• l’année dernière
Il était temps que nous nous arrêtions ! Nous avions décidé de ne pas évoquer le moindre sujet politique, mais finalement, nous avons presque failli aborder notre "Grande Querelle". C’est ainsi que nous avons dû conclure, sur une note restée certes légère, une longue conversation sur les livres, et la tradition toute littéraire qui fit la France : que lire, comment lire, pourquoi lire ? Voici un modèle : depuis son plus jeune âge, Eric Zemmour lit beaucoup, relit encore, devenant au fil du temps l'"honnête homme" que s’employait à former ce "monde ancien", que nous aimons tant l’un et l’autre - et qui reste la matrice de la France à venir, si la France veut avoir un avenir. L’ami Zemmour fait en somme ce que De Gaulle recommandait : "Aux Français, parlons de la France". Depuis plus de vingt ans, il "fait la classe à la France", particulièrement à ces jeunes qui l’on rejoint en grand nombre à la faveur d’une campagne présidentielle dont nous reparlerons plus tard. C’est qu’il vit et parle d’abord par les livres, ceux qu’il écrit et ceux qu’il lit, et par cet insatiable goût de la lecture qui seul sauvera notre civilisation guettée par tant de barbaries…

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00:00 *Musique*
00:00:24 Alors mon cher Eric, Eric Zemmour, enfin nous nous revoyons, enfin on se vois de temps en temps,
00:00:33 puisque nous sommes voisins. Je suis heureux de refaire ou de faire une seconde émission,
00:00:38 peut-être une deuxième si on en fait une autre un jour.
00:00:40 C'est vous qui avez inauguré la nouvelle formule de ces conversations il y a trois ans,
00:00:45 mais c'est une conversation qui avait été, on dirait, écourtée, et je suis très content de vous retrouver,
00:00:50 il s'est passé beaucoup de temps depuis.
00:00:52 - Et beaucoup de choses.
00:00:54 - Beaucoup de choses, mais cette fois j'ai envie de parler moins de politique que de littérature,
00:00:59 pour une raison simple et simplette, c'est que je vous ai toujours vu comme un homme de livre,
00:01:04 voilà, non seulement ce que vous avez écrit, mais surtout vos lectures.
00:01:07 J'ai envie que nous parlions de vos lectures, parce que c'est rare quand même un homme politique important
00:01:14 qui lise tant et qui en écrive tant aussi. Je sais pas combien vous avez écrit, une douzaine ?
00:01:19 - Moi j'ai pas compté, mais ça commence à faire.
00:01:22 - Ça commence à faire. Mais c'est toujours ce qui m'a frappé chez vous, d'être l'homme des livres,
00:01:28 et je pense que la France est le pays des livres aussi. Elle a longtemps été le pays du livre, pour les catholiques.
00:01:35 - Absolument.
00:01:36 - C'est ce qui est le livre. Mais à partir du 16e siècle, le pays a été construit, beaucoup,
00:01:45 grâce au livre, en tous les cas grâce à la langue, et de ce point de vue-là, vous concordez parfaitement
00:01:53 avec une France très livresque, on peut dire que la génération actuelle le soit.
00:01:57 Mais nous verrons tout à l'heure, par exemple, vos enfants, ce que vous avez envie de leur donner à lire.
00:02:06 C'est important, je crois.
00:02:08 - Absolument.
00:02:09 - Vous avez toujours veillé, on peut dire qu'on se connaît depuis 94, je crois.
00:02:14 Ça va faire 30 ans, vous voulez rencontrer Philippe Séguin.
00:02:18 Je vous ai toujours vu très content de voir vos enfants lire.
00:02:24 - C'est difficile, vous avez raison. Cette génération lit beaucoup moins que nous,
00:02:29 et malheureusement, ils ont beaucoup trop de diversions, de dérivatifs, et bon.
00:02:35 C'est très difficile de faire lire cette génération. Mais pour en revenir à ce que vous avez dit,
00:02:40 vous avez tout à fait raison. J'ai toujours pensé que la France était d'abord une nation littéraire.
00:02:45 D'ailleurs, c'est comme ça que les étrangers le voient.
00:02:49 Et moi, je me suis toujours inscrit, on va en parler, puisque vous vouliez parler des livres
00:02:54 qui m'avaient forgé depuis mon enfance. J'ai très vite, si vous voulez,
00:02:59 alors bon, évidemment, quand j'étais enfant, on lit les choses vraiment pour les enfants,
00:03:06 c'est-à-dire la Bibliothèque Verte. Je me souviens vaguement des Club D5.
00:03:12 Je me souviens vaguement d'un livre qui me plaisait beaucoup, qui était L'étalon noir.
00:03:17 Je ne sais pas si vous avez lu ça. - Ah, mais oui !
00:03:19 - Un livre magnifique sur un magnifique cheval arabe qui se perdait dans un...
00:03:24 - Je revois encore la couverture. - Moi aussi, qui se perdait dans un naufrage de bateau.
00:03:29 Et il y avait un jeune homme qui devenait son seul ami, etc.
00:03:33 C'était très beau, et il devenait champion, etc. Il est venu aux États-Unis
00:03:36 et il devenait champion dans les courses américaines.
00:03:39 Et je me souviens aussi... - Cette carafe, parce que comme vous appuyez sur la table,
00:03:44 ça la fait mal dinguer. - Je me souviens aussi...
00:03:48 - Ce livre, il est diffusé à Pâques. - Ah, très bien.
00:03:51 Je me souviens aussi, évidemment, des bandes dessinées.
00:03:56 C'était le début des bandes dessinées, enfin pas le début, parce que c'est plutôt les années 20-30,
00:04:00 pour ma génération, on commençait à avoir accès aux bandes dessinées.
00:04:03 Alors évidemment, celles de ma génération les plus évidentes, c'était Tintin, Astérix, etc.
00:04:07 Et je me souviens que mon père m'achetait les Astérix au fur et à mesure qu'ils sortaient,
00:04:11 et alors il le lisait avant de me le donner. C'était tellement drôle et ça plaisait.
00:04:15 - À quel âge ? - Je devais avoir 8 ans, 9 ans, 10 ans.
00:04:19 - Vous n'avez pas lu "Bainville" tout de suite ? Parce qu'un jour, je me souviens,
00:04:22 au fil de nos déjeuners, d'ailleurs depuis 30 ans, je me souviens qu'un jour,
00:04:25 vous êtes arrivé à table en nous disant, nous, Philippe Martel, qui était notre compagnon bien aimé,
00:04:31 pensant à lui, il a quitté ce monde, vous nous avez annoncé tout fier "Hugo lit "Bainville".
00:04:39 - Oui, c'était mon fils aîné qui lisait "Bainville".
00:04:42 - Il est en fierté. - Parce que je lui avais donné,
00:04:44 et moi je l'ai découvert bien plus tard en vérité.
00:04:46 - Alors justement, je vous sers. - Alors faisons les choses en deux.
00:04:49 - Absolument, dans l'ordre. - Oui d'abord, vos lectures, vous et les livres,
00:04:53 comme lecteur, et ensuite je voudrais qu'on fasse une petite liste de livres à conseiller à des enfants,
00:05:00 par exemple, aujourd'hui, quoi lire, en fait de fiction, pas de fiction, on fera ça dans un deuxième volet.
00:05:08 - Alors justement, moi, donc on arrive, je vous ai dit les livres assez classiques,
00:05:14 quand j'étais enfant, on regardait aussi la télévision, il n'y avait qu'une chaîne,
00:05:18 on avait la chance, et c'est pour ça que je vous dis ça, on avait la chance d'avoir des programmes
00:05:23 souvent très instructifs et très évocateurs.
00:05:27 La plupart du temps à l'époque, ce qu'on appelait l'école de début de chaumont, vous vous souvenez,
00:05:33 c'était que des metteurs en scène, d'ailleurs souvent compagnons de route du Parti communiste,
00:05:39 mais ça à l'époque, je l'ignorais tout à fait, vous imaginez,
00:05:42 et qui adaptaient les grandes œuvres du patrimoine français.
00:05:46 Et un jour, c'est pour ça que je vous raconte ça, un jour, je devais avoir 11 ans, je tombe, 12 ans peut-être,
00:05:51 je tombe sur une adaptation par, je crois, Marcel Buval, si je ne dis pas de bêtises,
00:05:56 mais peut-être que je me trompe, un des grands metteurs en scène de l'époque.
00:06:01 - Communistes ? - Absolument, c'est pour ça que je vous dis, ils étaient tous communistes.
00:06:05 Deux Illusions Perdues de Balzac. J'étais vraiment enfant, je vous dis 11 ans, 12 ans dans mon souvenir,
00:06:12 et là je suis complètement fasciné, à la fois par l'histoire, le jeu des acteurs, l'univers,
00:06:20 et c'est pour ça que je vous parle de ce livre, parce que ça va vous ramener à notre discussion inaugurale.
00:06:26 Et je regarde ça, vraiment, j'étais fasciné, en plus l'acteur était excellent,
00:06:31 c'était un acteur qui après a fait des films policiers, il est mort il n'y a pas longtemps, le pauvre d'ailleurs,
00:06:37 son nom m'échappe, mais je le retrouverai peut-être. Et je dis à ma mère, j'aimerais beaucoup lire ce livre.
00:06:45 Et donc évidemment, c'est pour ça que je n'ai pas pu vous l'apporter, je le regrette.
00:06:47 - Elle vous l'offre. - Elle me l'offre, mais elle ne m'offre pas un livre de poche,
00:06:52 elle m'offre une magnifique édition, magnifique édition que j'ai gardée encore.
00:06:56 - C'est ça, c'est con, ne pas lire, c'est ça. - Mais je suis tout à fait d'accord.
00:07:00 - Ne pas lire dans un poche. - Mais je suis tout à fait d'accord.
00:07:03 - Maintenant, ça ne me choque plus de lire dans des poches, au contraire.
00:07:05 - Mais pour les enfants, c'est important. - Mais pour les enfants, c'est important.
00:07:07 Et donc ce livre m'est resté, et là je me dis, et c'est pour ça que je reprends au vol votre introduction,
00:07:13 là je me dis, mais en fait, c'est ça la vie que je dois mener, il y a tout, il y a Paris,
00:07:20 le journalisme, il est journaliste, Ruben Prêt, la politique, la vie à Paris, les salons, les jolies femmes, etc.
00:07:29 Il y a vraiment tout, et je me dis, la France c'est ça, Paris c'est ça, et donc ma vie ça devrait être ça.
00:07:35 - C'est bizarre votre attachement à Ruben Prêt, par contre.
00:07:37 - Ah non, mais Ruben Prêt, c'est pas lui, vous comprenez, c'est ce qu'il est,
00:07:40 le pauvre à la fin, il meurt, mais oui, c'est un perdant, c'est un fragile.
00:07:45 - Vous avez même appelé Ruben Prêt une de vos maisons d'édition.
00:07:50 - Mais absolument, parce que c'est mon entrée, si vous voulez, dans la vraie littérature.
00:07:58 Et en fait, pour moi, et c'est pour ça que je vous dis ça, la littérature, la politique, et même le journalisme, c'est la France.
00:08:06 - Racignac aurait été moins bon encore, c'est vrai.
00:08:08 - Exactement.
00:08:09 - Alors Ruben Prêt, c'est la France.
00:08:11 - Je sais bien que c'est un perdant, que c'est un faible, qu'il est complètement manipulé par Vautrin, alias le cardinal Herrera.
00:08:21 - Par les femmes.
00:08:22 - Moins par les femmes que par Vautrin.
00:08:25 - Enfin, il faut se frayer.
00:08:28 - Qui est un grand chef de la, on ne dit pas la mafia, mais des voyous dans le Paris du 19e siècle.
00:08:32 Bref, ça c'est le premier livre qui me fait rentrer dans la littérature.
00:08:35 Et à la même époque, je découvre à l'école, évidemment, l'autre grand amour de ma vie, à part la littérature, Napoléon Bonaparte.
00:08:44 Et là, pareil, je demande à ma mère de m'offrir un livre, et elle m'offre ça.
00:08:48 Je voulais apporter parce que ça, je l'avais.
00:08:50 - Alors là, il y a une édition, celui-là.
00:08:52 - Absolument.
00:08:53 - C'est ce livre.
00:08:55 - Magnifique.
00:08:56 - Alors, il y a trois...
00:08:57 - À 12 ou 15 ans.
00:08:58 - Même pas, vraiment pas à 11, 12 ans.
00:09:01 Et il y avait trois tomes, il y avait Bonaparte, il y avait Napoléon et il y avait Léglon.
00:09:07 Et je vais vous faire rire, j'étais tellement passionné par ce livre que je l'apportais partout.
00:09:13 Et que même en vacances, en colonie de vacances, je le lisais plutôt que de faire les activités.
00:09:20 Je me faisais mal voir par les moniteurs, à part le foot, évidemment.
00:09:24 Je reconnais que là, quand il y avait le foot, je participais à tout.
00:09:27 - Napoléon au foot, il n'est pas dans le livre.
00:09:29 - Mais le reste m'ennuyait.
00:09:30 Et donc, j'étais là dans mon livre.
00:09:32 Un jour, à retour des vacances, ma mère est convoquée.
00:09:35 Et le patron de la colonie lui dit, "Mais enfin, votre fils, il est insupportable.
00:09:39 Il refuse de participer à tout parce qu'il lit son Napoléon pendant tout le temps."
00:09:43 - C'est bien.
00:09:44 - Évidemment, ma mère en était très fière et très flattée.
00:09:46 - Vous avez été très fidèles à Napoléon.
00:09:47 Hélas, hélas.
00:09:48 - Mais non, vous avez tort.
00:09:49 - J'ai tort.
00:09:50 - C'est une discussion éternelle entre nous.
00:09:52 - Oui.
00:09:53 - Moi, je pense que Napoléon est le continuateur des Rois de France.
00:09:56 - De la Révolution française.
00:09:57 - Oui, oui.
00:09:58 Et des Rois de France.
00:10:00 - Ah, pour les Rois de France, cher Éric, cher Éric.
00:10:03 Je croyais que vous alliez citer, avant votre espèce de Napoléon,
00:10:07 je pensais que vous alliez citer Les Trois Mousquetaires.
00:10:10 - Ah, vous avez tout à fait raison.
00:10:11 Les Trois Mousquetaires viennent avant.
00:10:13 Vous avez mille fois raison.
00:10:15 J'ai dû lire ça vers 9 ans, 10 ans.
00:10:17 Et je me souviens, alors là, vous allez sourire,
00:10:20 j'avais acheté, donc on m'avait acheté Les Trois Mousquetaires,
00:10:24 puis 20 ans après, et j'ai toujours trouvé 20 ans après meilleur.
00:10:29 Je continue d'ailleurs de le trouver meilleur.
00:10:31 Je l'ai relu il y a quelques années, et je continue de le trouver meilleur.
00:10:35 Et je lisais, alors là, je me revois sous le drap,
00:10:39 parce que ma mère, évidemment, voulait que je me couche.
00:10:43 - À la nuit ?
00:10:44 - Oui, jusqu'à minuit, 1h du matin,
00:10:46 et je mettais une petite lampe comme ça,
00:10:48 et je lisais 20 ans après, je me suis dit "en cachet".
00:10:51 - Ça c'est tout vous.
00:10:52 - Ah oui, vraiment, j'ai adoré.
00:10:54 Mais de toute façon, tous les enfants,
00:10:55 je ne connais pas d'enfants qui n'aiment pas Les Trois Mousquetaires.
00:10:58 Ça n'existe pas.
00:10:59 - C'est une excellente formation pour la producteur de fonds.
00:11:03 - Ah, mais je suis tout à fait d'accord.
00:11:04 - Et la conception de l'intérêt national.
00:11:05 - Tout à fait d'accord.
00:11:06 - C'est magnifique.
00:11:07 - Et même la Ve République d'ailleurs, parce que...
00:11:09 - C'est très Ve République.
00:11:10 - Sinon, le roi est le Premier ministre.
00:11:13 Le roi est Richelieu.
00:11:14 Et le roi est populaire, mais Richelieu est impopulaire.
00:11:17 Il brave la popularité.
00:11:18 - Et qui sont les Mousquetaires ?
00:11:20 - Et les Mousquetaires, alors...
00:11:21 - Il y en a plus beaucoup.
00:11:23 Voilà.
00:11:24 Les bretteurs, les vrais bretteurs.
00:11:26 Mais un peu vous, je croyais que vous alliez y répondre, c'est moi.
00:11:28 - Ah, j'aimerais bien.
00:11:30 Je ne veux pas non plus vous paraître vaniteuse, mais...
00:11:32 - Nartagnan plutôt que Porto.
00:11:34 - Nartagnan.
00:11:35 Non, Porto, je n'ai pas le physique déjà.
00:11:36 - Non, ça ne va pas.
00:11:37 - Porto, je ne bois pas autant que lui.
00:11:40 Donc, loin de là.
00:11:41 - C'est vrai que je ne sais pas si elle vient de 20 ou de 20 ans,
00:11:44 parce que je sais que, chabot comme vous êtes, vous ne pouvez pas avoir un goût d'alcool.
00:11:47 - En revanche, Aramis me fascinait, parce que Aramis, c'est la subtilité.
00:11:51 - C'est le joli cœur.
