• l’année dernière
Une marque a réussi un tour de force, transformer une boisson des plus banales, le café, en boisson magique. Un breuvage vendu plus cher que dans les cafés classiques, qui fait de vous un être sophistiqué, qui vous donne l’illusion que vous avez réussi et vous laisse croire que vous êtes un peu au-dessus des autres. Cette marque, c’est Starbucks.
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Howard Schultz, un entrepreneur américain qui se dit progressiste, a compris que nous étions prêts à payer cette promesse au prix fort. Il a créé un empire, symbole incontournable de la mondialisation en rendant des millions de clients accros à ses boissons. Ses 28 000 boutiques ont accaparé les meilleurs emplacements dans 75 pays. Sa stratégie du « luxe abordable » construite par ses experts en marketing attire ceux qui se projettent dans la classe moyenne. En Chine où il y a déjà 3 000 Starbucks, la marque inaugure en moyenne un nouveau café toutes les 15 heures.

Un succès insolent qui dissimule une réalité plus amère que la firme aimerait bien masquer. Comme sa course permanente à la rentabilité partout dans le monde avec ses employés sous forte pression. Son cynisme sous un masque de bons sentiments avec les petits producteurs de café. Ses engagements pour la planète alors que ses gobelets en carton ne sont pas recyclables. Ses produits de fast-food, ses frappuccinos ultra sucrés vendus comme du haut de gamme. Et ses petits arrangements avec les lois fiscales, Starbucks a été condamné par la Commission européenne pour concurrence déloyale à verser 25,7 millions d’euros de pénalités aux Pays-Bas où le géant avait un moment installé son siège européen.

Dans le même temps Starbucks s’implique dans la santé et l’éducation de ses employés. Dans l’Amérique dirigée par Donald Trump la marque soutient le mariage gay, incite ses clients à aller voter et embauche des réfugiés. Howard Schultz, très populaire aux Etats-Unis, aurait pu devenir ministre du Travail si Hillary Clinton avait été élue, on lui prête de plus grandes ambitions jusqu’à la Maison Blanche. En façade Starbucks s’engage pour ses clients, pour ses employés et pour ses fournisseurs de café. Simultanément, l’œil rivé sur le cours de la bourse, la multinationale continue de grossir, inexorablement.
Starbucks, ou comment des illusionnistes géniaux ont bâti un empire.

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00:00 Une marque a réussi un tour de force, transformer une boisson des plus banales, le café, en
00:12 boisson magique.
00:13 Un breuvage vendu à prix d'or qui fait de vous un être sophistiqué, qui vous donne
00:22 l'illusion que vous avez réussi et vous laisse croire que vous êtes un peu au-dessus
00:29 des autres.
00:30 Cette marque, c'est Starbucks.
00:35 Je suis tombée amoureuse de la marque et ce n'est pas que le café, ce gobelet symbolise
00:41 beaucoup de choses.
00:42 Avec le logo Starbucks sur ce gobelet, ça veut dire, eh oui, je peux me l'offrir, je
00:47 gagne mieux ma vie que vous.
00:49 Cette promesse, un entrepreneur américain a compris que nous étions prêts à la payer
00:54 au prix fort.
00:55 Un patron qui se dit progressiste, Howard Schultz.
00:59 Une bonne entreprise doit comprendre qu'il faut à la fois faire des bénéfices et être
01:06 socialement juste.
01:07 Il a créé un empire, symbole incontournable de la mondialisation, en rendant des millions
01:15 de clients accros à ses boissons.
01:17 Starbucks est une marque très humaine.
01:20 Ce n'est pas seulement un produit, c'est comme une religion.
01:23 À quoi ressemble le monde selon Starbucks ?
01:28 Le géant du café s'est immissé dans nos vies.
01:31 Ses 28 000 boutiques ont accaparé les meilleurs emplacements dans le monde.
01:35 Ils ont pris notre magasin.
01:38 C'était effrayant.
01:39 Une énorme multinationale a avalé notre commerce.
01:43 Un succès insolent qui dissimule une réalité plus amère que la firme aimerait bien cacher,
01:51 comme sa course permanente à la rentabilité avec ses employés sous pression.
01:55 J'ai jamais eu un boulot aussi dur.
01:59 Chez Starbucks, on fait 15 choses à la fois, toute la journée.
02:02 C'est du jonglage.
02:03 Il faut être un bon jongleur, sinon on ne survit pas.
02:06 Son cynisme sous un masque de bon sentiment.
02:10 Ils nous ont fait des promesses avec de bonnes intentions à l'époque, mais je n'ai rien
02:16 vu de cela.
02:17 Rien.
02:18 Ces produits de fast food, vendus comme du haut de gamme.
02:22 La boisson qui contenait le plus de sucre venait de Starbucks avec 99 grammes de sucre.
02:29 C'est faramineux.
02:30 Et ces petits arrangements avec les lois fiscales.
02:33 Starbucks, ou comment des illusionnistes géniaux ont bâti un empire sur une promesse qui serait
02:42 tout simplement de la poudre aux yeux.
02:45 Originaire de Seattle, aux Etats-Unis, Starbucks est implanté dans 75 pays.
03:08 Comment la marque arrive-t-elle à séduire autant de clients malgré des prix élevés?
03:13 C'est une forme de luxe à bien des égards.
03:17 Vous savez combien vous dépensez chaque mois chez Starbucks?
03:23 Je suis heureuse d'être devenue avocate et de pouvoir ainsi me permettre ce petit luxe
03:31 abordable.
03:32 C'est une manière de dire aux gens je peux aller chez Starbucks.
03:35 Voilà mon café.
03:36 Oui, j'ai payé 5 dollars ou 7 dollars pour cette boisson.
03:40 C'est une source de fierté.
03:41 Aux Etats-Unis, voir un café dans un Starbucks devant son Mac, c'est l'image de la réussite.
03:47 Je dois vous avouer que lorsque j'étais assistante dentaire, je ne pouvais pas me
03:53 permettre d'aller chez Starbucks aussi souvent que je le fais aujourd'hui.
03:57 Je dois bien l'admettre.
03:59 Les clients n'achètent pas uniquement du café, mais une certaine reconnaissance sociale.
04:07 Une stratégie mûrement réfléchie au début de l'expansion de la marque.
