Le poison de l’amour

  • il y a 8 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

[ARCHIVE EUROPE 1 - Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare] Au milieu des années 1950, la femme de Kenneth Barlow, un brillant infirmier, est retrouvée morte dans leur appartement du quartier de Bradford, en Angleterre. Selon les déclarations de Monsieur Barlow, sa femme, malade, se serait levée en pleine nuit pour prendre un bain avant de décéder d’un malaise dans la baignoire. Pourtant, cette mort ne paraît pas accidentelle aux yeux des enquêteurs. Sur la table de nuit, des seringues. Kenneth Barlow ne le cache pas, il s'injecte régulièrement de la pénicilline et ses dires sont confirmés par les analyses. Qui a alors tué Madame Barlow ? Son mari le proclame haut et fort : il n’a pas d’alibi ! Le comportement de cet homme tout juste veuf interpelle. D’autant plus que sa précédente femme est également décédée sans raison apparente l’année précédente… Mais alors pourquoi les analyses sur le corps de la défunte sont négatives ? À l'hôpital, les collègues infirmiers de Kenneth Barlow sont formels : l’homme détient la recette du crime parfait. Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcript
00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar.
00:07 Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11 Madame Skinner ! Madame Skinner !
00:15 L'homme qui frappe à la porte du pavillon des Skinner est grand maigre, enveloppé dans une robe de chambre.
00:21 Il courbe le dos sous la pluie et hausse la voix.
00:25 Madame Skinner ! Ouvrez ! J'ai besoin de téléphoner !
00:30 Il est presque minuit et Madame Skinner surgit à sa fenêtre la voix rogue.
00:34 Qu'est-ce que c'est ? Je suis Kenneth Barlow, votre voisin. Pardon de vous déranger.
00:39 Pourriez-vous téléphoner à un médecin s'il vous plaît ? C'est pour ma femme.
00:42 Elle est malade ? Je crois qu'elle s'est évanouie.
00:46 Pauvre Kenneth Barlow. Il fait peine à voir.
00:50 Son visage long au teint blafard trempé de pluie. Il est sinistre à la lueur des réverbères.
00:57 Madame Skinner crie par la fenêtre. Rentrez chez vous ! J'appelle un médecin ! Ne la laissez pas seule surtout !
01:04 Dans ce quartier un peu isolé de Bradford en Angleterre, les habitants se connaissent peu.
01:11 Madame Skinner ne connaît pas son voisin. Que de vue ! Autant dire qu'elle ignore tout de Kenneth Barlow.
01:18 En fait, elle n'est pas la seule. Qui pourrait se vanter de connaître Kenneth Barlow ?
01:25 À part Kenneth Barlow lui-même, bien sûr.
01:47 Le médecin referme la porte de la salle de bain et l'air soucieux.
01:52 Dites-moi, M. Barlow, votre femme n'a pas pris de médicaments ? Une drogue quelconque pour les nerfs ?
02:02 Prenez-en ma connaissance, docteur.
02:05 Elle avait l'habitude de prendre des bains chauds ? Je suppose que oui.
02:13 Il n'y a plus rien à faire, monsieur. Je suis navré. Votre femme est morte.
02:20 Que s'est-il passé, docteur ? Elle s'est noyée ? Le cœur, peut-être ? Je l'ignore.
02:29 C'est possible. En tout cas, je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Il faudrait un examen plus approfondi.
02:37 Elle a dû avoir un malaise. Elle n'était pas bien, cet après-midi.
02:43 Pour un homme à qui l'on vient d'apprendre que sa femme est morte, Kenneth Barlow tient remarquablement le choc.
02:51 Pendant que le médecin met à nouveau à contribution les voisins et demande une ambulance à l'hôpital le plus proche,
02:58 Kenneth Barlow s'allonge sur un canapé, ferme les yeux et refuse la tasse de café qu'on lui tend.
03:04 « Merci, je n'ai besoin de rien. »
03:07 Étrange, Marie.
03:09 Madame Skinner, qui s'entretient de l'événement avec le médecin, comprend mal son attitude.
03:14 Il n'a pas l'air de quelqu'un qui vient de perdre sa femme. Qu'en pensez-vous ?
03:19 Ce n'est pas à moi d'en juger, madame. La police s'en changera.
03:23 Vous croyez que la mort n'est pas naturelle ?
03:25 Je n'ai pas dit cela, disant que cette jeune femme est morte mystérieusement et que mon devoir est de prévenir la police.
