"Il y a une part de rêve et de talent, mais ça demande du travail" Sonia Rolland - Destins de femmes

  • il y a 8 mois
Judith Beller reçoit Sonia Rolland, Miss France 2000 et réalisatrice de "Un destin inattendu" (France 2 - 2023).

"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.

Une émission de Judith Beller.

Merci au Groupe Connect Travail Temporaire !

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##DESTINS_DE_FEMMES-2024-01-21##

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Transcript
00:00 Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
00:03 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
00:07 en France.
00:08 Le groupe Connect présente Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:13 Bonjour, bonjour les copines et les copains.
00:15 Très heureuse de vous retrouver pour Destin de Femmes sur Sud Radio comme tous les samedis
00:19 à 13h30 pour que le combat pour les droits des femmes devienne une cause commune, inspirée
00:23 du livre au même titre de Valérie Pérez-Enouchi.
00:26 Engagée pour la diversité et la représentation, Sonia Roland est une voix inspirante et multiplie
00:31 les engagements humanitaires et les prises de possession sur 6 étals.
00:34 Ancienne Miss France 2000 et toute première métisse à avoir accédé à ce poste d'ambassadrice
00:38 beauté de notre pays, elle nous raconte son histoire dans un biopic qu'elle a co-écrit
00:42 et surtout réalisé, Un Destin Inattendu qui a été diffusé le 3 janvier dernier sur
00:46 France 2 et encore disponible en replay.
00:49 Ça m'a tellement perturbée parce que je vous avoue j'en ai un peu pleuré.
00:53 Chers auditeurs, à voir absolument, Sonia Roland, bienvenue sur Sud Radio.
00:56 Merci beaucoup.
00:57 Merci de m'avoir introduite.
00:58 Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
01:02 Non vraiment, ça m'a touchée.
01:05 On va quand même vous poser les 4 questions que je pose à toutes les invitées de Destin
01:09 de Femmes.
01:10 Sonia Roland, est-ce que vous êtes prête ?
01:11 Je suis prête.
01:12 Alors quel destin de quelle femme vous inspire le plus pour commencer ?
01:15 Celui de ma mère.
01:17 C'est évident, c'est une femme qui part d'un tout petit village dans les hauteurs
01:21 du Rwanda et qui connaît un destin incroyable.
01:25 Elle rencontre mon père bien après avoir fait ses études universitaires alors qu'à
01:29 l'époque les femmes toutes-ci n'avaient pas le droit.
01:31 1% de la population toutes-ci avait le droit d'aller à l'école.
01:36 Donc c'est vraiment elle qui a tiré toute sa famille courageusement.
01:40 Et puis quand elle a rencontré mon père, elle a pu devenir une femme accomplie, libre
01:44 parce que mon père était féministe.
01:46 Et alors c'est une femme en plus qui a dû se recréer un destin parce qu'elle avait
01:51 une vie telle qu'elle était quand vous étiez au Rwanda.
01:53 Et puis en arrivant en France, ça n'a pas été la même histoire non plus.
01:56 C'est pour ça que c'est d'autant plus fort.
01:57 Beaucoup d'imagination quoi.
01:58 Oui et puis une résilience.
02:01 De la résilience.
02:02 C'est une femme qui ne s'est jamais laissée abattre, qui m'a vraiment donné ses valeurs
02:08 de volontarisme, de volonté, de détermination, de jamais mettre le genou à terre trop longtemps,
02:17 se relever.
02:18 La dignité.
02:19 Agatchi Elo.
02:20 Chez nous au Rwanda on dit Agatchi Elo.
02:21 C'est important ça.
02:22 Oui mais elle frise parfois l'orgueil quand même.
02:25 Non mais c'est vrai que ça fait des femmes très fortes, très puissantes qui peuvent
02:30 aussi créer...
02:31 Un peu inaccessibles parfois.
02:32 Oui et puis qui peuvent créer des sortes de complexes chez vous aussi.
02:36 Moi heureusement j'avais un père qui contrebalançait.
02:39 Oui parce que lui il était à 100% pour vous votre père.
02:41 Oui à fond.
02:42 Mon père était à fond.
02:43 Il rêvait pour moi d'indépendance en fait.
02:46 Il voulait faire une femme à la fois forte, puissante mais aussi libre et qui sache prendre
02:52 des risques.