04:13 L'universitaire Brian Simon a longuement étudié le géant du café en visitant des
04:21 centaines de Starbucks.
04:23 Starbucks a volontairement cherché à conquérir une clientèle aisée, majoritairement blanche
04:32 et nantie.
04:33 Des gens qui conduisent des BMW, qui portent des vêtements chics et qui, une fois séduits,
04:42 ont fait des émules.
04:43 Très vite, les clients les plus fidèles n'ont pas été les plus riches.
04:49 Mais ceux qui voulaient paraître riches en s'affichant avec le gobelet.
04:55 Malgré tout, c'est de la restauration rapide.
05:01 En fait, en anglais, on dirait du fast drink.
05:03 Vous avez besoin que votre boisson soit préparée rapidement et vous soit donnée rapidement.
05:06 Donc oui, on est dans la rapidité de service.
05:08 En revanche, la volonté de Starbucks, c'est d'avoir des connexions avec les clients.
05:12 On essaie d'amener cette connexion, cette chaleur humaine qui va faire que oui, ce sera
05:16 rapide, mais au moins, vous aurez l'impression d'avoir un vrai contact avec quelqu'un.
05:19 Un rapport personnalisé qui valorise le client et lui fait du bien.
05:26 C'est sur cette promesse que Starbucks a élaboré son marketing.
05:30 La firme a trouvé une idée toute simple pour que le client se sente valorisé.
05:39 - Je pourrais avoir votre prénom, monsieur ?
05:42 - Florent, tenez.
05:43 - Je pourrais avoir votre prénom ?
05:44 - Maya.
05:45 - Maya ?
05:46 - Merci.
05:47 - Ils ne veulent pas dire "Numéro 26, votre boisson est prête".
05:55 Ils ne veulent pas que vous vous sentiez déshumanisé, mais que vous vous sentiez reconnu.
05:59 Ils disent "Luc, votre boisson est prête".
06:05 - Au Royaume-Uni, quand Starbucks a commencé à demander les prénoms, la réaction n'a
06:10 pas été bonne.
06:11 La réponse typique des Britanniques, c'était "Pourquoi vous voulez savoir mon nom ? En
06:15 quoi ça vous regarde ?"
06:16 Depuis, ils se sont un peu habitués, mais ça reste gênant pour un Britannique de devoir
06:22 donner son prénom pour prendre un café.
06:25 - Starbucks parle de l'expérience Starbucks.
06:34 Quand les clients entrent, ils sont souvent salués avant d'atteindre le comptoir.
06:38 S'ils viennent régulièrement, les employés les appellent par leur nom.
06:43 C'est une multinationale qui s'adresse individuellement à chaque personne.
06:49 C'est extrêmement malin.
06:52 Le client doit également apprendre à parler le langage Starbucks.
06:58 Pour rendre ses boissons plus chics, la marque utilise depuis ses débuts tout un vocabulaire
07:05 inspiré de l'italien.
07:06 - Starbucks a compris l'importance de ce langage pour créer un sentiment d'appartenance
07:19 avec la marque.
07:20 Plus la terminologie est complexe, plus elle crée un cercle d'initiés.
07:24 Ainsi, vous vous identifiez à la marque et en retour, vous entrez dans ce cercle d'initiés.
07:29 C'est l'objectif de cette sémantique.
07:32 Starbucks offrait un peu de connexion.
07:34 Starbucks ne fait pratiquement pas de publicité.
07:41 Un choix de communication audacieux pour une grande marque.
07:45 La firme préfère s'appuyer sur ses concepts marketing.
07:49 Depuis sa création, le meilleur messager de la marque, c'est le client qui s'affiche
07:57 avec le fameux gobelet à la sirène.
07:59 - Notre métier n'est pas de servir du café, mais d'être proche des gens en leur servant
08:08 du café.
08:09 Beaucoup de gens n'auraient peut-être nulle part où aller si Starbucks n'existait pas.
08:13 Starbucks se targue d'avoir créé un nouveau lieu.
08:22 La firme présente ses cafés comme des refuges ouverts à tous pour les rencontres et l'échange.
08:32 Un havre de paix dans un monde de plus en plus individualiste.
08:37 Elle appelle chacun de ses salons des "troisièmes lieux".
08:44 - Le troisième lieu, c'est le lieu entre chez vous et votre travail.
08:50 Entre les deux, vous vous y sentirez le bienvenu, au chaud et en sécurité.
08:55 - Dans le troisième lieu, on se sent considéré, à l'aise et détendu.
09:00 On reçoit une petite récompense intérieure.
09:03 Je viens là parce que ça me remonte un peu le moral.
09:06 - C'est un peu comme dans la série "Friends".
09:09 Ils se retrouvent toujours dans ce café, une sorte de cocon dans lequel on aime revenir.
09:13 Starbucks a habilement récupéré un concept pourtant bien différent.
09:20 Le troisième lieu est né dans les années 80 sous la plume d'un sociologue américain, Ray Oldenburg.
09:27 Pour lui, c'est un espace de rencontres et d'échanges politiques, rassemblant des citoyens de tous horizons.
09:35 Dans les années 90, les experts en marketing du géant du café détournent le concept, en lui ôtant sa dimension politique.
09:48 Parmi ces experts, Scott Bedbury, ancien gourou de la publicité chez Nike.
09:55 - On a réalisé qu'on était assis sur une mine d'or.
10:01 Ce qui compte, ce n'est pas le café, mais d'avoir un moment à soi, d'avoir un lieu où on s'accorde une pause.
10:08 C'est une personne qui s'offre 10 minutes de calme dans une journée de dingue.
10:13 Mais ce sont ses 10 minutes à elle.
10:17 Tout compte.
10:21 Ce n'est pas seulement la boisson ou le lieu, c'est la propreté des toilettes, la façon dont vous êtes accueillis dans la minute où vous entrez.
10:29 C'est une approche globale. On ne doit pas lésiner sur les moyens.
10:35 Les cafés Starbucks sont tous conçus sur le même modèle, une apparence de luxe et de douceur.
10:43 Volontairement, les clients ne sont pas les uns sur les autres, comme si gâcher de l'espace n'avait pas d'importance.
10:52 - Lorsque nous concevons des boutiques, nous nous engageons sur une promesse.
