• il y a 9 mois
Taux dérogatoires des cotisations sociales des assurés sociaux non fiscalement domiciliés en France
Date de rendu de la décisin : jeudi 14 mars 2024

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [Musique]
00:18 Alors bonjour, l'audience est ouverte.
00:22 Nous avons à notre ordre du jour deux questions prioritaires de constitutionnalité.
00:26 Nous allons commencer avec celle qui porte le numéro 2023-1081 et qui concerne l'article L131-9 du Code de la Sécurité Sociale.
00:40 Madame Agréfière, voulez-vous nous indiquer où nous en sommes de la procédure d'inspection ?
00:44 Je vous remercie, M. le Président.
00:46 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 décembre 2023 par un arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation
00:53 d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Premium Models
00:58 portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
01:02 de la troisième phrase du second élinéa de l'article L131-9 du Code de la Sécurité Sociale
01:10 dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la Sécurité Sociale pour 2012.
01:20 Cette question relative au taux dérogatoire des cotisations sociales des assurés sociaux non fiscalement domiciliés en France
01:27 a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2023-1081 QPC.
01:36 Mme Angéline Lecomte a produit des observations dans l'intérêt de la société Premium Models, partie requérante, le 23 janvier 2024.
01:44 Elle a par ailleurs demandé à intervenir dans l'intérêt du syndicat national des agences de mannequins
01:49 et a produit des observations les 9 et 23 janvier 2024.
01:53 Le Premier ministre a produit des observations le 9 janvier 2024.
01:57 Seront entendues aujourd'hui l'avocate de la partie requérante et de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
02:04 Merci madame. Alors nous allons donc écouter d'abord Mme Angéline Lecomte qui est avocate au baron de l'Eure
02:12 et qui représente la société Premium Models qui est la partie requérante et le syndicat national des agences de mannequins, CINAM, partie intervenante.
02:22 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous présentons devant vous aujourd'hui une QPC portant sur le traitement social
02:31 des redevances de mannequins non résidents de France mais affiliés à un régime de sécurité sociale française.
02:37 Précisément cette QPC porte ses dispositions de la troisième phrase de l'article L131-9 du Code de la sécurité sociale.
02:45 Nous considérons que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par notre Constitution, à savoir en premier lieu le principe de sécurité juridique
02:53 en raison d'une incohérence de la loi et même d'une contradiction entre deux textes législatifs portant atteinte de facto à une situation légalement acquise.
03:02 En second lieu, ces dispositions portent atteinte aux principes d'égalité devant la loi et les charges publiques en raison d'une différence de traitement,
03:10 à notre sens non justifiée, d'une part entre les personnes affiliées au régime de sécurité sociale française et d'autre part entre les personnes non résidentes fiscales de France.
03:22 L'article L131-9 du Code de la sécurité sociale, dans sa globalité, a pour objet d'instaurer des taux particuliers de cotisation d'assurance maladie à la charge de certains assurés sociaux.
03:35 Cet article est le fondement de ce que l'on appelle la cotisation d'assurance maladie à taux majoré, la COTAM.
03:42 Cet article comprend trois phrases, trois cas dans lesquels la COTAM devrait être appliquée.
03:48 Alors de quoi, de qui parle-t-on dans cet article ? La cotisation d'assurance maladie fait partie des cotisations de sécurité sociale définies à l'article L142-1 du Code de la sécurité sociale,
04:00 en ce qu'elles sont assises sur des revenus d'activité au titre de l'affiliation.
04:07 Cet article renvoie pour la définition de l'assiette à l'article L136-1.1 du Code de la sécurité sociale, qui dispose que ces cotisations sont dues sur toute somme et avantage perçue en contrepartie ou à l'occasion d'un travail.
04:26 La COTAM devrait donc s'appliquer sur un revenu d'activité tiré d'un travail ou d'une activité professionnelle.
04:33 Cette cotisation à taux majoré, à taux particulier, laisse entendre que le revenu concerné soit lui-même soumis à des cotisations d'assurance maladie à un taux de droit commun.
04:46 La COTAM devrait donc s'appliquer sur un revenu par nature soumis à une cotisation d'assurance maladie.
04:52 La cotisation d'assurance maladie à ce jour, au taux de droit commun, incombe uniquement au seul employeur, puisque la part salariale a été remplacée par la CSG sur les revenus d'activité.