02:53 D'ailleurs j'en parle beaucoup dans mon film.
02:55 Mon père représente plutôt le risque et ma mère la raison.
02:59 Et je suis la parfaite conjugaison des deux.
03:01 Bravo.
03:02 Oui.
03:03 Le risque et la raison mélangés c'est un peu le secret de fonctionnement qui marche.
03:08 Votre plus grand succès Sonia Roulon ?
03:12 J'arrive pas trop savoir.
03:15 Je pense que...
03:16 Ça peut être la réussite aussi si vous préférez ce mot là.
03:18 Oui plutôt la réussite.
03:20 En tout cas c'est mon parcours.
03:21 Je me dis qu'au fond vu d'où je viens, vu tout ce que j'ai vécu, vu tout ce que j'ai
03:25 dû endurer aussi parce que c'est pas si évident de passer de Miss France à comédienne déjà
03:30 parce que c'est un métier qui est très difficile.
03:33 Il a fallu faire preuve de résilience aussi du coup.
03:36 Oui et puis on vous étiquette.
03:38 On vous laisse pas trop le choix de cette mutation en fait qui a opéré pendant 20 ans.
03:45 Et aujourd'hui moi je suis fière.
03:47 C'est pour ça aussi que je raconte cette histoire parce que j'avais besoin de me présenter
03:50 au public.
03:51 Je me rendais compte que j'étais pas assez connue pour ce que j'étais.
03:55 C'est un bel projet dans votre cœur en fait ce film aussi, dans la manière dont vous
04:02 êtes construite.
04:03 Oui et puis aussi dire voilà, moi j'ai réglé mes comptes avec certaines choses qui m'ont
04:09 blessée, qui m'ont freinée aussi dans mon expansion, dans mon déploiement d'aile.
04:15 On dit déploiement d'aile en fait.
04:16 Et aujourd'hui je me sens à la fois accomplie et puis pleine d'ambition, de rêve encore.
04:21 Et alors du coup, même si vous êtes encore pleine d'ambition et de rêve, est-ce que
04:26 vous pouvez me parler de votre plus grande déception ?
04:27 Alors c'est bizarre.
04:29 Je ne peux pas être déçue parce que pour être déçue il faut avoir une sorte d'attente.
04:36 Par exemple, encore une fois, je reviens toujours à mon film.
04:39 Ça fait six ans que je porte ce film.
04:41 Six ans que je me prends des portes, que j'ai du mal à avancer.
04:44 Parfois je veux pas me résigner donc parfois je me disais bon allez, peut-être que je
04:49 passe par autre chose, je contourne le problème.
04:51 Je me suis jamais laissée abattre.
04:52 Donc du coup, je n'ai pas de déception.
04:55 Disons que je me dis que ça nourrit ma rage.
05:01 Donc c'est pas de la déception ? C'est de l'énergie quoi ?
05:04 Ouais, c'est un truc qui va nourrir ma rage.
05:06 Au fond, je dis merci même à ceux qui n'ont pas cru en moi parce que finalement ils ont
05:10 vraiment développé ma rage de vaincre.
05:12 Quelle a été votre plus grande joie ?
05:15 Ma plus grande joie, c'est la naissance de mes filles.
05:19 Les deux différemment parce qu'au fond, la première, il y a plein d'angoisse.
05:25 La deuxième, c'est une autre attente qui est aussi joyeuse mais beaucoup moins angoissée.
05:30 Et puis c'est de les voir grandir avec autant de libre-arbitre.
05:36 Ça débat à la maison, c'est des gros caractères mais en même temps elles sont
05:41 chouettes.
05:42 Quand ça débat, vous dites que vous avez réussi votre coup ?
05:44 Ouais, j'ai réussi mon coup.
05:46 Pour le coup, les enfants, je ne sais même pas comment on pourrait définir ça.
05:56 De toute façon, c'est un prolongement de vous et en même temps pas vraiment parce
05:59 que ce sont des êtres que vous mettez au monde et qui ont leur personnalité à développer
06:03 qu'il faut en plus préserver.
06:05 Je trouve qu'il n'y a rien de plus beau que de les voir parfois s'énerver pour
06:08 pas grand-chose et en même temps se dire finalement, ils ont peut-être un peu de vrai
06:12 dans ce qu'elles disent et ça vous apprend des choses sur vous aussi.
06:15 C'est génial.