10:56 Si vous payez votre café un peu plus cher, vous devez vivre pleinement l'expérience.
11:03 Starbucks est l'un des premiers à avoir installé des fauteuils, des canapés moelleux dans lesquels les gens ont envie de rester.
11:14 - Starbucks a un principe. Ils ne mettent jamais personne dehors. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous voulez.
11:24 C'est parce qu'en fait, l'essentiel de leur vente est à emporter. D'autre part, cela ressemble à un cadeau.
11:30 « Oh, je peux rester aussi longtemps que je veux ? Cette marque est géniale ! »
11:36 Starbucks adore que des gens d'apparence aisée, bien habillés, restent là pendant des heures sur leur téléphone ou leur ordinateur,
11:44 parce qu'ils font partie de la déco.
11:49 Le troisième lieu de Starbucks est-il réellement un espace de rencontres et d'échanges ouvert à tous ?
11:56 Les prix élevés et les emplacements dans les meilleurs quartiers sont un obstacle pour une partie de la population.
12:03 - Nous vivons une époque où les Américains se retranchent chez eux, dans des résidences sécurisées.
12:11 Il y a une peur profonde de l'espace public aux États-Unis.
12:15 Mais les gens ne sont pas totalement heureux avec ce repli. Et je pense que cela, Starbucks l'a compris.
12:21 En fait, Starbucks a utilisé la sémantique du troisième lieu et le désir des Américains pour ce troisième lieu sans le créer réellement.
12:29 Ils ont inventé le café où on est seul, mais en public.
12:33 (Musique)
12:48 Starbucks est aujourd'hui la première chaîne de café au monde.
12:52 Depuis le siège du groupe à Seattle, le géant américain règne sur un empire.
13:00 Comme Coca-Cola ou McDonald's, la marque est devenue une icône de la société de consommation.
13:07 (Musique)
13:14 Ce n'était pourtant pas l'intention des fondateurs de Starbucks.
13:18 La marque est même née en réaction aux excès du consumérisme.
13:25 L'histoire commence au début des années 70 à Seattle, sur la côte ouest des États-Unis.
13:32 La contre-culture est à son apogée.
13:36 Elle remet en cause le mode de vie américain et ses supermarchés débordants de produits alimentaires standardisés et sans goût.
13:46 Face à cette uniformisation, trois jeunes amis entrent en résistance.
13:54 Dans les années 70, quand Starbucks était une petite entreprise, on appelle ça la période romantique de Starbucks.
14:02 Avec Jerry Baldwin et Gordon Bowker, nous avions l'habitude de nous retrouver pour déjeuner.
14:09 On parlait de notre avenir, on n'était pas satisfaits de nos boulots.
14:13 À la fin du déjeuner, le serveur nous a offert un café et nous a apporté trois espressos.
14:18 On l'a goûté et il était vraiment immonde.
14:27 On aurait dit du décapant. C'était atroce.
14:33 À cette époque, le café était incroyablement mauvais.
14:38 Alors on s'est dit qu'on devrait monter une entreprise de café à Seattle.
14:43 Et c'est comme ça que Starbucks est né.
14:52 Les trois amis décident de vendre du café haut de gamme en grains.
14:57 Ils ouvrent leur première boutique dans un quartier branché de Seattle.
15:04 Starbucks trouve son public.
15:07 En quelques années, la marque ouvre six enseignes dans la ville.
15:15 La petite entreprise va changer de visage quand en 1982,
15:20 les fondateurs embauchent un nouveau directeur du marketing.
15:24 Howard Schultz, ancien commercial de chez Xerox,
15:28 un jeune New-Yorkais ambitieux et déterminé.
15:33 Schultz n'a pas fondé la société, mais il en a compris la valeur.
15:38 Il est venu avec son sens des affaires, c'était sa culture.
15:43 Il voyait beaucoup plus loin que les fondateurs.
15:48 L'année suivante, lors d'un voyage en Italie, Howard Schultz a une révélation.
15:53 Starbucks ne doit plus seulement vendre du café en grains.
15:57 Schultz veut transformer les boutiques en restaurants et proposer des boissons.
16:03 Mais les fondateurs s'y opposent.
16:08 Ils n'avaient pas la même ambition que Schultz.
16:10 Ils ne voulaient pas conquérir le monde.
16:13 C'était des produits de la contre-culture des années 60.
16:16 Et par définition, ils tenaient à rester à taille humaine.
16:20 Schultz ne croyait pas à cela.
16:23 Il n'était pas issu de la contre-culture.
16:25 Il a senti le potentiel.
16:27 Il a compris la séduction opérée par l'authenticité de leurs petites boutiques.
16:33 Il a compris cette rébellion contre les grandes marques,
16:36 contre la McDonaldisation de l'Amérique.
16:40 En 1986, Howard Schultz rachète Starbucks à ses fondateurs.
16:48 Il crée sa propre chaîne et garde le nom.
16:52 Il conserve aussi l'esprit élitiste de la petite société
16:55 en proposant des boissons chères à une clientèle aisée.
17:00 Le succès est immédiat.
17:04 Le logo original est modifié.
17:07 Pour ne pas choquer le grand public,
17:09 la sirène dénudée devient beaucoup plus sage.
17:15 Howard Schultz a réussi un tour de force.
17:20 De la petite boutique authentique des débuts,
17:22 il a créé une multinationale.
17:25 Un joli pied de nez à la contre-culture.
17:29 Seulement, le café vendu par le géant américain est un produit standardisé.
17:41 Dans tous les Starbucks du monde, le goût est identique.
17:45 Une saveur volontairement corsée.
17:49 - Aux Etats-Unis, le café est avant tout consommé en latté.
17:53 Le latté, c'est du café et du latte.
17:55 Pour que le goût du café transparesse avec du lait,
17:57 il faut que le café soit un petit peu fort.
17:59 Donc toute la production du café Starbucks
18:01 est faite à travers une torréfaction un petit peu intense.
18:03 C'est aussi pour que la boisson ait le même goût partout, dans tous les pays.
18:07 Vous aurez la même boisson que ce soit en France, en Angleterre, en Chine ou au Japon.
18:11 Pour répondre à la demande exponentielle,
18:15 Starbucks a renoncé aux machines à expresso traditionnelles.
