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Du lundi au jeudi, Thomas Schnell reçoit un invité au centre de l'actualité.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu

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00:00 Mais tout d'abord, nous voulons vous parler de ce déplacement de bain de Gabriel Attal, le Premier ministre,
00:07 qui sera à Viry-Châtillon sur les thèmes de la jeunesse et de l'autorité.
00:12 Gabriel Attal entend faire un premier bilan de son action et nous sommes avec et nous accueillons sur Europe 1 Bruno Cottrez.
00:18 Bonsoir.
00:18 Bonsoir.
00:19 Politologue, enseignant à Sciences Po.
00:21 Bruno Cottrez, pourquoi Gabriel Attal a-t-il besoin d'insister sur ses 100 premiers jours ?
00:26 D'abord, les 100 jours, c'est un marqueur assez mythique de la vie politique française.
00:31 C'est un grand classique de la communication politique.
00:34 On a eu des premiers ministres qui disaient vouloir changer la France en 100 jours.
00:38 Donc c'est quelque chose qui, dans l'imaginaire politique, est toujours un rendez-vous très important.
00:43 Mais pour notre jeune premier ministre, c'est un rendez-vous peut-être encore plus important que pour un autre
00:47 parce qu'il a été nommé avec une mission fondamentale, régénérer le macronisme.
00:53 Et régénérer le macronisme, eh bien évidemment, il y a besoin d'un point d'étape.
00:56 On a besoin de savoir où est-ce qu'on en est,
00:58 quelles sont, au fond, les grandes directions dans lesquelles le premier ministre s'est engagé.
01:03 Tout ceci est-il susceptible de donner un nouveau souffle à ce second mandat d'Emmanuel Macron ?
01:09 Le premier ministre a imposé la notion régalienne de sécurité comme une de ses priorités.
01:14 Est-ce qu'il y a déjà des résultats, Bruno Cottrez ?
01:16 Difficile, 100 jours, c'est quand même très court pour avoir des résultats.
01:20 D'autant qu'il y a tout un tas d'enjeux qui arrivent.
01:24 Et en particulier, que nos Jeux Olympiques soient une vraie réussite sur le front de la sécurité.
01:29 Et puis on voit que la nomination d'un premier ministre fut-il, au fond, très ambitieux, jeune, dynamique,
01:35 avec cette perspective du retour de l'autorité.
01:38 On a vu que notre actualité a été marquée néanmoins par une série de drames
01:42 et c'est particulièrement ça que le premier ministre va devoir gérer.
01:46 C'est-à-dire que ne s'installe pas dans le climat, dans l'opinion, dans le pays,
01:51 le sentiment que tout est en train de se dérégler sur le front de la sécurité.
01:57 Il avait promis, Gabriel Attal, d'emmener l'éducation nationale avec lui à Matignon.
02:02 Il y a eu depuis des drames à l'école, Samara, Shem Seddin.
02:06 Est-ce que ça remet en cause l'efficacité de son action ?
02:09 Non, évidemment, on ne peut pas non plus, à partir de quelques cas tellement dramatiques, vraiment dramatiques,
02:16 mais on ne peut pas, à partir de ces cas, juger de l'action du premier ministre.
02:19 L'action du premier ministre, c'est une perspective beaucoup plus large.
02:23 C'est le retour de l'autorité dans le système éducatif,
02:27 mais aussi l'efficacité qui est un mot-clé qui est très important pour le premier ministre.
02:32 Le fait que les profs soient remplacés lorsqu'ils sont absents, par exemple,
02:37 c'est aussi un engagement du premier ministre.
02:40 Et puis tout un tas, sans aucun doute, de réflexions sur les questions de l'orientation, de l'apprentissage,
02:46 voilà d'autres sujets sur lesquels on s'attend à ce que le premier ministre nous donne un certain nombre de réponses.
02:52 Vous le dites, il est présent sur le thème de l'éducation nationale,
02:56 mais on l'a vu également dès le début, se déplacer sur l'agriculture, intervenir également sur le budget.
03:02 Bruno Cotteres, vous analysez un premier ministre omniprésent sur tous les sujets ?
03:07 Oui, ça c'est une des marques de Gabriel Attal.
03:10 Il veut être à peu près sur toutes les balles, on pourrait dire, dans son vocabulaire tennistique.
03:15 Il veut être présent partout, il communique beaucoup, il est sur tous les fronts.
03:19 Et le premier ministre veut nous montrer que lui, il s'occupe de tout,
03:22 au fond, à la fois des grandes orientations, des grands choix, mais aussi la mise en œuvre pratique,
03:27 allant beaucoup sur le terrain, c'est aussi une des marques de fabrique du premier ministre,
03:32 aller beaucoup sur le terrain, beaucoup concerter, beaucoup dialoguer.
03:36 Donc il faudra voir si bien évidemment, cette marque caractéristique du premier ministre donne ses fruits, donne des résultats.