06:16 Ça vous contraint et en même temps ça vous fait grandir.
06:21 C'est une belle aventure.
06:22 Vous savez ce que c'est.
06:23 A priori, oui.
06:24 J'ai une petite fille aussi.
06:25 Sonia Roland, on en parle depuis tout à l'heure.
06:30 Un Dessin inattendu, vous l'avez co-écrit, vous l'avez réalisé sur tout.
06:33 Ça a été diffusé sur France 2 début janvier et c'est encore disponible en replay
06:37 pour les auditeurs que ça intéresse.
06:38 Je vous le conseille fortement.
06:39 C'est un biopic autobiographique qui nous raconte votre chemin vers la couronne des
06:43 Miss France.
06:44 C'est un film qui m'a marquée aussi parce que vous nous rappelez l'importance du droit
06:49 à rêver parce que c'est un droit de rêver.
06:50 Oui.
06:51 En fait, quand j'ai connu ce déclassement social venant d'Afrique, en exil, puisqu'on
06:58 est en situation d'exil, on quitte un état de guerre et de génocide.
07:05 On arrive en France dans une autre configuration de vie, dans des HLM.
07:12 On ne sait pas ce que c'est que cette nouvelle vie à laquelle on est confronté, plus le
07:16 racisme qui n'est pas évident.
07:18 Et donc ma mère l'a subi.
07:19 Surtout dans les années 90, ce n'était pas aujourd'hui.
07:22 Oui, ce n'était pas aujourd'hui.
07:23 Et puis, du coup, c'est vrai.
07:28 Alors, je me suis éloignée de la question.
07:29 L'importance du droit à rêver parce que rêver, c'est un droit.
07:33 C'est un droit à rêver.
07:34 Mais alors, quand on a plein de problématiques à gérer et qu'on se retrouve dans un milieu
07:38 social où on a l'impression qu'on n'a pas le droit justement de rêver parce qu'il
07:41 faut aller vers des choses plus pragmatiques, moins...
07:45 Parce que moi, je voulais être actrice, je voulais aller vers des métiers d'art.
07:49 Ma mère me disait mais c'est trop précaire.
07:51 Et puis, il n'y a pas d'exemple comme toi.
07:53 Il n'y a pas d'exemple de réussite comme nous.
07:56 C'est compliqué pour un parent.
07:58 Et du coup, pour l'enfant aussi, on commence à s'auto-censurer.
08:03 On se freine.
08:04 On écoute cet ennemi intérieur qui nous empêche d'avancer.
08:07 Et puis, à un moment, je me suis dit de ma non.
08:10 Heureusement que mon père est revenu dans notre vie parce qu'il était resté en Afrique
08:13 pendant un an pour essayer de récupérer ses biens.
08:16 Et puis, il est revenu bredouille.
08:19 Il s'est retrouvé ouvrier manutentionnel alors qu'il était directeur d'imprimerie
08:23 pendant 20 ans.
08:24 Et cette réalité fait qu'on s'empêche un peu de rêver.
08:28 On tait ses rêves pour laisser place à des choses plus pragmatiques.
08:32 Parce qu'il n'y avait pas d'exemple à l'époque.
08:34 Est-ce que vous avez conscience qu'aujourd'hui, vous êtes devenu un exemple ? Est-ce que
08:37 c'est une volonté de votre part aussi d'ouvrir la porte pour les jeunes filles métisses
08:40 par exemple qui vous suivent ?
08:41 En fait, en devenant déjà Miss France, quand je croisais des gens et qu'ils me disaient
08:46 que on était un peu...
08:48 Ma mère, par exemple, me disait que j'étais sa revanche sur la vie.
08:50 C'est très lourd.
08:51 C'est très lourd.
08:52 Ça vous enlève de la légèreté quand vous êtes...
08:54 Vous n'avez pas envie de ça en fait ?
08:55 Je n'ai pas envie de ça.
08:56 En tout cas, moi, ça me...
08:57 Disons que ça ne me prenne pas, mais ça me fait peur.
09:01 Je me dis, je ne peux pas être tributaire de ça.
09:04 Et en même temps, j'ai une grande satisfaction quand je vois que les gens, ça les inspire.
09:09 Je suis très heureuse, mais je me dis qu'au fond, on avance comme on peut avec les armes
09:13 qui sont les nôtres et puis à notre vitesse.
09:15 Je reste quand même...
