Parlons Vrai chez Bourdin avec Antoine Armand, député Renaissance de Haute-Savoie et auteur de “Mur énergétique français : Rapport accablant sur 30 ans d’erreurs politiques” (Editions Stock), co-rapporteur de la Commission d'enquête sur la souveraineté énergétique avec Raphaël Schellenberger (LR) et Nicolas Goldberg, Consultant spécialiste de l‘énergie à Colombus Consulting et responsable du pôle énergie au cercle de réflexion Terra Nova
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00:00 - Radio, Parlons Vrai chez Bourdin, 9h10, Jean-Jacques Bourdin.
00:04 - Parlons d'énergie, l'énergie, la souveraineté énergétique de la France, la politique énergétique de la France,
00:13 le mur énergétique français, c'est le titre du livre d'Antoine Armand qui est avec nous, qui est député Renaissance de Haute-Savoie.
00:21 C'est bien ça, hein ? - Absolument.
00:24 - Le rap... C'est vous qui avez conduit cette commission d'enquête parlementaire sur l'énergie.
00:29 Le rapport accablant sur 30 ans d'erreurs politiques en matière d'énergie.
00:34 Alors on va en parler avec vous et on va en parler avec notre deuxième invité.
00:40 Je suis très heureux de vous recevoir tous les deux, de recevoir Nicolas Goldberg qui est consultant spécialiste de l'énergie à Columbus Consulting.
00:47 Attention, hein, parce que les cabinets de consultants n'aiment pas trop, maintenant. Certains, pas nous, hein.
00:53 Mais j'entends, j'entends. Bon, enfin bon, peu importe. Responsable du pôle énergie au cercle de réflexion Terra Nova.
00:58 Et Columbus Consulting est une société à mission selon la définition de la loi PAC de 2019.
01:04 - Bon, voilà. Que les choses soient claires. Donc, vous avez toute autorité pour parler d'énergie.
01:09 Vous êtes critique sur le rapport d'Antoine Armand. Mais je vais y revenir.
01:15 En attendant, un ministre chargé de l'énergie a été nommé hier.
01:22 Agnès Pannier-Runacher, bah, quitte l'énergie. Mais ce ministre sera sous la coupe du ministre de l'économie et des finances.
01:33 Ça change quelque chose ou pas ?
01:35 Est-ce qu'aujourd'hui, enfin avant elle l'était aussi, Agnès Pannier-Runacher, mais est-ce qu'aujourd'hui,
01:40 est-ce qu'aujourd'hui on a une vraie politique énergétique ?
01:44 Franchement, est-ce qu'aujourd'hui on a un président de la République ?
01:49 Vous allez me dire oui, Antoine Armand, qui consacre suffisamment de place aux problèmes énergétiques.
01:56 - Je vais vous dire oui, je vais vous dire pourquoi et je vais vous dire pourquoi j'ai écrit ce livre et à mon avis ce qui manque.
02:01 - Oui. - Je vais vous dire que oui, on a la bonne...
02:04 Et c'est pour ça que je parle de 30 ans d'erreur politique. Pendant 30 ans, qu'est-ce qu'on a fait ?
02:08 On a opposé la sobriété, le fait de moins consommer, à la production, le fait de plus produire.
02:12 On a opposé, vous le savez, c'est le débat des fameuses énergies renouvelables contre le nucléaire.
02:16 Alors que les deux produisent de l'électricité propre. Bon.
02:19 - C'est le débat permanent, c'est vrai, depuis 30 ans.
02:21 - On s'est enfermé dans cette posture alors que ce qui compte aujourd'hui c'est...
02:24 - On est pour le nucléaire, on est pour les renouvelables, on est contre le nucléaire, on est contre les renouvelables.
02:28 - Et donc aujourd'hui, depuis le discours de Belfort du président, on est sur les bons rails.
02:31 On dit sobriété et production. On dit énergie renouvelable et nucléaire.
02:36 Ça c'est les bons rails. Ensuite, la question que je pose aujourd'hui, c'est comment est-ce qu'on fait pour faire accélérer le train ?
02:41 Parce que le mur énergétique dont je parle, c'est l'idée que d'ici 10 à 15 ans, on a deux risques.
02:46 Risque 1, blackout énergétique. Qu'est-ce que ça veut dire ?
02:49 Ça veut dire qu'on a le risque que ce qui s'est passé en 2022 se reproduise.