05:04 Initialement, la COTAM devait donc justement s'appliquer à certains assurés sociaux, bénéficiaires de l'assurance maladie, qui échappaient à la CSG sur les revenus d'activité.
05:15 En instaurant cet article, le législateur a donc entendu que les assurés sociaux participent de manière équivalente au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie.
05:25 L'objet était donc d'équilibrer les contributions entre assurés sociaux, d'une part ceux acquittant la CSG sur revenu d'activité, et d'autre part ceux acquittant la COTAM lorsqu'ils n'étaient pas redevables de la CSG sur les revenus d'activité.
05:40 Quels sont donc les trois cas énumérés par l'article L131-9 du Code de la Sécurité sociale ?
05:47 La première phrase vise les revenus d'activité des non-résidents affiliés. Les non-résidents ne sont pas redevables de la CSG sur les revenus d'activité.
05:56 Donc, la COTAM a été instaurée pour éviter que ces personnes bénéficient de la baisse attendue des taux de la cotisation d'assurance maladie, sans subir en contrepartie la hausse de la CSG sur les revenus d'activité dont elles ne sont pas redevables.
06:10 Ainsi, elles contribuent équitablement au financement du régime d'assurance maladie au titre de leur affiliation sur leurs revenus d'activité.
06:18 C'est en ce sens que votre Conseil a déclaré cette phrase conforme sous réserve des taux pratiqués.
06:24 Cette phrase a une portée générale. Elle vise les non-résidents sur leurs revenus d'activité, quelle que soit l'activité professionnelle.
06:32 C'est donc le cas de nos mannequins qui sont concernés par cette première phrase et qui appliquent de la COTAM sur leurs revenus d'activité, c'est-à-dire la rémunération, leur prestation de présentation, la pause, la figuration, qu'elles perçoivent dans le cadre d'un contrat de travail sur présentation d'un petit temps de paix.
06:47 La deuxième phrase vise toujours des revenus d'activité, ceux qui sont exonérés d'impôts directs en France en application d'une convention ou d'accords internationaux.
06:58 A savoir que pour l'application de ces conventions, la France considère que la CSG doit être assimilée à l'impôt sur le revenu.
07:05 En effet, selon une jurisprudence constante de votre Conseil et du Conseil d'État, la CSG et la CRDS sont des impôts sur le revenu qui relèvent de la catégorie des impositions de toute nature.
07:15 Par conséquent, ces contributions sont par principe couvertes par les dispositions des conventions fiscales visant à éliminer la double imposition.
07:23 Dès lors, un revenu exonéré d'impôt sur le revenu en France en application des engagements internationaux ne peut pas être soumis à la CSG en ce qu'il s'agit d'un impôt.
07:33 C'est ainsi que votre Conseil a été saisi par des députés et sénateurs qui considéraient notamment que cette cotam, dans le cas d'espèces, était ni plus ni moins que de la CSG clandestine,
07:44 qui entraînait donc un manquement de la France à ses engagements internationaux. Cette phrase a été déclarée contraire à la Constitution par votre Conseil.
07:52 On relève que cette phrase est également de portée générale et ne cible pas de personnes en particulier ni de revenus en particulier, si ce n'est les revenus d'activité des affiliés.
08:02 On en arrive à notre troisième phrase concernée par la QPC. Elle vise le cas spécifique des redevances des maintiens artistes et sportifs professionnels.
08:14 Pas n'importe quel cotisant, pas n'importe quel revenu. Cette disposition est à notre sens totalement incompréhensible. Pourquoi ?
08:21 A l'occasion de l'adoption de la loi de financement de sécurité sociale pour 2012, le législateur est venu clarifier justement la situation des redevances
08:29 en déclarant que ces redevances sont des revenus de patrimoine. Ces redevances constituent la rémunération due aux mannequins à l'occasion de la vente ou l'exploitation de l'enregistrement de sa présentation.
08:42 Et d'après les termes de l'article L71-23-6 du Code du travail, cette rémunération, les redevances, n'est pas considérée comme du salaire.
08:52 Je cite également dans mon mémoire les extraits des travaux parlementaires du Sénat à l'occasion de l'adoption de cette loi de financement de sécurité sociale pour 2012,
09:00 notamment Mme Morin de Sailly qui déclare que ces redevances ne sont jamais la contrepartie d'un travail.
09:06 Elles constituent un droit patrimonial, un droit de propriété intellectuelle, elles rémunèrent un droit à l'image.