09:17 Et si ça ouvre la porte à d'autres, tant mieux.
09:19 C'est ça ?
09:20 Oui, mais ça demande aussi...
09:21 Je veux dire, il y a une part de rêve, il y a une part de talent, mais ça demande beaucoup
09:25 de travail.
09:26 Et moi, la seule chose que je conseille toujours aux jeunes qui veulent se lancer, aux gens
09:30 qui veulent s'inspirer de mon travail finalement, c'est de se dire juste, "Eh les gars, je
09:34 me suis pris beaucoup de portes."
09:36 Ne croyez pas que c'est comme ça.
09:38 Rien n'arrive...
09:39 Et alors, il y a une phrase qui revient justement pour continuer là-dessus assez rapidement,
09:42 comme une litanie dans ce film, "Il faut croire en soi."
09:46 Croire en soi, en fait, c'est ça.
09:47 Il faut croire en soi.
09:48 C'est très important, ça.
09:49 C'est essentiel.
09:50 Malgré les difficultés, quoi qu'il arrive, vous gardez le cap parce que vous croyez
09:53 en votre capacité à faire ce que vous vous êtes donné comme projet.
09:56 Oui, croire en soi, c'est essentiel.
09:58 Mais encore une fois, il y a toujours cette petite ennemie intérieure qui va vous empêcher
10:04 d'y aller.
10:05 Donc, parfois, il faut aller au-delà de cette expérience.
10:08 C'est quoi, ces quantiments d'imposture ?
10:09 Oui, c'est un truc que j'ai vraiment développé pendant un certain temps parce que...
10:13 Parce que la transition était difficile ?
10:15 Oui, parce que aussi, certaines humiliations que j'ai vécues aussi.
10:18 Quand vous arrivez sur un tapis rouge et que vous êtes là en plus comme jeune comédienne,
10:23 mais que tout le monde n'est pas au courant que vous êtes dans un film d'auteur qui
10:26 va passer sur Arte, eh bien, on vous considère encore comme Miss France parce que le public
10:30 vous accueille encore comme Miss France puisque vous êtes fraîchement comédienne.
10:34 Et puis, il y a des gens qui ne veulent pas poser avec vous parce que vous ne représentez
10:38 pas les gens du métier.
10:40 C'est violent.
10:41 Ils se mordent un peu la main aujourd'hui, non ?
10:42 Mais il y en a qui me demandent du travail.
10:44 C'est assez drôle.
10:45 Karma, karma.
10:46 Vous êtes bien sur Sud Radio et nous aussi.
10:49 Vous restez avec nous, Destin de Femmes.
10:51 Aujourd'hui, c'est en compagnie de l'actrice et réalisatrice engagée Sonia Roland.
10:54 Vous ne partez pas trop loin.
10:55 Nous, on reste là avec vous.
10:56 A tout de suite.
10:57 Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
11:00 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
11:04 en France.
11:05 Le groupe Connect présente Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
11:10 Sud Radio, c'est Destin de Femmes, l'émission consacrée aux femmes extraordinaires qui
11:14 font notre République française.
11:16 Aujourd'hui, vous êtes avec l'actrice et réalisatrice Sonia Roland.
11:19 Bienvenue à vous si vous nous rejoignez.
11:21 Alors, Sonia Roland, on va maintenant écouter un petit extrait de votre biopic.
11:24 Évidemment, l'extrait le plus… le top, l'étoile en haut de l'arbre.
11:29 Un destin inattendu, c'est parti.
11:31 Miss France 2000 est…
11:35 Je suis heureuse pour toi.
11:37 Miss…
11:38 Poitou Charande !
11:40 On va aller laisser un peu les applaudissements.
11:46 On a un peu spoilé.
11:47 Mais en même temps, tout le monde connaît l'histoire.
11:49 Après, on sait que vous avez été mis le plus en France.
11:51 Est-ce que ça ne vous a pas fait ça, quand vous avez regardé le film, de se dire…
11:53 Je connais la fin.
11:54 Je suis quand même hyper…
11:56 Je me suis exactement dit ça en regardant le film.
11:58 Je me suis dit, ce qui est marrant, c'est qu'on sait comment ça va se passer et que
12:00 quand même, on ressent avec vous le truc.
12:03 Ça marche vraiment très très bien.
12:04 Donc déjà, bravo parce que c'est votre film, c'est votre première fiction réalisée,
12:08 en fait.
