SMART PATRIMOINE - Quel bilan pour l’investissement durable en 2023 ?

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Alors que s’ouvre le COP 28, quel bilan pour l’investissement socialement responsable ? Que faut-il attendre de cette COP, alors que l’investissement à impact sous-performe ? Bilan et explications de Kim Nguyen, Président de Kermit.
Transcript
00:00 Et c'est parti pour Investir Responsable, le rendez-vous dédié à l'investissement durable
00:07 aux responsables de Smart Patrimoine. En l'occurrence, alors que la fin de l'année approche et que se
00:12 déroule en ce moment même la COP 28, nous avons voulu tenter de dresser un premier bilan de
00:18 l'investissement responsable en 2023. Et pour cela, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau
00:23 de Smart Patrimoine, Kim Nguyen. Bonjour Kim Nguyen. Bonjour Nicolas. Vous êtes président de Kermit,
00:28 alors quand on parle de bilan, moi j'ai envie de commencer par un bilan en matière de performance.
00:32 Et si on regarde au niveau boursier, l'investissement responsable n'est pas ce qui
00:37 performe le plus cette année, alors même qu'à la sortie de la crise Covid, il y avait un engouement
00:44 particulier pour ce type d'investissement. Comment est-ce qu'on décrypte, comment est-ce qu'on
00:49 explique la situation de l'investissement responsable fin 2023 ? Alors déjà, je crois qu'il
00:53 faut préciser qu'on est dans une logique de bilan global, qu'on n'a pas tout à fait fini l'année.
00:56 Bien sûr, c'est vrai. Bien sûr, il y en a qui tirent leur épingle du jeu, mais globalement on va dire que tout ce qui est marqué du
01:03 saut de l'investissement durable aujourd'hui a un peu plus de mal d'un point de vue performance financière, je précise,
01:09 puisque c'est vrai qu'on pourra parler d'autres choses derrière, mais d'un point de vue purement financier.
01:12 Et je pense que c'était une année où les planètes se sont pas alignées. Vous mentionniez le post-Covid
01:17 qui a tiré énormément de capitaux à l'époque. Bien sûr. On avait un alignement de planètes qui
01:22 était beaucoup plus favorable à l'époque pour l'investissement responsable. Cette année,
01:26 ça a été une année compliquée, une année de transition. Clairement, d'un point de vue économique,
01:30 il y a des secteurs qui performent, qui ne sont pas naturellement liés à l'investissement durable,
01:36 dont certains liés à la COP 28 ou des choses comme ça. Donc forcément, il y a eu un peu de souffrance des fonds
01:41 qui s'interdisent d'aller sur ces catégories, mais ça fait partie de la règle du jeu. Il y a aussi certaines valeurs de la tech
01:47 qui surperforment et qui ne sont pas forcément dans tous les fonds non plus. C'est des choix.
01:50 Donc on va voir, on va dire que l'investissement durable d'un point de vue économique souffre un peu.
01:54 L'environnement de conflit aussi actuel n'est pas extrêmement...
01:58 Ça veut dire sur ces secteurs d'activité que quand on fait de l'investissement durable et qu'on s'interdit d'aller dans certains secteurs
02:03 d'activité, quand le contexte économique ou le contexte géopolitique global fait que ce sont ces activités qui fonctionnent,
02:12 mécaniquement, l'investissement durable avec un peu plus d'engagement est à la traîne.
02:17 Bien sûr. Bien sûr. Si vous n'allez pas sur les énergies et que c'est l'énergie qui est le secteur principal de performance
02:22 des indices cette année, les énergies fossiles, effectivement, donc c'est là effectivement où vous avez une vraie question.
02:29 J'irais même de façon plus générale, si on regarde au niveau mondial, même sur les énergies renouvelables, ça a été une année compliquée.
02:34 Il y a des retraits de projets aux États-Unis sur ces questions-là pour plein de facteurs qu'on n'abordera pas ici.
02:39 Mais c'est pour dire que tout le secteur est touché dans son ensemble. Évidemment, quand vous vous interdisez d'aller sur ces secteurs,
02:43 vous vous en souffrez dans vos fonds. Après, la question derrière, elle est double, c'est-à-dire de dire par rapport à un fond,
02:49 je dirais standard de la finance, je suis en retard. Est-ce que je dois me comparer aux mêmes indices ? C'est la question déjà.
02:54 Je ne peux pas se comparer à des indices qui soient effectivement avec les mêmes contraintes sectorielles que mon fond.