02:54 - Oui. - Parce qu'on aura besoin de juste d'énergie.
02:55 - D'acheter de l'électricité.
02:57 - Et que certains de nos zones soient coupées pendant quelques heures.
03:01 - Exactement. - Et puis on a le risque du blackout écologique.
03:03 Si on ne va pas assez vite, si on ne construit pas assez d'énergie renouvelable et puis ensuite de nucléaire,
03:08 et bien de tout voir tourner, des centrales à gaz, des centrales à charbon,
03:11 et là c'est la planète et c'est nous qui prenons en pleine face.
03:13 - Bien. Mais pourquoi êtes-vous critique avec le rapport, avec ce que dit Antoine Armand ?
03:19 - Il faut toujours... - Lorsqu'il parle de mur énergétique français.
03:21 - Il faut toujours être critique, rien n'est parfait.
03:23 Déjà, il faut saluer quand même cette commission d'enquête parce que c'est 200 heures d'audition.
03:27 Alors je ne sais pas si vous avez tout écouté, moi j'en ai écouté les trois quarts à peu près.
03:31 - Non, non, mais j'ai lu Antoine Armand.
03:33 - Il faut lire le livre. Et écoutez, c'était passionnant.
03:36 On a quand même une bonne rétrospective de ce qui s'est passé.
03:40 Ensuite, il y a eu le rapport. Alors attention, parfois, les vieux réflexes reviennent.
03:46 On parle parfois beaucoup d'électricité, pas assez d'énergie fossile.
03:49 Et c'est très français, alors que deux tiers de notre consommation énergétique,
03:54 c'est les énergies fossiles. Donc on a quand même passé 30 ans...
03:57 - Nous restons terriblement dépendants à l'énergie fossile.
04:01 - Et c'est ça la crise énergétique. Il n'y a personne qui vous dit qu'il y a trop d'énergie renouvelable
04:04 et que c'est ça qui a causé la crise énergétique.
04:06 Donc moi, là où j'ai quand même quelques critiques à adresser, c'est attention,
04:10 le nucléaire a toute sa place, mais pas toute la place.
04:14 Et qu'il faut penser à cette partie du mix énergétique qu'on n'adresse pas,
04:17 qui est les énergies fossiles. Et ça, comment est-ce qu'on s'en sortira ?
04:20 Effectivement, avec de la sobriété, de l'efficacité, avec de l'électrification.
04:25 Il va falloir faire progresser l'électricité dans notre économie.
04:28 Mais attention, on ne pourra pas tout électrifier.
04:30 Donc il faut traiter aussi le reste par les débiots gaz, par les débiots carburants et autres.
04:34 Il y a une chose que j'ai beaucoup aimé dans le livre d'Anton Armand,
04:37 c'est quand vous listez les six erreurs majeures qui ont été commises.
04:41 J'ai trouvé ça très très intéressant.
04:43 Alors je vais les énoncer, ces six erreurs majeures, sous estimation de nos besoins en électricité.
04:50 C'est vrai que nos politiques anciens ont sous-estimé nos besoins en électricité.
04:54 On a longtemps, et vous l'avez dit, opposé le nucléaire et les renouvelables.
04:58 Et on continue encore à opposer le nucléaire et les renouvelables.
05:01 Toujours des débats, encore des débats pour opposer.
05:06 Notre parc nucléaire, qui n'a pas été prolongé,
05:10 qui n'a pas été entretenu suffisamment, qui n'a pas été renouvelé...
05:14 - On ne peut pas dire ça.
05:15 Non, on ne peut pas dire qu'il n'a pas été entretenu suffisamment.
05:18 Non, ça je ne peux pas laisser dire ça.
05:19 Il a été entretenu, ensuite il n'a pas été renouvelé.
05:24 C'est-à-dire qu'on a lancé qu'un seul EPR.
05:25 Mais attention, ça ce n'est pas que le politique.
05:28 Il y a aussi eu quelques déboires sur les EPR.
05:31 Des débriefs de budget, des débriefs de planning.
05:33 - On comprend aussi peut-être pourquoi on a ralenti, non ?
05:36 - On a eu du mal à prendre des décisions.
05:38 - C'est ce que j'appelle dans le livre, et c'est pour ça que vous parliez d'erreur politique au début.
05:42 Erreur politique, ça concerne les élus,
05:43 mais ça concerne aussi toute la société à un moment, des choix collectifs.
