C'est un réalisateur français mondialement connu, auteur de nombreux films à succès, "L'ours", "L'amant", "Stalingrad" ou encore "Le nom de la rose", ce polar médiéval qui ressort mercredi en salles en version restaurée, 38 ans après sa sortie. Jean-Jacques Annaud est l'invité événement de RTL.
Regardez L'invité de RTL Soir du 19 février 2024 avec Marion Calais et Cyprien Cini.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Marion Calais, Alexandre de Saint-Aignan, Cyprien Sini, RTL bonsoir.
00:09 RTL bonsoir, continue avec toute la bande Cyprien et nos deux Alex et avec notre grand invité qui est un réalisateur
00:17 français mondialement connu, j'ai nommé Jean-Jacques Annaud, bonsoir,
00:20 auteur de nombreux films à succès,
00:23 l'ours, l'amant, Stalingrad ou encore le nom de la rose, ce polar médiéval qui ressort ce mercredi en salle en version
00:30 restaurée, 38 ans après sa sortie.
00:33 Musique
00:39 inoubliable, on avait frissons avec m'entendre. On va quand même rappeler l'intrigue, le nom de la rose c'est une enquête au coeur d'une abbéie du
00:45 nord de l'Italie, dans la première moitié du 14e siècle, l'abbaye où plusieurs moines sont retrouvés morts. Et l'enquête est menée par un certain
00:52 Guillaume de Basquerville accompagné de son novice atzot, deux personnages incarnés par Sean Connery et un tout jeune, presque tout frêle
00:59 Christian Slater. 38 ans après, donc, ressort cette version
01:03 restaurée et c'est d'autant plus un événement qu'on ne pouvait plus voir le film depuis des années, on l'a cherché sur les plateformes par exemple,
01:09 on ne l'a pas trouvé, pour quelle raison Jean-Jacques Annaud ? Une raison qui m'a rendu très triste,
01:14 un combat ridicule d'ayant droit,
01:19 qui pensait être assis sur un tas d'or et il y avait une seconde raison,
01:22 on m'avait proposé de faire une version télévisée,
01:26 c'était le désir d'Umberto Eco, mais moi j'étais hors de question de faire une série télévisée avec d'autres acteurs que Sean Connery, Christian Slater,
01:33 Valentina Vargas ou Ron Perlman, donc j'ai décliné.
01:37 Mais du coup il devait rembourser la série et je pense que c'est une des raisons pour lesquelles le film a été
01:43 neutralisé pendant des années.
01:46 Et là je suis très heureux parce que grâce à l'intervention de Stefano Eco, qui est le fils d'Umberto,
01:51 et qui était un de mes stagiaires sur mon film,
01:55 il s'est battu avec les éditeurs italiens pour que le film ressorte en tout cas en France.
02:00 Malheureusement ce film qui a été un très grand succès en Allemagne, en Italie, au Japon, etc. est toujours bloqué.
02:07 - C'est juste pour la France là ?
02:09 - La France et quelques territoires. - On a de la chance alors.
02:11 - Bon, cette version restaurée du film, ça va changer quoi pour le spectateur ?
02:16 C'est quoi ? Les images qui ont été retravaillées c'est ça ?
02:18 - Non, elles ne sont pas retravaillées, elles sont tout simplement sorties du négatif original.
02:22 Et c'est beaucoup plus beau aujourd'hui et plus conforme à ce que j'ai filmé
02:27 que les copies d'autrefois. Je vous explique pourquoi. Le négatif était une pellicule très chère,
02:32 très pointue, très fine, très riche en colorimétrie.
02:37 Mais quand on imprimait ça sur un positif 35 mm pas cher,
02:41 très contraste, ce qui était très mauvais pour la colorimétrie.
02:46 Moi j'ai redécouvert mon film à Bologne, figurez-vous, sur la place
02:50 de cette ville magnifique avec 4 400 personnes, 4 500 personnes.
02:55 Et j'ai été surpris de retrouver véritablement... J'étais comme sur le plateau.
03:00 Je voyais la même profondeur des détails, je voyais du détail dans les ombres,
03:05 je voyais du détail dans les ciels.
03:08 En 35 mm, vous avez le choix entre l'avant-plan qui est un peu sombre
03:14 et vous faites exploser le ciel, ou au contraire vous vous dites "le ciel c'est important"
03:18 mais vous ne voyez plus les acteurs. Et là, ce n'est pas du tout le cas.
