• il y a 7 mois
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

Category

😹
Amusant
Transcription
00:00 On a voulu tirer le fil de ce rapport charnel aux instruments dont vous parlez, André Manoukian,
00:04 et de vous présenter un musicien et son instrument.
00:07 C'est un instrument qu'on peut qualifier d'un peu bizarre, puisque c'est un instrument qu'on ne touche pas.
00:11 C'est passion ! Instrument de niche sur France Inter !
00:13 Introduit aujourd'hui par un autre génie farfelu de la création musicale, Gaston Lagaffe et son gafophone.
00:19 *Gaston Lagaffe - Gafophone*
00:24 Tu sais, en musique, on emploie les mêmes instruments depuis des siècles.
00:28 Oui, au boulot aussi. Comme la concentration, par exemple.
00:31 Ouais, bah, il faut changer tout ça. Il est grand temps de chercher des sons nouveaux.
00:35 Alors, j'ai pris le truc en main et j'ai inventé...
00:38 Aïe !
00:38 Viens voir, tu ne vas pas en croire tes oreilles.
00:40 Ah ! Quelle horreur !
00:42 Oui, belle pièce, hein ? Attention, premier essai, et pour toi tout seul.
00:47 Émotion, le son nouveau va naître ici, maintenant.
00:50 *Gaston Lagaffe - Gafophone*
00:54 C'est la première fois que j'entends la voix de Gaston Lagaffe.
00:57 Et je ne suis pas peu émue et que j'entends le son du gafophone.
01:00 On ne va pas du tout parler de gafophone, mais d'un autre instrument un peu niche.
01:03 Bonjour Grégoire Blanc.
01:04 Bonjour.
01:05 Vous êtes musicien et si vous êtes là ce soir, c'est parce que vous explorez les pouvoirs exceptionnels de la musique
01:10 avec un instrument lui-même assez exceptionnel, le térémine,
01:13 qui produit un son assez hypnotique sans que vous ayez besoin de le toucher.
01:18 Alors, comment est-ce que vous avez découvert cet instrument, Grégoire ?
01:21 Apparemment, c'était l'instrument préféré de Lénine, j'ai entendu dire.
01:25 Oui, alors c'est une belle histoire un peu romancée sans doute.
01:28 Moi, comment j'ai découvert ? C'est vraiment un accident.
01:31 J'étais en classe de première, une sortie scolaire dans un accélérateur de particules.
01:35 Enfin bon, rien à voir, mais...
01:36 - Vraiment un truc basique. - Voilà.
01:38 - On sert la base. - Pourquoi pas.
01:40 Et dans le parcours didactique, au fond de la salle, il y avait ce drôle de truc bizarre avec deux antennes
01:45 qui m'a beaucoup intrigué.
01:46 Et le soir, sur Google, évidemment, je tape "instrument bizarre avec deux antennes" sur Google.
01:51 Je n'avais même pas le nom.
01:52 Et de là est née une véritable passion, jusqu'à ce que ça devienne finalement mon métier.
01:57 Aujourd'hui, je suis musicien et le térémine, c'est vraiment mon instrument de prédilection.
02:00 Mais juste, qu'est-ce qui faisait un térémine dans l'accélérateur de particules ?
02:04 C'est une très bonne question d'André Manouche, merci.
02:06 Très très juste.
02:07 Non, mais voilà, c'était vraiment juste pour illustrer un peu pour les lycéens
02:11 ce que c'était que les ondes électromagnétiques.
02:13 C'était quand même un super objet à montrer.
02:15 Parce que ça marche grâce à des ondes électromagnétiques.
02:18 Absolument, je vous montre.
02:19 Et juste pour reprendre sur l'instrument préféré de Lénine.
02:22 En fait, il y a aussi une histoire complètement folle.
02:24 On n'aura pas le temps de tout explorer.
02:26 Léon Térémine, c'était un physicien russe qui travaillait sur un détecteur de gaz.
02:31 Et puis, ça n'a pas trop bien marché.
02:33 Par accident, il en est arrivé à cet instrument-là.
02:35 Et voilà, au Kremlin, ça intéressait beaucoup.
02:38 Et Lénine se disait, c'est super, on pourrait montrer un peu le génie de nos inventeurs soviétiques.
02:44 Et il a été envoyé comme ça en tournée.
02:46 D'abord dans toute la Russie, et puis après jusqu'aux Etats-Unis, en Europe.