03:32 Ce que découvre le sergent Nellor en arrivant au domicile des Barlow n'a pourtant rien de mystérieux a priori.
03:38 Petite maison en rez-de-chaussée, très ordinaire, une pièce principale, une chambre à coucher, une cuisine, une salle de bain,
03:44 peu de meubles, pas de désordre, sauf dans la salle d'eau. Elle est inondée.
03:50 Ce que raconte Kenneth Barlow n'a rien de mystérieux non plus, d'un don morne et d'une seule traite.
03:57 Il explique au sergent Nellor le détail de sa soirée.
04:01 Ma femme et moi nous sommes rentrés vers 17h, nous avons pris le thé ensemble,
04:06 elle est allée se coucher en me disant qu'elle était fatiguée, je devais la réveiller avant 8h,
04:10 elle voulait regarder une émission à la télévision. Je l'ai réveillée, nous sommes assis là, sur ce canapé,
04:15 en regardant l'émission, elle s'est sentie mal, alors elle est retournée se coucher, elle avait des sortes de nausées,
04:21 elle se plaignait d'avoir chaud, transpirait beaucoup, j'ai dû changer les draps avant de me coucher.
04:27 Je me suis endormie, vers 11h du soir quelque chose m'a réveillée, ma femme n'était plus dans le lit
04:33 et j'ai vu de la lumière dans la salle de bain, alors j'ai couru et je l'ai trouvée évanouie dans la baignoire.
04:38 Je n'ai pas pu la sortir de l'eau, elle était trop lourde, alors j'ai vidé l'eau, je l'ai allongée sur le carrelage
04:43 et j'ai essayé de la ranimer, mais je n'y arrivais pas, alors je suis partie demander du secours.
04:49 Quand le médecin est arrivé, il a dit qu'elle était morte.
04:54 Kenneth Barlow se tient droit, debout devant le policier, il s'est habillé, il a rallumé le poêle éteint et il fume
05:02 et n'a manifesté aucune surprise en voyant arriver la police presque en même temps que l'ambulance,
05:07 comme s'il s'était attendu à tout cela. La réaction des gens devant la mort d'autrui est si différente d'un individu à l'autre
05:14 qu'il est hors de question pour un policier d'en tenir compte a priori. Certains pleurent, d'autres hurlent ou s'évanouissent.
05:20 Kenneth Barlow fait partie de la race de ceux qui se taisent et ne manifestent aucune émotion apparente.
05:26 Lorsque le sergent Nellore demande à l'inspecteur de la maison, Kenneth ne proteste pas, au contraire,
05:32 il l'accompagne, lui ouvre les portes, comme s'il faisait visiter un appartement à vendre, ici la cuisine, le placard, la chambre.
05:40 Dans la chambre à coucher, bien pliée, sur le lit, un pyjama.
05:46 Le policier questionne. « Le vôtre ? » Barlow acquiesce d'un signe de tête. « Je me suis habillé, j'avais froid. »
05:55 Le policier ne fait aucune remarque sur le moment, mais note en lui-même un détail curieux.
06:02 Barlow lui a bien dit qu'il avait tenté de sortir sa femme de la baignoire, qu'il n'y avait pas réussi,
06:08 qu'il avait dû vider l'eau avant de tenter de la réanimer. Or, à ce moment-là, il était en pyjama,
06:15 et le pyjama en question devrait être mouillé. Il est sec, parfaitement sec.
06:22 Le sol aussi est sec, et particulièrement le chemin qui mène de la salle de bain à la pièce principale. Pas de marque de pas.
06:28 Pourtant, en traversant la pièce pour aller téléphoner, Barlow était censé être mouillé. Il aurait dû laisser des traces.
06:37 Tandis que le médecin légiste procède à un examen plus approfondi que le précédent, le sergent Naylor continue son inspection.
06:45 Dans le placard à pharmacie, aucun médicament suspect, sauf une boîte contenant trois seringues, dont une encore humide, posée sur un tampon de gaz.
06:57 « Votre femme suivait un traitement particulier ? » « Non. » « Non, elle avait une excellente santé. »
07:03 « C'est moi qui me suis fait une piqûre de pénicilline cet après-midi. Je souffre d'un furon classé gênant dans le cou. »
07:10 « Vous faites vos piqûres vous-même ? » « Je suis infirmier. J'ai l'habitude. »
07:15 « Mais vous n'avez pas fait de piqûres à votre femme ces derniers temps ? » « Aujourd'hui, non. »
07:20 Le sergent Naylor prend délicatement les seringues qu'il enveloppe dans un linge. Barlow l'observe sans bouger.