03:21 En plus de ça, il y a un très beau travail qui a été fait sur la musique.
03:24 Et le film ressort donc dans différentes versions,
03:27 en DVD, peut-être pas en DVD mais en tout cas en Blu-ray, et en 4K.
03:34 - Et donc la musique a été retravaillée ?
03:36 - Elle n'a pas été... On a repris la bande originale, mais vous savez,
03:40 c'est une bande originale qui avait elle-même une originalité.
03:44 Comme je voulais une musique qui soit médiévale sans lettres,
03:50 je voulais des instruments médiévaux mais des thématiques qui soient plus modernes.
03:54 Le problème, c'est que les instruments du Moyen-Âge,
03:57 il n'y a plus grand monde qui sait jouer de la viol à rouet, etc.
04:00 Et s'ils savent en jouer, ils ne savent pas lire les partitions.
04:03 Et s'ils savent lire les partitions, ils ne peuvent pas jouer ensemble.
04:07 Donc ce qu'on a fait avec James Horner, c'est de faire venir d'Australie
04:12 un système qui s'appelait, je crois, Fairlight.
04:14 C'était des camions. On a fait du sampling à l'époque.
04:18 On est allé dans les musées d'instruments médiévaux.
04:22 On les a enregistrés séparément.
04:24 Et on a combiné tout ça pendant des heures et des heures et des nuits.
04:29 Et figurez-vous qu'il y avait un type devant l'oscilloscope,
04:32 une espèce de machine avec un petit écran vert et une courbe,
04:36 comme à l'hôpital, j'ai envie de dire.
04:39 Et ce type, je le rencontre plus tard, c'est Hans Zimmer.
04:44 Et je me présente à lui. Je lui dis...
04:46 Il me dit "mais on se connaît très bien, Jean-Jacques,
04:48 on a passé deux mois ensemble à Munich".
04:50 Mais moi, je ne le voyais pas, il était tout le temps de dos.
04:53 Il était devant son oscilloscope.
04:58 Ce nom de la rose, Jean-Jacques Annaud, il est adapté du livre d'Umberto Eco.
05:03 Au moment où vous le lisez, on est au début des années 80.
05:07 Vous êtes déjà en train de préparer le film "L'ours",
05:11 de travailler sur sa réalisation, mais vous laissez tout tomber
05:14 pour vous lancer dans son adaptation.
05:17 Alors, je ne laisse pas tout tomber. J'ai un problème.
05:19 J'ai un ours qui a besoin de plusieurs années de dressage.
05:24 Il avait en particulier peur des poissons.
05:27 Donc il y avait une scène où il devait tuer les truites.
05:30 - Un ancien ! - Un discamére de bosquins !
05:33 - Mais attendez, ça a duré un an.
05:35 On avait sur le budget du film un pêcheur à la ligne
05:38 qui pêchait tous les jours une truite vivante.
05:40 Et on le mettait dans un bassin qu'on avait creusé
05:42 dans le parc où il était, à Heber, au sud,
05:46 je crois que c'est au sud de Salt Lake City.
05:48 J'allais le voir de temps en temps, mon ours.
05:50 Et dès qu'on lui mettait ce poisson,
05:53 il se réfugiait dans sa petite cabane
05:56 et ne ressortait que quand le poisson était mort.
05:58 - Donc il fallait l'habituer.
05:59 Vous avez profité de ce temps-là pour adapter le livre d'Uberto Eco.
06:03 Ça a été un coup de foudre immédiat avec cette histoire ?
06:06 - Oui, un coup de foudre immédiat.
06:07 En fait, vous savez, j'avais aussi un petit peu peur.
06:10 Je venais de faire un film qui avait fait un grand succès
06:12 qui était "La guerre du feu".
06:14 Un film un peu barbare, si vous voulez.
06:16 Un film sur l'homme à l'époque où il est presque encore un peu animal.
06:21 Et j'avais peur qu'en passant au stade supérieur,
06:24 parce que je m'étais dit, j'ai fait un film sans paroles intelligibles
06:28 et on comprend très bien l'histoire.
06:30 Là, j'ai envie de donner le premier rôle à un animal.
06:34 Alors, évidemment, très difficile à monter.
06:37 Quand je l'ai dans les studios, on me disait "Qui joue l'ours ?"
06:40 Alors je te disais "Un ours ?"
06:42 "Quelle langue il parle ?"
06:45 "Il parle l'ours."