09:13 Par conséquent, c'est l'objet de la loi de financement de sécurité sociale pour 2012, ces redevances doivent être par nature soumises aux prélèvements sociaux sur les revenus de patrimoine.
09:22 Depuis la loi de financement de sécurité sociale pour 2012, on considère donc que les royalties, les redevances, sont donc exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
09:34 C'est précisément les termes de la circulaire du 20 avril 2012.
09:39 On a un problème, c'est que les non-résidents ne sont pas redevables de la CSG, donc on va leur appliquer la COTAM.
09:46 C'est le même esprit que la deuxième phrase que vous avez déclarée inconstitutionnelle, c'est de la CSG clandestine.
09:51 Sauf que là c'est pire, on n'a pas de CSG sur les revenus patrimoine, donc on va appliquer de la COTAM sur les revenus d'activité.
09:59 C'est là qu'on en arrive à une incohérence, à une contradiction de la loi qui applique le traitement social des revenus patrimoine pour les résidents et le traitement social des revenus d'activité pour les non-résidents.
10:12 Ainsi que l'a souligné le président du tribunal judiciaire de Paris qui a transmis la QPC à la Cour de cassation,
10:19 il apparaît donc légitime de s'interroger sur la différence de nature des revenus perçus par les mannequins et la différence de traitement social y afférent,
10:28 selon que ces mannequins remplissent ou non le critère de résidence fiscale et sur la justification de cette différence de traitement par un objectif d'intérêt général.
10:36 Sur l'atteinte au principe de sécurité juridique, je cite dans mon mémoire des extraits des fiches de sûreté et sécurité juridique établies par Wikipédia,
10:45 à savoir "la sécurité juridique est un principe de droit qui a pour objectif de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, en particulier les incohérences.
10:54 Le non-respect du principe de sécurité juridique est ainsi susceptible de provoquer des ruptures d'égalité".
11:01 Ce qui nous renvoie au développement qui se trouve sur le principe d'égalité.
11:05 Également sur le fondement de ce principe de sécurité juridique, votre conseil a précisé, je cite,
11:11 "que le législateur ne saurait sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises,
11:18 ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations".
11:24 En l'espèce, le mannequin non résident pourrait considérer qu'il est légalement acquis des dispositions de l'article L71-23-6 du Code du Travail et L241 du Code de la sécurité sociale
11:38 que ses redevances ont la nature de revenus patrimoine et qu'elle devrait pouvoir prétendre à ce que la loi applique le traitement social des revenus patrimoine.
11:47 Au même titre que les résidents.
11:49 Le mannequin non résident pourrait également considérer qu'il est légalement acquis des dispositions de l'article L136-6 et L242-1 du Code de la sécurité sociale
12:00 qu'en qualité de non résident, il ne devrait jamais être soumis à des prélèvements sociaux sur un revenu de patrimoine,
12:07 non soumis à l'impôt sur le revenu et encore moins à des cotisations sociales.
12:13 Sur l'atteinte au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques.
12:17 Je cite cette fois dans l'émoi des extraits de la fiche du principe d'égalité en matière fiscale établie par votre conseil.
12:24 Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur instaure des différences de traitement pourvu qu'elles soient en rapport direct avec l'objet de la loi qu'il établit.
12:35 La différence de traitement doit être justifiée, elle ne doit pas être artificielle, ce qui n'est pas sans moyen un contrôle de rationalité.
12:42 En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose.
12:52 La différence de traitement est la suivante.
12:56 L'article L131-9 du Code de la sécurité sociale prévoit donc l'application de cotisations de sécurité sociale sur des revenus de patrimoine de certains mannequins non résidents.
13:07 Cette différence de traitement porte atteinte d'une part au principe d'égalité, donc sécurité juridique comme je l'indiquais,
13:14 mais également au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques entre les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale,
13:21 puisque les affiliés cotisent par principe sur leurs seuls revenus d'activité.
13:25 Il n'y a que le mannequin qui cotise sur ses revenus d'activité déjà un taux majoré, mais en plus sur ses revenus de patrimoine.
13:34 Nous avons également une rupture d'égalité entre les personnes non résidentes,
13:38 puisque aucun non résident n'est soumis à cotisation de sécurité sociale, ni même à prélèvement sociaux sur un revenu de patrimoine,
13:46 sauf les mannequins qui versent des cotisations sociales sur leurs redevances revenus de patrimoine.