12:09 Voilà.
12:10 Merci.
12:11 Alors, il y a Esther Roland qui joue votre rôle.
12:12 Il y a Clémentine Sélarier, il y a Thierry Godard.
12:14 Il y a plein de gens.
12:16 Mata Gaban qui joue la maman.
12:18 Voilà, qui est incroyable.
12:20 On va revenir un peu là-dessus quand même.
12:23 Vous avez été la première métisse et femme à devenir Miss France.
12:26 Vous avez une jolie carrière d'actrice.
12:28 Maintenant, vous êtes réalisatrice.
12:30 Et vous incarnez des symboles qui, d'eux-mêmes, sans que vous fassiez forcément d'efforts,
12:34 détruisent les préjugés.
12:36 Oui, je ne me rends pas compte, en vrai.
12:38 C'est-à-dire qu'en fait, le fait de vous incarner vous-même, ça casse des barrières.
12:42 De toute façon, je n'ai pas le choix.
12:44 De toute façon, pour avancer, clairement, vu la montagne que j'avais à gravir,
12:48 à un moment où je me présente à l'élection de Miss France et je me dis que je vais être comédienne,
12:53 je me suis dit, bon, mets un pas devant l'autre et ne pose pas trop de questions.
12:58 Parce que quand on est métisse, dans ce métier, on a le cul entre deux chaises.
13:02 Ça, on peut voir partout, ça, non ?
13:04 Oui, mais c'est vrai qu'on nous demande de choisir alors qu'on n'a pas envie.
13:08 On est ni, moi, dans mon cas, parce que c'est un métissage visible,
13:11 je ne suis pas assez noire, pas assez blanche, trop noire, trop blanche,
13:14 je ne suis pas assez africaine.
13:16 Bref, je ne suis jamais au bon endroit.
13:19 Et à un moment, je suis obligée de créer mes opportunités toute seule.
13:22 Et ça, ça a été beaucoup vrai dans votre génération.
13:24 Est-ce que vous pensez que, par exemple, pour la génération de vos filles, c'est toujours le cas ?
13:27 Non, je crois qu'elles ne se posent plus cette question.
13:30 D'ailleurs, je tiens vraiment à dire aux Français qu'on est le pays le plus métissé d'Europe.
13:34 Et que c'est ce sur quoi il faut qu'on s'appuie aujourd'hui
13:38 pour balayer toutes les discussions les plus radicales et conservatrices
13:45 qui nous posent problème.
13:47 Mais vraiment, on est un pays incroyable et bourré de talents
13:54 qu'on ne met pas suffisamment en avant.
13:56 Heureusement que les gens se créent des opportunités,
13:59 heureusement qu'il y a des "Aïssa Maïga", des gens Pascal Zaddi, des gens comme ça.
14:03 Ce sont des gens qui ont su dépasser justement
14:07 toutes ces problématiques internes, familiales, culturelles, sociales,
14:12 pour embrasser leur destin.
14:15 Et ça, c'est fou.
14:17 Je suis hyper inspirée par cette nouvelle génération aussi.
14:20 Comme j'ai des ados à la maison, je prends la température.
14:24 Est-ce que vous ne pensez pas que le fait qu'ils se représentent, par exemple, à Aïssa Maïga,
14:26 pour qui c'est très important, parce qu'elle a beaucoup souffert d'être une femme noire
14:30 et qui en parle énormément, est-ce que vous ne pensez pas que trop en parler aussi,
14:34 ça peut pousser un petit peu à créer des blocages à un moment donné ?
14:38 C'est-à-dire que de toute façon, il y a eu un moment où on l'était...
14:40 - Oui, à un moment donné, parce que les gens l'oublient eux-mêmes en la voyant,
14:42 parce qu'ils ont l'habitude de l'avoir sur l'écran, non ?
14:44 - Oui. Mais c'est-à-dire qu'il y a eu un moment où on était obligés,
14:47 de manière assez pédagogique et voire presque humoristique,
14:50 d'évoquer ce problème pour évoquer des projets
14:54 qui justement banaliseraient cette spécificité, on va dire, dans notre société.
15:00 Et en fait, moi, il y a un moment, j'ai dû aussi prendre le choix
15:04 de revenir à ce que je suis, c'est-à-dire une métisse,
15:07 qui comprend aussi que ce soit pas aussi clair de chaque côté.