06:47 "Ah bon, mais qui est-ce qui est dans la peau ?"
06:49 (rires)
06:52 Et donc, il y avait ce problème que j'avais en me disant
06:56 je ne veux pas être identifié comme quelqu'un qui fait du film de sauvage.
07:00 Et parallèlement, je suis, comment vous dire, d'abord je suis héléniste.
07:07 J'ai une passion pour Aristote, figurez-vous.
07:10 - Qui est au coeur du nom de la Rose.
07:13 - Oui, voilà.
07:15 Et j'ai une très grande passion pour les lieux tultes
07:18 alors que je suis complètement athée.
07:21 Mais j'aime les lieux sacrés.
07:24 J'aime l'intérieur des mosquées, j'aime les églises orthodoxes.
07:30 Donc, quand j'ai lu un petit article,
07:34 j'étais au Caraïbes en train de faire de la promotion pour "La guerre du feu",
07:38 j'ai lu un petit article sur ce livre très singulier
07:41 qui était magnifiquement reçu par la critique italienne
07:46 et qui parlait des dangers du rire décrit par Aristote dans un livre en grec.
07:52 Bon, je me suis dit, mais ça c'est pour moi.
07:54 Et donc j'ai appelé mon copain scénariste, je lui ai dit "procure-toi",
07:58 je crois que la traduction est faite.
08:00 Il m'a rappelé trois jours après en me disant "rentre vite".
08:05 Et effectivement, moi, quand j'ai lu le bouquin,
08:08 à la page 50, j'ai appelé mon agent, je lui ai dit "écoute, est-ce que les droits sont libres ?"
08:14 Il me rappelle à la page 120 en me disant "c'est pas la peine, arrête de lire ces prix".
08:19 A la page 300, moi je le rappelle, je lui ai dit "mais qui ?"
08:23 "Qui ?"
08:24 Et il me dit "c'est la RAI".
08:26 Et à l'époque, j'étais assez gonflé, je lui ai dit "eh bien, trouve-moi un rendez-vous avec le directeur de la RAI".
08:32 Quelques jours plus tard, après la page 550,
08:36 je débarque dans le bureau à Rome d'un monsieur très chanty qui parlait bien le français
08:42 et je me dégonfle le pas, je lui dis "monsieur le directeur,
08:46 qui est le metteur en scène du film "Le Nom de la Rose" ?"
08:49 "Ah, il m'a dit, je sais pas, c'est un film très compliqué, c'est une histoire très complexe."
08:54 Je lui ai dit "attendez, ne cherchez pas, c'est moi."
08:56 J'ai dit ça avec le rire, évidemment.
08:59 Et il m'a dit "vous rencontrez Umberto Eco".
09:02 Et c'est comme ça que j'ai eu ma première rencontre avec Umberto
09:05 et que je lui ai dit un peu la même chose, je lui ai dit "écoutez Umberto,
09:09 première chose, je voudrais que ce soit vous qui ayez envie de moi,
09:13 parce que moi c'est fait, j'adore votre bouquin et je vais vous expliquer pourquoi."
09:17 Je lui ai dit "je crois être le seul metteur en scène, je pense,
09:21 qui lit Aristote dans le texte et qui relit la poétique au moins une fois tous les trois ans."
09:28 Et puis je connais à peu près 300 monastères que j'ai photographiés pendant l'enfance.
09:33 Alors tout ça c'était en rigolant bien sûr,
09:36 mais on est venu très amis avec Umberto, j'ai passé beaucoup de week-ends chez lui à Montechirigardé.
09:40 - Il paraît qu'il avait une exigence, c'était que vous tourniez en anglais,
09:44 il disait que c'était le latin du XXe siècle, c'est ça ?
09:46 - Absolument, comme Marguerite de Rasse, quand j'ai fait "L'Ament",
09:49 Marguerite après évidemment elle s'est plaint,
09:51 "le film de la revue est en français" mais non, elle jouait avec le film en anglais.
09:55 Donc effectivement, Umberto, il était très clair avec ça en disant
10:02 qu'il y a une "lingua franca", puisque autrefois la lingua franca c'était le français.
10:08 A l'époque c'était le latin, moi j'ai appris du latin parce qu'on m'a dit que
10:13 si je voulais être un scientifique de haut niveau, il fallait que je parle le latin couramment.
10:17 Et du coup j'ai appris le grec, que j'ai préféré.