13:53 Vous verrez dans nos écrits que la question se pose à savoir si on est plutôt dans un cas similaire à la première phrase qui a été déclarée conforme,
14:01 ou à la deuxième phrase qui a été déclarée contraire.
14:04 Monsieur le rapporteur Rovinsky, devant la Cour de cassation, pose effectivement cette question.
14:10 Faut-il considérer que la troisième phrase crée une rupture d'égalité entre les assurés d'un même régime,
14:16 qui ne repose pas sur une différence de situation en lien avec l'objet de la contribution, deuxième phrase,
14:21 ou faut-il considérer au contraire que la décision qui a été déclarée conforme à la première phrase s'applique à notre troisième phrase,
14:29 dont l'esprit est le même.
14:31 Le gouvernement indique effectivement que l'objectif est le même, c'est-à-dire faire participer de manière équivalente au financement d'assurance maladie
14:41 les assurés sociaux qui ne sont pas soumis à la CSG.
14:45 Sauf que là, on n'est pas tout à fait dans la même logique que la première phrase, puisque en l'occurrence,
14:51 les résidents contribuent sur leurs revenus de patrimoine en leur qualité de citoyens, au titre de la solidarité nationale,
14:58 et pas en tant qu'affiliés, alors que les non-résidents, eux, vont cotiser sur des revenus d'activité en leur qualité d'affiliés.
15:06 Les sommes collectées ne financent pas la même chose.
15:10 On terminera sur une petite particularité, que la présomption de salariat des mannequins en France est l'exception au monde.
15:21 Toutes ces personnes cotisent à fonds perdus.
15:27 Il y a des prestations qu'elles ne racclameront jamais et qui nécessitent d'ailleurs l'ouverture d'un compte bancaire en France.
15:34 Vous comprenez bien que si elles viennent faire une prestation sur trois jours, elles ne vont pas ouvrir un compte bancaire en France.
15:39 J'en terminerai, M. le Président, M. les membres du Conseil constitutionnel, à attirer votre attention sur une citation de Constitutus,
15:48 "La vraie faute est celle qu'on ne corrige pas".
15:51 J'invite donc votre Conseil à déclarer cette troisième phrase inconstitutionnelle.
15:57 Merci, Maître.
15:58 Alors maintenant, nous allons écouter Maître Jean-Jacques Gatineau, qui est avocat au Conseil,
16:05 qui représente, lui, l'URSSAF Ile-de-France, parti à l'instance. Maître.
16:11 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
16:20 le système français de protection sociale est en tout point remarquable.
16:25 Il suscite toutes les convoitises et parfois je me demande même si le concept d'Etat-providence n'a pas été forgé pour mieux le désigner.
16:34 Le problème, c'est que cette protection sociale a un coût et que si ses bénéficiaires veulent tous à tout prix en profiter,
16:43 personne ou bien peu veulent le financer.
16:47 On réside en Angleterre ou au Portugal six mois et un jour pour payer ses impôts moins chers et ses contributions sociales moins élevées à l'étranger,
16:57 mais on réapplique très très vite pour se faire soigner en France.
17:01 A court terme, cela met en danger notre système de sécurité sociale dont l'équilibre financier n'est pas assuré.
17:08 Or, vous avez érigé l'équilibre financier de la sécurité sociale au rang des objectifs à valeur constitutionnelle dans votre décision du 12 décembre 2002.
17:20 Le présent litige sera donc l'occasion de confirmer ce principe et de le mettre en œuvre pour les artistes du spectacle et les mannequins exerçants en France,
17:31 mais résidant fiscalement dans un autre pays.
17:35 Le litige apparemment trouve sa source dans les différents types de rémunérations qu'un mannequin peut recevoir.
17:45 Il y a d'une part les salaires qui sont versés par l'employeur pour la prestation du mannequin lorsque la présence du mannequin est exigée.
17:58 Il y a de l'autre côté les royalties de nature non salariales qui sont des revenus du patrimoine
18:08 et qui rémunèrent l'exploitation de l'image du mannequin lorsque sa présence n'est pas nécessaire pour l'exploitation de son image.
18:16 Selon les textes traditionnels du Code de la sécurité sociale et le 242.1, seuls sont soumis à cotisation sociale les salaires.
18:30 Les revenus du patrimoine n'y sont normalement pas soumis.
18:35 Jusque dans les années 90, il n'y a pas eu de problème.
18:40 A partir des années 90, on a voulu fiscaliser la sécurité sociale et on le fait d'ailleurs de plus en plus.