15:12 - Ça peut pas être que noir et blanc, quoi.
15:13 - Voilà, on est d'accord, ça peut pas être totalement manichéen.
15:16 Oui, c'est vrai, c'est vrai.
15:17 Mais c'est pas évident d'être non plus à ma place,
15:19 parce que je suis un peu le casque bleu constamment,
15:22 ça demande aussi d'avoir beaucoup de recul,
15:25 de pas toujours emprunter le chemin de la colère,
15:29 de pas être dans... comment dire ? Réactionnaire, en fait.
15:33 Faut pas être constamment dans la réaction,
15:35 parce qu'on construit rien, en fait.
15:38 - De toute façon, réagir à chaud, en général, c'est pas une bonne solution.
15:41 Il faut plutôt prendre du recul par rapport aux situations,
15:43 même quand ce sont des difficultés.
15:45 - Évidemment.
15:46 - Ça serait un conseil que vous donneriez, ça, à des jeunes filles ?
15:48 - De faire toujours le pas de côté ?
15:50 Oui, c'est évident.
15:51 Moi, je l'ai fait plus d'une fois, ça m'a coûté cher.
15:54 Vous savez, je suis ambassadrice de Guerlin,
15:57 à un moment où il y a encore des tensions à cette époque-là,
16:02 où il y avait eu des propos tenus par le fondé, par le fondé président.
16:07 En fait, un membre de la famille Guerlin,
16:10 qui n'avait rien à voir avec la société,
16:12 donc moi, j'ai essayé de faire la part des choses.
16:14 Ça m'a été reproché par une partie de la communauté noire,
16:17 qui m'a dit "mais t'es une traître".
16:19 Bon, ben voilà, il faut assumer ça,
16:20 mais c'est en rentrant dans la matrice qu'on la fait exploser.
16:23 Je veux dire, si on reste derrière le mur...
16:25 - Vous êtes trotskiste, en fait ?
16:26 - Je pense.
16:27 Mais si on reste derrière le mur,
16:28 à constamment gueuler que ça ne marche pas,
16:31 que ça ne fonctionne pas pour nous,
16:32 c'est pas non plus comme ça qu'on va avancer.
16:35 - Bon, là, on parle des préjugés racistes.
16:37 Est-ce que vous avez connu les préjugés sexistes, Sonia Roland ?
16:40 - Alors, peut-être, oui.
16:43 Ben, évidemment, en fait.
16:44 Surtout avec Miss France, c'était évident.
16:46 Mais c'est-à-dire que c'est un truc qui me coulait dessus.
16:48 Parce qu'en fait, comme je ne me définissais pas,
16:51 moi, j'ai appris la féminité en devenant Miss France.
16:53 C'est-à-dire que j'étais vraiment un garçon manqué.
16:55 - Vous jouiez du basket ?
16:56 - Je jouais au basket depuis l'âge de 9 ans.
16:59 J'étais une hyperactive,
17:01 donc mes parents m'ont canalisée grâce au sport collectif.
17:05 Et donc, j'ai beaucoup fréquenté les garçons.
17:07 Un peu par défaut aussi, parce que comme j'étais la première...
17:10 Enfin, j'étais la troisième fille de mon père,
17:12 mais la première de ma mère.
17:13 Donc, j'avais le statut de bonhomme à la maison.
17:16 Et en fait, il y a un moment où...
17:20 Ouais, je pense que je suis toujours dans une sorte de friendzone
17:22 avec les garçons.
17:23 Et parfois, ça peut me poser problème,
17:25 surtout quand j'avais 20 ans.
17:27 Et en même temps, ça me donnait le droit aussi de dire...
17:30 - Et professionnellement, dans le métier du délégé du cinéma ?
17:32 - J'ai toujours eu du répondant.
17:33 Je peux dire que...
17:34 En fait, l'attitude que j'ai...
17:35 - En fait, ça change, c'est ça.
17:36 C'est-à-dire qu'il faut répondre, quoi.
17:37 - Il faut répondre, il faut pas se laisser faire.
17:39 - C'est comme ça que vous réagissez quand ça vous arrive.
17:42 Est-ce que ça vous arrive encore ?
17:44 - Aujourd'hui, non.
17:46 Je pense que...
17:47 - Quand on atteint un certain niveau ?
17:48 - Non.