10:20 C'est vrai que la plupart des auteurs aujourd'hui comprennent que
10:26 si vous restez dans une langue régionale, vous avez un public beaucoup plus restreint.
10:31 C'est simple, la France est mettons 15% du marché mondial,
10:36 je crois que c'est beaucoup moins en fait, c'est 4%.
10:38 Si vous abordez le monde entier, c'est 100%.
10:42 Quels sont les acteurs qui sont connus dans toute l'Europe ?
10:47 Ce sont les acteurs anglophones.
10:49 Et alors justement, les acteurs, on va en parler parce que le choix des acteurs,
10:54 il ne s'est pas nécessairement imposé de lui-même.
10:57 Vous allez nous raconter ça dans un instant.
11:00 Jean-Jacques Annaud, vous le réalisateur du Nom de la Rose,
11:03 le grand invité de RTL Bonsoir, on vous retrouve dans un instant.
11:06 RTL Bonsoir, la deuxième heure continue avec notre grand invité Jean-Jacques Annaud
11:19 pour la sortie en version restaurée du Nom de la Rose ce mercredi après-demain.
11:24 Alors, Umberto Eco, qui vous a inspiré ce film, un jour est venu sur le tournage
11:30 où il a donc rencontré Sean Connery, votre acteur phare.
11:34 Vous avez raconté qu'à la sortie de sa loge ou de sa caravane,
11:37 l'écrivain vous a dit "il est très compétent en football".
11:41 Il y avait du scepticisme au-delà même d'Umberto Eco sur l'idée de confier ce rôle à Sean Connery ?
11:47 Non mais attendez, c'était pire que ça.
11:49 J'étais devenu très très ami avec Umberto.
11:53 Ma démarche était la suivante.
11:55 Il m'avait dit "ce sera ton film, moi c'est mon livre, il est disponible en librairie,
12:00 toi tu fais un film, il sera visible au cinéma, ce sont deux objets différents,
12:03 fais ce que tu veux, si tu veux faire une comédie musicale, t'es le bienvenu".
12:07 Et je vais décider de comprendre l'homme et l'oeuvre
12:13 plutôt que de lui demander des histoires parallèles sur le Nom de la Rose.
12:19 Donc il m'a laissé complètement libre.
12:21 Comme je vous le disais au début, je suis allé, je sais pas, 20 fois,
12:26 passer le week-end dans sa maison de campagne, je m'entendais très bien.
12:29 Ma femme s'entendait très bien avec son épouse, c'était très familial, c'était formidable.
12:34 Et donc un jour, c'était à Milan, on sort du restaurant,
12:40 et il me dit "ah mais dis donc, au fait, t'as choisi quelqu'un pour le rôle principal ?"
12:45 Et là, je sens que le vent va tourner.
12:49 J'hésite, et puis je suis obligé de cracher le morceau, je lui dis "c'est chaud de connerie".
12:53 "Ah, non, mais c'est pas possible, ah mais non, il se retourne vers sa femme, Renate, Renate !"
12:58 C'était dans un drame sicilien, vous savez.
13:01 "Tu sais quoi, il a pris chaud de connerie, ah, dis Renate !"
13:04 Ma femme lui dit "non, Jean-Jacques l'a rencontré, il dit qu'il sera très bien lui aussi,
13:08 il avait des réticences et tout ça".
13:10 Enfin bon, je me trouve, c'est pas que... c'est pas le film en danger, c'est pas ça.
13:15 Tout simplement, ce mec que j'adore, qui est Umberto,
13:19 je lui propose un acteur qu'il trouve complètement déplacé.
13:24 - Et puis il est has-been un peu à cette période-là, chaud de connerie.
13:28 Il a fait James Bond, mais après les films se font, ont pas forcément très bien marché.
13:32 - Je raconte une anecdote tout de même.
13:34 C'est que, moi je voulais pas non plus de chaud de connerie.
13:39 - C'était qui votre premier choix ?
13:41 - C'était personne, parce que je voulais un inconnu.
13:43 Je sortais d'un film, "La guerre du feu", avec que les inconnus, et qui avait très bien marché.
13:47 J'ai toujours pensé que c'était bien de faire des films avec des gens pas connus.
13:50 Quand j'ai fait "Laman", c'était deux acteurs totalement inconnus.
13:53 J'adore ça.
13:55 Et donc, j'ai cherché à travers le monde, un homme de 60 ans,
14:00 très professionnel, très charismatique, et totalement inconnu.