18:48 On a créé la CSG-CRDS pour financer le régime.
18:55 Les royalties des mannequins ont donc été soumis en tant que revenus du patrimoine à la CSG-CRDS au taux global de 17,2%.
19:07 Mais les revenus, les royalties des mannequins ne résidant pas en France ne pouvaient pas être soumis à la CSG-CRDS.
19:17 Et pourtant, contrairement à ce qui vous a été dit, ces mannequins profitent très largement du système français de sécurité sociale lorsqu'ils y sont affiliés.
19:28 Et il ne manque pas de revenir en France se faire soigner ou bénéficier des prestations qui sont versées à tous ceux qui relèvent du système.
19:40 Il y avait donc là une très grave injustice et une très grave inégalité devant la loi et les charges publiques,
19:48 puisque les mannequins résidents en France finançaient sans aucune justification les prestations sociales françaises versées aux mannequins résidents à l'étranger
20:00 qui ne payaient pas leurs impôts en France.
20:03 Il y avait tout autant un risque grave de déséquilibre du système à défaut d'une participation suffisante de tous ceux qui bénéficient du régime.
20:14 Pour mettre un terme à cette inégalité et assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale, il a été décidé d'imposer les royalties des mannequins résidents à l'étranger
20:23 à des cotisations de maladie à un taux global particulier bien modeste par rapport à ce que payent les autres de 8,75 €.
20:34 Une société employant des mannequins résidents à l'étranger s'en est émue.
20:41 Elle a considéré que les revenus du patrimoine à un taux particulier de cotisation étaient une incohérence de la loi,
20:50 puisqu'on l'a vu, l'article 242.1 du Code de sécurité sociale limite l'assiette des cotisations au seul revenu d'activité,
20:59 de sorte que les revenus du patrimoine ne pourraient jamais être soumis à des cotisations sociales, ce qui a pourtant été décidé.
21:07 On en déduit, la société de mannequins en déduit, qu'il y a une incohérence de la loi, une atteinte à une situation légitimement acquise,
21:22 puisque par principe les mannequins résident à l'étranger percevant des royalties pourraient exiger de n'être, en vertu de l'article 242.1,
21:31 jamais soumis à des contributions sociales. Et on en appelle à la sécurité juridique, on en appelle à la cohérence de la loi,
21:40 on en appelle à l'intelligibilité de la loi. C'est perdre de vue, et c'était le premier moyen qui a été développé,
21:50 c'est quand même perdre de vue que selon une formule consacrée tant par le Conseil d'État que par la Cour de cassation,
21:57 que l'on n'a aucun droit acquis à une jurisprudence figée et qu'on ne peut jamais exiger la permanence de la loi,
22:07 qu'il serait fixé de façon éternelle. Ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Et ce n'est pas parce que l'article 242.1 du Code de sécurité sociale
22:19 prévoit que seuls les salaires sont soumis à des cotisations sociales, que pour autant une autre loi particulière, spécifique aux mannequins,
22:30 puisque on vous l'a dit, cette disposition ne concerne que les mannequins, ce n'est pas parce qu'il y a cet article 242.1 du Code de la sécurité sociale
22:38 qu'une loi particulière ne peut pas revenir sur les qualifications et dire la règle générale, pas de cotisation sociale pour les revenus du patrimoine
22:50 sauf pour les mannequins résident à l'étranger qui, eux, peuvent être soumis à des cotisations sociales. C'est la règle générale et la loi d'exception.
23:03 Le terme est malheureux. C'est une loi qui prévoit une dérogation, une exception au principe et il n'y a pas d'incohérence, il n'y a pas d'incompatibilité
23:13 entre le principal et le subsidiaire puisque par hypothèse, le subsidiaire vient contrecarer ce qui a été aménagé, ce qui a été décidé au principal.
23:23 Il n'y a pas d'incohérence, la loi particulière peut tout à fait modifier le régime de la loi principale et dire que désormais, les revenus du patrimoine
23:33 des mannequins résident à l'étranger peuvent tout à fait être soumis à des cotisations sociales. La différence de traitement entre les mannequins
23:45 résident et les mannequins non résident est par ailleurs justifiée par une différence de traitement en raison de la différence de situation et la nécessité
24:01 de financer le régime. C'est dans un but d'intérêt général et votre décision de 2019 a déjà tout réglé, a déjà tout décidé.
