Guyane : «On ne peut sortir tranquillement le soir sur notre territoire», confie Yvane Goua

  • il y a 7 mois
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Yvane Goua, porte-parole de l'association Trop Violans, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur les violences quotidiennes en Guyane. L'association a pour but de prévenir, lutter contre toutes formes d'injustices, de violences.

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Transcription
00:00 - Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la porte-parole de l'association guyanaise "Trop Violence"
00:04 - Trop Violence, ANS en terminaison, parce que c'est du créole.
00:08 Bonjour Ivan Goua !
00:09 - Bonjour à tout le monde !
00:10 - Bienvenue sur Europe 1 !
00:12 Alors votre association Ivan Goua milite contre toutes les formes de violence en Guyane.
00:16 La Guyane où se rend aujourd'hui Emmanuel Macron.
00:19 Alors, il y a en Guyane de très très gros problèmes de violence.
00:22 Ils vont d'ailleurs trôner ces problèmes tout en haut de la pile des sujets qu'abordera le président de la République.
00:26 Que pouvez-vous, Ivan Goua, d'abord raconter aux auditeurs d'Europe 1 cette insécurité
00:31 qui pourrit au quotidien la vie des Guyanais ?
00:34 - En fait, aujourd'hui, la délinquance, l'insécurité, c'est une résultante pour nous
00:39 du manque de développement du territoire.
00:41 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand tu es un jeune, on nous avait dit,
00:45 50% de la population à moins de 25 ans,
00:47 aujourd'hui, en fait, faire voler, braquer,
00:52 en fait, est une solution, est un travail.
00:56 Et aujourd'hui, ce qui se passe, c'est qu'on a aussi les frontières qui sont ouvertes.
01:02 Donc, il y a le sujet de l'immigration, on va mettre ça à part,
01:05 parce que ce n'est pas tous les immigrés qui sont des braqueurs, d'accord ?
01:07 Ce n'est pas ce qu'on dit, mais en tout cas, la frontière est ouverte.
01:10 Donc, les armes circulent, la drogue circule et surtout la violence circule.
01:14 Donc, aujourd'hui, on ne peut pas sortir sur notre territoire le soir,
01:18 tranquillement, aller boire un verre, aller au restaurant,
01:20 sans risquer, sans avoir peur d'être braqué,
01:24 de voir venir des gens cagoulés, cagoulés, armés, et venir vous menacer.
01:30 Aujourd'hui, les chefs d'entreprise sont,
01:33 même dans leur rôle de développement économique,
01:36 dans leur rôle de fournir du travail,
01:38 ils ne sont pas en sécurité, parce que dès que tu es repéré
01:41 par les délinquants comme quelqu'un qui peut faire de l'argent,
01:45 tu es sujet à te faire braquer.
01:48 Un chef d'entreprise dans l'ouest de la Guyane,
01:50 qu'on a eu à accompagner de l'ouest guyanais,
01:55 aujourd'hui, 15 personnes cagoulées, armées, débarquent chez lui.
02:00 Il a 16 enfants, une petite et un grand d'à peu près 14 ans,
02:05 sa femme, et ils sont mis au sol, ils sont frappés,
02:09 ils sont traumatisés encore à ce jour.
02:12 Ils sont frappés, ils sont violentés,
02:14 pour qu'on puisse accéder, parce que malheureusement pour lui,
02:17 son domicile, c'est aussi son entreprise.
02:19 Donc pour accéder au bureau, pour accéder,
02:22 en plus un chef d'entreprise dans le BTP,
02:24 donc il n'a pas forcément beaucoup de liquidités sur lui,
02:28 mais on est venu braquer, voler le matériel,
02:32 on est venu prendre, comme c'est du BTP,
02:34 donc prendre ces gros camions pour faire ces chantiers.
02:40 Et cela, aujourd'hui, c'est ce que vivent la plupart des chefs d'entreprise.
02:45 Aujourd'hui, les commerçants qui donnent à manger à la population
02:48 sont systématiquement braqués,
02:50 et ils ont demandé au préfet même, pour leur sécurité,
02:53 à fermer plutôt le soir.
02:55 - C'est absolument effarant ce que vous racontez, Yvanne Goua.
02:58 Il faut noter que la Guyane, c'est aussi le territoire le plus meurtrier de France.
03:02 Le taux d'homicide y est 13 fois plus élevé que la moyenne nationale.
03:06 Quand ça se fait, Yvanne Goua ?
03:08 - On a une guerre qui se fait à l'intérieur de notre territoire,
03:11 qui concerne l'empaillage illégal.
03:14 Ça se fait sous nos yeux, à côté de nous.
03:17 Les villages amérindiens, les villages bouchinaguais,
03:20 ou même Saint-Laurent, Saint-Georges, de l'Oyapoc, des communes françaises,
03:24 ça se passe dans leurs communes, ça se passe aux côtés de la population.
03:27 Et donc, dans les homicides, il y a la moitié qui sont des homicides
03:31 qui ont lieu en forêt, règlement de compte de Guyane-Pérouse.
03:35 Et puis, il y a l'autre moitié, en plein centre-ville, en plein jour,
03:38 règlement de compte des travers de l'empaillage illégal,
03:43 des bandes, des gangs, et au travers de problématiques,
03:47 soit de drogue, soit de criminalité.
03:50 - La drogue, justement, on va en parler,
03:52 parce qu'on estime que 20% de la cocaïne consommée dans l'Hexagone
03:56 arrive par avion de Guyane.
03:58 On dit que c'est à peu près 100 kilos par jour,