05:47 C'est pour ça que dans le livre je parle de l'illusion de l'abondance.
05:49 Et que bien sûr dans le livre, je raconte les auditions de Ségolène Royal, de Nicolas Hulot,
05:54 il y a des choses, vous lisez, vous vous dites "ce n'est pas possible que quelqu'un ait dit ça".
05:57 Mais pourquoi j'ai écrit ce livre ?
06:00 - J'ai pas écrit ce livre pour critiquer Ségolène Royal.
06:02 - Des erreurs de Ségolène Royal.
06:04 - Mais j'ai pas écrit ce livre pour critiquer Ségolène Royal.
06:06 - Non, non, mais j'ai compris.
06:07 - Parce que je pense que les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.
06:10 Et que si on ne se rend pas compte aujourd'hui que l'abondance, d'une certaine manière en énergie, c'est fini,
06:15 que si chacun ne se rend pas compte qu'il a la capacité d'économiser de l'énergie,
06:19 les mêmes causes entraîneront les mêmes effets,
06:20 on manquera d'énergie demain, on n'aura pas assez d'énergie décarbonée.
06:24 Et ça va dans le sens de ce que disait Nicolas Goldberg, je vais vous donner un seul exemple.
06:27 On a beaucoup parlé d'énergie renouvelable électrique, les éoliennes, les panneaux voltaïques,
06:32 on en parle tous les jours, est-ce que les gens acceptent, est-ce que ça suffit ?
06:34 On parle jamais, par exemple, des énergies thermiques,
06:37 du fait que les réseaux de chaleur peuvent se développer dans plein de communes en France,
06:40 choper, si vous me passez l'expression, la chaleur du sous-sol,
06:43 et faire tourner à l'énergie renouvelable des réseaux de chaleur.
06:46 - C'est-à-dire qu'on n'a pas créé de filières industrielles.
06:49 - Vous avez tout dit.
06:50 - On a tout dit.
06:51 - On a les politiques, enfin, quand on est un responsable politique,
06:55 on doit prévoir l'avenir, c'est le rôle, me semble-t-il, d'un responsable politique.
07:00 Mais là, en lisant votre livre, on s'aperçoit qu'aucun responsable politique n'a prévu l'avenir.
07:06 - Alors, oui, mais l'avenir...
07:08 - Je suis assez sévère, peut-être.
07:09 - On peut être sévère, on peut être sévère.
07:11 Et aujourd'hui, moi, je serai aussi sévère sur la situation actuelle,
07:13 parce qu'il y a un constat qui a été fait par cette commission d'enquête,
07:16 il y en a une autre au Sénat à laquelle je serai auditionné mardi,
07:20 mais on n'a pas de programmation énergétique mise à jour, aujourd'hui.
07:24 Il y a un projet de loi "Souveraineté énergétique" qui devait arriver au Parlement,
07:28 dans lequel il y avait les objectifs nucléaire, renouvelable, économie d'énergie et autres,
07:33 et là, petit à petit, on est en train de déshabiller ce projet de loi en disant
07:36 "non, finalement, on ne va pas faire de programmation énergétique",
07:38 et ça, c'est dangereux.
07:39 - L'énergie n'a pas suffisamment sa place, pardon, comme le logement...
07:43 - Il faut en débattre au Parlement, et il faut avoir des objectifs précis
07:46 et mettre à jour cette programmation énergétique pour dire
07:48 qu'on a besoin de produire plus, on a besoin d'électrifier,
07:51 on a besoin d'économie d'énergie, et on a besoin d'adresser ce mix énergétique hors électricité.
07:55 - Antoine Armand, j'ajouterais encore deux erreurs.
07:58 La première, c'est qu'on a quand même subi les décisions européennes.
08:02 C'est-à-dire qu'on a été tributaires trop, peut-être, de certaines décisions européennes.
08:08 Je parle de décisions géostratégiques, géopolitiques, par exemple.
08:12 Et puis, la recherche.
08:16 Peut-être qu'on n'a pas consacré suffisamment d'efforts à la recherche énergétique.
08:21 - Totalement. Sur l'Europe, quand même un mot.
08:24 Parce que j'ai beaucoup critiqué le cadre européen de marché tel qu'il existait,
08:28 tel qu'on l'a vécu l'année dernière, et puis les mécanismes qui existaient.
08:31 Mais je veux quand même rappeler les faits.