24:13 Vous avez jugé dans une décision de principe de 2019 que le gouvernement pouvait fiscaliser la sécurité sociale, qu'il pouvait soumettre à des cotisations
24:24 sociales des revenus de remplacement qui n'étaient pas normalement soumis à des cotisations sociales et que la seule réserve que vous faisiez, c'était que ce système
24:36 de cotisation sociale supplémentaire n'implique pas, n'impose pas des suggestions déséquilibrées à ceux qui y sont assujettis. Sous cette réserve,
24:50 cependant, les dispositions ne seraient sans méconner le principe d'égalité devant être interprétées comme autorisant le pouvoir réglementaire à retenir
24:57 des taux de cotisation de nature accrée, des ruptures caractérisées de l'égalité dans la participation des assurés sociaux. Si la Cour de cassation a renvoyé
25:09 la décision, la question à votre juridiction, c'est parce qu'elle a considéré qu'il n'y avait aucune difficulté de régularité et de légalité du principe
25:22 qui a été posé par les nouvelles dispositions, mais que ces dispositions pourraient faire l'objet, comme vous l'avez déjà dit en 2019, d'une réserve d'interprétation
25:33 et que l'assujettissement à des cotisations sociales ne crée pas une rupture trop importante dans la participation des uns et des autres au financement
25:43 de la sécurité sociale. Donc la seule question qui vous est posée par la Cour de cassation, c'est est-ce que les dispositions en cause ne doivent pas faire
25:55 l'objet d'une réserve d'interprétation en posant le principe qu'il est possible d'assujettir les revenus de patrimoine à des cotisations sociales,
26:03 à condition toutefois qu'il n'y ait pas de rupture d'égalité, ce que vous pouvez faire, mais cette réserve ne me paraît pas nécessaire. Elle me paraît s'induire de la décision
26:12 que vous avez déjà rendue en 2019, étant précisé que dans notre affaire, si l'on compare les taux de la CSG, CRDS 17,2 pour les mannequins résidents en France
26:25 et le taux de la cotisation spéciale de sécurité sociale imposée aux mannequins résidents hors de France, 8,5 %, je ne vois pas où est le déséquilibre,
26:41 je ne vois pas où il y a un risque avec des taux pareils respectifs qu'il y a un risque de faire participer de façon excessive les mannequins au financement des prestations sociales
26:51 qu'ils viennent chercher en France. Sous cette réserve, il me paraît que les dispositions en cause sont parfaitement constitutionnelles et que vous l'avez déjà jugée en 2019.
27:01 Merci, Maître. Alors, maintenant, comme il est de tradition, nous allons donner la parole au représentant du Premier ministre, M. Canguillet.
27:15 Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, il est nécessaire pour comprendre le dispositif législatif objet de la présente QPC
27:23 d'essayer de remonter en 1997 à la réforme de la CSG par la loi de finances pour la sécurité sociale pour 1998. Le législateur avait alors significativement
27:33 augmenté le taux de la CSG et avait corrélativement prévu que le poids réglementaire baisserait à due proportion le taux des cotisations. Mais cela créait une sorte
27:43 d'angle mort au bénéfice de personnes n'inquiétant pas la CSG, car non domiciliée en France au titre de l'impôt sur le revenu, mais qui, étant rattachée à un titre,
27:51 à un régime obligatoire, le Conseil d'assurance maladie, aurait bénéficié de la baisse des cotisations sociales. L'article 431-9 du Code de la Sécurité sociale
28:01 a donc eu pour objet de remédier à cette difficulté, de combler en quelque sorte cet angle mort en soumettant à un taux particulier de cotisation les non-résidents
28:10 assujettis à cotisation sociale, surtout au parti de leur revenu. Et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, cela a déjà été rappelé, a étendu
28:20 ce régime aux redevances perçues par les artistes du spectacle et par les mannequins, redevances qui sont effectivement des revenus du patrimoine et non des revenus
28:31 d'activité. La situation telle qu'elle résulte donc de la combinaison des articles 431-9 et 431-6 du Code de la Sécurité sociale est donc la suivante.