04:00 à raison de 50 passeurs par vol.
04:02 C'est absolument énorme.
04:04 Le président Emmanuel Macron va d'ailleurs entamer sa visite
04:06 à l'aéroport de Cayenne, où les autorités ont lancé
04:09 depuis plus d'un an une opération 100% contrôle
04:12 pour traquer ce qu'on appelle les mules.
04:14 Comment ça se passe, cette opération, Yvanne Goua ?
04:17 - Alors, une mule, c'est quelqu'un qui transporte de la cocaïne.
04:20 Donc, elle peut le transporter aussi bien dans ses valises,
04:23 aussi bien dans sa perruque si c'est une femme,
04:26 ou dans ses sous-vêtements,
04:27 mais aussi, en Guyane, la spécificité,
04:30 c'est qu'elle peut aussi l'ingérer.
04:32 Enfin, c'est pas une spécificité guyanaise,
04:33 puisque tous les pays frontaliers avec la drogue
04:35 ont aussi des mules qui ingèrent des boulettes.
04:39 Même, on s'amuse à les mettre, maintenant,
04:41 au niveau des enfants, dans les couches,
04:43 enfin, on voit tout et n'importe quoi.
04:44 Mais n'empêche que les bouletteuses,
04:46 sur lesquelles se focalise l'État, là, ces derniers temps,
04:50 avec leur 100% contrôle,
04:51 les bouletteuses sont nombreuses,
04:54 mais transportent peu de cocaïne.
04:56 Quand vous allez trouver, par exemple,
04:57 une saisie au large de la Guadeloupe,
05:00 la semaine dernière, de 8 tonnes de cocaïne,
05:03 en Guyane, en fait, ce jeu de mules a bon jeu de prospérer,
05:08 puisque derrière, en fait, on ne s'occupe pas,
05:10 on ne s'attache pas à démanteler les têtes de réseau
05:14 et à démonter ceux qui vont faire rentrer la cocaïne sur le territoire
05:18 pour pouvoir charger les mules.
05:19 Parce qu'une mule, c'est un transporteur de cocaïne,
05:22 et puis il y a le trafiquant qui, lui, va faire rentrer la cocaïne
05:24 pour pouvoir charger ces nombreuses mules.
05:27 - Vous dites que les volumes de cocaïne
05:29 qu'on saisit à l'aéroport sont finalement dérisoires
05:31 par rapport à ce qui passe à côté, notamment par la mer ?
05:34 - Voilà, c'est cela.
05:36 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les bateaux, le grand port,
05:39 surtout les cantelers, il n'y a rien, quoi.
05:43 Une fois, par hasard, ils ont eu un cas
05:46 où apparemment un colis est tombé de l'un des bateaux,
05:50 du CNES, de la fusée Ariane.
05:52 Par hasard, le truc est tombé, donc on a su que,
05:55 voilà, mais ça faisait combien de temps ?
05:57 Ou combien de colis sont passés par...
06:01 Ne serait-ce que par exemple le CNES, qui, sans les salir,
06:04 est forcément sujet, aujourd'hui,
06:07 à ce que les trafiquants puissent trouver le moyen
06:10 de passer par là.
06:11 Ils ont intercepté et interpellé
06:15 10 policiers de la police nationale de Guyane
06:18 qui participaient au trafic.
06:20 10, fin 2023.
06:22 On n'en entend plus parler.
06:23 Donc, ils avaient même réussi à infiltrer la police nationale.
06:26 Et là, on nous fait croire, avec le 100% contrôle,
06:29 que c'est au niveau de l'aéroport que ça va se régler.
06:32 - Oui, ahurissant.
06:33 Un mot d'Emmanuel Macron pour terminer cet entretien,
06:35 Ivan Goua, puisque c'est seulement sa deuxième visite
06:38 en Guyane.
06:39 Vous l'attendez de pied ferme, le président de la République ?
06:42 - On l'attend de pied ferme,
06:44 mais en même temps, on n'attend rien de lui.
06:46 Par exemple, la cité judiciaire.
06:49 Aujourd'hui, on est incapable de rendre une justice
06:51 convenable, républicaine, soi-disant,
06:54 parce qu'en fait, il n'y a pas les moyens, les outils,
06:56 pour pouvoir le faire.
06:58 Donc, dans les accords de Guyane,
06:59 on demande une nouvelle cité judiciaire,
07:01 parce qu'aujourd'hui, les bâtiments, les salles d'audience
07:05 sont réparties un peu partout dans Cayenne,
07:07 et surtout ne sont pas suffisantes.
07:09 La plus grande salle d'audience peut accueillir 25 personnes en Guyane.
07:12 Donc, vous voyez un peu le truc.
07:13 Nous avons demandé, dans le plan d'urgence,
07:15 un centre pénitentiaire dans l'ouest guyanais.
07:17 Bien sûr que ce n'est pas à nous, la population,
07:19 de réclamer quand même des moyens pour nous mettre en prison.
07:21 Surtout que, par contre, il s'est bien attaché
07:24 à embêter tous les militants dans nous,
07:27 dans moi, Ivan Goua, condamné deux fois,
07:29 juste par rapport au fait que je sois porte-parole de l'association
07:32 et que pour mes propos tenus.
07:34 Et aujourd'hui, c'est acharné sur les militants,
07:36 mais le centre pénitentiaire de l'ouest,
07:38 toujours pas de première pierre posée,
07:40 sept ans après les accords de Guyane.
07:42 Il y a des solutions, il y a des propositions,
07:45 aussi bien de la société civile que des élus.
07:47 Et Macron et le gouvernement ne font rien
07:50 pour pouvoir arranger les choses.
07:52 - Merci beaucoup Ivan Goua.
07:54 Je rappelle que vous êtes la porte-parole
07:56 de l'association guyanaise "Trop Violence".
07:59 Merci d'avoir été avec nous ce matin sur Europe.

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