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L'historien Georges Bensoussan était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcription
00:00 Et place donc à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:03 Bonjour à vous, Georges Bensoussin.
00:05 Bonjour Sonia Mavrouk.
00:06 Et bienvenue.
00:07 Vous êtes historien, vous êtes l'auteur de cet ouvrage,
00:09 "Les origines du conflit israélo-arabe".
00:11 C'est important avec vous, Georges Bensoussin,
00:12 d'essayer d'avoir un peu de recul dans ce contexte inflammable.
00:16 Et il y a en ce moment un hôpital qui concentre toutes les attentions
00:19 et qui est le symbole d'une situation inextricable,
00:21 l'hôpital Al-Shifa à Gaza.
00:23 Hier, Emmanuel Macron a condamné avec la plus grande fermeté
00:27 le bombardement de cet hôpital.
00:28 Les Etats-Unis démentent avoir donné le feu vert à Israël pour intervenir.
00:32 Et l'armée israélienne, depuis hier,
00:34 publie des images de stocks d'armes et d'uniformes de Hamas.
00:37 Georges Bensoussin, de quoi cet hôpital est devenu le symbole aujourd'hui ?
00:41 Après cet hôpital, Al-Shifa est le centre de commandement du Hamas
00:44 depuis les années 2007-2008.
00:46 L'ONU, en 2009, avait déjà dénoncé l'hôpital Al-Shifa
00:49 pour cacher des armes sous les salles d'opération,
00:52 sous les salles de pédiatrie, etc.
00:54 Mahmoud Abbas avait dit la même chose en 2014, mais on l'a oublié.
00:58 Et donc, depuis longtemps, c'est un secret de pollutionnel en Israël,
01:01 mais comme dans tous les Etats-majors,
01:02 que l'hôpital Al-Shifa, c'est le centre de commandement.
01:04 Alors, la question pour Israël était la suivante.
01:07 Faut-il ou non s'attaquer au centre de commandement du Hamas
01:10 alors qu'il est situé sous un hôpital ?
01:12 Et ce à quoi on a assisté hier,
01:13 c'est que l'armée israélienne a pris l'hôpital sans donner l'assaut.
01:17 Elle ne l'a pas détruit.
01:18 Souvenez-vous de l'hôpital de Mossoul,
01:20 quand les Américains l'ont pris, ils l'ont rasé littéralement.
01:23 Hier, on a vu les images, ils n'ont rien détruit.
01:26 Ils sont entrés par le service des urgences,
01:28 puis ils ont gagné les souterrains.
01:30 Ils ont assuré la vie et la survie.
01:32 Ils ont apporté du matériel médical.
01:34 On est en présence, dans ce conflit, d'une inversion des réalités,
01:38 d'un retournement de l'agresseur en agressé,
01:41 qui stupéfie et qui, je crois, stupéfiera les historiens dans 20 ans.
01:46 C'est quelque chose de très significatif, ce qui est en train de se passer ici.
01:49 Avec, j'allais dire, non pas l'aval,
01:52 mais en tout cas, tout cela est nourri par les déclarations aussi des pays occidentaux.
01:57 Quand je vous cite ce que dit le président français, le président américain,
02:00 est-ce qu'il contribue par ses déclarations à cette inversion ?
02:04 Le président américain est tenu à une certaine neutralité,
02:06 mais on se demande pourquoi Washington devrait donner le feu vert
02:10 à l'armée israélienne pour lancer une offensive.
02:12 Les intérêts de l'État d'Israël dépendent de l'État d'Israël et de lui seul.
02:16 En revanche, en ce qui concerne la déclaration du président Macron,
02:20 il est difficile de la commenter parce qu'elles sont erratiques,
02:23 elles sont absolument illisibles.
02:24 On ne comprend plus rien, ni en politique étrangère, ni en politique intérieure.
02:27 Pourtant, Georges Ben Sousson, hier encore, le président,
02:29 affirme justement que ce ne sont pas des revirements,
02:32 mais c'est une situation et une politique d'équilibre, a-t-il dit ?
02:36 D'équilibre entre qui et qui ?
02:37 Entre un agresseur et un agressé ?