28:40 Les mannequins résidents fiscaux en France sont assujettis aux contributions sociales sur leurs revenus du patrimoine. Les mannequins non-résidents fiscaux en France
28:49 de ce fait non-assujettis à la CSG sont eux assujettis à un taux particulier de cotisation sur les revenus du patrimoine que sont les redevances, les royalties
29:00 qu'ils peuvent être amenés à toucher. Il est reproché à ce dispositif de créer une différence de traitement entre personnes affiliées à un régime de Sécurité sociale
29:09 français selon qu'elles soient ou non résidentes fiscales en France. Cette différence de traitement résulte bien des dispositions de la troisième phrase du second alinéa
29:19 de l'article 431-9 du Code de la Sécurité sociale qui est l'objet de la présente QPC. Mais cette différence de traitement ne méconnaît aucunement les exigences
29:27 du principe d'égalité. Cette différence de traitement repose, c'est une évidence, sur une différence de situation. Les assurés sociaux, selon qu'ils aient ou non
29:37 leur résidence fiscale en France, ne sont pas dans la même situation au regard de leur participation au financement de la protection sociale. En effet, les personnes
29:46 physiques non résidentes fiscales affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie ne voient aucun de leurs revenus assujettis à la CSG contrairement à celles
29:56 qui ont leur domicile fiscal en France en application du L136-1. Et vous avez d'ailleurs déjà jugé à propos de la première phrase du deuxième alinéa de l'article
30:07 131-9 que le législateur poursuit bien un objectif d'intérêt général lorsqu'il s'attache à ce que les assurés sociaux participent de manière équivalente au
30:16 financement des régimes obligatoires d'assurance maladie. Vous voyez le paragraphe 9 de votre décision 806 QPC du 4 novembre 2019. Et c'est bien cet objectif
30:25 de financement qui est poursuivi par les dispositions contestées. Dans cette troisième phrase comme pour la première, le législateur a voulu éviter que les
30:34 artistes et mannequins non résidents puissent bénéficier de la baisse des taux de cotisation sans avoir à subir en contrepartie la hausse de la CSG ainsi que vous l'aviez
30:44 retenue en ce qui concerne les revenus d'activité des non résidents, là encore dans votre décision du 4 novembre 2019. La participation des assurés au financement
30:54 des élections sociales, quel que soit le lieu de leur résidence fiscale, poursuit bien un objectif d'intérêt général. Et cet objectif d'intérêt général est en lien direct
31:03 avec l'objet de la loi. En effet, ainsi que vous l'aviez retenu, nous citons encore le point 9 de votre décision 806 QPC, l'économie générale de l'article 131-9 du Code
31:14 de la Sécurité Sociale est d'éviter que les assurés sociaux non résidents fiscaux en France, non assujettis à la CSG, et là nous citons votre décision,
31:22 puissent bénéficier de la baisse attendue des taux de cotisation sociale sans subir en contrepartie la hausse de la CSG. La différence de traitement instaurée par les dispositions
31:32 contestées, donc en rapport direct avec l'objet de la loi, qui par l'instauration de taux particuliers de cotisation d'assurance maladie sur les redevances,
31:39 tend à compenser l'absence de prélèvements sur les revenus des non résidents. Vous l'avez compris, nous vous invitons à appliquer aux redevances perçues par les mannequins
31:51 et artistes du spectacle, le raisonnement général que vous aviez tenu dans votre décision 806 QPC, concernant les revenus d'activité et de remplacement des non résidents fiscaux,
32:01 également assurés d'un régime obligatoire de sécurité sociale français. La justification qui valait pour et qui vaut pour les revenus d'activité, vaut également en tout point
32:14 en ce qui concerne les redevances. La société requérante soutient également que le législateur aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique, en qualifiant les
32:25 redevances de revenus du patrimoine pour les mannequins affiliés résidents et en les qualifiant de revenus d'activité pour les mannequins affiliés non résidents.
32:32 D'une part, il faut relever que la prémisse de ce raisonnement est erronée. Le seul fait de soumettre les redevances des mannequins non résidents fiscaux à la cotisation
32:41 d'assurance maladie n'a pas pour effet de les qualifier en revenus d'activité. D'autre part, et surtout par certes argumentations, il est en réalité reproché au législateur d'avoir méconnu
32:52 l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. La méconnaissance d'un objectif de valeur constitutionnelle ne pouvant être,
33:00 en elle-même, invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, vous pourrait écarter ce second grief comme étant inopérant. Aucune exigence
33:08 consciente n'ayant été méconnue. Je vous invite à déclarer à la disposition la troisième phrase du second alinéa de l'article 131.9 du code de la sécurité sociale,
33:15 dans sa version résultant de la loi du 21 décembre 2011, conforme à la constitution.