02:50 Dans les années 1920, il a été brillamment à l'Opéra de Paris pour présenter son instrument.
02:53 Ça a fasciné les foules.
02:55 - C'est vrai que c'est fascinant.
02:56 Parce qu'en fait, je vais vous laisser vous installer, Grégoire Blanc.
02:59 Parce qu'en fait, vous ne le touchez pas, cet instrument.
03:01 Donc, on vous voit en face...
03:03 Alors, je ne sais même pas comment décrire ça.
03:05 - On dirait franchement un ballet de Harry Potter.
03:07 - On dirait un peu un ballet de Harry Potter.
03:09 - C'est assez beau.
03:09 Il y a un manche en bois qui est à l'horizontale.
03:12 Il y a une autre tige en métal qui sort du manche en bois.
03:17 Il y a un autre endroit qui ressemble à là où pose le fer à repasser normalement.
03:21 C'est très étrange, mais ça fait des sons magnifiques.
03:23 Et surtout, quand on vous voit faire...
03:24 On va vous écouter, mais quand on vous voit faire, c'est aussi assez fascinant.
03:29 - C'est pour ça que c'est super la radio.
03:31 Donc voilà, on a ces deux antennes et rien d'autre.
03:35 Enfin, juste moi, je suis une électrode en face de l'instrument.
03:37 Je fais partie du champ magnétique.
03:40 À gauche, je contrôle le volume.
03:42 Donc, plus je m'éloigne, plus ça va être fort.
03:45 Et à droite, on a la hauteur du son.
03:50 Plus je me rapproche de l'antenne, plus ça va être aigu.
03:53 - Donc, il ne touche à rien pendant ce temps-là.
03:57 Il ne fait que bouger le bras.
03:59 - Exactement. Après, je peux l'accorder pour jouer une gamme avec des mouvements de mes doigts.
04:09 - C'est fou. - Alors, si je vous joue un tout petit morceau.
04:13 - C'est pas mal.
04:15 (Musique)
04:18 (Musique)
04:21 (Musique)
04:29 (Musique)
04:35 (Musique)
04:41 (Musique)
04:47 (Musique)
04:50 - C'est un morceau de votre composition ?
04:55 - Non, c'est Charlie Chaplin, ça.
04:56 - C'est vrai ?
04:57 - C'est vraiment...
04:58 - Un grand standard de jazz.
05:00 - Un grand standard de jazz.
05:01 Marine Bausson et Marie Mycène connaissaient ça.
05:04 - Je connaissais.
05:05 J'allais dire, excuse-moi, c'est pas Charlie Chaplin.
05:07 Voilà, Marie.
05:08 - Grégoire Blanc, tu t'érémines aujourd'hui dans sa musique.
05:11 Quel compositeur on en retrouve dans la musique qu'on écoute ?
05:14 - J'ai envie de dire tout le monde et personne à la fois.
05:18 C'est vraiment un instrument tellement unique.
05:20 Déjà, moi, je n'arrête pas, en tant que théoréministe, de m'étonner
05:23 des gens qui m'invitent.
05:24 Je suis devenu...
05:26 Juste pour la République dominicaine, je suis invité régulièrement
05:28 à composer des films pour eux.
05:30 - Franchement, c'est un instrument qui vaut le coup.
05:31 - Bah oui, il y a de superbes opportunités terrielles.
05:34 Non, mais après, dans la culture contemporaine,
05:39 il y a notamment Justin Hurwitz, le compositeur de "La La Land".
05:43 Il y avait un film qui s'appelait "First Man".
05:46 Dans la bande-son, il y a du Thérémine,
05:49 il y a quelques chansons de Benjamin Biollet aussi.
05:51 - Par exemple, vous pourriez aller accompagner, je ne sais pas,
05:54 Aya Nakamura pour une cérémonie d'ouverture.
05:56 Elle chanterait "Piaf, y aurez-vous".
05:58 Vous le feriez ?
05:59 - Avec plaisir, évidemment.
06:00 Ce serait super drôle.
06:01 - Si Aya nous écoute, qu'elle n'hésite pas à vous envoyer un texto.
06:04 - Et ce n'est pas frustrant pour un musicien comme vous l'êtes
06:06 de ne pas avoir de contact avec les chords, de la matière,
06:09 de jouer sans le toucher ?