02:39 Toute la subtilité de ce conflit, et c'est le drame d'ailleurs
02:42 pour les deux partis, palestinien et israélien,
02:45 c'est que les apparences donnent tort à l'État d'Israël,
02:47 alors qu'en l'occurrence ici, il a été agressé le 7 octobre.
02:50 Alors, que fallait-il faire ? Ne pas réagir ?
02:52 Il devait réagir. Il a eu 1 400 morts en une journée,
02:55 l'équivalent de 12 000 tués en France.
02:58 Est-ce que la France n'aurait pas réagi ?
02:59 40 000 tués aux États-Unis. Les États-Unis n'auraient-ils pas réagi ?
03:03 On sait comment les États-Unis auraient réagi.
03:04 Ils auraient tout détruit sur leur passage.
03:07 Ce n'est pas le cas de l'État d'Israël.
03:08 C'est intéressant ce que vous dit Georges Ben Sousson,
03:09 parce qu'il y a quelques jours, sur cette antenne, sur CNews,
03:12 l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a exhorté Israël
03:16 à ne pas répéter les erreurs du passé et en particulier les erreurs des États-Unis,
03:21 qui, dit-il, en luttant contre le terrorisme,
03:24 a fini par nourrir la bête immonde du terrorisme.
03:26 Est-ce que ce n'est pas ce qu'est en train de faire Israël ?
03:28 Alors, il a raison Dominique de Villepin, sur la première partie.
03:31 Effectivement, réagir comme les États-Unis, c'est nourrir la haine,
03:34 nourrir le ressentiment et nourrir, élever les nouvelles générations terroristes.
03:39 Il se trouve que l'État d'Israël, on le voit,
03:42 il suffit simplement d'écouter les correspondants militaires,
03:44 il suffit d'écouter les généraux qui s'expriment sur différents plateaux,
03:47 n'a pas la même position, la même tactique militaire que celle des États-Unis.
03:52 Ils ne détruisent pas tout systématiquement sur leur passage,
03:54 ils avancent lentement, progressivement.
03:56 Il y a déjà plus de trois semaines qu'ils ont lancé cette offensive autour de Gaza,
04:00 sur un territoire extrêmement réduit.
04:02 Ça signifie qu'ils veulent réduire les pertes des deux côtés,
04:04 non pas des terroristes du Hamas, ceux-là, évidemment, ils les ont en ligne de mire.
04:08 Mais des populations civiles, ils sont conscients qu'il faut préparer l'avenir.
04:12 Un jour ou l'autre, il faudra vivre avec ces populations.
04:15 - C'est-à-dire préparer l'avenir ?
04:16 Parce que ce que reprochait Dominique de Villepin,
04:18 c'était seulement une stratégie militaire et pas la moindre voie ni opportunité politique.
04:23 - Écoutez, si l'État d'Israël, et je ne suis pas ici son porte-parole,
04:29 n'avait eu qu'une stratégie militaire,
04:31 ils auraient déjà détruit en 48 heures l'ensemble de la zone de Gaza City.
04:35 Donc les propos de Villepin sont ineptes.
04:38 - Ineptes, dites-vous ?
04:39 - Absolument ineptes, oui.
04:42 - C'est lourd de sens, venant de votre part.
04:44 - Je le redis, absolument ineptes.
04:46 - Ça vous a un peu interpellé, choqué ?
04:49 - Ce sont des propos partiels et partiaux.
04:51 Ce ne sont pas des propos d'un homme qui se veut au-dessus de la mêlée,
04:54 qui tente de ramener la paix et le calme dans la région.
04:58 Si vous faites d'une seule partie le coupable par définition et par éternité,
05:02 vous ne serez pas entendu par lui.
05:04 Il faut voir les torts des deux côtés
05:07 et voir comment ménager l'avenir demain.
05:09 Parce que ce qui se passe entre Israéliens et Palestiniens,
05:12 c'est ce qui s'est passé entre Allemands et Français en 1919.
05:15 Vous savez ce que disait Clémenceau, le père de la victoire,
05:17 cette très grande figure française, en 1919 ?
05:20 Il disait "il faut nous accommoder de ces 70 millions d'hommes et de femmes
05:24 qui vivent à côté de nous".
05:25 Il avait l'attitude la plus respectable sur ce plan-là,
05:28 alors que Foch était partisan d'une position très dure.
05:31 C'est Clémenceau qui avait raison.