33:20 Merci M. Corguilhem. Alors, vous avez entendu les arguments des uns et des autres. Je précise d'ailleurs, et j'espère que B. Gatineau sera d'accord,
33:29 qu'à un moment de sa plaidoirie, il a parlé en euros en disant "huit et quelques euros" et à la fin il a rectifié en disant "huit et quelques pourcents".
33:35 C'est la deuxième exception qui est la bonne, si je vous ai bien entendu. Bien. Alors, qui est-ce qui a une question à poser ? M. le conseiller Pinault.
33:45 Oui, ma question s'adresse à M. Lecomte. Bon. Sur le principe d'égalité, on peut, comme nous l'a proposé le représentant du gouvernement,
34:02 suivre un raisonnement, qui est d'ailleurs notre raisonnement constant, de regarder s'il y a un intérêt général et si les dispositifs sont adéquats
34:16 par rapport au but poursuivi. Très bien. Votre plaidoirie, qui était brillante, j'aimerais bien la comprendre. Est-ce que vous niez la possibilité pour le législateur
34:38 de mettre des cotisations sociales sur des revenus du patrimoine ? Parce qu'au fond, d'après ce que j'ai compris de votre plaidoirie, c'est ça votre point le plus dur, je dirais.
34:52 Bon, après on discute du principe d'égalité, très bien. Mais est-ce qu'il y a une possibilité, vous avez utilisé le mot "par nature", d'appliquer des cotisations sociales
35:04 à des revenus du patrimoine ? C'est ça ma question. Est-ce que c'est votre thèse ? Maître ? Je trouve que ce sont des notions qui m'échappent un petit peu,
35:14 parce que dans vos décisions, c'est toujours un petit peu flou, je dirais. Ce sont des notions que vous maîtrisez. Mais pour moi, effectivement, je considère que l'objet de la loi,
35:23 notamment la loi de financement de sécurité sociale, était de qualifier un revenu, de le qualifier de revenu de patrimoine qui est hors champ d'application de l'article L242.1,
35:35 qui s'applique à des revenus d'activité. Pour moi, l'objet de la loi était de qualifier un revenu et que le fait qu'on le soumette à une cotisation de revenu d'activité
35:43 n'est pas, en fonction d'une résidence, pour moi, ne sont pas des critères objectifs et rationnels pour soumettre ces revenus à des cotisations d'assurance maladie.
35:50 La loi vient le qualifier pour appliquer le juste régime, puisque avant, on appliquait les cotisations sociales. Et la loi est venue dire qu'on n'applique pas les cotisations sociales sur ces revenus,
36:01 on applique des prélèvements sociaux. J'en profite pour préciser, puisque mon confrère n'a pas pu faire d'observation écrite, je voulais corriger une erreur,
36:08 qui est de vous dire qu'il n'y a pas de déséquilibre dans la mesure où les prélèvements sociaux sont de 17,2 %. Il vous a dit que la CSG était de 17,2 %.
36:18 Pas du tout. Les prélèvements sociaux sont de 17,2 %. Dedans, on a un prélèvement de solidarité qui doit être de 7,5 %, je crois.
36:25 Donc la CSG est bien dans les mêmes pourcentages à peu près, sauf que les résidents bénéficient aussi d'une CSG déductible à hauteur de 5 %.
36:33 Donc là, pour le coup, on a aussi un déséquilibre en la défaveur du non-résident.
36:39 Monsieur Corguilhem ou Maître, vous avez quelque chose à dire par rapport à la question posée par M. le Conseil Pinault ? M. Corguilhem.
36:51 Très rapidement, je me permets de reprendre des éléments de la végétalité de Maître Gatineau. Le premier élément, c'est qu'effectivement,
36:58 une disposition de la loi spéciale peut tout à fait déroger au principe général. C'est le premier point. Le second point, effectivement,
37:06 c'est que le principe est que les cotisations de sécurité sociale sont en règle générale assises sur les revenus d'activité. Ce n'est pas un principe absolu.
37:12 Et il peut arriver que ce ne soit pas le cas. Par exemple, la cotisation subsidiaire d'assurance maladie que vous aviez déclarée conforme à la Constitution dans votre décision 735 QPC.
37:22 Merci. Très bien. Alors, d'autres questions ? Non, il n'y en a pas ? Parfait.
37:30 Donc, nous allons examiner tout cela et nous rendrons notre décision dans 9 jours, le 14 mars. Et vous pourrez en prendre connaissance en vous connectant sur notre site internet.

Recommandations