08:34 D'abord, tout ce qu'on décide au niveau européen, c'est acté par la France.
08:38 Et deuxièmement, il y a énormément des mécanismes de marché qu'on a subis,
08:41 et qu'on subit encore, qui ont été des mécanismes votés par les parlementaires français
08:45 en 2008, en 2009, en 2010.
08:48 - On a subi les accords gaziers passés entre l'Allemagne et la Russie, on a subi un temps.
08:53 - On a subi... Je vais vous dire quelque chose.
08:55 Si aujourd'hui en France, on avait un parc nucléaire qui produisait autant qu'au début des années 2000,
09:00 et qu'on avait construit les énergies renouvelables qu'on devait construire selon les objectifs,
09:04 non pas que l'Europe, mais que nous nous étions fixés,
09:07 on n'aurait pas de problème de prix et on n'aurait pas de problème d'énergie.
09:10 Et ça, c'est quand même très important de le dire, parce que l'Europe, elle a bon dos.
09:14 Elle a bon dos quand il s'agit de se disculper de nos propres problèmes.
09:17 - Je vais vous dire quelque chose.
09:19 Entre 2000 et 2022, la France a retiré plus de nucléaire dans son système électrique que l'Allemagne.
09:25 Pas parce qu'on a fermé des réacteurs, mais parce qu'on a eu un problème de production sur le parc,
09:29 on a eu un défaut générique.
09:30 Et à ce moment-là, on était bien content d'avoir les énergies renouvelables,
09:33 parce que les énergies renouvelables ont un système de régulation qui font qu'elles vendent à prix fixe.
09:37 Donc quand les marchés s'envolent, les énergies renouvelables vendent sur le marché,
09:40 mais c'est à prix fixe, et donc c'est l'État qui récupère l'argent.
09:43 Et c'est comme ça qu'on a alimenté les boucliers terrestres.
09:46 - Alors, ce qu'il faut savoir...
09:47 Qu'est-ce que vous voulez dire, Antoine Armand ?
09:48 - Je voulais vous dire parce que vous parliez de politique tout à l'heure,
09:52 et en fait, et souvent on ne lit pas les deux, vous parliez de recherche et de politique.
09:56 Qu'est-ce que ça veut dire, investir dans la recherche nucléaire de quatrième génération,
10:00 dans le stockage de l'énergie pour les énergies renouvelables ?
10:02 Moi, je pense que ça a un sens politique.
10:04 Ça veut dire avoir confiance dans l'avenir de son pays.
10:07 Aujourd'hui, quand vous investissez dans la recherche, on vous dit
10:09 "ce truc ne marchera jamais, les Américains n'en doubleront".
10:12 Aujourd'hui, les Américains viennent faire leur marché en France, dans les start-up françaises.
10:16 Les Chinois regardent ce qu'on fait, parce que la France garde une recherche forte,
10:19 - Et viennent chercher les ingénieurs français et les chercheurs français.
10:23 - Et donc, avoir confiance dans son avenir, avoir confiance dans la France,
10:26 c'est aussi se dire "cette recherche, elle peut donner, demain, après-demain, des résultats".
10:29 - Je voudrais préciser encore une chose pour les auditeurs,
10:31 c'est que les deux tiers de la consommation énergétique française sont importés.
10:37 - Sont importés et sont fossiles.
10:39 Et c'est bien ça le grand problème, c'est qu'on a une électricité...
10:42 5 principaux fournisseurs de pétrole à la France, qui sont le Kazakhstan,
10:49 les Etats-Unis, il faut le savoir quand même, on importe énormément de pétrole américain,
10:54 l'Algérie, le Nigeria et la Libye.
10:56 - Ça c'est plutôt sur le gaz, je pense.
10:59 - C'est sur le gaz ou sur le pétrole ?
11:01 - C'est surtout sur le gaz qu'on apporte des Etats-Unis.
11:05 - Mais j'ai vu que le Kazakhstan, d'ailleurs, dites-moi, le Kazakhstan c'est extraordinaire,
11:09 on importe du gaz du Kazakhstan, on importe du pétrole du Kazakhstan,
11:12 et on importe de l'uranium du Kazakhstan.
11:14 - De l'uranium brut, qu'on pourrait acheter au Canada et en Australie.
11:18 - Oui, sur les trois grands producteurs mondiaux.
11:21 - Ce que vous décrivez très bien, c'est le refus de la facilité.