18:19 Le géant utilise des machines automatiques exclusives
18:23 qui lui permettent d'accélérer les cadences.
18:27 - Pour faire un café avec une machine traditionnelle,
18:31 le barista doit débloquer le porte-filtre,
18:35 jeter le marre de café,
18:37 s'approcher du moulin à café,
18:39 mettre le café, tasser, lisser, refixer, appuyer,
18:43 et le café est prêt.
18:45 On appelle ça les 10 étapes, ou le tango brésilien.
18:47 C'est comme une danse avec la machine.
18:49 C'est ça, un barista.
18:51 Chez Starbucks, ils appuient sur un bouton,
18:53 c'est la machine qui fait le travail du barista.
18:57 - On peut se demander alors pourquoi on les appelle des baristas
19:01 et pourquoi Starbucks se présente comme une des meilleures compagnies de café au monde.
19:07 Ce sont des presseurs de boutons.
19:09 Starbucks a déqualifié le travail.
19:11 Pour élargir sa clientèle et attirer ceux qui n'aiment pas le café,
19:19 la marque a créé des boissons avec beaucoup de lait,
19:23 aromatisées au sirop ou recouvertes de crème chantilly.
19:27 Starbucks a profondément modifié les habitudes de consommation.
19:33 - Leur défi était de convertir au café les Américains qui boivent du soda,
19:40 du Coca-Cola ou du Pepsi.
19:42 Comment les convertir ?
19:44 En leur donnant de la caféine, qu'ils trouvent dans les sodas,
19:47 et puis en ajoutant du sirop pour obtenir un goût sucré.
19:51 Ils ont offert aux jeunes la possibilité de boire quelque chose de tendance,
19:55 quelque chose qui leur donne un boost de caféine et qui est sucré.
19:59 La même chose qu'avec un soda, mais en étant différent et branché.
20:03 - L'important pour nous, c'est la personnalisation.
20:12 Que ce soit le café ou le non, nous proposons 89 000 combinaisons différentes.
20:17 - Normalement, on boit du café sur une courte partie de la journée,
20:23 le matin et jusqu'en milieu d'après-midi.
20:26 Mais Starbucks paye cher ses emplacements.
20:29 Il leur fallait des boissons que les gens puissent boire toute la journée,
20:32 des boissons glacées, des boissons fraîches.
20:35 Ils ont ainsi élargi la plage horaire du café à toute la journée, toute l'année.
20:41 - Le produit le plus important pour Starbucks, c'est le frappuccino.
20:45 Cela leur a permis de toucher une nouvelle cible
20:48 et de nouveaux clients qui ont d'autres habitudes de consommation.
20:51 - La véritable histoire du frappuccino provient de baristas de Starbucks à Los Angeles.
20:57 Ils ont copié une boisson d'un concurrent, réalisée à base de glace,
21:01 de sirop de chocolat, qui, je crois, contenait 1 200 calories.
21:05 Nous avons trouvé le moyen de faire un petit déjeuner.
21:08 Nous avons trouvé le moyen de la reproduire
21:11 et de fabriquer l'extrait de café dans nos usines de torréfaction
21:14 pour en faire la base de cette boisson.
21:17 Et ça a cartonné.
21:19 - Starbucks domine aujourd'hui le marché mondial
21:29 avec ses boissons sucrées, pleines de crème et riches en graisse.
21:34 Des boissons qui sont copiées partout.
21:37 La grande taille est devenue la norme.
21:40 En accompagnement, les baristas proposent des pâtisseries,
21:44 elles aussi très sucrées.
21:47 Au Royaume-Uni, un adulte sur 4 est obèse.
21:57 L'association de santé publique Action on Sugar
22:01 lutte contre l'excès de sucre dans les produits alimentaires.
22:06 En 2016, elle publie une étude retentissante.
22:11 - Nous avons analysé ces boissons chaudes aromatisées
22:17 parce que les gens n'ont pas conscience qu'elles sont souvent riches en sucre.
22:21 Nous avons découvert que 35 % d'entre elles
22:24 contiennent autant, voire plus de sucre qu'une canette de soda.
22:29 Les gens ne réalisent pas
22:32 qu'il y a une quantité de sucre comparable à un soda
22:36 dans leur café aromatisé quotidien.
22:39 Le produit qui contenait le plus de sucre venait de Starbucks.
22:44 C'était un venti, une très grande taille.
22:47 Le hot mulled fruit.
22:50 Il contenait l'équivalent de 25 cuillères de sucre.
22:54 99 grammes.
22:56 C'est stupéfiant, c'est 3 fois le maximum recommandé par jour pour un adulte.
23:02 Ces entreprises créent la demande pour ce type de produit.
23:06 Au départ, ces boissons n'existaient pas.
23:09 Mais Starbucks a créé la demande et maintenant, les clients les réclament.
23:14 Ils influencent nos goûts
23:16 et manipulent les gens à travers la publicité
23:19 pour créer une demande pour un tel produit.
23:26 Starbucks emploie aujourd'hui près de 350 000 personnes dans le monde.
23:31 Au contraire des autres chaînes de restauration,
23:36 la firme met publiquement en avant ses employés du bas de l'échelle,
23:40 ses baristas.
23:42 Leur objectif, c'est de faire des produits plus efficaces,
23:49 plus efficaces pour les gens.
23:51 Leur objectif, c'est de faire des produits plus efficaces,
23:54 plus efficaces pour les gens.
23:56 Une bonne entreprise doit comprendre qu'il faut à la fois faire des bénéfices
24:00 mais être socialement juste.
24:02 Cette considération pour ses employés, affichée par Howard Schultz, a une histoire.
24:10 Le grand patron a fait de son enfance difficile
24:13 dans une HLM d'un quartier déshérité de New York
24:16 le fondement des valeurs de la marque.
24:20 J'ai grandi à Brooklyn.
24:22 En 1960, à l'âge de 7 ans, je rentrais de l'école
24:26 et j'ai vu mon père allongé sur le canapé
24:29 avec un plâtre de la taille jusqu'à la cheville.
24:32 Il était livreur de couches.
24:35 C'était avant l'invention des pamperses, vous imaginez.
24:39 Il avait glissé sur une plaque de verglas
24:42 et s'était foulé la hanche et la cheville.
24:45 En 1960, un ouvrier qui se blessait au travail était renvoyé.