03:00 Et puis, est-ce que je n'ai pas d'autres avantages ou d'autres impacts que l'impact financier que j'ai vu à travers mon fond,
03:06 qui est quand même un des gros enjeux de la finance durable ? C'est-à-dire que oui, on a du financier, mais comme on le voit sur le label ISR,
03:11 on a aussi d'autres indicateurs, des carbonages, de meilleurs traitements de l'égalité homme-femme, des choses comme ça,
03:17 qui sont aussi des facteurs positifs, que là, vous retrouvez dans les fonds forcément par construction dans les fonds durables,
03:21 qu'on n'aura pas forcément dans les autres fonds. Donc, il y a des avantages aussi. Mais si on regarde, on s'en tient strictement à la performance,
03:27 je dirais financière, pure et dure, ce n'est pas une grande année pour l'investissement responsable au sens large, quels que soient les classes d'actifs d'ailleurs.
03:32 Mais si je comprends ce que vous nous dites, c'est en gros, on ne peut pas tirer un bilan de l'investissement responsable d'un point de vue uniquement financier.
03:39 Ça en fait partie, mais on ne peut pas regarder que ça. Évidemment, puisque on se dit, voilà, c'est des investissements qui prennent en compte
03:44 le financier et l'extra-financier, et si on va le comparer que sur la base financière, effectivement, on va se retrouver un petit peu à côté.
03:51 C'est pour ça. Mais pour autant, et c'est là où je trouve qu'il y a quelque chose qu'il faut souligner, c'est que c'est des investissements
03:57 qui ne déméritent pas aujourd'hui. Loin de là, il y a des petits écarts. Il y en a qui traînent un peu derrière les indices, mais on n'est pas complètement...
04:03 Déjà, on n'est pas complètement à côté de la plaque. Je trouve que c'est plutôt un beau signe. Et puis le deuxième bon signe, je trouve,
04:09 c'est de dire que ces fonds, effectivement, ne performent pas comme les autres fonds. Parce que s'ils suivaient exactement,
04:14 si on avait les mêmes performances sur tous les fonds, on aurait un souci.
04:17 Il y aurait peut-être des questions à se poser sur les investissements des fonds durables, effectivement.
04:20 Exactement. Donc là, je vais le voir, moi, de manière positive, en me disant que le fait que ces fonds sous-performent,
04:24 ça veut bien dire qu'ils jouent leur rôle, qu'ils s'interdisent d'aller sur certains secteurs, qu'ils s'interdisent d'aller sur certaines valeurs
04:29 qui ont bien, malheureusement, bien performé cette année. Mais c'était le choix, c'est les règles du jeu du départ. Et je trouve que, du coup,
04:34 ça reflète plutôt positivement sur cette catégorie où on a pu dire par le passé « Oui, mais ils font la même chose que les autres,
04:39 c'est juste du greenwashing ». Non, aujourd'hui, je pense qu'il y a un vrai travail qui a été fait à travers des labels qui sont plus restrictifs,
04:45 qui sont plus ambitieux, à travers aussi une réglementation européenne qui s'est déçue. Voilà. Donc il y a quelque chose autour de ça aujourd'hui
04:53 qui me fait dire que finalement, c'est une année décevante du point de vue financier. Mais il ne faut pas...
04:56 Mais c'est peut-être un gage de crédibilité.
04:57 Voilà. Il ne faut pas jeter toute l'image... Enfin, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain et, en tout cas, pas négliger l'image entière.
05:03 Après, ce qu'il faut voir, c'est que là, on parle beaucoup de la France ou de l'Europe où, effectivement, il y a des pas qui ont été faits en avant.
05:07 Aux États-Unis, c'est sûr que ce n'est pas une grande année. C'est même une année plutôt catastrophique pour l'investissement responsable.
05:13 L'ESG, là, a été complètement... Il y a même un mot complètement à éviter. Même les plus grosses sociétés de gestion,
05:18 ils n'ont plus entendu parler de l'ESG. Donc là, on est dans un vrai recul en arrière par rapport à ce qui se passe en Europe.
05:22 Mais l'heure est au bilan. Alors on pourrait parler effectivement des évolutions réglementaires en Europe. Mais comment expliquer qu'on fasse un pas en avant
05:29 et un pas en arrière aux États-Unis par exemple et que même en Europe, on en vienne à se poser la question de défaire ce qui a été fait sur CSRD
05:37 sur le niveau de la double matérialité, que le sujet soit sur la table ? Enfin comment expliquer qu'au lieu d'avancer un pas après un autre,
05:43 on en vienne à remettre en cause à chaque fois qu'il y a une évolution sur le secteur ?
05:47 Je pense que c'est une crise de croissance, simplement. Ce n'est pas une dynamique qu'on peut arrêter. C'est qu'à un moment, on se pose beaucoup de questions.
05:52 On avance très très vite. C'est ce qu'on nous demande. C'est ce qu'on demande à la finance. Donc ça avance très très vite.
05:56 Mais il y a un moment aussi où on se trouve confronté à des limites. La notation ESG qui était au cœur de tout ce qu'on a construit depuis quelques années
06:02 effectivement maintenant atteint un petit peu ses limites, que ce soit en collecte de données ou en termes d'analyse.