14:04 Ben, je me suis aperçu, évidemment...
14:06 (rires)
14:08 Attendez, je suis allé jusqu'en Nouvelle-Zélande, voir des pièces de théâtre,
14:12 tous les pays du Nord, la Scandinavie, je suis allé au théâtre, voir des acteurs.
14:18 Je les ai rencontrés, j'ai dîné avec eux, j'ai fait le travail à fond.
14:22 - Et comment il vous a convaincu, alors chaud de connerie ?
14:24 Comment il a fini par s'imposer ?
14:26 - Eh bien, figurez-vous, qu'après avoir dit non, deux fois par mois, à son agent,
14:30 qui s'appelait Marekowicz, qui était le grand Manitou de Los Angeles,
14:35 je me trouvais à Munich, parce que j'ai pas pu financer le film en France,
14:40 comme d'habitude, j'ai envie de dire,
14:42 et donc je me suis retrouvé avec des producteurs allemands, très dynamiques.
14:46 Et j'étais en train de faire mon storyboard un lundi matin,
14:50 je dessine très mal, mais je gribouillais,
14:54 et mon producteur, Bernd Heissinger, vient me voir, il me dit
14:57 "écoute, tu vas avoir une visite tout à l'heure".
15:01 "Ah bon ?"
15:03 Et il me dit "oui, c'est chaud de connerie".
15:05 (rires)
15:07 - Ah ben, il était têtu, il a promis !
15:09 - Je lui dis "mais non, écoute, je l'ai déjà répondu 20 fois non".
15:12 Alors il me dit "écoute, justement, comme ça il t'emmerdera plus".
15:17 (rires)
15:19 Donc, 20 minutes plus tard, on cogne à la porte, je dis "entrez",
15:24 et là, stupeur, pourtant je connaissais très très bien tous ses films.
15:28 Je me dis "mais qu'est-ce qu'il est beau le mec !"
15:30 Incroyable, le charisme, la présence, la force, la puissance,
15:35 et avec sa voix magnifique.
15:37 Il portait le scénario Tsumba, mais avec sa voix magnifique,
15:40 il me dit "listen, boy".
15:43 J'étais moi, "boy".
15:45 Il s'assoit en face de moi, il ouvre le scénario, et il commence à lire.
15:50 Or, moi j'en étais, je crois, à la version 15,
15:52 donc ça faisait un an et demi que la mélodie du dialogue était dans ma tête.
16:00 Or là, c'est exactement ce que je souhaite, sauf que c'est mieux.
16:05 Et donc je l'arrête à la page 5, je descends voir mon producteur,
16:11 je dis "on l'a, c'est d'accord".
16:13 D'un seul coup, je suis emballé.
16:15 Et là, je sais pas si c'est une chose concomitante,
16:18 je reçois, genre, le lendemain, un coup de téléphone de mon agent,
16:21 qui était francophone, qui s'était très bien,
16:23 qui était à Los Angeles, chez ICM,
16:25 il me dit "une mauvaise nouvelle, une bonne nouvelle",
16:27 je lui dis "c'est quoi la mauvaise ?"
16:28 Il me dit "je peux plus être ton agent".
16:30 Alors ça, c'était pas une bonne nouvelle.
16:31 Je lui dis "la bonne nouvelle c'est quoi ?"
16:32 Il me dit "t'enfile chez Columbia et j'en deviens le président".
16:35 Donc, qu'est-ce qu'on fait, mon producteur et moi,
16:39 on file à Los Angeles, et on arrive dans son bureau,
16:43 il me dit en français "en fait, t'as choisi quelqu'un pour le rôle principal ?"
16:46 Je lui dis "chaud de connerie".
16:48 Même réaction qu'Humberto.
16:50 - Le pauvre "chaud de connerie" !
16:52 - Oh là là là là !
16:53 - Alors qu'il est incroyable.
16:54 - Oui, oui.
16:55 Mais vous savez, la beauté, c'est que, après toutes ces réactions,
16:59 alors d'abord, on a perdu notre contrat chez Columbia.
17:03 - A cause de "chaud de connerie" ?
17:04 - Ah oui, oui, parce que mon agent me dit "tu vas détruire ta carrière,
17:07 tu ne feras plus jamais un film, ça va être complètement naze".
17:10 Et il me fait une description de "chaud de connerie" que je ne pouvais pas imaginer.
17:13 Et moi je lui dis "mais non, je l'ai rencontré, il est très bien, je te jure, il va être formidable".
