Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 *Musique*
00:05 *Musique*
00:34 *Musique*
00:39 - Ça danse et ça chante dans le studio. Bonjour Mathilde. - Bonjour.
00:43 - Vous êtes autrice, compositrice, interprète, personnage public depuis votre participation en 2015 à l'émission The Voice.
00:50 L'année suivante, vous sortez votre premier album et en 2024 le second, La nuit, le jour.
00:55 Pendant ce temps-là, vous découvrez que certains groupes virtuels se sont emparés de votre image,
01:00 multiplient à votre rencontre les attaques et les montages bourgosophobes mais pas que.
01:04 Un sévère harcèlement qui a carrément fait l'objet d'une enquête du Média Numéra 2023 et dont on discute aujourd'hui.
01:10 D'abord vous, comment est-ce que vous avez appris l'existence de ces groupes qui sont présents notamment sur Facebook ?
01:15 - Alors je l'ai appris par des amis militants qui font beaucoup de travail de veille sur des groupes comme ça qui sont baptisés "Nershi",
01:21 donc comprendre le verlan de "Schiner", qui au départ étaient des groupes très sympathiques.
01:26 - Bon enfant ! - Bon enfant, Schiner de "Grenbio" etc.
01:30 Et qui a été colonisé et dont s'est accaparé l'extrême droite et les masculinistes.
01:36 Et j'ai été alertée quand un groupe s'est dédié uniquement à ma personne, rebaptisée par ces gens absolument charmants,
01:44 "Gratild", comme si je n'étais pas au courant que j'étais grosse.
01:47 Alors quand même, à bientôt 40 ans, je suis bien au courant, je leur dis,
01:52 "A vous qui pensez qu'il faut me rappeler que je suis grosse, je le sais, je suis très au courant, je vis dans ce corps gros, et c'est... Habituez-vous, voilà ! "
02:02 - Ça a quel effet sur vous ce cyberharcèlement Mathilde ? Parce que là on rigole mais c'est constant, c'est sur tous vos postes,
02:09 quand vous faites des choses pour d'autres médias c'est aussi sous les postes de ces médias, c'est partout.
02:14 - Je rigole beaucoup parce que ces gens sont quand même très ridicules, c'est aussi pour ça que j'en rigole,
02:18 parce que sur le fond, il n'y a absolument rien qu'ils peuvent dire, tout est abscons, c'est très petit, c'est très court de récré,
02:25 mais par contre c'est une histoire de volume. La volumétrie c'est constant, c'est beaucoup de modération,
02:30 moi je veux que mes espaces commentaires soient absolument sécurisés et sécurisants pour les personnes qui veulent s'exprimer sur les sujets que j'évoque,
02:36 que ce soit le féminisme, l'humanisme, la santé mentale, la grossophobie, le sexisme,
02:42 je veux que les femmes, les hommes, les adelphes puissent parler en toute liberté, donc je fais beaucoup de modération.
02:48 Mais c'est aussi être confronté constamment, du matin au soir, à des propos extrêmement violents à mon endroit,
02:53 des menaces de mort, des menaces de violence, des incitations au suicide, des choses pas fun.
02:59 Des fois je me réveille et j'ai 500 photos de porcs dans mes commentaires, mais bon...
03:06 - C'est une organisation, ça veut dire quoi ?
03:08 - On a beaucoup à apprendre de l'organisation de ces gens.
03:12 - Parce qu'ils sont efficaces !
03:13 - Ils sont d'une efficacité, moi je me dis, je suis toujours un peu dans un espèce de bordel flou,
03:18 je me dis, je devrais apprendre de ces gens le fait d'être très solidaires, toujours unis comme un seul homme,
03:25 - Créatifs !
03:26 - Très créatifs, mais je pense qu'il y a beaucoup à apprendre de la fiction de ces gens,
03:34 qui sont d'incroyables projectionnistes de films vraiment de science-fiction.
03:37 - Et à aucun moment vous vous dites que ce serait mieux pour vous d'arrêter d'être présente sur les réseaux sociaux ?
03:42 - A aucun moment, parce que je ne me soumettrai jamais à personne, à quiconque, je ne me soumettrai pas,
03:49 et encore moins aux gens qui m'agressent.