11:26 C'est-à-dire que les gens qui vous expliquent que demain la souveraineté énergétique de la France sera totale,
11:31 qu'on aura besoin de rien n'importe où, c'est pas vrai.
11:35 Et ceux qui vous disent "on est pour le nucléaire", ils ont tout à fait raison,
11:38 j'ai les soutiens, mais on va avoir du mal à construire de réacteurs nucléaires avant 15 ans.
11:42 Et donc si demain vous voulez réduire votre consommation de gaz russe au hasard,
11:46 ou de charbon allemand au hasard,
11:49 la meilleure façon c'est d'installer dès demain des énergies renouvelables sur notre sol.
11:53 Ça c'est concret, c'est pragmatique et c'est souverain.
11:55 Et ça passe par une filière industrielle.
11:57 - Oui mais c'est entendu, ça c'est entendu, ça passe par une filière.
12:00 Le problème c'est qu'il faut construire une filière, il faut créer une filière industrielle.
12:03 On est déjà en route, mais peut-être pas suffisamment.
12:06 - Mais sur l'éolien offshore, on commence à avoir quelque chose,
12:10 on a démarré un peu après les autres, et on commence à construire quelque chose.
12:13 - Mais c'est contesté, vous avez vu, c'est contesté.
12:15 - Mais tout est contesté, le nucléaire aussi est contesté,
12:17 tout est contesté parce que 2/3 de notre système énergétique est invisible,
12:20 parce qu'il est importé.
12:21 Donc forcément, vous commencez à le contester quand certains jouent à la géopolitique
12:25 et à vous faire payer plus cher, mais sinon vous le contestez pas.
12:28 Et là le problème c'est que la transition énergétique...
12:30 - C'est-à-dire qu'on veut bien se chauffer, on veut bien, bien,
12:34 mais surtout pas avoir le moindre inconvénient près de chez soi.
12:38 - Voilà, et en fait, la transition énergétique...
12:40 - C'est comme les prisons, on veut au conseil d'hôpital, mais jamais près de chez soi.
12:42 - Et la souveraineté énergétique, la sécurisation de nos approvisionnements,
12:45 ça va passer par rendre une partie de notre système énergétique,
12:48 qui aujourd'hui est invisible, visible.
12:50 Donc c'est ça, relocaliser, et c'est ça la sécurité d'approvisionnement,
12:53 la souveraineté, alors on dit, la souveraineté ça veut pas dire qu'on va arrêter les échanges,
12:57 mais ça veut dire qu'on maîtrisera un peu mieux notre destin énergétique,
13:01 et ça, ça passera par des installations visibles chez nous.
13:03 - L'IGA 44, c'est passionnant, à tout de suite.
13:05 - Près chez Bourdin, 9h10, Jean-Jacques Bourdin.
13:08 - Nous sommes là aussi pour souligner nos contradictions.
13:11 J'imagine, on a besoin, on a besoin d'énergie, on a besoin d'énergie propre,
13:15 on a besoin de se chauffer, on a besoin de faire tourner nos usines,
13:19 on a besoin de rouler avec nos voitures.
13:22 Imaginons que nous ouvrions une mine d'uranium en France.
13:26 Non mais j'imagine le scandale, non ?
13:28 - Des mines d'uranium, on en a eu en France,
13:33 après les gisements n'étaient pas aussi riches que ceux qu'on peut trouver ailleurs,
13:36 au Niger, au Canada et autres,
13:38 mais effectivement, une partie de la sécurité d'approvisionnement,
13:42 ça se fait via l'ouverture de mines, pas que en France, dans toute l'Europe,
13:47 et notamment par exemple de mines de lithium,
13:49 il y en a une qui devrait ouvrir dans l'allier.
13:51 Le lithium, ça vous sert à faire quoi ?
13:53 Ça vous sert à faire des batteries, des batteries de téléphone portable,
13:56 mais également des batteries pour les véhicules électriques,
13:59 et il faut l'extraire du sous-sol, mais il faut aussi la raffiner,
14:01 parce que c'est pas juste...
14:02 - Vous croyez que ça va être contesté ?
14:04 Ou ça va être contesté, il va y avoir une ZAD ?
14:06 - Ça va l'être, c'est ce que vous appelez nos contradictions.
14:10 Et on a le même débat de la souveraineté énergétique à la souveraineté agricole.