06:06 Est-ce qu'on peut tout analyser, une entreprise avec une seule note ESG qui regrouperait trois pylônes sur 800 données ?
06:13 Est-ce que tout s'en arrive à une note ? Est-ce que c'est crédible ? Est-ce que ça sert à quelque chose ? Ça c'est le point de vue des Américains.
06:17 Ça ne sert à rien. Mais néanmoins, la méthode, elle est sur la table. Elle a le mérite d'exister. Est-ce qu'il faut qu'on la révise ? Oui.
06:21 Est-ce qu'il faut qu'on précise ce que veut dire chaque point ? Est-ce qu'on soit plus normatif ? Oui, probablement.
06:27 Donc c'est une crise de croissance. Pour moi, c'est une crise d'avancée. Pareil pour l'Europe.
06:30 L'Europe avait mis sur la table quelque chose avec l'article 689 qui me semblait très intéressant.
06:36 Il se trouve que ça n'a pas pris sur 27 pays comme ça devrait. Chacun a une interprétation. Il y a des difficultés pratiques.
06:42 Et l'Europe dit « il faut peut-être qu'on revoit ça ». Je trouve que c'est plutôt sain. Ce n'est pas remettre en cause tout le cadre.
06:47 C'est rentrer plus dans le détail, c'est préciser.
06:50 Maintenant, on a appris. Et typiquement, c'est aussi ce qui se passe sur le label ISR.
06:56 Maintenant, on a appris. On a quelques années. Il date de 2016. Ça fait 7 ans. Maintenant, il était temps de le revoir.
07:01 On a appris de nos erreurs. Le rapport de l'institut général de l'IGF était là. Donc maintenant, on avance.
07:07 Donc ça ne me paraît pas, si vous voulez, une crise de dire « ça ne sert à rien » ou « tout est faux ».
07:15 J'ai anticipé ma prochaine question.
07:17 Est-ce que ça sert à quelque chose ?
07:19 La question qu'on peut se poser en tant qu'épargnant, c'est si ça fonctionne moins bien en termes de performance
07:24 et si on a du mal à comprendre globalement dans quel sens ça avance.
07:29 Est-ce que c'est peut-être complexe d'y aller en tant qu'investisseur ?
07:34 Ou au contraire, on peut voir le verre à moitié plein, comme vous nous montriez tout à l'heure, en disant
07:37 « certes, ça performe moins que les énergies fossiles, mais ça ne sous-performe pas non plus » et l'écosystème se consolide.
07:43 Je pense que du point de vue de l'épargnant, il y a beaucoup d'avantages à continuer à aller sur l'investissement responsable.
07:48 Le premier, qu'on a vu souvent quand on en discute ici sur votre plateau, c'est la gestion du risque.
07:52 Pour l'épargnant, c'est sûr que vous parliez des maisons de retraite tout à l'heure.
07:56 Normalement, ce sont des choses qu'on doit pouvoir éviter en faisant une analyse extra-financière des entreprises dans lesquelles on investit.
08:00 Donc pour l'épargnant, il y a quand même un gage de sécurité.
08:03 Le deuxième point, c'est que de toute façon, à un moment ou à un autre, il va falloir y aller et il va falloir quand même qu'on bascule.
08:07 Il faut qu'on atteigne un point de bascule.
08:09 Et celui qui détient la clé de ça, c'est quand même l'épargnant au final.
08:11 Que ce soit à l'institutionnel ou le particulier, à travers notre épargne, on a tous un moyen d'action, un levier qui doit faire basculer les choses.
08:19 Aujourd'hui, on voit que c'est un peu la dernière roue du carrosse.
08:21 Mifid, qui doit normalement recueillir les demandes des épargnants sur leur volonté de placement, voit que les épargnants ont envie de s'exprimer sur ce sujet.
08:30 Il y a encore un petit peu un écart entre ce qu'ils souhaitent et ce que veut le marché financier.
08:34 Ça a été mis en place cette année. Encore une chose, encore une réglementation qui fait que cette année a été une année de transition, une année de flou.
08:40 Depuis le début de l'année, c'est obligatoire. Tout le monde n'y est pas passé encore, mais ça va venir.
08:43 Et je pense que là, on a besoin de ce flux-là pour passer, même si ce n'est pas parfait, pour pouvoir continuer à avancer et pour pouvoir atteindre un point de bascule
08:50 qui semble assez nécessaire dans ce qu'on veut faire dans la finance responsable.
08:53 Donc moi, j'y vois encore une fois une année de transition et qui est absolument indispensable de poursuivre cette dynamique.
09:00 Merci beaucoup, Kim Eng-Yuen, de nous avoir accompagné dans Investir Responsable.
09:03 Je rappelle que vous êtes président de Carmit. Merci beaucoup.
09:05 Merci.
09:06 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.

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