00:11:52 - En fait, j'ai découvert deux choses entre 11 ans et 15 ans.
00:11:57 Et deux choses, deux chances, et en même temps, deux choses qui me différentiaient des autres.
00:12:02 La première, c'est que je photographiais les pages que je lisais avec attention.
00:12:08 C'est-à-dire qu'elles étaient fichées dans ma tête,
00:12:11 et la page apparaissait, donc je lisais comme si je...
00:12:14 Enfin, je pouvais réciter comme si je le lisais.
00:12:17 Et ça, évidemment, c'était une facilité incroyable, une chance incroyable.
00:12:22 - C'est une mémoire automatique ?
00:12:24 - Une mémoire, oui, photographique.
00:12:25 - Photographique, oui.
00:12:26 - Et donc, je photographie, encore aujourd'hui,
00:12:29 pendant l'élection présidentielle, ça m'a bien servi.
00:12:31 - Vous avez toujours dit ça, c'est quelle page pour ce sujet ?
00:12:33 - Voilà, exactement.
00:12:34 - C'est extraordinaire, d'ailleurs.
00:12:35 - Ça, c'est vraiment une chance incroyable, j'ai toujours été comme ça.
00:12:37 Et donc, évidemment, je l'entretiens.
00:12:39 - Ça se cultive, tout simplement.
00:12:40 - Bien sûr.
00:12:41 - C'est pas une chance, c'est un travail, c'est comme...
00:12:43 - Oui, mais au départ, c'est pas une chance.
00:12:44 - Un travail musculaire, oui, peut-être.
00:12:45 - C'est un travail musculaire, je suis assez d'accord.
00:12:46 - Ça s'entretient, quoi.
00:12:47 - C'est ce que je dis toujours aux jeunes, d'ailleurs, pour leur dire que c'est un muscle.
00:12:49 - Vous commencez, et après, vous serez...
00:12:51 - Absolument.
00:12:52 Et la deuxième chose que je découvre vers 13-14 ans,
00:12:53 et c'est pour ça que je...
00:12:54 Comme vous m'avez demandé les objets que je vous ai apportés...
00:12:56 - C'est le chevreuil.
00:12:57 - Vous allez me le prendre.
00:12:58 J'ai eu la chance, vous savez, c'est le Lagarde et Michard, c'est les livres.
00:13:02 Là, je vous ai apporté le 17e siècle.
00:13:03 - Je vais pas la caméra.
00:13:04 - Il y avait, évidemment, le 17e, le 18e, le 19e, le 20e.
00:13:07 Il y en avait un par siècle, évidemment.
00:13:09 - De plus en plus gros, d'ailleurs.
00:13:11 - De plus en plus gros, absolument.
00:13:12 Et pourquoi je vous apporte ça ?
00:13:14 Parce que je voulais vous dire que je pense avoir eu une chance inouïe
00:13:19 d'être... d'avoir l'école de la Troisième République, quasiment.
00:13:25 Et encore dans les années 60, quand j'étais enfant...
00:13:28 - Plus que dans les années 70, ça a été l'école de la Troisième République.
00:13:30 - 60, quand j'étais enfant, et 70, quand j'étais au collège.
00:13:33 - Oui.
00:13:34 - Et on était, en fait, sur une fin de cycle.
00:13:35 On savait pas qu'on était en train de détruire...
00:13:37 - Ça s'est déblingué dans la fin des années 70.
00:13:39 - Exactement.
00:13:40 - Ce dont vous parlez, d'ailleurs, dans le suicide français.
00:13:42 - Exactement.
00:13:43 Et donc là, vraiment, on avait la chance d'avoir des textes, des extraits de textes.
00:13:48 Et quand on aimait un de ces textes, eh ben, on allait acheter le livre, évidemment.
00:13:52 - Oui.
00:13:53 - On n'était pas obligé d'acheter tous les livres.
00:13:55 Mais en tout cas, on avait un extrait, on avait des commentaires,
00:13:58 on avait surtout une mise en perspective.
00:14:00 J'ai découvert bien après, je vais parler de mes enfants,
00:14:04 que dans les livres scolaires d'aujourd'hui, ils mélangent tous les textes.
00:14:08 - Oui.
00:14:09 - Ce qui fait que les enfants...
00:14:10 - On sait pas.
00:14:11 - ...ne savent pas que La Fontaine est au 17e siècle,
00:14:14 que Molière est au 17e siècle, que Maupassant est au 19e, etc.
00:14:18 Ils ne savent pas.
00:14:19 Ils voient les textes arriver comme ça, en vrac.
00:14:21 Et donc, ils ne font pas le rapprochement entre la littérature
00:14:25 et le contexte politique et historique de l'époque.
00:14:29 Et nous, on avait cette chance-là.
00:14:31 Et c'est pour ça qu'on est beaucoup plus structurés.
00:14:33 - Qu'est-ce que vous préfériez, l'histoire ou le français à l'école ?
00:14:36 Les deux ?
00:14:37 - Oui.
00:14:38 - Ça va de pair ?
00:14:39 - Les deux.
00:14:40 - Et la géographie ?
00:14:41 - Et la géographie, mais pour moi, ça allait de pair.
00:14:43 En plus, c'était...
00:14:44 - Et la géographie, j'insiste.
00:14:46 - Ah oui, vous avez raison.
00:14:47 - Mais je suis pas sûr.
00:14:48 - Parce que j'étais moins bon en géographie.
00:14:49 - Je suis pas sûr.
00:14:50 - Il faut insister.
00:14:51 - Il faut insister, vous avez raison.
00:14:53 - Combien de fois vous avez dit pendant votre campagne,
00:14:55 Eric, à la campagne, des arbres, des champs, des villages...
00:14:59 - Mais c'est vrai que j'ai plus de mal avec la géographie.
00:15:01 Mais je suis un urbain, alors évidemment, moi j'aime les villes...
00:15:04 - Un peu trop, j'ai un ami.
00:15:05 - Un peu trop, je vous l'accorde.
00:15:06 Non, mais on a tous nos faiblesses.
00:15:08 - Oui, voilà.
00:15:09 - Mais non, c'est vrai que l'histoire et la littérature et le français...
00:15:13 Alors évidemment, quand on aime quelque chose, on est très fort.
00:15:16 Et donc, on aime encore plus parce que vous avez commencé,
00:15:19 vous savez faire tout ce qu'on nous demande.
00:15:21 On a des bonnes notes, donc on apprend encore plus.
00:15:24 Donc, c'était mes matières phares.
00:15:26 Donc, les profs m'aimaient, alors que les autres me trouvaient trop insolent
00:15:30 et un peu gîté.
00:15:31 - Un peu le premier de la classe.
00:15:32 - Voilà, là j'étais premier de la classe.
00:15:33 Pas en tout, mais en français et en histoire,
00:15:36 j'ai pas souvenir de pas avoir été premier.
00:15:38 - Et alors, évidemment, vous lisiez d'autres livres que des livres au programme.
00:15:40 - Exactement.
00:15:41 Alors, ça, c'est une bonne question.
00:15:43 En fait, je me suis...
00:15:45 Alors là, c'est plus tard.
00:15:47 À partir de 16 ans, 17 ans, j'ai pris une méthode toute bête.
00:15:51 Vous allez vous moquer de moi.
00:15:53 Quand j'aime un livre d'un auteur,
00:15:55 eh bien, oui, j'achète la suite.
00:15:59 Donc, je lis.
00:16:01 Alors, j'en ai un, j'en ai deux, j'en ai trois, j'en ai quatre, j'en ai cinq.
00:16:04 Et alors, je plonge comme ça avec des lisses.
00:16:08 - Les Balzac, par exemple.
00:16:09 - Non, j'ai pas...
00:16:10 J'ai les œuvres complètes.
00:16:11 Alors, j'ai pas tout lu, c'est pas vrai,
00:16:13 mais j'en ai lu quand même vraiment beaucoup.
00:16:16 Et je vais piocher régulièrement.
00:16:18 Je regarde dans mes œuvres complètes.
00:16:19 Je me dis, ah tiens, celui-là, je ne l'ai pas encore lu.
00:16:21 Ou celui-là, j'ai envie de le relire, etc.
00:16:23 Donc, j'ai ça pour Balzac.
00:16:25 J'ai ça pour Les Mémoires de Saint-Simon,
00:16:27 que j'adore et que j'ai lu entièrement.
00:16:29 - Et ça, c'est long.
00:16:30 - C'est long, mais j'ai fait ça été après été.
00:16:33 - Oui, il y a des livres qui vous accompagnent pendant toute l'année.
00:16:36 - Voilà, exactement.
00:16:37 Et voilà, etc.
00:16:38 Céline, j'ai également tout lu.
00:16:40 Vous voyez, je change comme ça, j'alterne.
00:16:42 - Félicitations.
00:16:43 - C'est pénible.
00:16:44 - Non, moi, je ne trouve pas.
00:16:45 Mais c'est vrai quand c'est un obvieux désaccord.
00:16:47 Moi, j'aime beaucoup Céline.
00:16:48 Et voilà, il y a différentes œuvres.
00:16:50 Alors, Flaubert, c'est une évidence.
00:16:53 Stendhal aussi.
00:16:54 Voilà.
00:16:55 Donc après, je…
00:16:56 - Et alors, quel lecteur êtes-vous ?
00:16:58 Il y a deux catégories.
00:17:01 Schématiquement, ceux qui annotent.
00:17:04 Il y en a trois.
00:17:06 Ceux qui lisent, ceux qui annotent dans les marges
00:17:09 et ceux qui font des fiches.
00:17:11 - Alors, moi, je suis…
00:17:13 Je lis avec un crayon ou un stylo
00:17:16 et je coche.
00:17:18 Par exemple, quand il y a une phrase qui me plaît
00:17:20 ou une page qui m'intéresse, etc.
00:17:21 Je coche.
00:17:22 Je mets dans la…
00:17:25 Là, dans la marge.
00:17:26 - On peut voir.
00:17:27 - Non, non, là, il n'y en a pas.
00:17:28 Mais je mets les pages.
00:17:29 - Dans Napoléon, il y en a un.
00:17:30 - Non, il n'y en a pas.
00:17:31 Non, parce que là, j'étais petit.
00:17:32 - Quand on était petit, on respectait les lignes.
00:17:34 - Je fais ça depuis quand même pas…
00:17:35 Quand j'étais petit, je n'osais pas.
00:17:37 Et maintenant, je mets les pages
00:17:38 et je mets la référence, si vous voulez,
00:17:40 pour que je puisse retrouver…
00:17:41 - Ah, au début du volume ?
00:17:42 - Exactement.
00:17:43 - Les pages importantes.
00:17:44 - Les pages que j'ai relevées, moi,
00:17:46 ou qui m'intéressent,
00:17:47 c'est une phrase qui m'a plu
00:17:48 ou une page qui m'a intéressé,
00:17:50 je la note pour pouvoir la retrouver aisément.
00:17:52 Alors, quand j'ai fini le livre,
00:17:55 je relis les notes que j'ai relevées
00:18:00 pour bien me les mémoriser.
00:18:02 Puis, je range
00:18:03 et il m'arrive de temps en temps
00:18:04 d'aller chercher quand je pense à quelque chose.
00:18:06 Je sais que c'est dans tel livre,
00:18:07 mais je n'ai pas toujours le souvenir exact
00:18:10 de la phrase.
00:18:11 Et donc, je vais chercher,
00:18:12 je prends dans la bibliothèque le livre,
00:18:14 je vois la page et je retrouve.
00:18:16 - Par exemple, quand vous écrivez ?
00:18:18 - Alors là, quand j'écris…
00:18:19 - Vous n'auriez pas écrit sans avoir beaucoup lu ?
00:18:21 - Exactement.
00:18:22 Quand j'écris, c'est systématique.
00:18:23 - Il y a maintenant des gens
00:18:24 qui s'inventent écrivains.
00:18:25 - Oui, ça, ça me rappelle.
00:18:26 - Car vous l'êtes, y compris,
00:18:27 pour avoir écrit des romans.
00:18:28 - Ah oui, tout à fait.
00:18:29 - Et qui, pour autant…
00:18:31 - Prétendent qu'ils n'ont pas lu.
00:18:33 - Je chasse.
00:18:34 Je chasse un…
00:18:36 - Mais vous avez tout à fait raison.
00:18:39 Moi, je pense qu'on écrit les livres
00:18:42 avec les livres qu'on a lus.
00:18:44 - C'est ça.
00:18:45 - Et d'ailleurs, c'était…
00:18:46 Je vous disais tout à l'heure
00:18:48 que j'avais eu la chance
00:18:49 de mémoriser comme ça photographiquement.
00:18:51 Et j'ai une deuxième chance
00:18:53 que j'ai découverte à l'adolescence.
00:18:55 C'est que si vous me mettez, par exemple,
00:18:59 avec Châteaubriand ou Stendhal
00:19:02 pendant une semaine,
00:19:04 c'est-à-dire que je ne fais que lire cela,
00:19:06 en vacances, je fais ça souvent,
00:19:07 eh bien, après, je peux écrire
00:19:10 à la manière d'eux.
00:19:12 Vous voyez comme…
00:19:13 - En pastichant.
00:19:14 - En pastichant.
00:19:15 J'ai acquis le style.
00:19:16 Alors après, je le perds un peu.
00:19:18 Mais sur le moment, je fais ça.
00:19:19 Alors, imaginez,
00:19:20 quand on faisait des rédactions
00:19:21 ou des dissertations,
00:19:22 je m'amusais beaucoup à faire ça.
00:19:24 C'était très chic.
00:19:25 Et ça, vraiment, c'est…
00:19:30 - Oui, ça forge la plume.
00:19:32 Il faut faire attention à se détacher.
00:19:33 - Absolument.
00:19:34 Je suis d'accord.
00:19:35 - Il y a de braves gens aujourd'hui
00:19:36 qui ont lu Châteaubriand,
00:19:37 ça se voit et ça se voit.
00:19:38 - Je suis d'accord.
00:19:39 Mais même le général de Gaulle,
00:19:41 c'est un peu aux limites
00:19:43 du pastiche de Châteaubriand.
00:19:44 C'est magnifique, mais…
00:19:45 - Oui, c'est plus raide,
00:19:46 c'est plus militaire quand même.
00:19:47 - Je suis d'accord.
00:19:48 - Mais enfin, c'est ça.
00:19:49 Et puis, il y a des gens
00:19:50 qui font du Proust.
00:19:51 - Exactement.
00:19:52 Non, alors moi, maintenant, je pense…
00:19:54 - C'est facile d'ailleurs.
00:19:55 - …arriver à l'âge que j'ai,
00:19:57 je mélange un peu tous les styles
00:20:00 qui m'ont influencé.
00:20:01 Et c'est comme ça qu'on fait son propre style.
00:20:03 - En sortant son style.
00:20:04 - Voilà, vous avez compris.
00:20:05 - Tout à fait.
00:20:06 Lecture où et écriture où ?
00:20:09 Là aussi, il y a deux catégories.
00:20:11 Il faut la table de travail,
00:20:13 le chez-soi, la table de travail
00:20:15 ou alors dans le train, en voiture,
00:20:17 dans le métro.
00:20:18 - Pour écrire ?
00:20:19 - Pour écrire en voiture, c'est difficile.
00:20:21 - Moi, pour écrire, je n'arrive à écrire
00:20:23 que à mon lieu de travail.
00:20:25 - À la table.
00:20:26 Chez vous.
00:20:27 - Chez moi ou au journal.
00:20:29 J'arrivais à écrire quand j'étais au Figaro.
00:20:31 - Ah, c'est vrai.
00:20:32 - Quand je prenais du temps.
00:20:33 - C'était des bureaux avec beaucoup de gens qui passaient.
00:20:35 - Oui, mais j'arrivais à m'isoler.
00:20:37 - Il faut être très fort pour s'en sortir.
00:20:39 - Et quand j'avais fini mon travail pour le journal,
00:20:41 j'arrivais à… ça, c'était pratique.
00:20:42 Ou alors chez moi, le plus souvent, c'était chez moi.
00:20:44 - Le matin, le soir ?
00:20:45 - Le matin.
00:20:46 - Et le soir, les lectures ?
00:20:48 - L'après-midi, je ne suis pas du soir.
00:20:50 Après le dîner, je lis un peu mais pas beaucoup.
00:20:53 - Ah bon ?
00:20:54 - Euh…
00:20:55 - Je vous disais très vite parce que vous avez tellement lu.
00:20:57 C'est le soir et la nuit.
00:20:59 - Non, en fait, je vais vous dire.
00:21:01 J'écris donc le matin chez moi.
00:21:03 Ça, c'est systématique.
00:21:06 - Oui.
00:21:07 - J'ai toujours un livre en cours.
00:21:08 Donc, j'écris le matin chez moi.
00:21:10 J'ai une bibliothèque et je fais…
00:21:12 Je vais vous raconter une anecdote.
00:21:14 Je mets les livres dont j'ai besoin devant
00:21:16 parce que j'ai vu, comme quoi on apprend toujours.
00:21:19 Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette grande émission
00:21:21 de Bernard Pivot
00:21:23 quand il était allé interviewer Solzhenitsyn
00:21:25 aux États-Unis.
00:21:27 - Oui.
00:21:28 - Dans le Vermont.