17:17 Bon, peu importe en tout cas, on est dans une situation assez calamiteuse, voyez.
17:23 Et la beauté de l'affaire, c'est que le jour où je dois vérifier ma copie standard,
17:29 c'est-à-dire approuver toute la colorimétrie,
17:33 j'apprends qu'Umberto, il est venu avec sa femme au labo.
17:37 Donc moi je dis "je ne peux pas vérifier la colorimétrie alors que j'ai mon ami".
17:42 - Il a vu le film ?
17:43 - Donc je le laisse voir le film.
17:46 Donc ça, on ne m'appelle même pas à la fin, donc je pense que c'est un désastre.
17:51 Je me réveille sous ma table, je vais vous laisser évoquer pourquoi, vous me devinez pourquoi.
17:56 Le matin, ça sonne, il y a les cloches lumineuses qui sonnent,
17:59 et on m'appelle au téléphone, on me dit "où étais-tu ?"
18:01 Alors je n'ose pas dire que j'étais sous la table, évidemment.
18:04 Donc on me dit "précipite-toi, il adore le film, viens vite".
18:08 Je cavale à l'hôtel, et effectivement Umberto me serre très fort dans ses bras,
18:14 et il me dit, qu'il aime beaucoup le film, mais il me dit surtout
18:18 "tu as réussi le mieux, c'est ce que je craignais le plus, chaud de connerie, et formidable".
18:22 - Finalement avec "chaud de connerie", vous partagiez ce même amour,
18:25 ce même entêtement pour cette oeuvre d'Umberto Eco.
18:28 Ce film, c'est un petit peu Sherlock Holmes au Moyen-Âge, le clin d'œil est assumé.
18:32 D'ailleurs, le moine-enquêteur Guillaume de Basquerville,
18:34 comme Sherlock, c'est l'incarnation de la raison.
18:37 Alors que dans cette abbaye, les moines estiment que l'on ne peut pas rire de tout,
18:40 et surtout pas de Dieu, qu'une partie du savoir est cachée.
18:43 Près de 40 ans après, est-ce que vous diriez que le nom de la rose est plus que jamais moderne d'actualité ?
18:48 - Mais c'est éternel !
18:50 Ce qui m'avait beaucoup touché quand le film est sorti,
18:54 c'est les queues autour des cinémas dans les pays dits de l'Est autrefois.
19:01 Le blog "Au-delà du rideau de fer" on l'appelait.
19:04 Pourquoi ? Parce que le savoir est interdit, parce que l'information est truquée.
19:10 Et donc, qu'est-ce que c'était qu'un monastère au Moyen-Âge ? On planquait les livres.
19:13 Seul le prêtre savait le latin, donc seul il pouvait lire la Bible, raconter ce qu'il voulait.
19:18 Et les autres livres étaient interdits. Pourquoi ?
19:21 Parce que comme tout était dit dans la Bible, il était inutile de lire les autres livres.
19:25 Et donc, ça c'est un sujet tout à fait passionnant et absolument éternel,
19:30 qui est aujourd'hui, on le voit bien, au centre d'un des drames que nous vivons.
19:35 Donc, quand on choisit des sujets comme ça, qui ont une éternité,
19:40 parce que le monde ne change pas, effectivement, les réseaux sociaux changent,
19:46 mais les fake news ne changent pas.
19:50 J'ai envie de dire, elles prospèrent, elles s'améliorent.
19:52 Et c'est même pire.
19:53 Jean-Jacques Hanot, vous restez avec nous dans RTL, bonsoir.
19:56 On va continuer à parler du nom de la rose qui ressort en salle mercredi.
20:01 On va parler musique aussi avec vous, Anthony Matin, bonsoir.
20:05 Bonsoir à tous.
20:06 Votre playlist ce soir ?
20:07 Alors, on écoutera du Paul Naref, mais revisité par un duo qui s'appelle Lily Wood and the Prick.
20:12 Djo Halipa est de retour avec un single qui est incroyable.
20:16 Je pense que ça sera un des tubes de l'année.
20:18 Et puis, on rendra hommage à Charles Trenet, parce qu'il nous a quittés il y a 23 ans, jour pour jour.
20:21 C'était clectique.
20:22 A tout de suite.
20:23 Marion Calais, Alexandre de Saint-Aignan, Cyprien Signy, RTL.
20:27 RTL.
20:28 [SILENCE]