boulebaisse et le manque de scrupule de ses deux acolytes.
21:15 Mais de l'affaire elle-même,
21:17 on ne parle pour ainsi dire pas et pour cause,
21:20 il n'y a rien à en dire.
21:23 Il n'y a pas de preuve certaine, ni d'un côté ni de l'autre,
21:27 simplement une version logique, je dirais même raisonnable,
21:31 qui habille les personnages comme un vêtement merveilleusement coupé.
21:36 Finalement, les jurés vont infliger douze ans de réclusion à Arlette Boulebaisse
21:41 et huit à Sauveur Padovani et Jolexoit.
21:46 Mais la chaleur du mois de juillet 1970 et la longueur des audiences
21:50 ont tendu les nerfs du public et des magistrats.
21:53 Le verdict est accueilli par des injures,
21:55 que les amis des condamnés hurlent de toute la force de leurs poumons.
21:59 L'avocat général fera exception à la règle qui veut que ces manifestations soient ignorées.
22:04 Il ordonne d'arrêter Joseph Boulebaisse, le frère de l'accusé,
22:07 qui sera condamné le surlendemain à quatre mois de prison avec sursis
22:10 pour outrage à magistrats.
22:12 Le journal de gauche, le Méridional,
22:14 qu'on ne peut accuser de sympathie pour le service d'action civique
22:17 qui fut à l'origine l'émanation d'un mouvement gaulliste,
22:20 n'hésite pas à écrire
22:22 « A-t-on sanctionné les accusés pour le délit qui leur était reproché ? »
22:26 Il est juste de dire que les débats n'ont pas apporté la preuve formelle
22:31 et malgré leur condamnation, l'énigme demeure.
22:34 Pour les uns, c'est un règlement de compte,
22:37 pour les autres, on les a seulement jugés sur leur passé.
22:40 Certes, écrit toujours le Méridional, si ces commentaires sont excessifs,
22:44 il reste que l'on a beaucoup parlé du passé des accusés
22:47 et pas du tout de l'affaire de Puy-Ricard.
22:50 Et la Défense n'a pas manqué de faire ressortir
22:52 que l'enquête ressemble trop à un scénario conçu à partir d'une idée toute faite.
22:58 Pourquoi en effet choisir systématiquement la thèse de la machination
23:03 alors qu'après tout, celle de l'accident
23:07 tout bête, était tout aussi vraisemblable ?
23:12 Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
23:34 un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
23:39 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
23:43 Production, Sébastien Guyot.
23:46 Direction artistique, Xavier Joly.
23:48 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
23:54 Remerciements à Roselyne Belmar.
23:56 Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
24:01 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.