00:21:29 - Oui.
00:21:30 - Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette image.
00:21:31 On l'avait vue en train de travailler à son bureau.
00:21:33 Il écrivait à la main.
00:21:35 Lui, moi, j'écris à l'ordinateur.
00:21:36 Mais il avait des tas de livres devant lui
00:21:39 et il expliquait à Pivot
00:21:41 qu'il prenait ce qu'il avait repéré.
00:21:44 Il avait étalé ses livres
00:21:46 parce qu'il avait un chapitre à écrire.
00:21:48 Il savait exactement de quel livre il avait besoin.
00:21:51 Je fais exactement la même chose
00:21:53 avec une petite innovation depuis quelques livres.
00:21:57 Maintenant, il m'arrive très souvent de photographier
00:22:01 - Ah !
00:22:02 - Avec mon téléphone.
00:22:03 - Avec un téléphone.
00:22:04 - Les pages importantes.
00:22:05 Donc, ça fait moins de volume.
00:22:07 Mais je vais chercher les pages sur le téléphone
00:22:09 et j'écris à mon bureau, chez moi.
00:22:11 - Et prise de notes, non ?
00:22:13 - Prise de notes.
00:22:14 - C'est un grand piège, les notes.
00:22:16 - Prise de notes, non ?
00:22:17 Dans les livres, oui, mais pas ailleurs.
00:22:19 Pour la lecture...
00:22:20 - Vous pouvez prendre des notes dans un métro ?
00:22:22 Je dis métro parce que vous êtes imbattable
00:22:24 sur les plans de métro.
00:22:26 - Je prenais...
00:22:27 Je vais vous dire.
00:22:28 - Maintenant, vous le prenez moins.
00:22:29 - Je ne le prends plus.
00:22:30 Je n'ai plus le droit parce que la police me protège.
00:22:33 - Pourquoi vous ne prenez pas
00:22:34 pour savoir comment aller de Bastille à...
00:22:35 - Je connais très bien le métro depuis mon enfance.
00:22:37 - À Convention.
00:22:38 - Depuis mon enfance, je connais très bien le métro, c'est vrai.
00:22:40 - Voiture, etc.
00:22:41 On griffonne les...
00:22:42 - Non, je n'y arrive pas.
00:22:43 Je n'y arrive ni à lire, ni à écrire dans la voiture.
00:22:45 Ça me rend malade.
00:22:46 - C'est un piège de prendre des notes sans travail.
00:22:48 - Voilà.
00:22:49 Et puis, donc, voilà un peu comment je travaille.
00:22:51 Et comment je lis ?
00:22:52 Alors, vous disiez, je lis énormément en vacances.
00:22:56 C'est-à-dire que là, je peux lire toute la journée.
00:22:59 Je ne m'arrête que pour nager ou pour aller jouer au tennis
00:23:03 ou pour déjeuner ou pour dîner.
00:23:04 Mais sinon, je peux lire des heures et des heures.
00:23:06 Et donc là, je peux lire 100 pages, 150 pages par jour.
00:23:09 - Vous étiez très pédagogique pour vos enfants de voir leur père.
00:23:12 - Oui, ils se moquaient de moi.
00:23:14 Je me souviens...
00:23:15 - Peut-être que ça les chagrinait un peu.
00:23:17 - Ils se moquaient de moi.
00:23:18 Je me souviens d'une histoire beaucoup plus touchante.
00:23:20 C'était un jour, on était dans un hôtel.
00:23:23 Et il y avait un type qui était très sympathique d'ailleurs
00:23:26 et qui était venu me voir.
00:23:28 Et il m'avait interrompu dans ma lecture.
00:23:31 Et donc, bon, j'avais fait contre mauvaise fortune de mon corps
00:23:34 parce que je ne suis pas très agréable quand je lis et qu'on vient de me déranger.
00:23:37 Et j'avais parlé avec lui.
00:23:38 Et plus tard, il croise un de mes fils et lui raconte.
00:23:43 Et alors, mon fils le regarde et lui dit
00:23:45 "Mais t'es complètement fou.
00:23:47 Tu l'as interrompu pendant qu'il lisait, mais tu es fou.
00:23:50 Mais tu ne te rends pas compte."
00:23:52 - Alors évidemment, le type est venu me le raconter après.
00:23:55 C'était assez mignon.
00:23:56 - C'est une activité sacrée.
00:23:57 - Ah oui, vraiment.
00:23:58 - J'insiste là-dessus, Eric.
00:24:00 Vous allez me comprendre et partager mon objectif.
00:24:05 Parler des livres comme nous le faisons est un devoir national.
00:24:09 - Ça, c'est d'accord.
00:24:10 - Je pense que la France est en grand danger.
00:24:12 Ce n'est pas vous qui pouvez le dire.
00:24:15 - Absolument.
00:24:16 - Mais tant qu'il y a, mon Dieu, une proportion suffisante,
00:24:19 pas tous, des millions de Français qui lisent
00:24:22 et qui lisent le patrimoine littéraire français
00:24:27 ou connaissent l'histoire de France,
00:24:30 la France survivra toujours.
00:24:31 - Je suis tout à fait d'accord avec vous.
00:24:33 Je pense que, et c'est ça d'ailleurs le souci majeur,
00:24:37 je lisais ce matin, pas plus tard que ce matin,
00:24:40 un article dans je ne sais plus quel journal,
00:24:43 je crois que c'était Marianne, si je ne dis pas de bêtises,
00:24:45 sur les rapports, le rapport académique,
00:24:49 sur les examens passés par les apprentis instituteurs.
00:24:56 Et justement, le rapport s'alarmait
00:24:59 parce que, expliquaient les gens qui avaient lu les copies de ces étudiants,
00:25:07 il n'y avait aucune référence littéraire.
00:25:10 Il n'y avait que des références aux dessins animés de Walt Disney,
00:25:14 aux séries Netflix.
00:25:18 - La téloche.
00:25:19 - Mais là, c'est impressionnant.
00:25:20 Oui, mais il y a une différence, si vous voulez, entre eux.
00:25:23 Moi, je vous dis ça parce que, enfant,
00:25:25 j'ai beaucoup regardé la télévision.
00:25:27 Alors, ce n'était pas la même télévision, il n'y avait qu'une chaîne,
00:25:29 on était dans les années 60, etc.
00:25:32 Mais ça ne m'a pas empêché de lire.
00:25:33 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:25:35 Là, c'est carrément un substitut.
00:25:37 Il n'y a plus rien d'autre.
00:25:39 Et là, c'est terrifiant.
00:25:41 Je vous dis, j'ai lu ça ce matin.
00:25:43 Donc, vous avez tout à fait raison, je suis tout à fait d'accord avec vous.
00:25:46 Je pense, on l'a dit en introduction de notre conversation,
00:25:50 la France est d'abord une nation littéraire.
00:25:54 Et donc, si les Français, les jeunes Français,
00:25:58 ne lisent plus de grands auteurs,
00:26:01 parce que c'est ça, évidemment,
00:26:05 qui forge l'esprit, la pensée,
00:26:09 et la façon de s'exprimer,
00:26:11 et donc la façon d'écrire.
00:26:13 Mais même la manière d'être avec les autres,
00:26:15 de bien comprendre les autres.
00:26:17 Un roman, c'est une leçon de psychologie.
00:26:19 Ça permet de savoir,
00:26:21 de deviner ce qui est dans la tête des autres.
00:26:23 Je disais toujours, les grands romans,
00:26:25 que ce soit Balzac, Flaubert, Stendhal,
00:26:27 tous les grands romanciers du 19e,
00:26:29 et les autres aussi,
00:26:31 ça donne 10 ans, 20 ans d'avance.
00:26:33 En fait, on comprend ces contemporains,
00:26:35 contrairement à ce qu'on croit,
00:26:37 ça ne nous retarde pas.
00:26:39 Ça nous donne de l'avance.
00:26:41 On prend de l'avance sur la connaissance
00:26:43 de l'être humain,
00:26:45 et donc de ses contemporains.
00:26:47 Et c'est encore plus grave, mon cher Éric,
00:26:49 parce que c'est une chose
00:26:51 qu'une bonne partie du peuple français
00:26:53 ne lise plus beaucoup.
00:26:55 Mais il y a encore plus grave,
00:26:57 c'est Balzac à Blanc.
00:26:59 Et vous vous êtes amusé, d'ailleurs,
00:27:01 à en faire plus ou moins un livre.
00:27:03 La France n'a pas dit son dernier mot.
00:27:05 Je vais vous montrer à l'écran.
00:27:07 J'en ai autant à votre service.
00:27:09 C'est l'inculture des hommes et des femmes politiques.
00:27:11 C'est incroyable.
00:27:13 C'est terrible parce que...
00:27:15 Vous les avez tous connus.
00:27:17 J'en ai connu un certain nombre.
00:27:19 Je suis toujours sidéré.
00:27:21 Il y a des exceptions.
00:27:23 Un de nos amis communs, Jean-Frédéric Poisson,
00:27:25 par exemple, qui a beaucoup lu.
00:27:27 Il n'y en a pas tant que ça.
00:27:29 Il y en a de moins en moins.
00:27:31 Quand j'étais jeune journaliste politique,
00:27:33 c'est un temps, pour situer
00:27:35 à vos téléspectateurs,
00:27:37 j'ai commencé dans les années 80
00:27:39 et j'ai été journaliste politique
00:27:41 jusqu'aux années 2010-20.
00:27:43 Il y avait encore,
00:27:45 dans la génération qui nous précédait,
00:27:47 des gens qui étaient âgés pour moi,
00:27:49 qui avaient mon âge aujourd'hui,
00:27:51 il y avait beaucoup de gens
00:27:53 qui étaient quand même lettrés.
00:27:55 On pouvait côtoyer
00:27:57 Alain Perfitte,
00:27:59 Philippe Séguin,
00:28:01 même Charles Pasqua était très lettré.
00:28:03 Vous l'avez connu comme moi.
00:28:05 Je n'avais pas l'impression.
00:28:07 Mais oui, sous sa gognardise.
00:28:09 Et le spectacle qu'il donnait,
00:28:11 il était très lettré en vérité.
00:28:13 Beaucoup de culture historique.
00:28:15 Il y en avait beaucoup d'autres.
00:28:17 A gauche, évidemment,
00:28:19 François Mitterrand, c'est une évidence.
00:28:21 Pierre Chevenement, c'est une évidence aussi.
00:28:23 Chez les centristes,
00:28:25 le plus grand lecteur,
00:28:27 vous n'allez pas deviner à qui je pense,
00:28:29 il vient de décéder, je suis heureux de prononcer son nom.
00:28:31 Le plus grand lecteur que j'ai rencontré,
00:28:33 parce que j'étais un temps,
00:28:35 temps de Séguin,
00:28:37 parce que nous sommes vus pour la première fois.
00:28:39 Absolument.
00:28:41 J'avais
00:28:43 les affaires culturelles dans mon bagage.
00:28:45 Je préparais les discours,
00:28:47 mais aussi les affaires culturelles,
00:28:49 et les affaires nationales.
00:28:51 Il y avait un jury
00:28:53 composé à moitié de députés.
00:28:55 Il y en a un qui lisait tout,
00:28:57 mais tout, c'est Jean-Pierre Soisson.
00:28:59 Mais je le sais.
00:29:01 Ah, Jean-Pierre Soisson.
00:29:03 Je le connaissais très bien.
00:29:05 Lui, c'était un insomniaque, il lisait la nuit.
00:29:07 Absolument. Moi, je l'aimais beaucoup.
00:29:09 Vraiment, on avait des relations très affectueuses.
00:29:11 Je sais qu'il lisait énormément,
00:29:13 à la fois de la littérature et de l'histoire.
00:29:15 D'ailleurs, il a écrit des livres d'histoire,
00:29:17 lui-même, sur, je crois, Charles Quint,
00:29:19 enfin, la Bourgogne, sa région.
00:29:21 Charles le Téméraire, surtout.
00:29:23 Ah, c'était Charles le Téméraire.
00:29:25 C'est un autre rapport à la chose publique,
00:29:27 celui qui a le lettré.
00:29:29 Écoutez, là,
00:29:31 ne citons pas de noms, mais moi,
00:29:33 j'ai servi des...
00:29:35 Par chance,
00:29:37 plutôt évité, mais quelques-uns,
00:29:39 j'ai croisé des hommes politiques
00:29:41 qui enfilaient des perles,
00:29:43 qui disaient des bêtises.
00:29:45 Il faut recréer
00:29:47 une femme ministre,
00:29:49 je préfère ne pas dire son nom,
00:29:51 ministre des affaires européennes,
00:29:53 qui me dit un jour,
00:29:55 il faut recréer une véritable entente
00:29:57 franco-allemande et tout refonder
00:29:59 l'Europe sur Westphalie.
00:30:01 Il faut une inculture
00:30:03 stupifiante.
00:30:05 Parce que la Westphalie,
00:30:07 c'était la division
00:30:09 de l'Allemagne dans l'intérêt de la France.
00:30:11 Ça, c'est bien.
00:30:13 C'est le contraire de ce qu'elle voulait dire.
00:30:15 Elle était conseillère d'État.
00:30:17 Je pense qu'ils n'auraient pas été forcément d'accord.
00:30:19 Je crois pas qu'ils auraient été forcément d'accord.
00:30:21 Non.
00:30:23 Mais voyez l'inculture.
00:30:25 Il y a deux choses. Il y a la culture historique
00:30:27 et la culture littéraire.
00:30:29 En général, elles vont de pair,
00:30:31 mais pas forcément.
00:30:33 Chez Mitterrand, De Gaulle,
00:30:35 Pompidou, elle allait de pair.
00:30:37 Même Giscard.
00:30:39 On se moquait à l'époque, mais en vérité,
00:30:41 il était 10 fois plus lettré que
00:30:43 tous les politiques d'aujourd'hui.
00:30:45 Il avait lu "Maux Passants". Je ne suis pas si sûr que ça.
00:30:47 Il aimait "Maux Passants",
00:30:49 mais il avait une culture classique,
00:30:51 comme tous,
00:30:53 à l'époque.
00:30:55 Donc, effectivement, aujourd'hui,
00:30:57 non seulement la culture littéraire s'est effondrée,
00:30:59 mais aussi la culture historique.
00:31:01 Chez les politiques, c'est grave.
00:31:03 Absolument.
00:31:05 C'est gravissime.
00:31:07 Vous y seriez mérité d'être président de la République.
00:31:09 Il y a une adéquation entre ce qu'est la France
00:31:11 et la...
00:31:13 Peut-être par poisson...
00:31:15 Pardon.
00:31:17 Par soisson.
00:31:19 Jean-Pierre Soisson, vous êtes à ma table.
00:31:21 Vous savez combien de livres vous avez lus ?
00:31:23 Non, non, non.
00:31:25 Quel est le rythme de lecture par semaine,
00:31:27 par exemple, ou par mois ?
00:31:29 C'est une phrase un peu bête.
00:31:31 Oui, parce que ça dépend.
00:31:33 Je peux lire...
00:31:35 En vacances, quand je ne fais que ça, je peux lire un livre par jour.
00:31:37 Tout dépend de la taille du livre, évidemment.
00:31:39 Mais dans la semaine, quand j'ai du travail,
00:31:41 j'en lis moins.
00:31:43 Mais j'essaye toujours de réserver
00:31:45 deux heures de temps pour lire.
00:31:47 J'y vais pas, j'y arrive pas forcément.
00:31:49 Parce que j'ai des rendez-vous,
00:31:51 parce que je travaille, parce que je travaille
00:31:53 à un discours, parce que je travaille
00:31:55 à une émission de télévision, parce que vous voyez...
00:31:57 Pendant la campagne électorale, vous arriviez à lire, je crois ?
00:31:59 Beaucoup moins.
00:32:01 J'essayais dans les trains.
00:32:03 Parlez.
00:32:05 Alors, dans les trains, souvent,
00:32:07 je devais travailler à un discours, parce qu'on arrivait,
00:32:09 on avait dit aux gens...
00:32:11 Et puis les gens viennent vous parler.
00:32:13 Non, mais je vais vous dire, en fait,
00:32:15 en campagne présidentielle, on n'a pas beaucoup le temps de lire,
00:32:17 parce que, un, il y a les discours,
00:32:19 deux, il y a les émissions de télévision,
00:32:21 qu'il faut préparer.
00:32:23 Moi, je les prépare toujours très sérieusement.
00:32:25 Et trois, il y a les notes.
00:32:27 On vous fait des notes sur le programme,
00:32:29 sur ceci, sur cela, et donc, vous lisez ça.
00:32:31 Alors, évidemment, on a moins le temps
00:32:33 de lire.
00:32:35 Et d'ailleurs, ça a été, après la fin de la campagne,
00:32:39 c'était vraiment une consolation
00:32:43 que de retrouver mes livres, etc.
00:32:45 Et là,
00:32:47 je peux vous dire, depuis...
00:32:49 Parce que, si vous voulez,
00:32:51 quand je n'étais pas un homme politique,
00:32:53 j'avais pas mal de travail
00:32:55 de journaliste.
00:32:57 Oui.
00:32:59 Soit j'avais mes chroniques pour Le Figaro...
00:33:01 Les livres de politique qui ne sont pas souvent...