03:43 Mettre en scène, comme il va le faire demain en grande pompe, ces 100 jours à quelques semaines des élections européennes,
03:51 est-ce que Gabriel Attal incarne toujours, on avait parlé de lui, comme étant la meilleure arme anti-Bardella ?
03:58 Alors pour le moment, forcé de constater que sondage après sondage, ça ne marche pas pour le moment.
04:06 On n'a pas vraiment de match qui s'est installé entre Gabriel Attal et Jordan Bardella pour tout un tas de raisons,
04:12 qui échappent d'ailleurs en partie au premier ministre.
04:14 Le chef de l'État a lui-même donné une tonalité très présidentielle à cette campagne des élections européennes,
04:21 en situant au cœur de la campagne des élections européennes la question de l'Ukraine, de la Russie,
04:26 en présentant le Rassemblement National comme un allié objectif de la Russie.
04:30 Mais le chef de l'État, du coup, a ramené la campagne électorale vers lui, vers son fameux domaine réservé.
04:36 Vous savez ce qu'on appelle le domaine réservé dans la Ve République, c'est-à-dire la politique internationale,
04:41 la représentation de la France à l'étranger.
04:44 Et dans tout ceci, le premier ministre n'est pas arrivé pour le moment à trouver sa tonalité à lui,
04:49 sa place à lui, son thème à lui dans cette campagne des élections européennes.
04:53 On a vu d'ailleurs ce soir Emmanuel Macron apparaître devant les télévisions avec en arrière la candidate Valérie,
05:00 à la tête de liste aux européennes.
05:02 Que pensez-vous, quel crédit donnez-vous Bruno Cotteres aux différends qui existeraient entre le premier ministre et le président ?
05:09 Vous savez, les différends entre l'Elysée et Matignon, c'est un grand classique, c'est du classico, si je puis dire, de la Ve République.
05:16 Il y a deux personnages qui incarnent l'exécutif dans nos institutions de la Ve République,
05:22 et deux personnages à forte personnalité en l'occurrence, qui incarnent l'exécutif.
05:27 Forcément, il y a des moments qui doivent être des moments, peut-être pas de tension, mais en tout cas d'appréciation différente,
05:34 peut-être aussi de stratégie. Emmanuel Macron, progressivement, se rapproche de plus en plus
05:39 de la fin de sa vie politique, alors que Gabriel Attal se rapproche de plus en plus, peut-être, du moment où il va vouloir prendre son envol
05:46 dans la vie politique française.
05:47 De la fin de sa vie politique ?
05:50 Oui, parce que le chef de l'État ne pourra pas se représenter en 2027. Certains lui prêtent le projet de se représenter un jour.
05:58 Mais vous savez ça, la stratégie du retour, ça ne marche pas régulièrement dans la vie politique.
06:03 Emmanuel Macron continuera sans doute de jouer un rôle politique.
06:07 On ne sait pas exactement, mais en tout cas, un rôle politique aussi essentiel que celui qu'il a eu 10 ans de présidence de la République,
06:16 sans doute qu'on peut voir que progressivement se rapproche la fin de cette grande période d'une décennie de macronisme.
06:23 Pour revenir sur Gabriel Attal, on a vu que sa cote de popularité a chuté.
06:28 Ça veut dire que la durée de rayonnement d'un Premier ministre, elle s'épuise un peu plus à chaque locataire ?
06:36 Vous savez, ça c'est quelque chose qu'on observe dans beaucoup de pays, pas seulement en France.
06:40 Tout se passe comme si, ce qu'on appelait à une époque la "lune de miel",
06:44 c'est-à-dire l'idée d'une période pendant laquelle ceux qui étaient nouveaux responsabilités à la présidence, à Matignon,
06:51 avaient une sorte d'effet de catapulte pendant plusieurs mois.
06:56 D'une certaine manière, ils réussissaient tout ce qu'ils touchaient et l'opinion faisait preuve de bienveillance, d'indulgence par rapport à eux,
07:03 en disant "il faut voir ce que ça va donner".
07:05 On voit que dans de très nombreux pays aujourd'hui, la lune de miel, ça dure très très peu de temps.
07:10 Les temps sont difficiles. Nous vivons une époque de crise, de crise très importante, à répétition.
07:17 Les exécutifs, aujourd'hui, deviennent assez rapidement, peut-être pas impopulaires tout de suite,
07:23 mais en tout cas, leur crédit de popularité est une denrée très très fortement périssable aujourd'hui.
07:29 Vous placez ça sur l'exigence des électeurs, des citoyens ou sur la qualité des politiques ?
07:37 Non, je pense que surtout, le temps va très vite aujourd'hui.
07:40 Nous vivons des périodes à haute intensité, avec beaucoup de crises, beaucoup d'éléments dramatiques, avec le retour de la guerre,
07:51 une période extrêmement anxiogène, angoissante pour tout le monde.