07:28 « Je dois les faire examiner par le laboratoire. »
07:31 Quelqu'un d'autre, à la place de Barlow, demanderait pourquoi, protesterait, en tout cas se sentirait suspecté, à tort ou à raison.
07:39 Mais il ne fait rien de tout cela. Il demande simplement « Vous voulez voir mon furoncle ? »
07:45 Et sans attendre la réponse, il dégraffe le col de sa chemise, retire un pansement à la base de la nuque et penche la tête vers le sergent Naylor.
07:53 « Regardez ! » A peine le sergent a-t-il constaté la présence du furoncle que Kenneth Barlow enchaîne.
07:59 « J'aimerais savoir maintenant ce que pense votre médecin de la mort de ma femme. »
08:04 Il a dit cela d'un ton morose, comme s'il devait accomplir une formalité ennuyeuse mais nécessaire,
08:10 et se dirige vers la pièce principale sans plus se préoccuper du sergent Naylor et de ses seringues.
08:16 Le sergent, en notant plus tard cette réaction dans son rapport, précisera « Barlow est actuellement insoupçonnable,
08:24 mais son attitude étrange peut avoir deux explications. Ou bien cet homme a un caractère extraordinairement calme et insensible à toute forme d'émotion.
08:32 Ou bien il sait comment sa femme est morte et il joue à un jeu connu de lui seul. »
08:39 Nous allons voir effectivement que Barlow est un joueur remarquable, mais qui n'a peut-être pas toutes les bonnes cartes en main.
08:50 La mort de Kenneth Barlow
08:57 La femme de Kenneth Barlow est donc morte mystérieusement.
09:01 Selon les constatations du médecin légiste, rien d'apparemment discernable à l'autopsie n'a provoqué la mort, et pourtant cette mort n'est pas normale.
09:09 Ce qui avait frappé le premier médecin appelé par les voisins de Barlow reste un mystère.
09:13 La jeune femme avait les pupilles largement dilatées.
09:16 Ce détail est en général révélateur d'une mort par empoisonnement ou excès de drogue.
09:21 Or, les analyses chimiques ne donnent rien, aucune substance toxique, aucune trace de piqûre intraveineuse, rien dans l'estomac.
09:29 La jeune femme était enceinte de deux mois environ sans complications.
09:32 Quant à la seringue, trouvée dans l'armoire à pharmacie, elle contenait effectivement des traces de pénicilline.
09:38 Barlow n'avait pas menti.
09:40 Pendant ce temps, le sergent Nellor enquête sur le passé du jeune veuf et découvre qu'il a été marié la première fois.
09:48 Qu'il était déjà veuf, depuis peu de temps d'ailleurs, puisque la première madame Barlow est morte en 1956, un an auparavant, et dans des circonstances aussi étranges que la seconde.
09:59 Le médecin, qui a délivré le permis d'énumer, a constaté un arrêt cardiaque dû à des causes indéterminées.
10:05 Malheureusement, aucune enquête n'a été faite sur la mort de cette femme et Barlow s'est remarié très peu de temps après sans être inquiété.
10:13 En même temps qu'il est changé de femme, il est changé aussi d'employeur sans raison valable.
10:18 Sur le plan professionnel, c'est un excellent infirmier, consciencieux, dont ses camarades parlent avec sympathie.
10:24 L'un d'eux surtout qu'il a bien connu en 1955 avant la mort de sa première femme.
10:29 Okenet a beaucoup de qualité. J'ai toujours pensé qu'il aurait pu faire une bien meilleure carrière.
10:34 S'il avait fait les études nécessaires, il aurait pu être médecin.
10:37 Il a soigné ici avec dévouement de nombreux malades. C'est un garçon assez renfermé.
10:41 Il ne parle pas beaucoup de sa vie privée, mais il ne manque pas d'humour.
10:45 Vous pouvez vous renseigner sur lui. Certains de nos malades l'ont bien connu.
10:49 Dans cet hôpital où travaillait Barlow en 1955, on soigne notamment de grands diabétiques handicapés qui ne peuvent assurer eux-mêmes leur traitement.
10:58 C'est en parlant avec l'un d'eux que le sergent Nellor entend cette réflexion surprenante.