05:33 Et l'état-major israélien n'est pas composé d'un ramasser et d'un vessile.
05:36 Ils savent très bien qu'il faudra demain s'accommoder de cette population
05:39 et vivre avec eux en bonne intelligence.
05:42 Ça n'est pas facile.
05:43 Bien sûr. Et demain, Georges Bensoussin,
05:45 encore faut-il reconnaître plaitement ce qui s'est passé le 7 octobre.
05:49 Ce n'est malheureusement pas le cas pour certains, pour beaucoup.
05:52 Les vidéos des massacres ont été diffusées à une partie de la presse,
05:55 également aux parlementaires français.
05:57 La question se pose, est-ce que de telles images
05:59 pourraient un jour être diffusées à un large public ?
06:02 Et est-ce qu'elles pourraient servir, selon vous,
06:04 à contrer le poison du négationnisme ?
06:07 C'est une question difficile que vous posez là.
06:09 Est-ce qu'elles seraient utiles dans une diffusion massive ?
06:11 Je n'en suis pas forcément certain.
06:13 Elles pourraient convaincre les gens qui, de bonne foi, doutent, certainement.
06:16 Mais il y a un certain nombre de gens qui doutent par principe.
06:19 C'est-à-dire dès lors qu'ils ont défini l'agresseur, le coupable,
06:24 par essence, si vous voulez, toutes les images que vous pourrez leur montrer
06:27 ne leur suffiront pas comme preuve.
06:28 A fortiori, quand l'intelligence artificielle s'en mêle,
06:31 pourront vous dire que ce sont des montages, ce sont des fake news,
06:34 ce sont des images fabriquées par les Israéliens.
06:38 À partir du moment où vous avez décidé qu'une des parties est coupable
06:42 par essence, ontologiquement coupable, si vous voulez,
06:46 vous pouvez apporter toutes les preuves que vous voulez.
06:48 Pourquoi ? Parce que c'est fisale ?
06:50 Je termine d'un mot.
06:51 C'est un peu comme les négationnistes de la Shoah.
06:53 Apportez-leur 10 000 preuves de l'existence aux Schwitz,
06:56 ils ne vous croiront pas.
06:57 Et même, ils diront que plus vous apportez des preuves
07:00 et plus c'est la preuve qu'il y a un complot juif
07:02 pour démontrer la pseudo-existence de l'extermination des Juifs d'Europe.
07:07 Vous êtes en présence d'une logique mentale
07:09 contre laquelle la raison a peu de prise.
07:11 C'est ça qu'il faut comprendre.
07:12 Donc, pour revenir à votre question,
07:14 est-ce que ce serait très utile auprès du grand public ?
07:16 Je n'en suis pas certain.
07:17 Auprès des responsables, auprès des décideurs,
07:20 auprès des politiques, auprès des journalistes,
07:22 auprès même peut-être d'un certain nombre d'enseignants
07:24 qui le voudraient bien, pourquoi pas ?
07:25 Oui.
07:27 C'est assez inquiétant parce que c'est une situation inextricable
07:30 que vous décrivez, Georges Ben Sousan.
07:33 Et puis, il y a aussi ce qui se passe en Cisjordanie.
07:35 On en parle peu.
07:36 Comment vous décrivez ce qui est en cours en Cisjordanie ?
07:40 C'est en cours en Cisjordanie.
07:41 Je le crée de deux façons.
07:42 Premièrement, les agissements que laissent faire ces deux ministres
07:46 illuminés que sont Bengvir et Smotrich
07:49 sont le résultat, hélas, d'un refus arabe systématique
07:55 qui a nourri le radicalisme juif.
07:56 Si vous voulez, l'extrémisme des uns nourrit l'extrémisme des autres.
07:59 Et ça, c'est une tragédie.
08:01 La deuxième chose, c'est que je suis convaincu,
08:03 pour connaître la société israélienne,
08:05 que Bengvir et Smotrich ne représentent presque plus personne en Israël.
08:08 Certes, une minorité des lecteurats, peut-être 15 %,
08:12 mais un sondage dans Ma'ariv, le grand quotidien israélien,
08:14 publié hier, disait que 74 % des Israéliens
08:19 faisaient confiance à Daniel Hagari, le porte-parole de l'armée,
08:23 et 4 % seulement faisaient confiance à Netanyahou
08:26 quand il s'exprimait sur les opérations militaires.