00:33:03 Non, non, non, je lisais peu de livres d'hommes politiques.
00:33:05 Mais j'avais mes livres, mes chroniques du Figaro.
00:33:07 Non, mais c'est vrai, j'en lisais peu.
00:33:09 J'avais aussi mon émission sur CNews,
00:33:11 ou ma chronique sur RTL,
00:33:13 etc. Donc, j'avais peu de temps,
00:33:15 à part pendant les vacances
00:33:17 et les week-ends, etc. Mais même le week-end,
00:33:19 je lisais pour ma chronique du Figaro.
00:33:21 Depuis que je n'ai plus
00:33:23 toutes ces activités,
00:33:25 je sais qu'il y a vraiment un avantage
00:33:27 à cela, c'est que j'ai réussi
00:33:29 à lire des livres
00:33:31 vraiment, comment vous dire...
00:33:33 Insolides.
00:33:35 À la fois, soit de la littérature,
00:33:37 je vais vous étonner par exemple, j'ai relu Madame Bovary,
00:33:39 que je n'avais pas lu
00:33:41 depuis 40 ans.
00:33:43 Et d'ailleurs,
00:33:45 j'ai compris... On y retrouve des choses.
00:33:47 Non, c'est surtout, j'ai compris pourquoi
00:33:49 les plus grands écrivains
00:33:51 mettaient ce livre au-dessus de tout.
00:33:53 Et je n'avais pas compris, je préférais quand j'étais jeune
00:33:55 l'éducation sentimentale.
00:33:57 Aujourd'hui, je comprends maintenant
00:33:59 que Madame Bovary, c'est vraiment
00:34:01 sur la forme et sur le fond,
00:34:03 c'est très supérieur à tout.
00:34:05 Et puis,
00:34:07 à côté des oeuvres de littérature,
00:34:09 je vous passe les Mémoires d'Outre-Tombe
00:34:11 parce que je relis ça systématiquement.
00:34:13 Donc depuis 30 ans, je relis ça
00:34:15 tous les 2-3 ans.
00:34:17 Vous êtes un relecteur ? Pas beaucoup.
00:34:19 J'ai quelques
00:34:21 tocs,
00:34:23 dont les Mémoires d'Outre-Tombe,
00:34:25 mais Flaubert,
00:34:27 Proust,
00:34:29 tous les 20 ans, je dirais.
00:34:31 Proust,
00:34:33 on peut parler de lui à chaque fois.
00:34:35 Donc, vous voyez,
00:34:37 pas beaucoup. J'ai relu
00:34:39 récemment Le Maître et Marguerite de
00:34:41 Boulgakov. Vous voyez,
00:34:43 je prends parfois, mais je ne suis pas un relecteur.
00:34:45 Et ce que je voulais vous dire, c'est que là,
00:34:47 et vraiment, j'ai honte même parfois, parce que
00:34:49 je n'avais pas lu ça, par exemple, depuis
00:34:51 toujours, j'avais lu des extraits.
00:34:53 J'ai lu des livres d'Honorbert Elias.
00:34:55 J'ai lu
00:34:57 le dernier livre de Brodel, vous savez,
00:34:59 Identité de la France, que je n'avais jamais lu en entier.
00:35:01 Formidable. Je suis tout à fait d'accord.
00:35:03 Remarquable.
00:35:05 Vous voyez, j'ai lu des choses comme ça.
00:35:07 Les Deux Corps du Roi de Kantorowicz, qu'on cite tout le temps.
00:35:09 Honnêtement,
00:35:11 j'avais lu deux pages quand j'étais à Sciences Po.
00:35:13 Là, il y a quand même
00:35:15 600 ou 700 pages, c'est pareil.
00:35:17 On comprend assez vite.
00:35:19 Ça vous arrive de dire...
00:35:21 Non.
00:35:23 On a connu quelqu'un,
00:35:25 je peux citer son nom parce qu'il était formidable,
00:35:27 c'est William Abitbol.
00:35:29 William Abitbol
00:35:31 lisait rarement un livre jusqu'au bout.
00:35:33 Il en avait lu 15 pages,
00:35:35 20 pages, 30 pages, il pouvait en parler
00:35:37 comme s'il avait lu d'autres.
00:35:39 Il paraît que Napoléon, au bout de
00:35:41 30 pages, 40 pages, il avait compris.
00:35:43 Il rendait le livre...
00:35:45 Vous conseillez d'aller jusqu'au bout, quoi qu'il arrive ?
00:35:47 Moi, mais c'est moi.
00:35:49 Je vous ai toujours pris un peu.
00:35:51 Vous l'avez dit d'ailleurs à CNews,
00:35:53 vous êtes un peu l'instituteur de la France.
00:35:55 Faites la classe à la France.
00:35:57 Alors, faites la classe à la France.
00:35:59 J'aime bien quand il y a les petits jeunes de Reconquête
00:36:01 qui viennent me dire "c'est vous qui m'avez formé,
00:36:03 grâce à vous j'ai lu ça".
00:36:05 C'est assez efflateur pour moi. Honnêtement, je suis assez fier.
00:36:07 Mais non, moi je ne sais pas
00:36:09 ne pas finir un livre.
00:36:11 Je vais vous faire une confidence.
00:36:13 D'abord, j'ai trop de respect pour les grands écrivains.
00:36:15 Et donc, je me dis,
00:36:17 même si je n'aime pas au début,
00:36:19 il va m'apprendre un truc après, etc.
00:36:21 C'est le côté "bon élève".
00:36:23 Absolument, vous avez raison.
00:36:25 Pas "petit chauve".
00:36:27 Mais, j'ai fait une seule exception.
00:36:29 Mais là, je vous dis ça
00:36:31 pour vous amuser. Vous vous souvenez quand j'étais
00:36:33 chroniqueur chez Ruquier ?
00:36:35 Je ne regarde pas la télé, moi.
00:36:37 J'en étais là entre la fin
00:36:39 des années 2007-2008,
00:36:41 jusqu'à 2010.
00:36:43 Et là, on recevait des auteurs.
00:36:45 Honnêtement,
00:36:47 ce n'étaient pas des auteurs.
00:36:49 C'était vraiment...
00:36:51 La plupart du temps, il y avait des exceptions.
00:36:53 Mais la plupart du temps, c'était
00:36:55 nullissime. A la fois sur le fond
00:36:57 et dans la foire.
00:36:59 Et après, on disait
00:37:01 "Zemmour est très méchant" parce que moi je disais "non c'est nul,
00:37:03 pardonnez-moi, c'est nul".
00:37:05 Et alors là, j'avoue, j'avoue humblement,
00:37:07 c'est la seule fois de ma vie
00:37:09 où il y a de nombreux livres que je n'ai pas
00:37:11 réussi à finir. C'est-à-dire que je lisais
00:37:13 et puis je soufflais
00:37:15 beaucoup parce que vraiment c'était une épreuve.
00:37:17 Et puis au bout de
00:37:19 20-30 pages, je jetais le livre.
00:37:21 Mais voilà, j'avoue,
00:37:23 aujourd'hui... Mais ce n'est pas un conseil à donner au lecteur.
00:37:25 Non, vraiment pas. Je vous assure,
00:37:27 je fais ça parce que c'était vraiment des livres
00:37:29 d'une rare médiocrité.
00:37:31 Mais pour les livres convenables,
00:37:33 qui ont passé la postérité,
00:37:35 franchement, je ne fais
00:37:37 jamais ça parce que je crois,
00:37:39 et ça marche la plupart du temps,
00:37:41 qu'on finit toujours par apprendre quelque chose.
00:37:43 Et je vais vous dire mieux. Parfois, je vous ai dit tout à l'heure,
00:37:45 quand il y a un livre qui me plaît d'un auteur,
00:37:47 je vais
00:37:49 chez Gallimard et j'achète
00:37:51 un, deux, trois, quatre, je les achète tous.
00:37:53 Et parfois,
00:37:55 je vais vous donner un exemple que j'ai en mémoire.
00:37:57 Un jour, je lis un livre de Borges.
00:37:59 Vous savez, le grand auteur argentin.
00:38:01 Et alors ça me tombe des mains.
00:38:03 Je n'y arrive pas.
00:38:05 Je vais au bout, mais alors
00:38:07 vraiment péniblement, et je me dis
00:38:09 pourquoi autant
00:38:11 d'admiration pour cet auteur, je ne comprends pas.
00:38:13 Le labyrinthe, c'est fait pour ça.
00:38:15 Donc, je ne comprends rien.
00:38:17 Quelques années plus tard,
00:38:19 parce que
00:38:21 vous savez, j'aime bien aller
00:38:23 dans les librairies.
00:38:25 Et puis, je passe une heure à chercher
00:38:27 au fond de la librairie.
00:38:29 Il y a des livres que...
00:38:31 Mitterrand faisait ça.
00:38:33 Moi aussi,
00:38:35 ça allait de moi les énerver les pontes.
00:38:37 Mais je ressors avec des piles d'olives
00:38:39 quand même.
00:38:41 Et puis,
00:38:43 je redécouvre un livre
00:38:45 de Borges que je ne connaissais pas.
00:38:47 Donc, je me dis, bon,
00:38:49 je vais tenter. - Ah, vous l'achetez ? - Des années plus tard.
00:38:51 - Ah oui, c'est bien. - Je tente.
00:38:53 Et alors là,
00:38:55 j'avoue à ma courte honte que je ne me souviens plus du titre,
00:38:57 mais c'était magnifique.
00:38:59 J'étais récompensé de ma persévérance.
00:39:01 Je vous assure, c'était splendide.
00:39:03 - Alors voilà, c'est une leçon à donner aux lecteurs.
00:39:05 - Mais oui, vraiment. - N'abandonnez pas,
00:39:07 parce que ça peut venir aussi. - Absolument.
00:39:09 - De toute façon, je crois qu'il faut au moins lire...
00:39:11 Je m'astreins toujours à lire au moins une centaine de pages.
00:39:13 Si au bout de 100 pages, je n'ai pas appris grand-chose,
00:39:15 je crois que je laisserais tomber le livre, d'autant que l'on en reçoit...
00:39:17 - Vous voyez, vous êtes moins sérieux que moi.
00:39:19 - La preuve a été faite
00:39:21 500 fois, Roger.
00:39:23 Il n'y a pas besoin de la faire une fois de plus.
00:39:25 Mais il faut dire qu'ici, au Nouveau Conservateur,
00:39:27 vous nous faites l'amitié de venir,
00:39:29 qui est en même temps chez moi.
00:39:31 Nous recevons une banane de livres par mois
00:39:33 et quelques fois, j'en ai un peu assez.
00:39:35 - Ah oui, non mais moi, je ne parlais pas des livres contemporains.
00:39:37 - Oui. - Je lis
00:39:39 assez peu de livres contemporains.
00:39:41 - C'est une autre question que je voulais vous poser.
00:39:43 - Je ne lis quasiment pas de romans.
00:39:45 Mon ami Nolo se moque de moi,
00:39:47 mais à chaque fois que j'ai fait l'expérience
00:39:49 de lire un roman contemporain,
00:39:51 la plupart du temps, il y a encore une fois des exceptions,
00:39:53 il m'est tombé des mains.
00:39:55 Il y a des exceptions, je ne veux pas...
00:39:57 Il y a des livres qui m'ont plu,
00:39:59 mais vraiment, c'est rarissime.
00:40:01 En revanche, je lis des essais.
00:40:03 Par exemple, je vous ai dit tout à l'heure
00:40:07 que je suis en ce moment même
00:40:09 dans le livre de Fourquet
00:40:11 sur la présidentielle et la France d'après.
00:40:13 - L'analyse des élections de 2002.
00:40:15 - Exactement. Je lis beaucoup de livres d'histoire.
00:40:17 Beaucoup de livres d'histoire
00:40:19 de... Et alors là, vraiment,
00:40:21 j'ai honte parce que quand je pense
00:40:23 à la gloire de l'école
00:40:25 historiographique française,
00:40:27 que aujourd'hui, je ne lis quasiment plus
00:40:29 d'historien français.
00:40:31 Je lis quasiment que des historiens
00:40:33 vosaxons. Je vous assure. - Jean-Claude Coutet,
00:40:35 Jean-Céviat...
00:40:37 - Potifis. - Jean-Christian Potifis.
00:40:39 - J'ai lu Potifis. Non, je ne dis pas que je n'en lis plus.
00:40:41 Je ne dis pas que je n'en lis plus.
00:40:43 Je vous assure que
00:40:45 l'école américaine, surtout américaine,
00:40:47 il y a des choses
00:40:49 formidables. Ils sont plus libres,
00:40:51 ils sont plus iconoclastes.
00:40:53 Ils sont aussi très conformistes, mais je ne dois pas
00:40:55 les lire, ceux-là. Vous voyez ? Je sélectionne
00:40:57 les avantages. - Paxton, par exemple.
00:40:59 - Non, je vous assure, vraiment,
00:41:01 sincèrement, c'est remarquable.
00:41:03 Je lis des choses remarquables dans l'école américaine.
00:41:05 En histoire.
00:41:07 - Alors, j'avais noté ça aussi. Je voulais
00:41:09 vous poser la question. Il y a beaucoup de références françaises
00:41:11 chez vous. Et de temps en temps,
00:41:13 Woulgalkoff...
00:41:15 - Ah, absolument. J'aime beaucoup la littérature russe.
00:41:17 J'aime beaucoup la littérature russe.
00:41:19 Alors, j'ai lu
00:41:21 Pouchkine, Dostoyevsky,
00:41:23 Tolstoy... - Attention, c'est interdit.
00:41:25 Il va falloir couper.
00:41:27 - Oui, c'est vrai, je suis très...
00:41:29 Et même au XXe siècle,
00:41:31 Vassily Grossman,
00:41:33 qui est un chef d'oeuvre absolu,
00:41:35 qui est pour moi le Gary Paye
00:41:37 du XXe siècle. C'est extraordinaire.
00:41:39 Et puis, Woulgalkoff, que j'adore.
00:41:41 Et Solzhenitsyn.
00:41:43 Solzhenitsyn, je vais vous dire,
00:41:45 je ne devrais pas le dire, mais je trouve qu'il
00:41:47 n'écrit pas très bien. Alors, c'est une traduction,
00:41:49 donc je ne peux pas juger, mais par rapport
00:41:51 aux grands stylistes, à Tolstoy,
00:41:53 à Vassily Grossman, mais sur le fond,
00:41:55 c'est ce que j'allais dire. - Du début à la fin, c'était...
00:41:57 Jusqu'au bout, c'était un livre. - Sur le fond, c'est fort.
00:41:59 - Il avait la plume militante. - Une rare intelligence.
00:42:01 Mais le style n'est pas envoûtant.
00:42:03 Voilà.
00:42:05 J'aime beaucoup l'école russe. J'aime moins
00:42:07 la littérature
00:42:09 américaine, anglaise,
00:42:11 ça me plaît moins. J'ai beaucoup
00:42:13 aimé quand j'étais jeune,
00:42:15 mais c'était à la mode et j'adorais ça,
00:42:17 la littérature sud-américaine. - Ah oui.
00:42:19 - Alors, Garcia Marquez,
00:42:21 ou Perroud. - J'ai plusieurs fois conseillé des livres
00:42:23 de ce genre, j'avais suivi. - C'est vrai ?
00:42:25 Vous avez tort ? Franchement, c'est...
00:42:27 C'est...
00:42:29 enthousiaste, c'est... Vous voyez, c'est
00:42:31 chaleureux, c'est
00:42:33 truculent. Moi, j'aime beaucoup.
00:42:35 J'aimais beaucoup, j'avoue que
00:42:37 je lisais ça dans ma jeunesse. - Je n'aime pas trop les étrangers.
00:42:39 Je ne suis pas comme vous, vous aimez les étrangers.
00:42:41 Moi, je n'aime pas trop les étrangers.
00:42:43 - Moi qui passe pour un affreux
00:42:45 xénophobe.
00:42:47 Mais oui, j'aime la littérature
00:42:49 étrangère. Et j'aime évidemment
00:42:51 Koundéra. J'ai passé cet été,
00:42:53 puisqu'il était mort, le pauvre,
00:42:55 j'ai relu quasiment
00:42:57 tout Koundéra cet été.
00:42:59 - Ah là là, mon Dieu. - Je me suis
00:43:01 régalé. - Ah bon ? - Ah ouais, c'est magnifique.
00:43:03 - Je sèche complètement. - Mais non.
00:43:05 - Je connais de Koundéra, ce que Finkielkraut
00:43:07 qui n'a lu que Koundéra...
00:43:09 - On dit rigoler, vous exagérez. - Non, non, non.
00:43:11 - Il a lu Anna Arendt. - C'est pas vrai, c'est pas vrai.
00:43:13 Alors, je peux...
00:43:15 - Oh, on peut être méchant. - Oui, on peut
00:43:17 se moquer. Mais je vais vous dire, c'est grâce à lui
00:43:19 que j'ai découvert un livre que
00:43:21 je recommande à tous vos téléspectateurs,
00:43:23 La vieille maîtresse
00:43:25 de Barbée d'Orvilli. - Ah, Barbée,
00:43:27 oui. - Qui est un livre magnifique.
00:43:29 Et bien, c'est Finkielkraut qui me l'a conseillé.