24:50 Il n'y avait pas d'indemnité, pas d'assurance maladie.
24:54 À l'âge de 7 ans, j'ai vu le rêve américain se briser.
24:58 J'ai voulu créer l'entreprise pour laquelle mon père n'a jamais eu la chance de travailler.
25:04 Dans le vocabulaire de Starbucks, les baristas ne sont pas des employés.
25:12 Mais des partenaires.
25:15 C'est plus qu'un élément de langage.
25:18 Depuis sa création, la firme offre des avantages sociaux.
25:22 Notamment une couverture santé pour tous ses salariés américains,
25:26 même ceux à temps partiel.
25:28 Unique pour une société de cette envergure.
25:32 Howard a eu l'idée de les appeler partenaires.
25:38 Il voulait témoigner du respect et de la dignité à ceux qui ont les plus bas salaires.
25:44 Il a investi dans les employés pour qu'ils se sentent honorés et ainsi qu'ils restent.
25:50 Toute personne qui travaille chez Starbucks depuis plus d'un an est actionnaire de la marque,
25:54 reçoit des actions au bout d'un an.
25:56 Le nombre d'actions sera en fonction de votre ancienneté et de votre poste,
26:00 mais vous serez actionnaire et donc partenaire de la marque.
26:03 Félicitations aux trois derniers employés.
26:06 Félicitations aux 330 diplômés Starbucks.
26:10 La firme propose à ses baristas de financer leurs études grâce à un partenariat avec l'Université de l'Arizona.
26:20 Les cours sont dispensés à distance sur Internet.
26:24 Je suis convaincu que la réussite est plus belle lorsqu'elle est partagée.
26:35 Des avantages bien réels.
26:39 L'entreprise Starbucks est-elle vraiment si généreuse envers ses employés ?
26:45 Le mot partenaire, ça sonne bien, c'est un terme génial pour le marketing.
26:51 Est-ce que je suis vraiment un partenaire de cette entreprise ?
26:54 Non.
26:55 Ça donne l'impression qu'on est à égalité et ce n'est pas le cas.
27:02 Jamie Prater travaille chez Starbucks depuis 11 ans.
27:06 Il est shift manager, le grade intermédiaire entre barista et responsable de magasin.
27:13 C'est l'un des rares employés de Starbucks à dénoncer publiquement les conditions de travail.
27:22 Dans le journée type, on ouvre à 4 heures du matin.
27:26 Donc on arrive à 3h30, on se lève à 3 heures, parfois plus tôt.
27:31 Certains habitent à 40 minutes, donc ils se lèvent à 2h30 du matin.
27:36 On arrive et on a une demi-heure pour ouvrir le magasin.
27:40 Il faut le nettoyer.
27:42 Le matin, c'est l'heure d'opointe, donc il faut se concentrer pour servir les clients.
27:46 Puis quand le flux diminue, il faut passer au nettoyage.
27:50 Quand on ne s'occupe pas d'un client, on s'occupe de la nourriture.
27:53 Quand c'est fini, on balaye.
27:55 On passe la serpillière, on fait la vaisselle, on va chercher de la glace.
27:58 On nettoie, on nettoie les toilettes.
28:01 C'est comme ça pendant 6, 7 ou 8 heures.
28:07 Ça n'arrête pas. C'est du jonglage.
28:12 Il faut être un bon jongleur, sinon on ne survit pas.
28:16 C'est le boulot le plus dur que j'ai jamais eu.
28:23 On travaille toujours dans l'urgence.
28:27 On fait le travail de 5 personnes en même temps.
28:30 Et ce qu'on attend de vous, c'est de fournir ce service client légendaire.
28:34 De créer ce 3e lieu.
28:36 D'avoir ce contact visuel avec le client.
28:39 De lui dire "comment ça va Bob ? Et vos enfants ?"
28:42 Vous êtes comme un chef d'orchestre, ou bien on vous dirige.
28:45 C'est intense.
28:47 C'est comme ça tous les jours. On court comme des poulets sans tête.
28:52 Absolument.
28:54 Avec ses boissons vendues à des prix élevés,
28:57 et une gestion rigoureuse du personnel,
29:00 Starbucks a réalisé un bénéfice de 2 milliards de dollars en 2017.
29:05 La firme est cotée en bourse depuis 1995.
29:11 Pour satisfaire les actionnaires,
29:15 elle a mis en place un système de financement
29:18 qui permet aux actionnaires de payer le prix de leurs boissons.
29:22 Pour satisfaire les actionnaires,
29:25 elle a mis en place une stratégie d'ouverture de magasins très agressive.
29:28 A New York, l'omniprésence de Starbucks est spectaculaire.
29:39 La gare de Grande Centrale est un des points de passage les plus importants de la ville.
29:46 750 000 visiteurs par jour.
29:51 Au fond de la gare, sur un périmètre de 400 mètres de côté,
29:55 se trouve la plus forte concentration de Starbucks.
29:58 Je me souviens qu'à New York, on ouvrait une nouvelle boutique quasiment toutes les deux semaines.
30:14 Je descendais n'importe où d'un taxi,
30:17 et je voyais quelqu'un avec un gobelet Starbucks.
30:20 Vous suffisiez de marcher dans le sens opposé,
30:22 et vous finissiez par tomber sur des gens qui sortaient du magasin,
30:25 comme si vous remontiez le courant.
30:27 C'était dingue.
30:29 Starbucks a les meilleurs experts en immobilier.
30:36 Leurs boutiques sont toujours placées là où on les attend,
30:39 du meilleur côté de la rue, sur le chemin du travail,
30:42 juste à côté d'une gare.
30:47 Starbucks peut faire cela car ses boutiques ne sont pas en concurrence.
30:51 Aux États-Unis, il n'y a pas de franchisé.
30:55 Les magasins appartiennent aux sièges qui peuvent ainsi contrôler ces emplacements.
30:58 Il n'y a pas de compétition entre eux.
31:00 C'est la demande globale qui compte.
31:03 Ça n'allait pas assez vite.
31:08 Quand je suis arrivé, on ouvrait environ un magasin par semaine.
31:12 Un an après, c'était un par jour.
31:14 Deux ans plus tard, c'était trois par jour.
31:17 Au total, dans ce carré de 400 mètres de côté,
31:22 on trouve 17 Starbucks.