03:51 Si déjà je ne me soumets pas aux gens qui sont là, genre "tu es merveilleuse chérie, je t'adore, machin machin,
03:55 je ne vais pas me soumettre à des gens qui sont là genre "oui, on te déteste".
03:58 Vraiment à la limite, en fait ils nourrissent mon envie de rester sur les réseaux, de l'ouvrir,
04:03 et de l'ouvrir en grand et en gros.
04:06 - En revanche, ça n'a pas l'air d'atteindre votre créativité.
04:09 Vous êtes même emparée de ce sujet dans la chanson qu'on a entendue en début de séquence.
04:12 Et si vous êtes harcelée, vous avez aussi toute une communauté que personnellement j'appelle les Matildos.
04:16 Je ne sais pas si on va votre commu à un nom.
04:18 - La commu.
04:19 - La commu, voilà.
04:20 Tous ces gens qui vous suivent, vous arrivez aussi à recevoir tous les messages bienveillants,
04:23 tout l'amour qu'on vous envoie.
04:25 - 1000 fois plus.
04:27 - Oui, ça gâche quoi.
04:28 - Non, ça gâche rien du tout.
04:30 Évidemment, l'amour de cette communauté et vraiment le soutien, ça vient en accompagnement d'un accompagnement psychiatrique extrêmement compétent.
04:42 Et donc nous en profitons pour remercier l'hôpital public.
04:45 Parce que vraiment, je pense que je ne pourrais pas tenir sans ça.
04:49 Mais ma commu, c'est aussi le carburant qui me fait tenir.
04:52 Sans lequel, vraiment, je pense que peut-être, peut-être que je ne serai plus là ici pour en parler.
04:58 - Votre musique, Mathilde, c'est un bouclier, c'est une arme, c'est un otage, une otage de la situation ?
05:03 - C'est une arme, s'il faut, quand il faut.
05:06 Mais c'est surtout un outil, un peu comme un espèce de tuto résistance, pour les personnes qui vivraient la même chose que moi,
05:12 que ce soit dans la sphère publique ou dans la sphère privée.
05:15 Et je pense particulièrement aux gens plus jeunes que moi, aux gens peut-être dans des situations de faiblesse,
05:20 qui n'ont pas les moyens de se défendre.
05:22 Moi, je pense toujours, à chaque fois que je vis une vague de cyberharcèlement, je me dis,
05:25 heureusement que je n'ai pas 14 ans et qu'en fait, la cour de récré se poursuit dans ma poche
05:31 et que je continue à vivre le soir ce que je vis dans la journée.
05:34 Je pense à beaucoup de gens qui ne peuvent pas se défendre.
05:36 Et c'est aussi pour ça que je maintiens ma présence sur les réseaux,
05:39 que je continue de l'ouvrir et que je sais aux autres de s'habituer maintenant.
05:43 - Justement, Andrea Vescon, vous avez réalisé cette année des épisodes de la série "Nudes"
05:49 avec Sylvie Everett et Lucie Borleto.
05:51 Elle est disponible sur Prime Vidéo.
05:53 Elle s'empare d'un autre sujet très actuel, mais qui rentre complètement dans le sujet.
05:57 C'est le "revenge porn", le fait de diffuser sur les réseaux des photos intimes
06:02 sans l'accord de la personne concernée.
06:04 C'est des sujets où les jeunes se retrouvent un peu tout seuls, non ?
06:06 C'est un peu ça aussi le problème.
06:08 C'est des sujets où la justice est larguée et très loin derrière,
06:11 parce qu'elle n'a pas eu le temps de s'adapter.
06:12 Les parents sont largués, personne n'est vraiment à la hauteur des enjeux.
06:16 - Oui, mais le problème est toujours le même.
06:18 C'est qu'on ne met pas de moyens dans la prévention.
06:20 Autant qu'on n'aura pas de vrais portefeuilles pour subvenir à ces besoins.
06:27 C'est colossal le besoin financier à dégager pour le harcèlement, le cyberharcèlement,
06:34 la divulgation d'images à caractère intime ou sexuel.