00:43:31 - Ah, ben bravo. - Vous voyez, vous êtes un juste.
00:43:33 - Un monarchiste. - Et alors
00:43:35 Koundéra, je vous recommande,
00:43:37 si vous voulez... - Pas Finkielkraut, mais Barbée.
00:43:39 - Non, Koundéra, je vous recommande
00:43:41 La vie est ailleurs, qui est pour moi
00:43:43 son meilleur livre.
00:43:45 Alors, ça me parle vraiment beaucoup,
00:43:47 ce livre. Je me suis retrouvé
00:43:49 dans ce livre, etc. Et La vie est ailleurs,
00:43:51 vraiment, c'est un livre magnifique. - Alors,
00:43:53 nous abordons le deuxième volet
00:43:55 de notre conversation, qui est
00:43:57 hélas, hélas, trois fois hélas.
00:43:59 Galope, galope, galope. - Ben, c'est bien.
00:44:01 - Essayons de faire
00:44:03 une petite liste, justement,
00:44:05 soyez un instituteur, ou vous êtes
00:44:07 un père de famille. Essayez
00:44:09 de dire aux Français qui
00:44:11 nous écoutent, aux pères,
00:44:13 aux mères, aux grand-mères,
00:44:15 et aux jeunes,
00:44:17 une liste.
00:44:19 Pour l'anecdote, j'avais fait
00:44:21 cet exercice
00:44:23 il y a une deuxième
00:44:25 d'année, à l'époque où, sans faire partie
00:44:27 du Front National, j'ai eu
00:44:29 le malheur
00:44:31 au nom
00:44:33 de l'Union des Droites,
00:44:35 marode que nous avons en commun depuis
00:44:37 le XXème siècle,
00:44:41 de pousser
00:44:43 Marine Le Pen à lire.
00:44:45 Elle le souhaitait, d'ailleurs.
00:44:47 C'était resté un peu virtuel.
00:44:49 J'ai eu le malheur de lui faire une liste sans doute trop longue
00:44:51 parce que je pense qu'elle n'a jamais...
00:44:53 Je pensais qu'elle allait
00:44:57 lire trois, quatre livres, quand même.
00:44:59 Et je lui avais fait une liste.
00:45:01 Alors, j'avais distingué
00:45:03 entre, d'abord,
00:45:05 les romans... - Littérature, oui.
00:45:07 - Et la fiction. - Et l'histoire.
00:45:09 - Un peu la philosophie. - Oui.
00:45:11 - Et puis les essais. - Oui.
00:45:13 - Alors, est-ce qu'on peut essayer de refaire
00:45:15 cette éthiopie ? - Mais ça dépend quel âge.
00:45:17 C'est difficile. - Vous avez raison.
00:45:19 - Adolescent. - Oui.
00:45:21 - Adolescent qui peut tout lire. - Oui, oui.
00:45:23 - Plus de 18 ans. - Oui, carrément.
00:45:25 - C'est bien de lire jeune, mais je crois qu'il...
00:45:27 - Moi, je vais vous dire... - Vous avez remarqué
00:45:29 quand on relit, je voulais vous le dire tout à l'heure,
00:45:31 à son poste, Madame Bovary, - J'allais vous dire ça, évidemment.
00:45:33 - Un livre à 30 ans d'intervalle, on retrouve des choses...
00:45:35 - On trouve des choses qu'on n'avait pas trouvées.
00:45:37 - Et évidemment, surtout on le comprend d'une façon différente.
00:45:39 - Il faut re-re-re-relire. - Je suis tout à fait d'accord.
00:45:41 - D'accord. - Non, ça je suis d'accord.
00:45:43 Surtout la littérature. - Les romans.
00:45:45 - Les romans. - Oui, oui.
00:45:47 - Non, mais ça je suis d'accord. - Alors, commençons par les romans,
00:45:49 Eric Zemmour. - Alors, commençons par les romans.
00:45:51 - Les vieux romans. - C'est très dur, c'est très dur.
00:45:53 Je déteste cet exercice. - Ah bon ?
00:45:55 - Ah, c'est très dur. Non, mais je vais y aller,
00:45:57 je vais me jeter à l'eau, mais j'ai toujours l'impression
00:45:59 d'oublier des choses importantes et la moitié des choses que j'aurais dû dire,
00:46:03 que j'aurais dû conseiller. - De toute façon, c'est toujours comme ça.
00:46:05 - Bon, donc, mais alors, allons-y.
00:46:07 - C'est quand on sort d'un plateau qu'on trouve...
00:46:09 - Alors, les romans. Allons-y.
00:46:11 Les romans, c'est pas les mémoires, on est d'accord ?
00:46:17 - C'est comme vous voulez. - Parce qu'il y a les mémoires d'Outre-Domme,
00:46:19 il y a... Vous voyez ? - C'est souvent...
00:46:21 - Ah, non, parce que moi j'aime beaucoup les mémoires.
00:46:23 - Romancer. - Moi, j'aime beaucoup les mémoires.
00:46:25 - Ah. - Ah oui, vraiment j'aime beaucoup.
00:46:27 - Mettons-les dans la fonction. - Mais vous comprenez bien que ça mélange
00:46:29 mes deux passions. C'est-à-dire à la fois la littérature et l'histoire.
00:46:35 - Oui, oui, oui. - C'est pour ça que Mémoires d'Outre-Domme,
00:46:37 pour moi, c'est une espèce de Graal absolu, parce qu'en plus, on rajoute ma période préférée
00:46:41 avec le grand homme. Donc ça fait beaucoup.
00:46:43 - Alors, prenons la littérature au sens très large. - Les romans.
00:46:49 - D'ailleurs, je signale en passant que vous êtes aussi romancier.
00:46:51 - Mais oui, j'ai écrit des romans. - Plusieurs romans.
00:46:53 Vous m'avez fait relire un jour Le Dandy Rouge.
00:46:55 - Vous vous souvenez de ça ? - Oui.
00:46:57 - J'aimais bien. - Je me souviens aussi de ce que je vous avais dit.
00:46:59 Il y a trop de mots. Il y a trop d'adjectifs.
00:47:01 - Il y a trop de mots, oui. - Bon alors, on commence par
00:47:03 - Alors, les romans. - la littérature.
00:47:05 - Les romans et la littérature. - On peut comprendre les Essais de Montaigne,
00:47:07 par exemple. - Oui, oui, oui, bien sûr.
00:47:09 - Ou les Conseilleries, les Essais de Montaigne. - Oui, ah, bien sûr, bien sûr.
00:47:13 Par petits bourseaux. J'aime bien lire par petits morceaux.
00:47:17 - Oui, on peut dire, ça peut impressionner nos... - Oui, voilà, exactement.
00:47:21 - Il ne faut pas se laisser impressionner. - Non, non, il ne faut pas se laisser impressionner.
00:47:25 - On lit 10 pages, voilà. - Par petits morceaux.
00:47:27 Mais sinon, alors, j'ai dit Madame Bovary de Flaubert et l'éducation sentimentale de Flaubert.
00:47:33 Balzac, Illusion perdue, La Suite, Splendeur et Misère des courtisanes.
00:47:43 - Les mêmes personnages. - Évidemment, ce sont les mêmes personnages.
00:47:47 Le Père Goriot, qu'il ne faut pas s'arrêter au côté scolaire que ce livre a, c'est un livre magnifique.
00:47:55 J'ai relu cet été Eugénie Grandet, qui est formidable.
00:48:03 Oui, enfin, Balzac, on peut prendre comme ça, il y a vraiment...
00:48:07 - Un médecin de campagne, c'est très beau. - Oui, on peut...
00:48:09 - Très beau. - En fait, il y a vraiment beaucoup de choses dans...
00:48:11 - Le curé de Doudou. - Il y a quelques ratés.
00:48:13 Par exemple, je trouve que La Femme de 30 ans, au bout de 20 pages, il a raté son truc.
00:48:21 Ça part dans tous les sens, etc. Vous voyez, ça arrive.
00:48:23 Donc ça, pour Balzac, Stendhal, évidemment, La Chartreuse de Parme et Le Rouge et le Noir.
00:48:33 - Oui. - Alors, attendez, je remonte.
00:48:38 - Flaubert, oui, vous remontez. - Flaubert, j'ai dit.
00:48:40 Oui, je remonte tout doucement le temps. J'ai oublié, au 18e siècle, il faut quand même lire,
00:48:48 puisque vous m'avez autorisé les 18 ans, donc Les Laisons dangereuses de Chauderlot de Laclos,
00:48:53 qui est quand même formidable, et qui donne tout l'esprit du 18e dans une langue absolument...
00:49:00 - Le champagne permanent. - Exactement.
00:49:05 J'aime beaucoup Rousseau, moi. Mais bon, je trouve qu'il écrit très très bien.
00:49:10 - Ah oui, mais La Plume au 18e est magnifique. - Oui, bien sûr. Vous avez raison, ils écrivent tous bien.
00:49:14 C'est un peu énervant. Je suis d'accord. - Même Voltaire.
00:49:17 - Voltaire écrit très très bien. - Il est arrivé de bien écrire.
00:49:19 - Il écrit très très bien, Voltaire. - Alors oui.
00:49:21 - Bien sûr. Donc, revenons à notre cher 19e. On est toujours dans les Français.
00:49:31 - Madame de Sévigné, on peut pas remonter un petit peu ?
00:49:35 - Alors, je vais vous dire, j'aime beaucoup Madame de Sévigné. Se plaisante pas.
00:49:39 Pour moi, c'est un de mes meilleurs souvenirs d'école.
00:49:46 Il était dans le Lagarde et Michard du 17e siècle. Je me souviens même du texte fétiche
00:49:51 qui était, quand elle raconte comment le roi a autorisé, puis a interdit, sous pression,
00:49:59 par chance, le mariage de la grande mademoiselle avec le duc de Lauzun.
00:50:06 Vous voyez, je me souviens de ça. Parce que ça m'avait emballé.
00:50:10 En fait, pour moi, Madame de Sévigné, c'est la plus grande journaliste française.
00:50:14 - Ah oui. - Elle a un style, vous voyez, enlevé,
00:50:18 que je rêvais d'imiter. - Elle est assez drôle, assez souvent.
00:50:20 - Très drôle, très méchant. Elle fait les cancans. Et puis, en même temps, c'est de la politique.
00:50:25 Le texte dont je vous parle, c'est à la fois une histoire d'amour contrarié,
00:50:29 mais en même temps, c'est de la grande politique.
00:50:32 Puisque Louis XIV, dans un premier temps, autorise, parce qu'il est touché sans doute
00:50:37 par cette histoire d'amour et que le duc de Lauzun est son vieux copain de gaminerie et de plaisir,
00:50:44 mais qu'après, il se rend compte que politiquement, ce n'est pas possible,
00:50:47 car il y a vraiment une déchéance de la grande mademoiselle qui ne peut pas épouser un simple duc.
00:50:54 Et alors, tout ça enchaîne, etc.
00:50:56 Vous voyez, ça, c'est vraiment un texte de Mme de Sévigné que j'adore, qui m'a marqué.
00:51:01 Je devais avoir 14 ans. Et jusqu'à aujourd'hui, j'adore ce texte.
00:51:05 Donc, Mme de Sévigné, vous avez tout à fait raison.
00:51:07 - La princesse de Clèves. - Mais je dirais que je lirais des textes.
00:51:09 Pour moi, c'est les articles de journaux, Mme de Sévigné.
00:51:11 - La princesse de Clèves. À quoi sert-il de lire La princesse de Clèves ?
00:51:16 Question qu'avait posée un valeureux président de la République.
00:51:18 - Le pauvre Sarkozy. - Mais comme la France est une nation très littéraire...
00:51:22 - Les Français n'avaient pas aimé son ironie. - Pas du tout.
00:51:25 C'était même pas vraiment ironique.
00:51:27 Il disait à quoi sert-il de lire La princesse de Clèves ?
00:51:30 En fait, c'était pour passer des concours à des lecteurs.
00:51:32 Mais la nation française est tellement littéraire qu'on ne lui a pas pardonné.
00:51:38 - Je suis d'accord. Mais ce qui m'inquiète, c'est que j'espère me tromper.
00:51:42 Est-ce qu'aujourd'hui, il y aurait la même réaction outrageée ?
00:51:46 Je n'en suis pas sûr, malheureusement.
00:51:47 - Plus personne ne se risque à dire à quoi sert-il de lire des textes.
00:51:50 - C'est vrai. Donc, continuons.
00:51:52 - Je crois même que la quête présidente de la République fait semblant de...
00:51:55 - Oui, absolument, d'être un grand lecteur.
00:51:57 Il n'y avait que François Hollande qui ne faisait pas semblant.
00:52:00 Il ne lisait rien. Il ne lisait aucun roman, il le disait.
00:52:03 - Ah oui. - Il lisait les dépêches à FP.
00:52:06 Non mais je ne plaisante pas, je me souviens de Jean-Christophe Cambadélis
00:52:11 qui me disait qu'il était complètement atterré parce que François Hollande,
00:52:14 quand il était premier secrétaire du Parti Socialiste,
00:52:17 il passait sa vie à lire les dépêches à FP et ne lisait rien d'autre.
00:52:21 - Ça se voit un peu. - Oui, je suis d'accord.
00:52:23 Alors qu'il est très intelligent.
00:52:25 C'est vraiment la différence entre la ville...
00:52:27 - C'est la même chose, l'érudition... - Je suis tout à fait d'accord.
00:52:30 - Ne mélangez pas l'intelligence et la ruse.
00:52:34 Parce que les hommes politiques qui font des ruditions...
00:52:38 - C'est vrai que Hollande est d'abord rusé.
00:52:40 - Oui, ils ont plus de ruse que d'intelligence.
00:52:42 - Il comprend vite les choses. Alors est-ce que c'est de l'intelligence ?
00:52:44 - Je ne crois pas. - Mais il est rusé, c'est vrai. Passons.
00:52:46 - Alors nous en sommes... - Nous en sommes au 19ème siècle.
00:52:51 Je peux comme ça. Bon, évidemment, Victor Hugo, évidemment.
00:52:55 - Il y a plusieurs Victor Hugo. - Oui, il y a plusieurs Victor Hugo.
00:52:59 Alors moi je vais vous dire ce que je préfère.
00:53:01 Chose vu.
00:53:04 Que j'ai voulu justement...
00:53:07 - Reprendre. - Reprendre et imiter.
00:53:10 Dans la France, il n'a pas dit son dernier mot.
00:53:12 Vous avez tout compris.
00:53:14 J'ai pu constater qu'il y avait peu de journalistes qui avaient compris l'hommage.
00:53:19 - On a parlé de l'inculture des hommes politiques.
00:53:22 - Mais on pourrait s'aposentir. - Ne parlons pas de l'inculture des hommes politiques.
00:53:25 - C'est spectaculaire. - Donc la chose vue.
00:53:27 Et j'aime... Je sais.
00:53:30 J'aime le livre sur la guerre de Vendée.
00:53:36 C'est... Si, si, vous connaissez, bien sûr.
00:53:39 Sur le... Ça s'appelle... Ah mince, j'ai un trou.
00:53:43 - 93. - 93. Merci.
00:53:46 93 est magnifique. - C'est le premier Victor Hugo.
00:53:48 Parce qu'il y a le Victor Hugo royaliste. - Bien sûr.
00:53:51 - D'ailleurs je vous trouve très...
00:53:55 Assez classique au sens où il y a plus d'auteurs de droite.
00:53:59 Balzac est de droite. - Oui, Balzac est de droite.
00:54:01 - Flaubert est de droite. Il faut dire que... - Le talent est de droite.
00:54:04 - Mais oui, contrairement... - Mais oui, le talent est de droite.
00:54:07 Sauf qu'il y a des exceptions.
00:54:08 Arragon, par exemple, est un très grand écumain pour moi.
00:54:11 - Oui. - Je recommanderais Aurélien
00:54:13 et je recommanderais La semaine sainte.
00:54:15 La semaine sainte est magnifique. - Justement, La semaine sainte.
00:54:17 - On est d'accord, vous voyez. - C'est un très gros livre.
00:54:18 - C'est un très grand écrivain. - Mais il faut dire d'ailleurs,
00:54:20 parce que les... Ceux qui ont...
00:54:23 - Il ne faut pas avoir honte de dire que le talent est de droite.
00:54:25 - Oui, c'est ça. Si vous regardez le corpus livresque,
00:54:31 les livres classiques, ils sont le fait beaucoup plus souvent
00:54:35 de réactionnaires ou de classiques ou de conservateurs.
00:54:38 - Absolument. Je suis tout à fait d'accord.
00:54:39 - Par exemple, de Taine tout à l'heure, beaucoup plus...
00:54:42 Alors, contrairement à ce que l'on croit aujourd'hui,
00:54:44 on dit que l'intelligence est à gauche.
00:54:45 Parce qu'ils produisent beaucoup et qu'ils terrorisent tout le monde.
00:54:48 - Exactement. - N'est-ce pas ?
00:54:50 - Ils ont la main mise sur l'université.
00:54:51 - Quand on pense au quartier latin où nous habitons, vous et moi,
00:54:54 quelques encablures, vous et moi,
00:54:57 nous sommes très près de Saint-Germain-des-Prés, d'Église.
00:55:00 Je dis qu'en 1945... - Bien sûr.