14:15 C'est qu'en fait, j'ouvre mon livre par un passage que j'ai beaucoup aimé
14:19 de l'audition de Jean-Marc Jancovici, qui dit, pour le faire simplement,
14:22 sans énergie, il n'y aurait pas de ville,
14:24 parce qu'il n'y aurait pas de camions,
14:26 il n'y aurait pas de transport pour acheminer et permettre cette concentration urbaine.
14:29 Donc quand on dit "rendre l'énergie visible",
14:31 c'est ça, c'est que chacun comprenne que ce qui lui permet de vivre au quotidien,
14:36 c'est de l'énergie, et en l'occurrence, c'est de l'énergie qui vient d'ailleurs,
14:38 ou qu'on importe directement, ou avec des combustibles, des carburants,
14:41 des matériaux qui sont extraits, raffinés à l'autre bout de la planète.
14:45 Et donc, quand on ouvre dans l'allier une mine de lithium,
14:48 qui va nous permettre notamment pour les batteries de fer, d'avoir les matériaux,
14:52 on fait un progrès, on se met en cohérence.
14:54 Et il faut qu'on trouve collectivement les moyens de pousser ça.
14:57 - Donc si l'on peut, il faut en ouvrir ailleurs !
15:00 - Est-ce qu'on a des réserves ?
15:02 Est-ce que la France, c'est un pays où il y a des "réserves énergétiques" ?
15:07 - Il y a certaines réserves énergétiques.
15:10 Il y a certaines réserves énergétiques, bien évidemment,
15:12 il y a de l'uranium dans le sol, mais il y en a aussi à la surface.
15:14 Ça veut dire qu'on a beaucoup d'uranium qui est entreposé en surface
15:18 et qu'on pourrait retraiter.
15:19 Et c'est là qu'on fait le lien avec la souveraineté énergétique
15:22 et la sécurité d'approvisionnement, et toute l'économie circulaire.
15:25 Il y a une partie des matériaux stratégiques qui se recyclent,
15:29 et qu'il faudrait recycler, c'est ce qu'on appelle la production secondaire.
15:31 Par exemple, les terres rares, on n'en raffine pas chez nous,
15:34 on pourrait en garder sur notre territoire et dire qu'il faut la retraiter
15:38 pour pouvoir sécuriser une partie de notre approvisionnement.
15:41 C'est pareil sur l'agriculture.
15:42 Qui va produire la biomasse et tout le biomethane agricole
15:46 dont on aura besoin demain ?
15:47 Eh bien, ça, c'est les agriculteurs.
15:48 Et moi, j'ai rencontré des agriculteurs qui nous disaient...
15:51 Moi, j'y croyais pas trop, puis l'énergie, c'était pas mon truc.
15:54 Et en fait, moi, je faisais ça à la base pour avoir ce qu'on appelle le digestat,
15:57 qui est une forme d'engrais naturel qu'ils peuvent remettre dans leur champ
16:00 sans acheter trop d'intrants de synthèse.
16:02 Et donc là, ils me disent "Attendez, ça, c'est super,
16:04 parce que je mets des déchets agricoles dans un méthaniseur,
16:08 j'en sors du biomethane agricole et ça, je peux l'injecter sur le réseau,
16:11 et comme ça, ça me fait une production locale."
16:14 Et ça, c'est l'équivalent de deux réacteurs nucléaires aujourd'hui.
16:16 - Mais pour les agriculteurs, c'est fort bien,
16:18 il faut aider les agriculteurs à installer des...
16:21 Ça coûte cher ?
16:22 - Je suis celui d'un département rural où les jeunes agriculteurs
16:26 de Haute-Savoie s'engagent pour développer la méthanisation.
16:29 - La méthanisation, c'est formidable !
16:31 - Il faut le faire avec un certain nombre de contraintes et de réserves.
16:33 C'est-à-dire que les paysans, ils n'ont pas envie de devenir
16:36 des producteurs d'énergie et d'arrêter leur métier.
16:39 - Non, mais les deux !
16:41 - Et donc, il faut un certain nombre de réserves et de critères.
16:43 - C'est-à-dire que l'énergie qu'ils vont produire va leur permettre de faire leur métier !
16:46 - Exactement, et c'est pour ça qu'on aide, qu'on accompagne les projets et les faire.
16:50 Moi, je crois beaucoup en la matière à la réplication.