06:37 Il n'y a pas que le côté sexuel.
06:39 Quand quelqu'un t'a pris en photo dans ta salle de bain, tranquille,
06:43 tu sors de ta douche, de ta petite serviette,
06:45 tu te retrouves sur Internet, ça, ce n'est pas de la "revenge porn".
06:47 C'est juste dégueulasse.
06:50 C'est un délit et on ne fait pas ça.
06:53 C'est comment faire comprendre aux gens qu'on ne garde pas de photos à caractère intime.
07:00 Il y a beaucoup d'hommes, et pardon, c'est beaucoup plus les hommes qui font ça,
07:04 qui gardent les photos intimes et vidéos intimes de leurs ex comme des trophées.
07:09 Et qui d'ailleurs se les passent les uns les autres,
07:12 "tiens regarde comment elle était bonne", etc.
07:14 C'est impossible de faire comprendre à la jeunesse que tu peux avoir des photos.
07:19 J'ai déjà envoyé des news, il n'y a pas de soucis.
07:22 Des news, des photos de vous, dans votre intimité.
07:25 Avoir une relation sexuelle par le biais de nos écrans, pourquoi pas.
07:32 On est libre de le faire, mais ça a consommé dans l'immédiat,
07:36 et surtout a effacé dans l'immédiat.
07:40 Mais tant qu'on ne fera pas rentrer ça dans la tête des gens.
07:43 Quand on a eu des problèmes sur la route,
07:46 que le président Chirac a dit "bon attendez, c'est pas possible,
07:49 explosion totale des accidents routiers, etc.
07:52 On va imposer la ceinture, mais tout ça, ça a été une politique publique,
07:56 ça a coûté de l'argent.
07:58 Aujourd'hui tu rentres dans ta voiture, tu mets ta ceinture.
08:01 Qui ne le fait pas ? Sans rire.
08:03 Moi je suis née en 79, nous on était sur la banquette arrière de la bagnole,
08:08 sans ceinture et tout, mais aujourd'hui, jamais de la vie,
08:11 je rentre dans une voiture sans mettre ma ceinture.
08:14 C'est quelque chose qui est rentré dans ma tête.
08:16 Ce sont des moyens dégagés, c'est à la politique de faire le nécessaire.
08:23 - Et ça manque de thunes aussi sur déployer sur la justice sur internet
08:27 et sur le cyber-harcèlement, il n'y a pas non plus de moyens déployés
08:31 sur la sécurité des personnes sur internet.
08:34 - C'est une médiation.
08:35 - Et pour terminer Mathilde, vous avez réussi à obtenir un peu l'aide de META,
08:38 la maison mère de Facebook et d'Instagram sur ce sujet.
08:40 Vous réussissez à avoir des interlocuteurs ?
08:42 Parce que c'est un autre des acteurs de toute cette histoire.
08:44 - Non, c'est Silence Radio et d'ailleurs on se demande avec mon avocate
08:48 si dans la plainte que nous avons déposée, on ne va pas rajouter justement META
08:53 pour non-assistance à personne en danger, pour complicité de harcèlement moral.
08:57 Parce qu'à un moment donné, il faut que ces plateformes se responsabilisent.
09:00 Je pense que je vais peut-être être toute seule face à ça,
09:03 mais peut-être que ça ouvrira une porte pour que toutes les personnes cyber-harcelées,
09:08 que ce soit sur META ou d'autres réseaux sociaux, se disent que c'est possible
09:13 et qu'on peut aussi attaquer en justice en France des gens qui se dédouanent
09:17 de toutes responsabilités alors que légalement, s'ils ne font rien, ils sont complices.
09:22 - Merci Mathilde, rappelle que vous êtes autrice, compositrice, interprète.
09:25 On retrouve votre dernier album la nuit, le jour, sur toutes les plateformes d'écoute.
09:28 Je rappelle aussi qu'il y a un numéro vert pour le cyber-harcèlement
09:31 qui s'appelle le 3018, qui est capable de faire retirer des publications
09:34 et puis des associations comme Stop Ficha pour se faire aider
09:37 si on a été victime d'une vengeance pornographique.
09:40 *Générique*