17:49 Mais en même temps, je trouverais ça dommage
17:52 que finalement, il n'y ait plus de droit à la drague,
17:54 ou plus de droit à tout ça.
17:55 Moi, je pense qu'on est dans une période charnière
17:58 où il se passe beaucoup de choses importantes aussi pour la femme
18:01 qui peut enfin prendre possession de ses droits
18:06 et les faire valoir.
18:08 C'est important aussi que cette période existe.
18:11 Mais il faut pas non plus que...
18:13 - Faut pas cristalliser, quoi.
18:14 - Cristalliser, que les hommes ne deviennent pas nos ennemis non plus.
18:17 En revanche, il est vrai qu'il faut condamner, évidemment,
18:20 tout acte sexiste.
18:23 - Tout acte sexiste, ouais, pression sexuelle, etc.
18:24 Sonia Roland, ce que vous nous racontez aussi dans ce film
18:27 et ce que vous nous racontez en général,
18:28 parce qu'il y a votre famille, celle que vous avez,
18:31 celle que vous êtes créée aussi,
18:33 qui vous soutient pendant tout votre chemin, etc.
18:35 Ce que vous nous racontez, c'est que tout ça est possible
18:37 grâce à leur force, à leur amour,
18:39 et que sinon, ça aurait été plus compliqué quand même.
18:41 C'est-à-dire que c'est en groupe que ça marche,
18:42 même quand on est seul.
18:43 - Ouais, non, il faut être accompagné.
18:46 Moi, je suis la preuve.
18:47 De toute façon, j'ai rien fait toute seule.
18:48 J'ai toujours été bien accompagnée.
18:50 Il faut choisir ses compagnons de vie, de carrière.
18:53 - Il faut bien choisir.
18:54 - Il faut bien choisir.
18:55 C'est pas évident.
18:56 On se casse la gueule souvent.
18:58 Mais en même temps, on apprend.
19:00 Il faut pas prendre les choses comme un échec.
19:03 Ouais.
19:04 Non, je dis ça parce que j'ai eu beaucoup de déceptions aussi.
19:07 Mais pas des déceptions.
19:08 Encore une fois, ça revient aux déceptions.
19:10 Mais j'ai eu des...
19:12 - Des étonnements.
19:13 - En fait, c'est peut-être déçu de moi-même.
19:15 - De ne pas avoir bien choisi.
19:17 - Parce qu'on le voit, il y a des indicateurs.
19:19 Qu'on le veuille ou non, il y a toujours des indicateurs.
19:22 C'est comme le choix de mec.
19:23 On sait qu'il y a un truc qui nous plaît pas au départ.
19:25 Ça sera le truc pour lequel on va quitter cette personne.
19:28 En fait, il y a des choses qui...
19:30 On y va quand même.
19:31 On se risque à ça.
19:32 Et puis après, on dit "Mais pourquoi ?"
19:34 - Il faut s'écouter.
19:35 Il faut croire en soi.
19:36 - Il faut croire en soi.
19:37 - Et savoir dire non, tout simplement.
19:40 - Bien sûr.
19:41 C'est très important d'apprendre à dire non.
19:43 - Ce film, vous le dédiez à votre père.
19:45 On en a parlé déjà.
19:46 C'est lui qui vous a poussé sur votre chemin malgré vous, parfois aussi.
19:50 J'ai envie de dire mon perso héros.
19:53 - Ah ouais.
19:54 - Clairement mon perso héros.
19:56 Il nous a quittés en 2014.
19:58 J'aurais tellement aimé qu'il vienne sur le plateau.
20:01 - Il vous aurait embêté.
20:03 - Il nous aurait embêté.
20:04 Il serait intervenu toutes les cinq secondes.
20:07 Non, mais moi, j'aurais adoré qu'il voit ce film.
20:09 Je lui rends hommage, c'est évident.
20:11 - C'est pour lui que vous l'avez fait un peu aussi ?
20:13 - Je l'ai fait pour les deux, en fait.
20:14 - Pour votre mère aussi.
20:15 - Je l'ai fait pour le courage aussi de maman.
20:17 Et aussi pour peut-être faire comprendre finalement aux gens qui regardent ce film
20:22 que des profils comme ma mère, il y en a énormément.
20:26 Des femmes qui ont perdu une partie de leur vie,
20:30 de leurs acquis aussi professionnels,
20:34 se sont vues parce que l'exil, dépossédées de tout ça,
20:39 et suivent des parcours pas évidents,
20:44 avec beaucoup de résilience et de dignité.