16:53 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de projets en France qui existent,
16:55 qui sont remarquables, et c'est comme ça qu'on arrivera à convaincre
16:59 les agriculteurs ailleurs qu'il y a des projets qui respectent l'agriculture,
17:02 qui respectent leurs terres et leurs métiers de base,
17:04 dont ils ne veulent pas changer et on les comprend,
17:06 et qu'on peut répliquer ces initiatives, et qu'on peut passer comme ça.
17:10 Vous voyez, il y a quelques centaines de méthaniseurs en France aujourd'hui.
17:13 Si on fait fois deux, fois trois,
17:15 on va tout de suite se retrouver avec une capacité de production locale
17:18 qui ne dépendra pas de M. Poutine ou de je ne sais qui en Azerbaïdjan,
17:21 et qui permettra directement de fournir de l'énergie de manière fiable
17:24 aux agriculteurs pour leur production,
17:26 et ça, ça permet aussi de décarboner le secteur de l'agriculture.
17:29 C'est de la souveraineté, c'est de la souveraineté alimentaire et énergétique.
17:33 C'est de l'autosuffisance.
17:34 En fait, dans la stratégie nationale bas carbone, telle qu'elle est construite,
17:39 donc le plan pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050,
17:42 on s'est dit qu'il faut être neutre en carbone,
17:43 mais qu'il faut être aussi un minima autonome.
17:46 Et quel secteur va fournir les deux tiers de la biomasse
17:49 qui nous sera nécessaire pour produire suffisamment d'énergie bas carbone ?
17:52 Ce sera l'agriculture.
17:53 - Donc l'agriculture a un avenir !
17:55 - Vous voyez, c'est...
17:56 - Mais Jean-Jacques Bordias, c'est un coup de gueule du matin.
18:00 C'est-à-dire que ce débat qu'on a là, il faut qu'on l'ait partout.
18:05 Et notamment à l'Assemblée nationale.
18:07 Moi je suis quand même dans une assemblée
18:09 où la moitié des gens ne veulent pas entendre parler de renouvelables,
18:12 et l'autre moitié ne veut pas entendre parler de nucléaires.
18:15 Il a fallu qu'on sépare la loi en deux pour qu'elle passe.
18:19 Enfin, je veux dire, il y a quand même un moment...
18:20 Quand on connaît les ordres de grandeur,
18:22 au fond derrière c'est des ordres de grandeur,
18:23 de souveraineté, vous parliez de production.
18:25 Quand on connaît les ordres de grandeur,
18:26 et si on veut vraiment réussir la transition écologique,
18:28 qui est une transition industrielle,
18:29 c'est ces sujets-là qu'il faut mettre sur la table.
18:31 Mais on n'entend pas souvent parler de biomasse et de méthaniseur,
18:34 on n'entend pas souvent parler de sobriété et de production ensemble.
18:36 Et c'est ça qu'il faut qu'on arrive à mettre devant la scène.
18:39 Parce qu'on est souvent dans les postures.
18:41 - Dans les postures !
18:41 - Et on compte sur nos députés de la majorité,
18:43 et sur le nouveau ministre Roland Lescure,
18:45 qui a officiellement été nommé comme ministre en charge de l'énergie
18:49 pour faire passer une programmation énergétique,
18:51 parce que c'est important de débattre ça à l'Assemblée.
18:53 Et même sur le nucléaire,
18:54 je vais vous dire quelque chose sur le nucléaire,
18:56 il nous faut un programme énergétique et une loi votée,
19:00 parce que dans les débats où on construit
19:02 des nouveaux réacteurs, des nouvelles installations nucléaires,
19:05 c'est beaucoup plus pratique quand vous dites
19:06 "ça a été voté, ça a été débattu au Parlement",
19:09 donc il faut des débats publics locaux,
19:11 mais il faut la légitimité du Parlement
19:13 pour pouvoir avoir un programme énergétique
19:16 qui peut être débattu et qui est légitime sur notre territoire.
19:19 - C'est pas le parlementaire que je suis qui va vous dire le contraire,
19:22 et je pense que c'est ça qui permet d'ancrer
19:24 dans la vision de long terme.
19:25 Après, l'énergie revient à l'industrie,
19:27 c'était une de mes propositions,
19:28 une de mes toutes premières propositions du rapport,
19:30 donc j'en suis satisfait parce que je pense que c'est une transition industrielle,
19:34 et qu'il y ait un peu de temps qui soit pris,
19:36 c'est pas illogique quand vous êtes une nouvelle personnalité
19:39 dans un nouveau ministère qui récupère un sujet.