31:25 Aujourd'hui à New York, Starbucks possède 300 boutiques.
31:35 Mais l'expansion continue.
31:37 Fini les quartiers d'affaires,
31:39 la marque cible des emplacements plus branchés,
31:42 comme dans l'East Village.
31:44 Les boutiques Starbucks s'y multiplient en toute discrétion,
31:48 sans pitié pour la concurrence.
31:51 - Ça, c'est une fresque de notre premier café.
31:56 C'est là qu'on a commencé et où nous sommes restés pendant des années.
32:00 C'était petit, mais il y avait une grande devanture,
32:02 et c'était vraiment charmant.
32:07 - Le petit café indépendant était situé à un croisement très fréquenté.
32:12 L'emplacement a suscité des convoitises.
32:16 - Un jour, on était dans le café, comme tous les jours,
32:20 et quelqu'un est entré et a commencé à prendre des mesures.
32:23 On lui a demandé "On peut vous aider ?"
32:25 Il nous a répondu "Je prends des mesures pour la rénovation."
32:28 Je lui ai dit "Mais quelle rénovation ?"
32:30 Il m'a dit "La rénovation pour Starbucks."
32:32 Starbucks avait loué cet emplacement à l'échéance de mon bail.
32:37 Ils avaient déjà tout signé.
32:39 - Sans venir vous parler ? - Jamais.
32:42 Ils ont pris notre magasin, c'était effrayant.
32:44 Une grande entreprise est venue et elle a pris notre magasin.
32:48 Mon café ressemble à ça, maintenant.
32:54 Starbucks est arrivé ici assez tard.
32:58 Ils n'étaient pas présents du tout dans ce quartier.
33:01 Et quand ils sont arrivés, ils ont ouvert beaucoup de cafés,
33:05 presque en même temps.
33:07 Depuis son éviction, le restaurateur indépendant a ouvert 5 autres cafés à New York.
33:17 A l'international, Starbucks se développe à une vitesse vertigineuse.
33:30 En 2003, la marque comptait 7000 boutiques à travers le monde.
33:35 10 ans plus tard, en 2013, elle en possédait près de 20 000.
33:40 En 2018, Starbucks dépasse les 28 000 cafés dans 75 pays.
33:47 Un pays concentre cette croissance effrénée.
33:54 À Shanghai se trouve le plus grand Starbucks du monde.
33:59 Un salon gigantesque à l'échelle du marché chinois.
34:02 2700 mètres carrés, 10 fois plus grands qu'un Starbucks classique.
34:07 Malgré des prix élevés, le salon ne désamplit pas.
34:12 Alors qu'il y a déjà plus de 600 Starbucks à Shanghai et 3000 en Chine.
34:18 En moyenne, un nouveau café est inauguré toutes les 15 heures.
34:27 Sur tous les continents, la stratégie du luxe abordable, construite par ses experts en marketing,
34:33 attire ceux qui se projettent dans la classe moyenne.
34:37 Au fil des ans, Starbucks envahit le paysage urbain aux meilleurs emplacements,
34:49 uniformise les goûts et dicte ses codes.
34:53 Pour améliorer son image, la multinationale se convertit au commerce équitable.
34:59 Pour cela, elle fait appel à un partenaire.
35:03 Sur ses paquets de cafés, Starbucks affiche le logo d'une ONG américaine, Conservation Internationale.
35:11 Depuis 15 ans, Conservation Internationale a fait un excellent voyage avec Starbucks
35:16 pour éthiquement sourcer leur café dans le monde entier.
35:20 Conservation Internationale est fière de reconnaître Starbucks
35:23 pour avoir éthiquement sourcié 99% de leur café,
35:27 en leur faisant le plus grand vendeur de café pour atteindre ce milestone.
35:32 99% du café Starbucks est d'origine éthique. Impressionnant.
35:38 Comment la marque parvient-elle à un tel résultat ?
35:42 Conservation Internationale est une organisation de sauvegarde de l'environnement basée à Washington.
35:54 En échange de dons généreux, elle collabore étroitement avec des multinationales,
36:00 comme la chaîne de supermarché Wal-Mart, Disney ou Apple.
36:06 Des sociétés qui cherchent souvent à reverdir leur image.
36:11 Depuis la fin des années 80, Conservation Internationale est implantée au Mexique, dans la région du Chiapas.
36:24 L'ONG aide les petits cultivateurs de café à se convertir au commerce équitable,
36:31 en les mettant en relation avec de gros acheteurs.
36:35 Nous avons dit à Starbucks, notre programme est formidable, soutenez-nous en achetant ce café.
36:41 Ils ont bien aimé ce discours environnemental sur la production de café
36:46 et la promesse d'un produit avec de bonnes pratiques environnementales,
36:51 mais aussi de bonnes pratiques sociales.
36:55 Pour les coopératifs de petits producteurs de café, le géant Starbucks est une aubaine.
37:01 En principe, le commerce équitable, c'est la promesse d'un prix plus élevé.
37:06 C'est aussi l'occasion de se débarrasser des intermédiaires
37:10 qui achètent leur café à bas prix pour le compte des multinationales.
37:16 La coopérative Commande Niège Noptique regroupe 200 petits producteurs.
37:26 En 2000, elle accepte le Partenariat de conservation internationale
37:31 et modifie ses méthodes de production.
37:35 Avec Conservation internationale, nous avons organisé des ateliers
37:47 pour améliorer la qualité du café.
37:51 Pour pouvoir accéder au marché américain,
37:56 pour cet acheteur qui s'appelle Starbucks,
38:01 nous devions modifier nos modes de production
38:06 avec un programme appelé Café Practiceuse.
38:11 Café Practiceuse, le label éthique créé sur mesure pour Starbucks
38:16 par l'ONG Conservation internationale.
38:21 Grâce à ce label, les producteurs peuvent vendre leur café à Starbucks.
38:26 Pour l'obtenir, ils s'engagent à améliorer les conditions de travail de leurs employés
38:32 et à privilégier des techniques de production plus écologiques.
38:37 Café Practiceuse représente en théorie un progrès.
38:42 Mais c'est un label controversé.
38:47 Ce n'est pas du café commerce équitable.
38:52 Le commerce équitable tente de créer un système d'approvisionnement éthique.