08:28 Ça veut dire que ce gouvernement n'est plus crédible
08:31 auprès de la masse des Israéliens.
08:32 Si demain, il y avait des élections, il serait balayé.
08:35 La colère, de ce qui me revient d'un certain nombre de sources israéliennes,
08:40 la colère contre l'équipe dirigeante est intense
08:43 et en particulier contre ces deux excités-là,
08:47 dont je rappelle quand même que dès qu'il y a eu les agissements
08:50 en Cisjordanie qu'ils ont laissés faire,
08:52 les résidents des implantations, les colons avec des armes,
08:55 on veut que ce soit des armes, Yoav Galante, ministre de la Défense,
08:59 Herzia Levy, chef d'état-major, et le chef du Chabac,
09:02 le service de sécurité intérieure, ont convoqué Bengvir
09:06 pour lui dire de faire cesser cela immédiatement.
09:08 À quoi Bengvir a rétorqué "je n'ai pas d'ordre à recevoir
09:10 du ministre de la Défense".
09:13 Voilà la situation.
09:14 Donc je veux dire par là que ce qui se passe en Cisjordanie
09:16 est déplorable, mais je pense que ce n'est qu'une parenthèse.
09:19 Quand les armes se taieront, quand il sera venu le moment
09:23 de rendre des comptes, ces deux-là rendront des comptes
09:25 et ce gouvernement sera balayé.
09:27 Il y a aussi les conséquences, évidemment, en France.
09:29 Georges Ben Soussan, quelle suite après la marche
09:31 contre l'antisémitisme ?
09:32 Les actes antisémites explosent, indignation ce matin
09:35 après les dégradations sur une dizaine de stèles juives dans l'Oise.
09:39 Est-ce que le président de la République aurait dû y être ?
09:41 Est-ce que c'était un symbole ou est-ce que finalement,
09:44 vous dites "bon, sa présence n'était pas si nécessaire que cela" ?
09:47 À partir du moment où la lutte contre l'antisémitisme,
09:49 la lutte contre le racisme, la lutte contre les actes
09:52 anti-musulmans s'ils venaient à proliférer dans le pays,
09:54 sont une cause nationale parce que ça porte atteinte
09:57 à la paix civile.
09:58 Alors, le président de la République a sa place dans la marche,
10:02 François Mitterrand l'avait montré, pour une exaction
10:05 qui était infiniment moindre que ses 1 500 et quelques actes antisémites
10:10 déplorés en un mois, je crois, moins cinq semaines.
10:13 Oui, Emmanuel Macron avait sa place dans la marche.
10:16 Il a fait une erreur politique.
10:18 Comment est-il arrivé à la conclusion qu'il ne fallait pas être là ?
10:22 Certains citent les conseils.
10:24 En tout cas, a-t-il été influencé par des voix comme celle de Yacine Belatta,
10:28 condamnée pour menace de mort, qui aurait, selon le magazine L'Express,
10:32 conseillé les conseillers du président ?
10:35 Quand même, avec cette phrase, je trouve édifiante.
10:38 Il aurait dit "ce serait une erreur irréparable d'être présent".
10:42 Pour le président.
10:43 Écoutez, si les faits sont avérés, je n'en sais rien,
10:46 si les faits sont avérés, s'il a pris conseil par le biais de ses conseillers,
10:49 bien sûr, auprès de Yacine Belatta, qui est un humoriste, rappelons-le,
10:52 qui n'est pas un politique, ni un journaliste, ni un intellectuel.
10:55 Alors, c'est à peu près de la même eau que la minute de silence qui a été
11:00 respectée à l'Assemblée nationale pour la mort de Nahel, fin juin ou début juillet,
11:04 je crois, 2023.
11:07 Est-ce qu'on imagine le général de Gaulle prendre conseil auprès d'un humoriste
11:11 avant de prendre une décision capitale ?
11:13 Imagine-t-on le général de Gaulle recevoir Fernand Reynaud
11:15 pour lui demander ce que pourrait penser la France profonde
11:17 de sa participation à telle ou telle action ?
11:20 Où en est arrivée la fonction présidentielle ?