00:55:04 - En 1940, c'est la droite qui est tenue au haut du pavé.
00:55:07 Même la droite monarchiste. - Absolument.
00:55:08 - Alors, en 1993, il y a le Victor Hugo, le monarchiste.
00:55:11 - Oui, ça c'est vraiment spontanément ce que je citerai.
00:55:13 - Très bien. - Chose vue et 1993.
00:55:15 Il y en a d'autres, évidemment, mais spontanément, c'est ce que je citerai.
00:55:19 Quoi d'autre ? Après, on remonte...
00:55:23 - Il faut venir au 20e. - Au 20e...
00:55:25 Non, je vous ai dit que j'aimais beaucoup Barbet d'Anvélis.
00:55:28 - Monarchiste lui aussi. - Oui, monarchiste lui aussi.
00:55:31 Absolument. Très catholique, monarchiste.
00:55:33 - Oui, catholique. - Absolument.
00:55:34 J'aime Huismans. Encore un monarchiste, vous allez dire.
00:55:40 Après, le 20e. Moi, j'aime les deux révolutionnaires.
00:55:48 J'appelle révolutionnaires Céline et Proust.
00:55:50 Non pas politiquement, mais dans la langue.
00:55:53 Moi, j'ai complètement digéré cette révolution-là et je l'aime.
00:55:57 - Les deux. - Vraiment, j'aime beaucoup.
00:56:00 Je l'apprécie et je goûte, même si je n'ai pas aimé...
00:56:04 Vous savez, Gallimard a ressorti des nouveaux Céline, enfin des manuscrits retrouvés.
00:56:12 Et franchement, j'avais l'impression de me faire avoir un peu.
00:56:15 Je pense qu'ils ont fait de l'argent avec ça, tant mieux pour eux.
00:56:18 Mais les livres ne sont pas terribles, tout simplement parce que Céline n'a pas eu le temps de les retravailler.
00:56:23 Oui, nous avons parlé, cher Éric, avec l'un de vos prédécesseurs, François Gibault,
00:56:28 qui est un grand spécialiste de Céline, qui nous a accordé une conversation.
00:56:35 Nous avons déjà parlé de ses inédits, de ses livres.
00:56:38 Je m'attendais à ce que vous parliez de Moriac, parce que vous le citez très souvent.
00:56:42 Ce qui me ravit du reste.
00:56:44 Non, j'aime beaucoup Moriac, mais j'aime surtout son bloc-note.
00:56:47 Je trouve que c'est d'ailleurs un peu cruel pour lui.
00:56:51 J'ai l'impression, mais je me trompe peut-être, que ce qui va rester de lui,
00:56:55 ce sera plutôt son bloc-note que ses romans.
00:56:58 Je me trompe peut-être, peut-être que ses romans sont formidables,
00:57:00 mais j'avoue que j'ai redécouvert, dans la série de mes lectures,
00:57:07 que je n'aimais pas trop, et puis finalement j'ai trouvé ça formidable 20 ans plus tard,
00:57:10 Chardonne et De cela.
00:57:13 C'est magnifique.
00:57:15 Je crois qu'il y a une biographie de Chardonne en préparation, elle va vous ravir.
00:57:18 Les romans, j'ai trouvé ça formidable, mais j'ai lu ça il y a quelques années.
00:57:22 Alors, encore un type de droit que vous allez me dire.
00:57:25 C'est drôle parce que quand on parle de Moriac, on pense à Chardonne.
00:57:28 Je ne sais pas pourquoi.
00:57:29 Parce que Mitterrand disait, non pas de Chardonne, ce qu'il était un peu,
00:57:33 mais de Moriac, puisque Moriac l'attaquait beaucoup en tant que voliste.
00:57:36 Oui, c'est un écrivain régional.
00:57:39 Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point.
00:57:41 Il y en a quelques-uns d'ailleurs sur lesquels nous divergeons, cher Éric.
00:57:46 Beaucoup plus majeurs que cela.
00:57:48 Je trouve que les romans tiendront le coup.
00:57:50 Genitrix, c'est pas possible que le baiser au libraire ne tienne pas.
00:57:53 Encore une fois, peut-être que ce genre de romans, je dois les relire aujourd'hui.
00:57:56 Je les donnerai à lire tout de suite.
00:57:58 C'est une psychologie absolument incroyable.
00:58:00 C'est une école de psychologie.
00:58:03 C'est un cours de psychologie.
00:58:04 Je ne conteste pas.
00:58:06 Non, vous avez raison.
00:58:08 Mais en l'occurrence, c'est plus parce qu'ils sont passés à la trappe un peu.
00:58:13 Il y a peut-être des gens qui sont passés à la trappe.
00:58:16 Gide, vous n'en parlez pas.
00:58:18 Non, plus du tout.
00:58:20 Honnêtement, j'avais lu Nathanael quand j'étais jeune.
00:58:24 Jette mon livre.
00:58:26 Voilà, jette mon livre.
00:58:29 Ça, c'est les nourritures terrestres.
00:58:31 Exactement.
00:58:32 Ça, c'est très daté.
00:58:33 Mais le journal est moins daté.
00:58:34 Ah, mais je n'ai jamais lu le journal.
00:58:36 Honnêtement, je n'ai jamais lu.
00:58:38 Il y a trois tomes, je crois, chez Gainsbourg.
00:58:42 Dans le 20e, j'aime beaucoup Morand.
00:58:45 Oui.
00:58:46 C'est assez facile.
00:58:47 Encore la droite.
00:58:48 Encore la droite.
00:58:49 Mais ce n'est pas de ma faute.
00:58:50 Non, mais j'ai mon excuse de gauche.
00:58:53 Aragon.
00:58:54 Mais c'est sincère, en plus.
00:58:55 Je l'aime vraiment beaucoup.
00:58:57 J'aime beaucoup, je vous ai dit, Aurélien.
00:58:59 J'aime beaucoup même l'Impérial.
00:59:02 J'aime beaucoup, évidemment, la Semaine Sainte.
00:59:06 Je dis évidemment parce que c'est sur Napoléon, qu'on ne voit jamais dans le roman,
00:59:09 mais qui est un livre magnifique.
00:59:11 Non, franchement, c'est très, très bien.
00:59:13 Il y a un auteur pour vous, c'est Monterlant.
00:59:15 Monterlant, j'aime beaucoup.
00:59:17 Les Jeunes Filles, c'est magnifique.
00:59:19 Vous êtes plus monterlandien que vous ne le pensez.
00:59:23 Absolument, mais je suis d'accord.
00:59:25 Quand il y a une part métaphysique, ça dit par parenthèse,
00:59:30 il n'y a pas beaucoup de philosophes dans ce paysage.
00:59:36 Alors, je vais vous dire, vous avez tout à fait raison.
00:59:38 Mais vous avez tout à fait raison.
00:59:40 Je lis très peu de philosophie.
00:59:42 Ça ne me passionne pas.
00:59:46 Quelques liens avec le Platon quand même.
00:59:50 Oui, mais c'est ce que j'allais dire.
00:59:52 J'ai lu les Classiques, Le Banquet, j'ai même lu récemment
00:59:56 toute une histoire par Gerfagnon,
00:59:59 que je trouve tout à fait remarquable.
01:00:01 C'est remarquable parce que moi, ça me plaît davantage.
01:00:05 Il remet la philosophie dans son contexte politique et historique.
01:00:09 C'est pour moi, j'aurais adoré l'avoir comme élève.
01:00:12 Je sais qu'on le ferait, elle a eu la chance de l'avoir comme professeur.
01:00:15 J'aurais adoré être son élève.
01:00:17 Nous avons eu une conversation aussi avec un grand gerfagnesque,
01:00:20 Jean-François Gautier.
01:00:22 D'accord, j'ignorais.
01:00:24 Vraiment, ça c'est formidable.
01:00:26 Mais le matériau philosophique me rebute un peu.
01:00:30 Je n'ai pas spontanément.
01:00:32 Je préfère les essais, soit historiques, soit sociologiques,
01:00:36 ou alors les mémoires.
01:00:38 Vous m'avez demandé si on pouvait mettre les mémoires dedans.
01:00:40 Alors là, je suis un friand des mémoires.
01:00:43 Que ce soit les mémoires du Cardinal de Horêt,
01:00:45 que ce soit les mémoires de Chateaubriand,
01:00:47 que ce soit les mémoires de la Comtesse de Boigne,
01:00:49 qui sont formidables.
01:00:51 C'est délicieux.
01:00:52 Voilà un livre vraiment à recommander.
01:00:54 Je le recommande à tout le monde.
01:00:56 La Comtesse de Boigne, moi j'appelle ça...
01:00:58 Ça, on va jusqu'au bout, on est sûr.
01:01:00 J'appelle ça moi, Chateaubriand en jupon.
01:01:02 Oui, c'est ça.
01:01:04 C'est la même période.
01:01:06 C'est la même période, je l'ai toujours regardée.
01:01:08 Elle est très drôle.
01:01:10 Elle est très intelligente.
01:01:12 Elle écrit très bien.
01:01:14 Elle est fine mouche.
01:01:16 Et surtout, elle a du recul.
01:01:18 Elle écrit ça dans les années 1840.
01:01:20 Elle a du recul sur toute la période révolutionnaire.
01:01:22 Elle est une exilée puisqu'elle a été immigrée.
01:01:24 Elle a fui la France très vite avec son père.
01:01:26 Elle raconte très bien le regard qu'elle portait à l'époque sur la France,
01:01:30 qu'elle regrette un peu.
01:01:32 Elle n'est pas de gauche.
01:01:34 Je ne veux pas conserver le truc.
01:01:36 Non, bien sûr, vous avez raison.
01:01:38 Mais elle raconte, par exemple, ça me touche, vous allez vous moquer de moi.
01:01:40 Elle est de l'ancien monde.
01:01:42 Bien sûr, mais évidemment que j'adore toutes ces traces de l'ancien monde.
01:01:44 C'est une évidence.
01:01:46 Et elle raconte, elle est très touchante quand elle dit
01:01:48 qu'elle a honte aujourd'hui de ce qu'elle était quand elle était jeune,
01:01:52 émigrée,
01:01:54 et qu'elle était furieuse des victoires de Napoléon,
01:01:58 et qu'elle était heureuse des défaites de Napoléon.
01:02:00 Et elle dit, nous n'avions pas compris que c'était les défaites de la France, etc.
01:02:02 C'est très touchant.
01:02:04 Moi, ça m'est allé droit au cœur, vous imaginez.
01:02:06 Mais vous voyez, elle est très fine.
01:02:08 Peut-être que c'est les défaites qui ont sauvé la France.
01:02:10 Mais enfin, nous divers,
01:02:12 là, vraiment, on n'est pas d'accord.
01:02:14 Alors, là, vraiment, c'est un désaccord,
01:02:16 mais alors majeur.
01:02:18 On était très mal parti.
01:02:20 Enfin, bref.
01:02:22 Non, vraiment, je pense que ce sont ces défaites
01:02:24 qui ont fait que la France n'est plus le géant
01:02:26 qu'elle était auparavant.
01:02:28 C'est une déconnoissation que nous avons.
01:02:30 Nous n'avons pas la forme impériale.
01:02:32 Mais vous avez tort.
01:02:34 Mais peut-être que la rive gauche du Rhin, on aurait pu...
01:02:36 Et l'Italie du Nord, quand même.
01:02:38 Un empire.
01:02:40 Vous y venez, c'est la France.
01:02:42 Mais pour moi, c'est la France.
01:02:44 J'amuse beaucoup mes amis italiens quand je dis ça.
01:02:46 Évidemment, ils connaissent
01:02:48 ma...
01:02:50 comment dire...
01:02:52 ma passion
01:02:54 pour cette région et pour Napoléon.
01:02:56 Et alors,
01:02:58 les mémoires, c'est beaucoup
01:03:00 au XXe siècle, les mémoires du général de Gaulle,
01:03:02 Churchill...
01:03:04 Évidemment, oui, c'est vrai.
01:03:06 Pourquoi beaucoup ? Non, pour moi,
01:03:08 j'ai lu les mémoires du général de Gaulle et les mémoires de Churchill.
01:03:10 Mais au XXe siècle, il n'y en a pas d'autres
01:03:12 qui me passionnent.
01:03:14 Alors, j'ai lu dans le genre un peu mineur
01:03:16 des choses très intéressantes,
01:03:18 comme les souvenirs de Benoît Méchain.
01:03:20 C'est ce que j'allais dire, Benoît Méchain.
01:03:22 C'est formidable.
01:03:24 Benoît Méchain, c'est magnifique.
01:03:26 Benoît Méchain, il y a 25 ans ou 50 ans,
01:03:28 je ne sais plus combien.
01:03:30 Je suis utile quand même.
01:03:32 Non, les souvenirs de Benoît...
01:03:34 Ça s'appelle "Les souvenirs", je crois.
01:03:36 Le Benoît Méchain, c'est formidable.
01:03:38 Les mémoires...
01:03:40 Qu'est-ce que j'ai lu d'autres comme mémoires qui m'ont emballé ?
01:03:42 Il ne faut pas surcharger non plus.
01:03:44 Non, c'est vrai.
01:03:46 Déjà, là, on a donné beaucoup.
01:03:48 C'est comme Marie-Thérèse.
01:03:50 Ils vont tourner le bouton, il y en a trop.
01:03:52 C'est vrai qu'à partir des années 50-60,
01:03:54 on sent qu'il y a encore des choses,
01:03:56 mais ça baisse.
01:03:58 On ne parle pas des contemporains,
01:04:00 vous ne parlez pas de Camus ?
01:04:02 Je n'aime pas beaucoup Camus,
01:04:04 sauf un livre que j'adore.
01:04:06 Il y a deux Camus dans mon esprit.
01:04:08 Moi, j'aime un livre de Camus.
01:04:10 C'est "Le premier homme".
01:04:12 Je ne sais pas si c'est parce que
01:04:14 ma famille est d'Algérie,
01:04:16 si je me reconnais complètement
01:04:18 dans cette histoire.
01:04:20 Mais vraiment, j'étais ému aux larmes
01:04:22 en lisant ce livre.
01:04:24 Je ne l'aime pas Camus en général,
01:04:26 il ne m'envale pas, il ne m'enthousiasme pas.
01:04:28 Et ça, ça m'a saisi.
01:04:30 La fameuse scène
01:04:32 de l'instituteur qui vient supplier
01:04:34 la mère et la grand-mère
01:04:36 de le laisser, le petit, parce qu'ils sont très pauvres,
01:04:38 aller en sixième à Alger.
01:04:40 Tout ce livre est sublime.
01:04:42 Vraiment.
01:04:44 Pour moi, c'est un chef-d'œuvre.
01:04:46 Il y a un autre Camus, Renaud Camus.
01:04:48 Ah, Renaud Camus, ce n'est pas la même chose.
01:04:50 Pour moi, je vais vous dire franchement,
01:04:52 conversation à bâton rompu,
01:04:54 le meilleur écrivain
01:04:56 contemporain vivant, c'est
01:04:58 Renaud Camus. La plume est absolument
01:05:00 un délire inverse.
01:05:02 Indépendamment du grand remplaçant
01:05:04 auquel on le réduit toujours bêtement.
01:05:06 Absolument, moi je suis d'accord avec vous.
01:05:08 C'est une phrase qui est tombée dans sa plume,
01:05:10 que vous avez reprise et que tout le monde a reprise finalement.
01:05:12 Il faut plus pécresse.
01:05:14 Je suis très fier de l'avoir même
01:05:16 imposée dans le débat
01:05:18 politique français. Je suis très fier.
01:05:20 Et effectivement, on lui doit...
01:05:22 Je ne suis pas pour rien non plus, cher ami.
01:05:24 Je trouve que sa plume,
01:05:26 la plume de Renaud Camus, est magnifique.
01:05:28 Je suis d'accord avec vous.
01:05:30 Il y a Welbeck qui est un grand auteur.
01:05:32 Moi, je dirais que c'est un grand sociologue.
01:05:34 Mais la plume n'est pas...
01:05:36 On dirait qu'il fait attention
01:05:38 à avoir une plume blasse.
01:05:40 Exactement. C'est la thèse de certains d'ailleurs.
01:05:42 Ils disent qu'il le fait exprès, je ne sais pas.
01:05:44 En tout cas, moi, je n'aime pas beaucoup sa plume.
01:05:46 Elle est plate. Mais en revanche,
01:05:48 pour moi, c'est un très grand sociologue.
01:05:50 Benoît Duterte m'a dit l'autre jour,
01:05:52 ta grande amie de Welbeck...
01:05:54 Oui, je connais bien Benoît. Il écrit bien d'ailleurs.
01:05:56 Oui.
01:05:58 N'en disons pas trop de bien parce qu'il
01:06:00 pourrait être élu à l'Académie française.
01:06:02 Mais si vous et moi...
01:06:04 Ah ben oui, vous avez raison.
01:06:06 On va compromettre.
01:06:08 Il me disait que Welbeck faisait attention à mal écrire
01:06:10 pour que l'univers morne
01:06:12 qu'il décrit
01:06:14 ne soit pas trahi par une plume
01:06:16 assez arrêtée.
01:06:18 Passons au dernier volet.
01:06:20 Ce qui n'est pas fictif.