11:04 « Barlow? Ah, le grand infirmier May? Oh, bien sûr que je m'en souviens! Il me faisait mes piqûres tous les matins. C'est l'inventeur du crime parfait! »
11:13 « Qu'est-ce que vous dites? »
11:15 « C'est une plaisanterie, qu'il faisait souvent. Il disait, une dose appropriée d'insuline, c'est un billet simple pour l'au-delà.
11:22 Un tout petit peu plus qu'il y en a là-dedans et hop! Ni vu ni connu. D'après lui, l'insuline ne laisse aucune trace. Il disait que c'était sale crime parfait. »
11:31 « Et vous n'aviez pas peur qu'il l'essaye sur vous? »
11:34 « Oh, ben non! C'était une plaisanterie. Un peu morbide, je l'avoue, mais vous savez, nous autres diabétiques, nous savons bien que nous ne pourrions pas vivre sans insuline. Nous en parlons souvent entre nous. »
11:45 « C'est vrai que c'est un médicament extraordinaire. C'est la vie ou la mort, à portée de la main. »
11:50 « Certains malades se sont même suicidés. Il y en a qui ne supportent pas de vivre ainsi, accrochés à une piqûre. »
11:58 « Vous savez, il faut un drôle de moral dans certains cas. »
12:03 Muni de ces précieux renseignements, le sergent Neylor se précipite au laboratoire de la police pour demander que l'on recherche dans le corps d'Elisabeth Barlow des traces d'insuline.
12:13 Il fallut deux mois d'efforts et de multiples analyses pour en faire la preuve scientifique.
12:19 Mais les spécialistes parvinrent à cette certitude. La seule explication de la mort d'Elisabeth Barlow, c'était l'insuline.
12:26 Une minuscule trace de piqûre sur la cuisse, l'examen des tissus, celui du taux de sucre anormalement élevé, tout concordait.
12:34 Kenneth avait injecté à sa femme 84 unités de ce produit, mortelle pour un nom diabétique.
12:40 Le coma hypoglycémique était survenu pendant le sommeil.
12:44 Kenneth avait dû ensuite traîner sa femme dans la baignoire pour simuler un malaise.
12:49 Inculpé de meurtre six mois après la mort de sa femme, Kenneth Barlow, toujours aussi maigre, toujours aussi morose, refuse pourtant d'avouer quoi que ce soit.
12:58 « Enfin, c'est ridicule. Cette histoire de piqûre n'a rien à voir avec la mort de ma femme.
13:04 Oui, elle m'a demandé effectivement de lui injecter de l'éargotamine, alors je l'ai fait.
13:10 Cela se passait au moins deux semaines avant sa mort. Ce produit était destiné à supprimer la grossesse. Elle ne voulait pas de l'enfant. Et ça n'a pas marché.
13:20 Barlow, vous ne pouvez pas nier les résultats du laboratoire.
13:25 Votre femme est morte d'une dose d'insuline et nous avons recueilli sur vous des témoignages accablants.
13:31 Le jury ne vous acquittera pas. Vous feriez mieux d'avouer, de révéler votre mobile.
13:36 C'est la seule façon peut-être d'obtenir des circonstances atténuantes.
13:40 N'oubliez pas que votre première femme est morte de façon inexplicable. De là à penser que vous l'avez tuée aussi.
13:46 Je connais la loi anglaise. On ne peut me juger que pour un seul crime.
13:51 D'ailleurs, vous n'avez pas de preuves. Rien ne vous permet d'affirmer que ma première femme n'est pas morte naturellement.
13:57 C'est exact.
13:58 Ensuite, je n'avais aucune raison de la tuer, pas plus que la deuxième. C'est à vous de trouver un mobile. C'est vous qui accusez.
14:08 Je ne vous étonnerai pas, M. Barlow, en vous disant que je connais votre mobile.
14:12 Oh, c'est impossible. Je n'en ai pas. La mort de ma femme ne me rapporte rien.
14:17 Vous pouvez enquêter autant que vous voudrez depuis ma première rencontre avec elle jusqu'à sa mort.
14:21 Nous ne nous sommes jamais disputés. Interroger sa famille? Nous avons fait un mariage d'amour. Je ne l'ai jamais trompée, elle non plus. Notre ménage était exemplaire.
14:30 Pourtant, elle ne voulait pas d'enfant. Et elle était enceinte. Peut-être a-t-elle voulu se suicider pour ne pas en avoir.
14:39 C'est curieux que vous ne pensiez pas à cet argument, M. Barlow.
14:42 Mais je sais parfaitement.