11:23 Où en est-on arrivé dans la désinstitutionnalisation de la société ?
11:26 Au sens où le principe d'autorité s'est effondré
11:29 et où cette présidence-là ne l'incarne plus ?
11:33 - Abaissement de la fonction et crainte aussi.
11:36 Est-ce qu'Emmanuel Macron a peur ?
11:37 Hier, sur cette antenne également, en tout cas sur CNews,
11:41 on a entendu Éric Zemmour, dans l'émission "Leur dépôt",
11:43 affirmer que c'est le président de deux peuples.
11:46 C'est une phrase, l'ordre de sens, de deux peuples dans un même pays ?
11:49 - Je crois que c'est une phrase dangereuse.
11:51 On ne peut pas parler de deux peuples.
11:53 On doit, quand on est un président de la République
11:55 et quand on est un responsable ou un intellectuel,
11:57 continuer à considérer qu'il n'y a qu'un seul peuple,
11:59 même si nous savons qu'en réalité, effectivement, les fractions sont terribles,
12:03 les coupures sont là, mais en les disant,
12:06 nous ne faisons que les aggraver souvent.
12:08 Il faut partir de l'idée qu'il ne peut y avoir qu'un seul peuple en France
12:12 et colmater les brèches sur le fond et atténuer les tensions
12:15 entre les différentes communautés,
12:16 mais ne pas jouer une communauté contre l'autre, surtout pas.
12:18 - Pour conjurer quel risque ?
12:19 Celui d'une guerre de civilisation que certains décrivent comme étant déjà présente ?
12:24 - Oui, la guerre de civilisation, elle est là, bien sûr.
12:26 C'est indéniable, c'est vrai.
12:27 - Elle est là ? On l'a vu ?
12:28 - Bien sûr qu'on l'a vu.
12:29 - Face à qui, Jean-Jean Bénécesson ?
12:31 - C'est-à-dire qu'il y a un certain nombre, une partie de cette population
12:35 qui s'insurge contre les valeurs de l'Occident,
12:37 contre les valeurs des Lumières
12:38 et qui prône une forme de séparatisme, de communautarisme
12:41 au nom d'un islam intégraliste ou littéraliste,
12:44 qui n'est pas l'islam du quotidien de la masse des musulmans français,
12:47 qui est l'islam d'une petite minorité,
12:49 mais qui fait entendre sa voix et une voix démesurée,
12:51 qui a un écho considérable.
12:52 - Quand je pense que vous l'avez dénoncé depuis tant d'années,
12:54 je rappelle à chaque fois cet ouvrage sur les territoires perdues olympiques
12:57 que vous avez dirigé il y a combien de temps ?
12:59 - 21 ans.
13:00 - 21 ans.
13:01 Boalem Sansal a alerté la France et dit
13:04 "Mais ce qui est arrivé en Algérie dans cette terrible décennie noire,
13:07 période noire, peut arriver en France."
13:09 - Oui, il l'a dit, il l'a redit à plusieurs reprises,
13:12 il n'a pas été écouté.
13:13 Il est maintenant menacé en Algérie, vous le savez peut-être,
13:15 directement, directement menacé.
13:16 - Alors qu'il vit sur place.
13:17 - Alors qu'il vit sur place.
13:18 Il est témoin il y a encore deux ou trois mois,
13:21 je ne révèle aucun secret en disant qu'il est maintenant en danger,
13:23 en grave danger en Algérie.
13:26 Oui, effectivement, tout ça a été dénoncé depuis longtemps,
13:28 on n'a pas voulu entendre.
13:29 La politique du pire, c'est celle qui consiste à mettre un silence gêné
13:33 sur toutes ces réalités.
13:35 Mais ce n'est pas en disant qu'il y a deux peuples,
13:36 forcément, aujourd'hui, qu'on va colmater les brèches.
13:40 On peut constater sociologiquement que deux peuples se dressent
13:42 l'un contre l'autre et encore, nuançons quand même le propos,
13:45 mais il faut faire en sorte de réparer ce qui risque d'être
13:50 un divorce considérable.
13:51 - Même si c'est un ancien ministre de l'Intérieur qui avait dit
13:54 "Attention, côte à côte, il y a d'autres en face".
13:57 - Pourquoi ?