01:06:22 C'est-à-dire l'histoire
01:06:24 et les biographies
01:06:26 et les essais.
01:06:28 Alors, allons vite.
01:06:30 Allons au plus marquant.
01:06:32 Allons au plus rapide.
01:06:34 L'histoire d'abord.
01:06:36 Évidemment, l'histoire de France,
01:06:38 de Bainville, qui est magnifique.
01:06:40 Tiens, vous commencez comme ça.
01:06:42 Oui, parce que vous voyez ce que je veux dire.
01:06:44 Il y a deux histoires.
01:06:46 Il y a l'histoire de France.
01:06:48 Il y a beaucoup d'ouvrages.
01:06:50 Et puis, il y a l'histoire de France
01:06:52 expliquée aux enfants, qui est une histoire de France
01:06:54 réduite, beaucoup plus courte,
01:06:56 mais extrêmement instructive.
01:06:58 Il y a deux niveaux d'études.
01:07:00 C'est un immense livre qui est l'histoire de France
01:07:02 de Bainville.
01:07:04 Et son Napoléon, qui est superbe,
01:07:06 même s'il est anti-napoléonien, comme vous.
01:07:08 Il ne peut pas s'empêcher d'écrire un grand livre sur Napoléon.
01:07:10 C'est comme Gâteau-Briand, ça.
01:07:12 Il rend grand tout ce qu'il touche.
01:07:14 Exactement.
01:07:16 Mais c'est vrai que son livre est formidable.
01:07:18 Après, je dirais...
01:07:20 J'ai envie de vous souffler un nom.
01:07:30 Allez-y.
01:07:32 Non, non, non, mais...
01:07:34 Parce que ce n'est pas simple.
01:07:36 Il y a des livres
01:07:38 que je recommanderais.
01:07:40 Par exemple, pour l'histoire
01:07:44 de la Révolution...
01:07:46 Taine. J'allais vous souffler Taine.
01:07:48 C'est vous qui me l'avez fait lire.
01:07:50 On est complètement passé à côté, comme beaucoup de nos contemporains.
01:07:52 Un livre extraordinaire.
01:07:54 Je vous avoue que même moi...
01:07:56 Ça s'appelle "Les origines de la France contemporaine"
01:07:58 par Hippolyte Taine.
01:08:00 C'est un livre que d'ailleurs, la République
01:08:02 a beaucoup mis sous le boisseau, il faut bien le dire.
01:08:04 Mais ce n'est pas la République.
01:08:06 C'est la troisième République.
01:08:08 Vous avez tout à fait raison.
01:08:10 Mais surtout, l'université d'aujourd'hui.
01:08:12 Évidemment, qui est pro-révolution française.
01:08:14 Exactement.
01:08:16 Il y a encore des républicains favorables
01:08:18 à la Révolution française. C'est incroyable.
01:08:20 Il y en a encore quelques-uns.
01:08:22 Non, mais surtout...
01:08:24 Ça dépend, parce que maintenant,
01:08:26 avec les WOK, les WOK sont très anti-révolution française.
01:08:28 Ah bon ?
01:08:30 Oui, parce que la Révolution française est misogyne.
01:08:32 Elle l'est d'ailleurs.
01:08:34 La Révolution française est violente.
01:08:36 Il déteste la violence.
01:08:38 La Révolution française est blanche.
01:08:40 Vous voyez, donc le nom...
01:08:42 Et un rejeton de la Révolution française
01:08:44 du nom de Bonaparte, je ne dis pas.
01:08:46 A rétabli l'esclavage.
01:08:48 Alors que je préciserai toujours
01:08:50 que l'esclavage a été aboli par Louis XII.
01:08:52 Sur le sol français, vous avez raison.
01:08:54 Oui, bien sûr.
01:08:56 Napoléon le rétablit.
01:08:58 Pour les colonies, il le rétablit.
01:09:00 L'esclavage a été interdit en France.
01:09:02 Vous avez tout à fait raison.
01:09:04 Parce qu'elle était catholique.
01:09:06 En 12... Louis XII.
01:09:08 Tène, c'est un chef d'œuvre.
01:09:10 Je vais vous dire,
01:09:12 je ne l'ai pas lu tôt.
01:09:14 Je l'ai lu assez tard.
01:09:16 Je l'ai lu il n'y a même pas une dizaine d'années.
01:09:18 Oui, mais vous lisez un jour.
01:09:20 Il faut absolument que tu lises ça.
01:09:22 Absolument.
01:09:24 Et ça a changé complètement mon regard sur la Révolution française.
01:09:26 Sur l'histoire de France, etc.
01:09:28 C'est un pur chef d'œuvre.
01:09:30 C'est un grand conservateur.
01:09:32 Absolument.
01:09:34 Il y a des gens des esprits chagrins
01:09:36 ou peu érudits qui disent que
01:09:38 la veine conservatrice a disparu au 19ème siècle.
01:09:40 Elle pourrait réapparaître ensuite.
01:09:42 Ah oui ?
01:09:44 Bien sûr.
01:09:46 Le succès qu'il a eu
01:09:48 avec les origines de la France contemporaine.
01:09:50 Et la preuve qu'il y avait déjà...
01:09:52 C'est un immense livre.
01:09:54 Je crois qu'il a passé sa vie.
01:09:56 20 ans.
01:09:58 Après la Commune.
01:10:00 C'est la Commune qui l'a secoué.
01:10:02 Bien sûr.
01:10:04 Et il meurt sans l'achever.
01:10:06 Enfin, il a dit l'essentiel.
01:10:08 À propos du conservatisme,
01:10:10 j'aimerais citer Zemmour
01:10:12 dans Le Nouveau Conservateur.
01:10:14 On avait parlé de Thayne.
01:10:16 En fait de lecture,
01:10:18 vous lisez Le Nouveau Conservateur ?
01:10:20 Vous lisez le de temps en temps ?
01:10:22 Absolument.
01:10:24 Je ne vais pas avoir compris que vous lisiez.
01:10:26 J'étais très flatté de savoir que vous nous lisiez.
01:10:28 Non, vous avez raison.
01:10:30 Et donc, dans le numéro 4, en 21,
01:10:34 vous nous disiez
01:10:36 "J'insiste sur ce point",
01:10:38 c'était Thayne,
01:10:40 "parce que je pense que le conservatisme devrait être
01:10:42 la politique la plus défendable
01:10:44 et la plus naturelle. Il faut conserver."
01:10:46 On est en train de tout détruire,
01:10:48 de tout saccager,
01:10:50 qu'il s'agisse du paysage, de la culture,
01:10:52 de l'âme du peuple, de sa composition ethnique, religieuse.
01:10:54 Il faut faire exactement le contraire.
01:10:56 Le programme idéal,
01:10:58 c'est le conservatisme.
01:11:00 Je ne peux pas vous participer.
01:11:02 Vous avez raison.
01:11:04 On a tellement détruit
01:11:06 que je pense même
01:11:08 qu'il faudrait restaurer.
01:11:10 Parce qu'il y a des choses à restaurer.
01:11:12 Je vous donne un exemple simple.
01:11:14 L'école,
01:11:16 elle est tellement saccagée, tellement détruite
01:11:18 qu'il faudrait
01:11:20 une œuvre de restauration.
01:11:22 "Eux", c'est le grand suffixe,
01:11:24 le préfixe du conservatisme.
01:11:26 Refonder,
01:11:28 restaurer, rénover,
01:11:30 reprendre, reconstruire.
01:11:32 Nous sommes dans le "re"
01:11:34 parce qu'il fait référence
01:11:36 à une conception cyclique d'une histoire.
01:11:38 C'est bien de séjourner
01:11:40 sur la Révolution française,
01:11:42 parce que je ne crois pas du tout
01:11:44 à une minute de politique,
01:11:48 je ne crois pas du tout à la
01:11:50 distinction des trois droites
01:11:52 de René Rimond.
01:11:54 Je pense que la droite bonapartiste...
01:11:56 Vous l'avez dit dans un autre numéro
01:11:58 du Nouveau Conservateur,
01:12:00 d'ailleurs, il faut
01:12:02 faire la
01:12:04 synthèse
01:12:06 "golo conservatrice".
01:12:08 Oui, je vois ce que vous voulez dire.
01:12:10 "Golo conservatrice".
01:12:12 Vous disiez "golo napoléonienne" en réalité.
01:12:16 Ou "golo bonapartiste".
01:12:18 Je cherchais le mot "bonapartiste"
01:12:20 décidément.
01:12:22 Mais en l'opposant à l'orléanisme
01:12:24 de Macron.
01:12:26 Je crois que ce n'est pas très opérant.
01:12:28 D'ailleurs, le "golo" appartient un peu
01:12:30 aux trois droites.
01:12:32 Il fait la synthèse des trois, d'ailleurs.
01:12:34 Oui, mais elles sont faciles
01:12:36 à synthétiser, encore que
01:12:38 le bonapartisme et l'orléanisme
01:12:40 sont plutôt des centres, à mon avis.
01:12:42 Il faut faire une autre typologie
01:12:44 des droites, si je trouve.
01:12:46 Ce n'est pas simple.
01:12:48 Il y a la droite légitimiste,
01:12:50 celle qui remet en question
01:12:52 la Révolution française.
01:12:54 Elle est vraiment marginale.
01:12:56 C'est nous, chers amis.
01:12:58 Nous ne sommes pas marginaux.
01:13:00 Non, parce qu'il y a une différence
01:13:02 entre intellectuellement et politiquement.
01:13:04 Politiquement, c'est en vérité
01:13:06 inutile de remettre en cause
01:13:08 la Révolution française.
01:13:10 Ça a été l'histoire de France.
01:13:12 Intellectuellement, on peut critiquer, etc.
01:13:14 Mais politiquement, je pense que c'est inutile.
01:13:16 C'est ça que je voulais dire.
01:13:18 Je dirais qu'il y a aussi la droite européenne.
01:13:20 Elle existe, elle est plus athée.
01:13:22 C'est l'orléanisme, la droite européenne ?
01:13:24 Non, je fais référence
01:13:26 à une droite
01:13:28 beaucoup plus dure,
01:13:30 beaucoup plus...
01:13:32 beaucoup plus critique
01:13:34 sur l'héritage chrétien,
01:13:36 beaucoup plus
01:13:38 Europe blanche,
01:13:40 si vous voyez ce que je veux dire.
01:13:42 Si le Grèce, etc.
01:13:44 C'est une autre droite.
01:13:46 Et puis il y a maintenant la droite américaine.
01:13:48 Je crois aussi...
01:13:50 On avait dit qu'on ne parlait pas politique.
01:13:52 Mais je ne vous suivrai pas dans cette typologie.
01:13:54 Je pense en tous les cas que ta typologie
01:13:56 de Raymond est assez obsolète.
01:13:58 Alors, Thènes, pour en revenir
01:14:00 à ce très grand thème.
01:14:02 Absolument, et vraiment ça a changé mon regard
01:14:04 sur la Révolution française.
01:14:06 Je suis
01:14:08 beaucoup plus critique
01:14:10 après Thènes qu'avant Thènes.
01:14:12 Pour parler vite.
01:14:14 Et à raison de plus pour le livre.
01:14:16 Mais ça ne m'empêche pas de...
01:14:18 Moi, vous savez, j'aime bien,
01:14:20 quand il y a un événement aussi énorme
01:14:22 que la Révolution française,
01:14:24 lire des auteurs
01:14:26 d'avis différents, voire opposés.
01:14:28 J'aime lire Thènes,
01:14:30 mais j'aime lire aussi Michelet,
01:14:32 tous les auteurs
01:14:34 autour de la Révolution française.
01:14:36 J'ai adoré
01:14:38 l'histoire des Gérondins,
01:14:40 formidable.
01:14:42 Et puis même des livres plus récents.
01:14:44 Auquel David fait référence.
01:14:46 Il fait référence
01:14:48 et à Lamartine,
01:14:50 et à Michelet.
01:14:52 Ce sont des livres magnifiques.
01:14:54 Franchement magnifiques sur l'histoire de la Révolution.
01:14:56 C'est magnifique.
01:14:58 J'ai lu même pendant le Covid
01:15:00 l'histoire de la Révolution
01:15:02 par Thiers,
01:15:04 qui est tout à fait passionnante.
01:15:06 Pendant le Covid, j'avais le temps.
01:15:08 On était enfermé.
01:15:10 Vous êtes un lecteur éblouissant.
01:15:12 Personne ne lit.
01:15:14 Moi je lis.
01:15:16 C'est très intéressant parce que d'habitude,
01:15:18 les histoires de la Révolution s'arrêtent
01:15:20 en 1994 avec la chute d'Henri Bespierre.
01:15:22 Michelet s'arrête là.
01:15:24 Thiers, lui,
01:15:26 continue avec le Directoire.
01:15:28 C'est assez rare. En général, le Directoire est pris
01:15:30 dans l'histoire de Napoléon.
01:15:32 Et là, lui,
01:15:34 continue l'histoire de la Révolution avec le Directoire.
01:15:36 C'est très intéressant.
01:15:38 Ça va vous agacer.
01:15:40 Mais on voit en vérité
01:15:42 que les problématiques
01:15:44 que va rencontrer Napoléon
01:15:46 sont déjà
01:15:48 dans le Directoire
01:15:50 et dans l'histoire de la Révolution.
01:15:52 C'est une continuité tout ça.
01:15:54 Mais bon, passons.
01:15:56 Au XXème siècle, alors.
01:15:58 Le grand essai.
01:16:00 Vous m'avez cité,
01:16:02 parlez-moi aussi d'auteur étranger.
01:16:04 Le siècle juif de Yuri Siskine.
01:16:06 J'arrive jamais à prononcer son nom.
01:16:08 Mais c'est un livre
01:16:10 effectivement assez éblouissant.
01:16:12 Il vous a beaucoup marqué.
01:16:14 Vous aussi ?
01:16:16 Moi aussi, il m'a beaucoup marqué.
01:16:18 Mais c'est encore vous qui m'avez fait le Siskine.
01:16:20 Je pense que réciproquement, on s'est attiré quelques fois.
01:16:22 Je vous suis indispensable.
01:16:24 Pas à vous, à la France.
01:16:26 Mais oui, c'est un livre
01:16:28 très intéressant.
01:16:30 Il donne une grille lecture
01:16:32 de l'antisémitisme moderne
01:16:34 du XIXème siècle,
01:16:36 du XXème siècle.
01:16:38 Il explique vraiment sur la longue durée.
01:16:40 C'est assez brillant
01:16:42 et assez convaincant.
01:16:44 C'est-à-dire que le XXème siècle a perdu
01:16:46 des valeurs apolliniennes.
01:16:48 Sa thèse, je ne voulais pas rentrer dans le détail,
01:16:50 mais sa thèse, c'est que
01:16:52 il y a les apolliniens et les mercuriens.
01:16:54 Les apolliniens étant en gros
01:16:56 effectivement les enracinés,
01:16:58 les paysans, mais aussi les soldats.
01:17:00 Et les mercuriens,
01:17:02 mercure étant évidemment
01:17:04 les commerçants, mais aussi
01:17:06 les écrits, les journalistes,
01:17:08 les relations.
01:17:10 Il explique que
01:17:12 depuis le Moyen-Âge,
01:17:14 dans toute civilisation d'ailleurs, parce qu'il donne des exemples,
01:17:16 on est perdu par son érudition
01:17:18 en Chine, en Inde,
01:17:20 etc. Mais il dit que
01:17:22 dans toutes les civilisations, il y a des apolliniens et des mercuriens.
01:17:24 Et que chacun tient son rôle.
01:17:26 Et il dit que dans la civilisation
01:17:28 européenne occidentale,
01:17:30 les juifs sont les mercuriens
01:17:32 de service, si j'ose dire.
01:17:34 Et qu'il n'y a pas de problème, bon très bien,
01:17:36 avec les apolliniens.
01:17:38 Et il dit que le grand basculement, c'est le 19e siècle,
01:17:40 où là, pour la
01:17:42 première fois, par la révolution industrielle,
01:17:44 par tout cela,
01:17:46 les mercuriens tiennent
01:17:48 le haut du pavé. Et c'est la première fois
01:17:50 depuis le Moyen-Âge, où les paysans
01:17:52 et les soldats, évidemment,
01:17:54 sont un peu plus déconsidérés.
01:17:56 On a lu des dizaines de livres là-dessus.
01:17:58 Et là,
01:18:00 tout le problème, c'est qu'il dit
01:18:02 l'Europe
01:18:04 conquiert le monde,
01:18:06 les mercuriens tiennent le haut du pavé en Europe,
01:18:08 donc ils tiennent le haut du pavé dans le monde,
01:18:10 et donc, les juifs
01:18:12 sont soudain propulsés,
01:18:14 en haut de l'affiche, si j'ose
01:18:16 m'exprimer ainsi,
01:18:18 par l'époque et par les nouvelles conditions
01:18:20 économiques et sociales.
01:18:22 Il explique comme ça la montée
01:18:24 en puissance de l'antisémitisme
01:18:26 au XIXe siècle et au XXe siècle
01:18:28 par cette révolution incroyable
01:18:30 qui les met sur le pavé,
01:18:32 presque à leur corps défendant.
01:18:34 C'est quand même très éclairant. Et c'est très éclairant et très brillant.