14:44 Vous voulez revenir? Vous voudriez me faire avouer que quelque chose n'allait pas entre ma femme et moi.
14:49 La suicide est impossible, vous le savez bien.
14:51 Pourquoi ça, M. Barlow?
14:53 Qui nous empêche de penser que votre femme s'est faite elle-même une piqûre d'insuline?
14:57 Elle connaissait les dangers de ce produit. Vous avez dû lui en parler souvent. Mais elle n'aurait pas pu s'en procurer toute seule.
15:03 Alors, disons que vous lui avez fourni le produit. Disons que vous êtes complice, simplement complice.
15:09 J'ai bien envie de présenter l'affaire de cette façon au juge d'instruction.
15:13 On peut penser que vous aimiez tellement votre femme que vous avez voulu l'aider à mourir.
15:19 C'est un mobile comme un autre.
15:21 Mais c'est un mobile ridicule! Mais vous n'avez pas le droit! Mais je n'ai pas de mobile!
15:25 Pour la première fois depuis son acculpation, Kenneth Barlow semble sortir de ses gants.
15:31 Il ne supporte pas la contradiction dès que l'on parle de mobile.
15:35 Et le sergent n'est lors sans qu'il tient le bon bout.
15:40 Vous tenez beaucoup à ce qu'il n'y ait pas de mobile, Barlow. Beaucoup trop, à mon avis.
15:46 Vous y tenez tellement que vous commettez une erreur grossière.
15:51 Dites-moi donc ce que vous pensez du crime parfait.
15:55 Ça n'existe pas!
15:57 Vous y pensiez souvent, d'après certains témoignages.
16:00 Oh, mais tout le monde peut en parler! C'est pas pour autant que tout le monde tue! Il y a crime!
16:05 Mais vous n'êtes pas tout le monde, Barlow. En tout cas, vous en êtes persuadé.
16:10 Répondez-moi précisément, que pensez-vous du crime parfait?
16:15 Ben, quand un crime peut être qualifié de parfait, c'est qu'il n'existe pas, puisque tout le monde ignore que c'est un crime.
16:24 À quoi sert le crime parfait, à votre avis?
16:29 Ben, à rien. Puisqu'il n'y a pas de mobile. Il est entièrement gratuit.
16:35 C'est là où vous vous trompez, Barlow.
16:38 Vous confondez crime gratuit et crime parfait.
16:42 Le vôtre était peut-être gratuit, mais il est loin d'être parfait.
16:47 Reconnaissez-le, puisque je vous inculpe avec des preuves.
16:50 En réalité, vos aveux sont de peu d'importance.
16:56 En le poussant à bout, le policier savait ce qu'il faisait.
17:02 Finalement, Kenneth Barlow se voulait plus fort qu'il n'était.
17:06 Au bout de quatre séances d'interrogatoire de ce genre, alors qu'il entamait la cinquième, c'est lui qui s'aida.
17:13 Voici le texte du message qu'il fit parvenir au sergent Naylor.
17:17 « J'ai tué ma femme, c'est vrai. Je l'ai tuée pour vérifier une théorie. Je me suis trompé.
17:25 Je pensais pouvoir réaliser le crime parfait. J'ai échoué. Non seulement j'ai été découvert, mais je dois reconnaître que j'avais un mobile.
17:34 En réalité, je déteste les fins. »
17:38 Cette déclaration intempestive ne facilita pas le travail de son avocat qui, toutes les peines du monde, a sauvé la tête de son client.
17:48 Quant au sergent Naylor à qui nous devons les détails de ce dossier, sa conclusion est toute personnelle et le procès n'en fit pas état.
17:57 « Je suis persuadé, écrit-il, d'avoir eu affaire à l'un de ces fanatiques du crime parfait,
18:04 et je suis persuadé que les aveux de Kenneth Barlow n'étaient destinés qu'à couvrir un premier crime,
18:12 celui qu'il considérait vraiment comme parfait selon son éthique personnelle, car personne, personne n'a jamais su vraiment de quoi et comment était morte sa première femme.
18:24 Sur ce point, d'ailleurs, il est toujours resté muet, fidèle à son principe.
18:31 Un crime ne peut être parfait que s'il n'existe pas. »
18:37 [Musique]
18:55 Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
19:05 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
19:09 Production, Sébastien Guyot.
19:12 Direction artistique, Xavier Joli.
19:14 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
19:19 Remerciements à Roselyne Belmar.
19:22 Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
19:27 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.