19:41 En revanche, je pense qu'on va avoir besoin de cette loi,
19:43 je pense qu'on va en avoir besoin,
19:44 et aussi pour ce qu'on se disait juste avant,
19:46 parce qu'à un moment, ce sera aussi un test de cohérence
19:49 de la représentation nationale.
19:50 Que les députés, les sénateurs puissent se prononcer et dire
19:53 "si vous êtes cohérents, alors vous devrez dépasser vos positions".
19:55 - Mais moi j'en profite pour dire,
19:57 Total a 100 ans.
19:59 Vous savez que...
20:00 - La compagnie française des pétroles.
20:02 - Oui, cette année.
20:05 Total.
20:06 Au lieu de se corréler sur Total, autour de Total,
20:11 soyons exigeants avec Total,
20:13 soulignons aussi ce qu'ils font de bien,
20:15 et essayons de faire en sorte que Total
20:18 apporte encore plus à la France.
20:21 C'est ça, non ?
20:22 Moi je pense que...
20:23 Qu'est-ce que vous en pensez ?
20:24 - On aura besoin de tout le monde,
20:26 notamment sur les énergies décentralisées,
20:28 le solaire, l'éolien,
20:29 vous savez, Total fait aussi de l'éolien offshore en Écosse.
20:33 Donc ils ont peut-être des choses à faire en France aussi.
20:36 - Oui, évidemment.
20:37 - Il va falloir beaucoup investir là-dessus.
20:38 Il y a deux ans,
20:39 moi je me rappelle de M. Pouyenné qui intervenait au Congrès du gaz,
20:43 qui nous disait qu'il ne croyait pas au gaz vert, au biomethane,
20:46 et maintenant Total investit massivement dessus.
20:48 - Par contre on compte sur Total
20:49 pour que les 20 milliards de bénéfices qu'ils ont faits cette année
20:51 soient majoritairement réinvestis
20:54 dans des énergies propres.
20:55 - Il ne s'agit pas de se corréler sur les 20 milliards qu'ils font,
20:58 il s'agit de dire à Total
20:59 "utilisez vos 20 milliards pour investir".
21:01 C'est autrement.
21:03 Mais on semble-t-il qu'il faut conduire le discours, non ?
21:05 - Absolument.
21:06 On a reçu, et je le raconte dans le livre,
21:08 on a reçu Patrick Pouyenné à la commission d'enquête,
21:10 et on a parlé de beaucoup de sujets.
21:12 Moi j'insiste, en plus de ce que vient de dire Nicolas Goldberg,
21:15 que je partage,
21:16 sur un sujet qui est la sécurité d'approvisionnement.
21:18 Qu'est-ce qui s'est passé l'hiver dernier ?
21:19 Quand on a voulu se couper de l'approvisionnement du gaz russe,
21:23 et qu'on est passé au gaz américain,
21:24 on s'est rendu compte qu'on avait un problème d'infrastructure.
21:27 On n'avait pas assez d'infrastructure pour stocker le gaz,
21:30 pour le distribuer d'ailleurs au niveau européen,
21:33 parce qu'on sortait de cette logique de fossiles.
21:36 Et c'est une très bonne chose,
21:37 mais c'est cet équilibre à trouver
21:38 entre sécurité d'approvisionnement et transition écologique.
21:41 Parce que si vous dites aux gens
21:43 "dans 5 ans il y a un blackout,
21:44 et on manque de gaz et de pétrole,
21:46 et les hôpitaux vont être coupés pendant 5 heures
21:48 parce qu'on n'a pas prévu la sécurité d'approvisionnement,
21:50 parce qu'on était un peu optimiste sur l'écologie",
21:52 je ne pense pas que ce sera très accepté.
21:54 - Merci à tous les deux, c'était passionnant.
21:55 Vraiment passionnant.
21:57 Merci à tous les deux.
21:57 Je rappelle le titre de votre livre, Antonin Armand,
22:00 "Le mur énergétique français à lire",
22:02 le rapport accablant sur 30 ans d'erreurs politiques chez Stok.
22:05 Il est 9h56, merci.
22:07 Tout de suite après les infos,
22:10 Sud Radio Média, Valérie Rexper, Gilles Gansman reçoivent
22:12 Christophe Dechavanne pour son livre "Sans transition".