01:18:36 Ça aussi, il faut dire à ceux qui ont
01:18:38 la passion de nous égouter jusqu'à la fin de cette émission,
01:18:40 hélas,
01:18:42 le soir commence à tourner,
01:18:44 il va falloir que nous quittions, j'ai déjà par avance
01:18:46 beaucoup de chacun, parce qu'on pourrait parler pendant des heures.
01:18:48 Mais voilà un livre
01:18:50 qui éclaire puissamment, si puissamment
01:18:52 le monde contemporain.
01:18:54 Et qui vous avait inspiré aussi pour le nouveau conservateur.
01:18:56 Et ça fait plaisir de lire ce genre de livres, parce que
01:18:58 ça permet
01:19:00 de mettre à distance
01:19:02 les bêtises contemporaines.
01:19:04 Et oui, c'est ça.
01:19:06 Les livres, c'est un tueur de bêtises.
01:19:08 On peut le dire comme ça.
01:19:10 Mais vraiment, je suis tout à fait d'accord.
01:19:12 Il y a un grand nombre de nécessiteux.
01:19:14 Absolument.
01:19:16 Je vous disais que dans mes lectures
01:19:18 récentes,
01:19:20 j'avais lu des pages et pas le livre entier.
01:19:22 Là, j'ai un peu de temps. Et donc, j'ai lu
01:19:24 le fameux processus de civilisation de Norbert Elias.
01:19:26 Et là,
01:19:28 j'ai compris enfin
01:19:30 ce que je voulais dire.
01:19:32 Le hasard a fait
01:19:34 qu'il y a eu une espèce de polémique
01:19:36 idiote autour du propos
01:19:38 d'Emmanuel Macron sur la décivilisation.
01:19:40 J'ai compris d'ailleurs
01:19:42 que Macron lui-même... Un mot qui venait de Renaud Camus,
01:19:44 soit dit par parenthèse. Absolument.
01:19:46 Mais c'était complètement idiot
01:19:48 d'en vouloir à Macron
01:19:50 parce qu'il avait utilisé ce mot
01:19:52 qui avait été utilisé
01:19:54 par Renaud Camus, effectivement, mais qui venait
01:19:56 de Norbert Elias. Et c'est très intéressant.
01:19:58 Mais parce qu'Elias,
01:20:00 lui, ne parle pas de décivilisation. Il parle de processus
01:20:02 de civilisation. Et il explique
01:20:04 très bien comment
01:20:06 c'est lié à la
01:20:08 civilisation européenne. Et d'ailleurs
01:20:10 à la France d'abord. Il explique
01:20:12 très bien comment c'est la France qui a
01:20:14 si vous voulez
01:20:16 à partir
01:20:18 de la violence originelle
01:20:20 des féodaux, des
01:20:22 seigneurs, etc., qui a réussi
01:20:24 à canaliser cette violence,
01:20:26 à les obliger à se
01:20:28 contrôler soi-même, à contrôler
01:20:30 leur passion, leur pulsion,
01:20:32 leur colère, leur sentiment
01:20:34 dans le phénomène
01:20:36 de cour. Et comment
01:20:38 à partir de là, toute la société
01:20:40 française, les bourgeois mais aussi
01:20:42 les paysans ont imité
01:20:44 les aristocrates français
01:20:46 qui se contrôlaient. Comment
01:20:48 toutes les aristocraties européennes
01:20:50 ont imité l'aristocratie française
01:20:52 et comment finalement toute l'Europe
01:20:54 a imité la France.
01:20:56 Et il explique très bien que
01:20:58 c'est limité à l'Europe.
01:21:00 Et donc quand
01:21:02 le président Macron parle de décivilisation
01:21:04 pour parler
01:21:06 de la violence sur
01:21:08 le sol français, il ne
01:21:10 veut pas voir ou il ne voit pas
01:21:12 que cette violence
01:21:14 est essentiellement
01:21:16 issue des jeunes
01:21:18 de l'immigration maghrébine et
01:21:20 africaine qui n'ont pas connu
01:21:22 ce processus de civilisation.
01:21:24 Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas une autre civilisation.
01:21:26 Vous voyez, j'ai lu
01:21:28 Montaigne, j'ai lu Lévi-Strauss et je
01:21:30 sais aujourd'hui que l'Europe n'a pas
01:21:32 le monopole de la civilisation.
01:21:34 Mais c'est une des
01:21:36 d'autres civilisations. Un autre réactionnaire d'ailleurs.
01:21:38 Absolument, et c'est d'autres civilisations
01:21:40 qui ne... comment dire...
01:21:42 qui ne gèrent pas la violence
01:21:44 de la même façon. C'est-à-dire en gros,
01:21:46 nous, en Europe,
01:21:48 nous gérons la violence
01:21:50 par l'autocontrôle
01:21:52 quand dans les civilisations
01:21:54 islamiques et africaines,
01:21:56 on le gère par la répression.
01:21:58 Et la répression est très violente.
01:22:00 On ne demande pas aux gens
01:22:02 de s'autocontrôler, mais
01:22:04 en revanche, la répression
01:22:06 est féroce.
01:22:08 Et ce que j'essaye d'expliquer
01:22:10 à la suite de cette polémique, c'est que
01:22:12 en France, on a aujourd'hui
01:22:14 une civilisation
01:22:16 qui est faite...
01:22:18 Voilà, héliassienne, qui s'autocontrôle
01:22:20 et une autre
01:22:22 civilisation qui est
01:22:24 faite, qui est
01:22:26 fondée sur la répression.
01:22:28 Et comme notre civilisation ne réprime plus
01:22:30 assez, il y a un choc.
01:22:32 Et ça vient de Myrcée-la-Véliade.
01:22:34 Ça vient aussi
01:22:36 de Toynbee. Vous aimez
01:22:38 beaucoup Toynbee.
01:22:40 Ça c'est une source de conflit
01:22:42 entre vous et moi. On revient d'ailleurs
01:22:44 à la typologie des trois droites que vous n'avez pas aimé,
01:22:46 la nationale, l'européenne, l'américaine.
01:22:48 Mais la nation
01:22:50 m'a eu plusieurs fois à reprocher
01:22:52 d'en faire un trop grand usage
01:22:54 dans certaines des livres,
01:22:56 parce que je dois dire aussi que vous me lisez.
01:22:58 - Mais c'est ce que je vous lis.
01:23:00 - C'est pas Toynbee.
01:23:02 Je vous lis comme vous me lisez.
01:23:04 Moi j'aime bien lire mes amis.
01:23:06 - Je vais me mettre un peu trop l'accent sur la logique nationale.
01:23:08 Alors que, me citant
01:23:10 Toynbee, vous l'avez dit à plusieurs reprises,
01:23:12 les nations
01:23:14 sont dépassées par un phénomène
01:23:16 plus large qu'elles, les civilisations.
01:23:18 Et ces civilisations,
01:23:20 elles sont transnationales, voire
01:23:22 supranationales. - Alors, je suis comme vous.
01:23:24 J'ai, mais,
01:23:26 une culture
01:23:28 nationale. Et je vois
01:23:30 d'abord les problèmes au niveau de la
01:23:32 nation. Mais je suis comme vous. J'ai appris,
01:23:34 j'ai lu
01:23:36 les mémoires du général de Gaulle, j'ai lu Bainville,
01:23:38 etc. - Tout ce dont on a parlé, c'est très national.
01:23:40 - Bien sûr, et quand j'étais petit,
01:23:42 on nous apprenait l'histoire dans
01:23:44 cette légoloïde. Donc, vous voyez, je suis issu de ça.
01:23:46 En plus, moi, venant,
01:23:48 d'ailleurs, je me suis
01:23:50 assimilé à cette culture nationale.
01:23:52 Donc, j'en ai rajouté, vous voyez, si j'ose dire.
01:23:54 Donc, vraiment, c'est pas ça du
01:23:56 tout qui me gêne
01:23:58 et avec lequel je suis en désaccord
01:24:00 avec vous. Pas du tout. Moi aussi,
01:24:02 je vois l'intérêt de la nation d'abord, etc.
01:24:04 Mais, ce que je voulais
01:24:06 vous dire, après cette lecture de
01:24:08 Tonbi, après la lecture de Huttington,
01:24:10 le fameux clash des civilisations,
01:24:12 dont j'ai compris, en lisant Tonbi,
01:24:14 qu'il était l'enfant de Tonbi.
01:24:16 Huttington, c'est-à-dire qu'il utilise... - L'enfant
01:24:18 malheureux. - Le matériau de Tonbi.
01:24:20 Non, moi, je pense qu'il a juste... - Huttington, c'est une machine de guerre
01:24:22 américaine, c'est-à-dire qu'on est tous dans le même bateau.
01:24:24 - Ça, c'est
01:24:26 l'exploitation qu'en fait
01:24:28 George Bush, mais moi, j'ai lu
01:24:30 Huttington, j'ai lu le clash des civilisations.
01:24:32 - Comme s'il était juste là, à en faire cette
01:24:34 exploitation. - J'ai lu "Qui sommes-nous ?" également,
01:24:36 qui est une histoire américaine
01:24:38 et d'ailleurs, qui m'a donné
01:24:40 envie d'écrire mon destin français
01:24:42 parce qu'il revisite... - Ah, c'est le meilleur,
01:24:44 j'ai oublié de dire, votre meilleur livre, c'est "Le destin français".
01:24:46 - Merci beaucoup. Eh bien, c'est Huttington
01:24:48 qui m'en a donné l'idée. - Il a certainement été plus sévère
01:24:50 avec beaucoup de gens, mais pas ça. - Non, non, non, mais je vous assure
01:24:52 que c'est vrai, parce qu'il revisite l'histoire américaine
01:24:54 de façon neuve, originale
01:24:56 et qui m'a beaucoup plu.
01:24:58 Pour moi, c'est un grand esprit Huttington
01:25:00 et je ne le mets pas à la remorque
01:25:02 de George Bush Jr. ou des
01:25:04 guerres américaines
01:25:06 pour la démocratie. - C'est fait pour dire que l'Europe et les
01:25:08 États-Unis sont à partir de la même civilisation,
01:25:10 ce qui est absolument faux.
01:25:12 - Non, non, c'est pas faux. - Alors, c'est parfait.
01:25:14 - Je ne suis pas d'accord.
01:25:16 - Nous allons nous quitter sur une diverse base.
01:25:18 - Non, c'est pas aussi simple que ça.
01:25:20 - Justement,
01:25:22 Tonbi qui n'a rien à voir
01:25:24 avec la machine américaine. Il est britannique,
01:25:26 il écrit dans
01:25:28 les années 30, il se moque
01:25:30 complètement de la puissance américaine.
01:25:32 Donc, il explique
01:25:34 très bien et très brillamment,
01:25:36 je vous assure, que
01:25:38 depuis 5000 ans,
01:25:40 il y a des grandes civilisations
01:25:42 qui se sont soit ignorées,
01:25:44 soit affrontées, qui ont
01:25:46 des points communs entre eux, c'est-à-dire que
01:25:48 nous sommes dans la civilisation
01:25:50 occidentale, qu'on le veuille ou non,
01:25:52 et nous avons des points communs avec...
01:25:54 - Attendez ! - Avec les Allemands,
01:25:56 les Anglais, les Italiens... - Alors, la Russie aussi
01:25:58 est dans la civilisation occidentale. - Oui, non.
01:26:00 La Russie, elle est à la frontière.
01:26:02 - En 1978, quand la Russie a été battue
01:26:04 par le Japon, on a dit "Ah, c'est la première défaite de
01:26:06 l'Occident". - De l'homme blanc, pas de l'Occident,
01:26:08 de l'homme blanc, on va dire. - Enfin, vous voyez...
01:26:10 - Non, non, attendez, vous allez trop vite, vous ne me laissez pas
01:26:12 finir. - Finissons. - Donc, je
01:26:14 dis, effectivement, il y a
01:26:16 des civilisations, et il y a,
01:26:18 par exemple, Toynbee explique très bien que
01:26:20 quand il y a une invention,
01:26:22 que ce soit idéologique,
01:26:24 politique, intellectuelle,
01:26:26 artistique,
01:26:28 évidemment technique, dans un endroit
01:26:30 de cette civilisation, que ce soit en France,
01:26:32 en Angleterre, en Italie,
01:26:34 en Allemagne, elle se répand
01:26:36 immédiatement dans tous les
01:26:38 pays de l'Europe qui l'adoptent.
01:26:40 De la féodalité
01:26:42 aux Lumières,
01:26:44 à la Renaissance, etc.
01:26:46 Donc, ça, ça existe, que ça vous plaise ou non.
01:26:48 Deuxièmement,
01:26:50 pour l'Occident,
01:26:52 je ne suis pas d'accord, ni avec
01:26:54 vous, ni avec Régis Debray, j'ai beaucoup lu
01:26:56 Régis Debray, j'ai beaucoup apprécié
01:26:58 ses livres où il s'amuse en
01:27:00 permanence à montrer les oppositions
01:27:02 systématiques entre l'Europe
01:27:04 et les États-Unis, c'est très brillant, c'est très bien écrit,
01:27:06 ça m'a séduit pendant des années.
01:27:08 - Il était seul, vous êtes nombreux
01:27:10 à reposer les deux. - Je sais que vous êtes nombreux, je sais,
01:27:12 mais même moi, j'ai participé
01:27:14 à cela, mais aujourd'hui,
01:27:16 je pense, et d'ailleurs, comme
01:27:18 Jean-Pierre Chemin, je vais discuter avec lui,
01:27:20 vous allez comprendre ce que je vais dire,
01:27:22 je pense qu'en fait, l'histoire de
01:27:24 l'Europe et de l'Occident, c'est
01:27:26 une guerre incessante
01:27:28 entre ceux
01:27:30 qui veulent être le patron
01:27:32 de l'Occident. Un jour, c'est
01:27:34 l'Espagne, après c'est la France,
01:27:36 après c'est l'Angleterre,
01:27:38 l'Allemagne
01:27:40 qui s'efforce d'être le patron et échoue
01:27:42 parce que les États-Unis viennent
01:27:44 mettre leur grain de sel,
01:27:46 et donc aujourd'hui,
01:27:48 que ça vous plaise ou non, les États-Unis
01:27:50 sont le patron de la
01:27:52 civilisation occidentale. - Hélas, hélas,
01:27:54 il faut que nous... - Ça ne veut pas dire qu'on doit s'y soumettre,
01:27:56 ça ne veut pas dire qu'on doit s'y soumettre, ça ne veut pas dire qu'on doit
01:27:58 abandonner nos intérêts nationaux,
01:28:00 mais ça veut dire que nous avons
01:28:02 les mêmes enjeux et les mêmes
01:28:04 dangers, c'est-à-dire que je pense que
01:28:06 l'Europe, mais on avait dit qu'on ne ferait pas
01:28:08 de politique, mais que l'Europe... - On y revient toujours, Eric.
01:28:10 - Et les États-Unis
01:28:12 sont en même danger,
01:28:14 menacés par une guerre de civilisation
01:28:16 qui emmène à la fois
01:28:18 la civilisation chinoise
01:28:20 et la civilisation islamique.
01:28:22 Voilà, c'est cela
01:28:24 où je vois cette guerre de civilisation,
01:28:26 dans la suite du Diocese de l'Union. - Je crois que tout
01:28:28 le monde a compris que notre conversation
01:28:30 est sans fin, c'est d'ailleurs pourquoi il faut
01:28:32 y mettre un terme,
01:28:34 parce qu'on pourrait en dire beaucoup,
01:28:36 je ne crois pas du tout que l'Occident,
01:28:38 je ne sais pas ce que ça veut dire
01:28:40 en réalité. Bon, là-dessus,
01:28:42 nous diversons beaucoup. - C'est très simple.
01:28:44 - Le christianisme ou la chrétienté,
01:28:46 je vois ce que ça veut dire. - Moi aussi.
01:28:48 - Et l'Europe chrétienne aussi, l'Europe qui
01:28:50 n'est pas chrétienne aussi, je vois. - Moi aussi.
01:28:52 - Bon, et notre conversation
01:28:54 est sans fin,
01:28:56 merci beaucoup en tous les cas. - Merci à vous
01:28:58 de m'avoir permis de parler de choses
01:29:00 que j'aime autant. - On pourrait rester
01:29:02 des heures et des heures et des heures, j'espère que nous
01:29:04 suivrons cette conversation. D'ailleurs, je dois témoigner
01:29:06 que vous l'avez parmi nos
01:29:08 nombreuses qualités, celle de prendre
01:29:10 très au sérieux l'amitié. - C'est vrai.
01:29:12 - Puisque nous célébrons notre
01:29:14 30e anniversaire d'amitié, c'est un plaisir
01:29:16 de le dire, parce que vous êtes absolument
01:29:18 formidables. - Merci.
01:29:20 - Sur ce terrain-là, on fait de fidélité
01:29:22 et d'affection, et je pense que
01:29:24 nous n'avons pas fini
01:29:26 de nous quereller
01:29:28 à bâton rompu, comme nous l'avons fait, je vous en
01:29:30 remercie encore. A bientôt Éric Zemmour.
01:29:32 - Merci à vous. Et à bientôt, Paul Brecht.
01:29:34 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
01:29:37 ♪ ♪ ♪

Recommandations