06:10 - J'ai envie de dire au contraire, en fait.
06:12 Il y a comme un court circuit direct entre moi, mes mains, mon corps
06:17 et le son que j'aimais.
06:19 Comme je le disais, même physiquement, je fais partie du circuit électronique.
06:22 Je suis une électrode en face de l'instrument.
06:24 On a même presque plus de contact avec l'instrument
06:26 qu'il n'y a pas de friction, il n'y a pas de gêne.
06:29 C'est assez fou.
06:30 - Vous faites partie de l'instrument.
06:31 André Manoukian, vous voulez rajouter quelque chose ?
06:33 - Oui, c'est jouissif de le voir faire.
06:35 Finalement, un instrument, ça limite.
06:37 Là, il n'en a pas.
06:38 Il peut à la fois jouer sur la hauteur,
06:41 il n'y a pas de frette non plus.
06:43 Il faut une précision extrême pour faire des notes précises.
06:46 Et ensuite, il joue sur le vibrato.
06:48 Et c'est quoi le vibrato ?
06:49 C'est ce qui donne l'expression.
06:51 Moi, je joue d'un instrument, le piano, il n'y a pas de vibrato.
06:53 J'ai beau faire ça, ça ne marche pas.
06:55 - C'est pour un triste ?
06:57 - Un petit peu.
06:58 Le trompettiste, il a son instrument contre sa bouche.
07:00 Comme ça, il y a un rapport sensuel.
07:02 Le saxophoniste, il lèche son ange pendant des heures pour la souplir.
07:05 Une fois, j'ai essayé de lécher le piano, ça ne faisait rien du tout.
07:07 Mais lui, quand on le voit avec ses bras, c'est le rêve du chef d'orchestre.
07:12 Il fait un geste et la musique suit immédiatement.
07:15 Il joue de l'air.
07:17 Il joue en air de musique avec l'air qu'on respire.
07:20 - Très juste.
07:21 - Pourquoi vous l'aimez autant votre instrument que la gloire blanc ?
07:23 - Pour ça, la liberté.
07:25 Et puis, j'ai envie de dire, je pense que tout instrument,
07:29 il faut qu'on développe un lien avec.
07:31 Et moi, j'ai vraiment jeté mon dévolu là-dessus.
07:33 J'ai mis du temps avant de choisir mon instrument.
07:35 J'avais commencé par le violoncelle, j'ai fait un peu de trompette.
07:37 - Ça se voit dans vos mouvements, le violoncelle.
07:39 - C'est vrai, il y a un lien.
07:40 Et puis, il y a cette même démarche d'aller fabriquer sa note.
07:43 Comme on disait, il n'y a pas de frette, il faut vraiment aller la chercher.
07:46 - Pardon, c'est quoi un frette ?
07:48 - C'est sur un manche de guitare, c'est ces petites barres
07:52 qui résiment les notes, ce qui fait que vous tombez à peu près toujours sur une note juste.
07:56 - Ok, ok, très bien. Merci beaucoup.
07:58 - Là, il n'y en a pas, il est sans filet.
08:00 - Et votre plus beau moment, Grégoire Blanc, on terminera là-dessus avec le thérémine ?
08:03 - Ce qui arrive, je pense.
08:05 - C'est maintenant, cette rencontre avec André Manoukian, capable de mettre des mots.
08:09 - Je suis très curieux aussi de voir ce qui vient.
08:11 Vraiment plein de projets absurdes.
08:13 Là, je me lance peut-être en septembre sur une tournée au Japon
08:15 avec un pianiste de jazz qui ne parle pas un mot d'anglais.
08:17 Je suis bien curieux de voir ce qu'il va se passer.
08:19 - Nous aussi, je vais vous dire.
08:21 - C'est toujours assez insolite.
08:23 - Et ça s'assume à 200% le thérémine ?
08:25 Partout où on va ?
08:27 - Bien sûr, évidemment.
08:29 - Au revoir Grégoire Blanc. Merci beaucoup.
08:31 On vous retrouve sur Youtube pour écouter d'autres morceaux interprétés au thérémine,
08:34 en concert à la Philharmonie de Paris.
08:36 Ce sera le 18 mai pour la Nuit Européenne des musées.
08:39 Et puis vous serez au Japon en septembre,
08:41 pour ceux qui nous écoutent depuis le Japon, avec un pianiste de jazz.

Recommandations