38:57 Pour obtenir ce coup de tampon, il faut respecter des règles bien précises.
39:02 Un point, c'est tout.
39:07 Avec les Café Practiceuse, Starbucks crée son propre label,
39:12 qu'il contrôle lui-même, et décide s'il correspond ou non à ses propres critères.
39:17 Ce n'est pas la même chose.
39:22 Pour les consommateurs, il y a une confusion avec votre nouveau label pour Starbucks.
39:27 Comment s'y retrouver avec tous ces labels dits équitables ?
39:32 Il y a pléthore de labels sur le marché.
39:37 Fairtrade International, Fairtrade America, Max Havelard.
39:42 Pourquoi Starbucks et Conservation International n'adoptent pas un de ces labels ?
39:47 Parce que la priorité de Starbucks, c'est la qualité.
39:52 C'est pour cela qu'ils préfèrent avoir leur propre système pour cette qualité qu'ils recherchent.
39:57 Pour une journée tournée clé en main par l'ONG,
40:02 Starbucks affirme que son café est d'origine éthique à 99%,
40:07 alors même qu'il n'est pas certifié commerce équitable.
40:12 Les petits producteurs du Chiapas vont rapidement déchanter.
40:17 Pour acheter son café en grosse quantité,
40:22 Starbucks impose un intermédiaire, une entorse à l'esprit du commerce équitable.
40:29 Ecom est un géant mondial du négoce du café, dont la filiale mexicaine s'appelle AMSA.
40:40 AMSA fixe les prix et dicte ses conditions.
40:45 L'intermédiaire achète les grains de café à bas coût, les transforme
40:50 en produits de qualité et les revend plus chers à Starbucks.
40:55 La petite coopérative envoie un courrier au siège de la firme aux Etats-Unis,
41:03 leur demandant de traiter avec eux en direct.
41:08 La multinationale refuse.
41:13 Nous demandions à dialoguer directement avec eux,
41:18 mais ils nous ont proposé avec AMSA, pas avec Starbucks.
41:23 Pour nous, ce n'était pas transparent.
41:28 Ils nous ont fait des promesses avec de bonnes intentions à l'époque,
41:33 mais je n'ai rien vu de cela. Rien.
41:38 La petite coopérative, comme de nombreuses coopératives du Chiapas,
41:44 a décidé de vendre son café à Starbucks et de contrôler elle-même son circuit de distribution.
41:51 Les sandwiches et les pâtisseries vendues dans tous les Starbucks européens
42:10 sont contrôlées par des sous-traitants locaux.
42:15 Mais l'étiquette indique qu'ils sont facturés à Starbucks EMEA.
42:21 Starbucks EMEA est le nom de la branche Europe-Moyen-Orient-Afrique de la firme.
42:31 Lorsque Starbucks s'est implantée en Europe dans les années 2000,
42:36 elle a installé son siège aux Pays-Bas, à Amsterdam.
42:42 Des dizaines de milliers de sacs de café arrivent par cargo pour être torréfiés dans cette usine
42:50 avant d'être livrés dans toutes les boutiques Starbucks d'Europe.
42:56 La filiale du géant américain va se retrouver au cœur d'un scandale d'optimisation fiscale.
43:05 La polémique éclate au Royaume-Uni, où Starbucks est implantée depuis 1998.
43:12 Avec succès, la chaîne exploite aujourd'hui près de 900 cafés.
43:18 En 2012, un journaliste de l'agence de presse Reuters fait une découverte.
43:28 La multinationale ne paie pas d'impôts sur les bénéfices, car officiellement, elle ne serait pas rentable.
43:37 « Quand vous regardez les comptes de Starbucks au Royaume-Uni,
43:44 on voit qu'ils n'ont fait aucun profit les 15 premières années.
43:49 C'est inhabituel et surprenant, alors que je constate que l'entreprise semble avoir des cafés à tous les coins de rue.
43:56 Ce qui a aussi attiré mon attention, c'est que les dirigeants semblaient obtenir des promotions.
44:02 En général, si votre entreprise perd de l'argent, vous perdez votre travail.
44:07 Nous avons découvert que pour le siège de Starbucks, sa filiale au Royaume-Uni était perçue comme étant très performante.
44:15 La firme ne présentait pas les résultats de sa filiale britannique aux investisseurs
44:19 de la même façon qu'elle les présentait aux agents du fisc au Royaume-Uni. »
44:25 Une députée travailliste s'empare de ces révélations.
44:29 Elle dirige la Commission des finances du Parlement et décide d'alerter l'opinion publique
44:35 en convoquant le directeur financier de la filiale européenne de Starbucks.
44:41 « L'autre chose qui est bizarre, c'est que si vous avez fait des pertes au Royaume-Uni depuis 15 ans,
44:47 pourquoi vous faites-vous faire des affaires ici ? »
44:50 « Nous savons que nous devons être au Royaume-Uni pour être une entreprise mondiale réussie. »
44:54 « Mais vous perdez de l'argent ici. Pourquoi ne pas aller aux États-Unis,
44:57 se concentrer sur les États-Unis, où vous dites que vous faites de l'argent, si c'est vrai ? »
45:01 « Nous avons eu un énorme optimisme et de l'encouragement au long de notre vie. »
45:05 « 15 ans, monsieur Alsted, et vous continuez, si c'est vrai. »
45:08 « Oui, je vous assure que c'est vrai, mais ça n'a rien à voir avec les pertes de taxes. »
45:13 Les auditions révèlent un système de royalties que la marque se verse à elle-même.
45:20 En tant que franchisée, les branches européennes de Starbucks doivent payer une redevance à Starbucks,
45:27 E-M-E-A, à Amsterdam.
45:35 « Chaque boutique Starbucks du Royaume-Uni payait pour l'utilisation de la marque.
45:40 Et ils ont domicilié la marque elle-même aux Pays-Bas, un pays où l'impôt est plus bas.
45:46 Du coup, l'argent gagné partait immédiatement vers les Pays-Bas.
45:53 Pourquoi 6% ? Ils n'ont pas su nous l'expliquer. »
46:01 Pour sa défense, Starbucks affirme que cette redevance correspond à des frais bien réels.
46:08 La firme bénéficie surtout de la fiscalité des Pays-Bas, très douce avec les multinationales.