13:57 Parce qu'il avait compris, lui, comme d'autres d'ailleurs,
14:00 avant lui, que la meilleure façon de réparer une société civile
14:04 qui se déchire, c'est de désigner ce qui est en place,
14:07 de mettre des mots MOTS sur les mots MAUX et surtout,
14:11 de ne pas critiquer la politique du pire qui consiste à dire
14:14 "Circulez, il n'y a rien à voir, on met la poussière sous le tapis".
14:17 Ça, c'est important.
14:17 Et ce qui se passe avec le conflit Israëlo-Arabe,
14:21 Israëlo-Ramas, plutôt, en l'occurrence ici,
14:24 c'est effectivement le miroir de ce qui est en train de se passer en France.
14:27 Vous avez...
14:29 - Le miroir ?
14:29 - Le miroir, oui, dans la mesure où vous avez...
14:31 - Nous pourrions avoir exactement les mêmes conséquences, alors ?
14:33 - Pas forcément les mêmes conséquences,
14:34 mais vous avez une partie de la population qui manifeste
14:37 avec comme slogan "La Palestine sera libre de la mer au Jourdain",
14:41 c'est-à-dire "Éradication de l'État d'Israël".
14:43 C'est-à-dire que là, on est avec des slogans qui sont des slogans de guerre civile.
14:47 - Alors, pour conclure, Georges Benson, qui aujourd'hui,
14:50 qui croit en la solution des deux États ?
14:53 Qui ? Il le croit vraiment ?
14:55 - Aujourd'hui, la situation est prématurée pour poser la question dans de tels termes
15:00 parce que ce que le Hamas a fait le 7 octobre,
15:02 c'est qu'à certains égards, il a ruiné la solution à deux États.
15:05 Mais pour l'instant, si vous voulez.
15:06 Mais moi, ce qui me frappe, et ce sur quoi je voudrais insister,
15:10 c'est que ce conflit a une dimension planétaire qu'il ne mériterait pas d'avoir.
15:14 C'est un conflit ridiculement petit qui concerne peu de population
15:17 et il enflamme la planète d'un bout à l'autre.
15:19 Il y a une telle passion dans ce conflit que la raison a totalement capitulé,
15:23 que les faits ont totalement disparu,
15:24 que les croyances l'ont emporté sur les faits,
15:27 que chacun croit connaître ce conflit et apporte son opinion là-dessus.
15:30 Il y a quelque chose qui, dans les derniers développements,
15:34 m'a fait penser à la guerre d'Algérie, c'est le silence de Camus.
15:37 À partir de 1958, après le prix Nobel, Camus garde le silence.
15:41 Et je veux dire pourquoi.
15:42 Parce que Camus était victime de ce lynchage, de ce traficotage des faits,
15:48 de cette mauvaise foi, de ce cynisme au moment de la réception du prix Nobel.
15:52 Lorsqu'au moment de réception du prix Nobel,
15:54 cet étudiant algérien lui parle de justice à propos des attentats.
15:57 Nous sommes en pleine bataille d'Alger.
16:00 Camus lui répond ceci.
16:02 Il lui dit "Monsieur, aujourd'hui, à l'heure où je vous parle,
16:06 en décembre 1957, à Alger, ma mère est peut-être dans l'un de ces autobus qui va exploser.
16:11 Si c'est ça le visage de votre justice, je préfère ma mère à la justice."
16:17 Point final.
16:18 Vous connaissez la suite ?
16:20 On a tronqué sa phrase et on a gardé que "je préfère ma mère à la justice".
16:24 On a oublié tout ce qu'il y avait avant.
16:25 Tout ce qui se passe médiatiquement avec le conflit Israël-Hamas aujourd'hui
16:29 me fait penser à cette malhonnêteté qui a entouré Albert Camus
16:32 et qui l'a condamné ou du moins qui s'est retranché dans ce silence
16:35 jusqu'à sa mort en 1960.
16:37 Un silence de chagrin profondément parce que c'était sa patrie.
16:40 Eh bien dans ce contexte, merci d'avoir pris la parole,
16:42 Georges Bensoussan. C'était votre grande interview.
16:44 Je vous remercie.
16:45 Merci beaucoup, Sadama Bouk.
16:46 Merci.
16:48 Sous-titrage Société Radio-Canada
16:52 [SILENCE]

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