20:46 Surtout à ces femmes-là que je m'adresse,
20:48 à ces hommes-là que je m'adresse,
20:51 et à la France populaire aussi.
20:53 Parce que c'est celle qui est souvent invisibilisée
20:55 et je voulais en parler dans mon film.
20:57 - Donc votre idée, c'est de donner aussi de la lumière à ceux qui en manquent.
21:01 - Ah bah oui, clairement.
21:02 - C'est très important.
21:03 - Je suis trop témoin de ça,
21:05 trop témoin de cette injustice.
21:08 Et puis je me dis qu'au fond, ma vie réunit tellement de sujets,
21:12 à la fois sociaux, culturels, le racisme, la discrimination sociale,
21:19 il y a tellement de choses qui auraient pu m'empêcher d'avancer,
21:21 c'est hallucinant.
21:23 Et en même temps, je me sens forte de tout ça.
21:26 - Si vous aviez un souhait, Sonia Roland ?
21:30 - Que le monde aille mieux, quoi.
21:33 Ça va pas du tout, là.
21:34 Il y a quelque chose qui va pas du tout.
21:36 Les humains sont en train de régresser,
21:38 mais il y a quelque chose qui semble...
21:41 - Vous ne pensez pas qu'ils avancent en même temps ?
21:43 - Je sais pas s'ils avancent...
21:45 En tout cas, moi, j'aimerais voir ce qui va se passer dans la jeunesse, surtout.
21:49 Parce que j'ai l'impression que ça bouillonne,
21:51 et moi, ça me fait du bien de voir cette jeunesse hyper consciente,
21:54 hyper bouillonnante,
21:56 sur des sujets hyper importants comme l'écologie,
22:00 les femmes, leur place dans la société.
22:04 Moi, je m'appuie beaucoup aujourd'hui sur ça.
22:08 Je regarde cette jeunesse,
22:09 je regarde le vieux monde qui a tout bousillé
22:13 et qui donne très peu d'espoir, finalement.
22:16 Nous, on est la génération un peu tampon,
22:18 qui a connu l'arrivée d'Internet,
22:20 qui a connu l'arrivée des réseaux sociaux.
22:22 On se dit "merde, qu'est-ce que c'est que ce truc,
22:23 cette vague qui arrive et qui nous fait peur ?"
22:25 Mais en même temps, c'est hyper prolifique.
22:28 Il y a énormément de choses qui se créent,
22:31 hyper inventives.
22:33 Moi, je suis très étonnée par cette jeunesse.
22:36 Je vois mes filles, je suis fière.
22:39 Elles ont déjà un point de vue,
22:41 elles savent défendre leurs arguments.
22:43 Ce n'était pas du tout notre cas à l'époque.
22:45 Nous, on était hyper naïfs.
22:47 - On aura peut-être fait quelque chose de bien dans tout ça.
22:49 - Oui, mais il faut être conscient.
22:51 Il ne faut pas lâcher cette conscience.
22:53 - Ce sera le mot de la fin.
22:54 Merci Sonia Roland d'être venue par ici.
22:56 Chers auditeurs, n'oubliez pas,
22:57 un destin inattendu et non attendu.
23:01 C'est le film de Sonia Roland
23:02 et c'est avec notamment Esther Hollande
23:04 ou Clémentine Selleris.
23:06 C'est en replay sur le site de France Télé.
23:08 Vous le connaissez le site, c'est www.france.tv.
23:12 Merci à toutes et à tous de votre fidélité.
23:14 On a rendez-vous samedi prochain à 13h30
23:16 pour un nouveau Destin de Femme.
23:17 Demain, 19h, c'est excellent sur Sud Radio.
23:19 Tous les rendez-vous sont sur Sud Radio,
23:21 la chaîne YouTube.
23:22 Et puis, vous n'oubliez pas les réseaux sociaux.
23:24 Merci à Thibault qui réalise pour vous
23:26 aux équipes de Sud Radio.
23:28 Bisous, à très vite.
23:30 Sud Radio, Destin de Femme, Judith Beller.
23:33 Avec le groupe Connect,
23:35 expert en recrutement intérimaire.
23:37 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect
23:39 pour des opportunités de carrière partout en France.
23:42 *Rires*

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