46:17 Starbucks a négocié un arrangement secret avec le fisc néerlandais.
46:25 « Est-ce qu'il y a un résumé de taxe bas dans les Pays-Bas ? »
46:28 « Oui, nous avons un résumé de taxe bas. »
46:31 « Donc c'est moins ? »
46:32 « Oui, c'est moins. »
46:33 « Donc vous avez un avantage de taxe pour payer les Pays-Bas ? »
46:37 « Quels sont les frais de taxe que vous payez dans les Pays-Bas ? »
46:40 « Je suis très heureux de le donner au Comité. Je suis confiant au gouvernement net.
46:46 Oui, ils offrent des résumés de taxe très compétitifs. C'est pas unique à Starbucks. »
46:53 Le scandale de l'optimisation fiscale entache l'image de la marque.
46:57 Au Royaume-Uni, les actions de boycott se multiplient.
47:02 « J'ai reçu un appel de Chris Henscoff, qui était à l'époque le responsable de Starbucks dans toute l'Europe.
47:13 Il m'a demandé s'il pouvait venir me voir. J'ai dit oui.
47:18 Je l'ai invité à la Chambre des communes et nous avons eu une conversation incroyable.
47:23 Au tour d'un café, il m'a proposé de verser 20 millions de livres d'impôts.
47:29 Moi, je ne travaille pas pour les autorités fiscales britanniques, je n'ai pas cette compétence.
47:34 L'idée qu'une entreprise puisse définir elle-même l'impôt qu'elle doit payer est tout simplement ahurissante. »
47:42 « Vous boycottez toujours Starbucks ? »
47:46 « Je ne vais jamais chez Starbucks. »
47:48 En octobre 2015, Starbucks est condamnée par la Commission européenne pour concurrence déloyale.
47:58 Bruxelles dénonce l'accord fiscal obtenu aux Pays-Bas par le siège européen du groupe.
48:04 « Depuis 2008, Starbucks Manufacturing a bénéficié d'un avantage fiscal indus.
48:15 C'est illégal selon nos règles relatives aux aides d'État. »
48:18 La Commission européenne condamne Starbucks à verser près de 26 millions d'euros de pénalités au fisc néerlandais.
48:29 La multinationale conteste la sanction et a lancé une procédure d'appel devant la Cour européenne de justice.
48:41 Entre-temps, le siège de Starbucks Europe a été transféré d'Amsterdam vers Londres.
48:47 Et aujourd'hui, la firme paye des impôts en Grande-Bretagne.
48:52 Les polémiques n'affaiblissent ni l'image ni la croissance du géant du café.
49:03 Aujourd'hui, Starbucks est plus fort que jamais.
49:09 Les employés ont beau dénoncer les conditions de travail difficiles et des salaires très bas, la firme aspire à devenir un modèle social.
49:18 Le PDG, Howard Schultz, se veut l'incarnation du patron au grand cœur, aux valeurs progressistes.
49:27 Aux États-Unis, Howard Schultz est très populaire.
49:34 Si Hillary Clinton avait été élue, il aurait pu devenir ministre du travail.
49:39 Aujourd'hui, on lui prête de plus grandes ambitions.
49:43 Serez-vous candidat en 2020, Howard ?
49:47 Non, je fais tout mon possible en tant que simple citoyen pour faire avancer la cause de ce pays.
49:52 On dirait un candidat à la présidence.
49:55 Non, je n'ai pas dit ça, allons.
49:57 Howard ferait un excellent dirigeant, où que ce soit.
50:04 La confiance dans les institutions s'est effondrée.
50:06 Aux États-Unis, on ne se fait même plus confiance les uns les autres.
50:11 Les grandes entreprises doivent se mobiliser, car elles représentent la démocratie, en particulier dans un pays comme le nôtre.
50:19 Et elles la protègent.
50:21 Je pense plus que jamais que nous, les multinationales, nous devons nous efforcer de construire un monde meilleur.
50:31 De toute façon.
50:33 Starbucks ne s'implique pas seulement dans la santé et l'éducation de ses employés.
50:38 La marque multiplie les gestes symboliques.
50:41 Elle soutient le mariage gay, incite ses clients à aller voter.
50:48 Elle emploie des personnes handicapées, des anciens combattants, et promet l'embauche de 10 000 réfugiés.
50:55 Des annonces toujours très médiatisées.
50:59 Pourtant, en avril 2018, la marque se retrouve au cœur d'un incident raciste.
51:05 Dans un Starbucks de Philadelphie, deux clients afro-américains refusent de commander leur boisson tant que leur troisième amie n'est pas arrivée.
51:15 L'un d'entre eux demande à utiliser les toilettes.
51:18 La responsable de la boutique décide d'appeler la police.
51:24 L'arrestation humiliante est filmée par d'autres consommateurs.
51:28 Les deux hommes sont rapidement relâchés, mais l'incident fait scandale.
51:40 Pour démontrer qu'elle n'est pas raciste, la firme fait un geste spectaculaire.
51:49 Elle ferme pendant une après-midi ses 8 000 cafés aux États-Unis.
51:54 Ce jour-là, 175 000 employés suivent une formation obligatoire destinée à empêcher les actes de discrimination.
52:04 « Malgré son arrogance et sa bonne volonté, Starbucks ne peut pas résoudre les problèmes de société.
52:15 Starbucks instille l'idée que la politique, ce sont de beaux gestes, du théâtre.
52:22 Mais la vraie politique consiste à convaincre les électeurs, faire voter des lois et changer le discours dominant. »
52:30 Starbucks. Sincérité ou marketing ?
52:37 Le troisième lieu, cet espace d'échange ouvert à tous, est un mythe.
52:44 En façade, la marque s'engage pour ses clients, pour ses employés et pour ses fournisseurs de café.
52:51 Mais pendant ce temps, l'œil rivé sur le cours de la bourse, la multinationale continue à grossir, inexorablement, et reste le maître de l'illusion.
53:03 Le monde est un espace de bourse.
53:07 Le monde est un espace de bourse.
53:12 Le monde est un espace de bourse.
53:17 Le monde est un espace de bourse.
53:22 Le monde est un espace de bourse.
53:28 Le monde est un espace de bourse.
53:33 Le monde est un espace de bourse.
53:37 Le monde est un espace de bourse.
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