07:55 Dans ce type de période, c'est vrai que les exigences sont très importantes des citoyennes et des citoyens,
08:05 et en particulier en France, où une véritable crise systémique, structurelle, de confiance dans la politique s'est installée depuis bien longtemps.
08:14 Et alors justement, on dit que la parole d'Emmanuel Macron n'imprime plus, qu'elle est démonétisée.
08:18 Est-ce que c'est aussi le cas pour Gabriel Attal, qui doit mettre en scène demain ses 100 jours ?
08:23 Alors c'est sûr que pour le jeune Premier ministre, il y a là une donnée qui est très très très importante,
08:28 arriver à faire exister ce que certains avaient peut-être rapidement qualifié de "attalisme".
08:33 Aujourd'hui, il est un peu difficile de savoir qu'est-ce que c'est que le attalisme.
08:36 On voit que Gabriel Attal s'inscrit assez clairement dans les pas d'Emmanuel Macron sur de très nombreux aspects.
08:42 De temps en temps, il nous rappelle aussi Nicolas Sarkozy, l'omniprésence médiatique, le fait de vouloir faire l'actu en permanence.
08:49 Mais tout ceci ne constitue pas une définition de ce que serait l'attalisme.
08:54 Il va rester au Premier ministre quelques mois pour nous montrer qu'est-ce qui le différencie aussi peut-être d'Emmanuel Macron.
09:02 Et ça, ça sera une dimension très importante pour lui permettre de durer, parce que nous le savons tous.
09:08 Le poste de Matignon, c'est un poste qui est très très très exposé et où il est assez rare de finir très populaire.
09:16 Alors justement, les exigences des citoyens. Bruno Cotteres, je vous propose qu'on accueille un auditeur.
09:22 Philippe est avec nous en direct du RON. Bonsoir Philippe.
09:26 Vous, ces 100 jours de Gabriel Attal, qu'est-ce que vous en retenez ?
09:31 Je ne retiens pas grand-chose dans un système où c'est le président qui est partout omniprésent.
09:37 Le président est son secrétaire général et que le Premier ministre, lui, il a un rôle plus ou moins secondaire.
09:44 Il n'est pas un international. Sur l'économie, il a quand même Bruno Le Maire.
09:50 Non, je trouve que bon, oui, c'est un coup, le nommer un jeune, c'était le nommer,
09:56 mais je crois que dans la pratique, maintenant, c'est la Ve République, le Premier ministre.
10:01 Surtout s'il n'a pas de légitimité de par son jeune âge et son expérience.
10:06 On lui veut pas de mal, mais on pense pas qu'il soit responsable de quoi que ce soit.
10:12 Alors, sur l'éducation, il est sur l'éducation. Il y a un ministre de l'éducation, donc il pourrait lui laisser le job,
10:18 mais s'il lui laisse pas le job, lui, qu'est-ce qu'il va faire ?
10:21 Non, je pense qu'il n'a pas les coups des franches, de toute façon, et le patron, c'est le président.
10:29 Vous avez des attentes, Philippe, du discours de demain ? Qu'est-ce qu'il pourrait dire ?
10:34 Si, sur l'autorité, vous savez, l'autorité, ça se décrète pas.
10:39 Alors, il va rappeler qu'il faut de l'ordre à l'école, qu'il faut de l'ordre dans la rue, etc.
10:43 Mais ça se décrète pas, l'autorité. Là aussi, il faut mettre en place un plan.
10:48 Alors, peut-être qu'il en a un, je sais pas.
10:50 Mais voilà, moi, je pense que des grandes décisions ne se prennent pas à maintignon.
10:54 Donc, il y a des recadrages, d'ailleurs. Je regarde un peu dans le journal.
10:58 Dès qu'il y a un ministre qui a un peu d'autonomie et il fait recadrer par le président,
11:02 enfin, bon, moi, je pense qu'il n'a pas de latitude, de toute manière.
11:07 Et je pense qu'il est quand même, voilà,
11:11 je pense qu'il n'a peut-être pas tout à fait la légitimité auprès de ses collègues.
11:15 Merci Philippe. Bruno Cotteres, vous entendez cette accusation en légitimité
11:20 et surtout le fait que demain, qu'importe ce que pourra dire Gabriel Attal,
11:24 eh bien, il aura du mal à convaincre.
11:26 Oui, Notre-Dite est un fin analyste de la vie politique.
11:30 Il a bien repéré, effectivement, cette dimension qui est peut-être structurelle de la Ve République.
11:35 C'est quand même le président qui domine le couple exécutif
11:39 et en particulier dans la période que nous sommes en train de vivre,
11:43 avec au fond une dimension internationale tellement tragique et tellement importante.
11:48 On voit que le Premier ministre, après une envolée au début de sa nomination,
11:52 où il avait une cote de paupière très importante,
11:54 on a eu un peu de mal derrière à voir effectivement exactement
11:58 quelle va être la marque de fabrique du Premier ministre.
12:02 Et c'est vrai qu'elle a un enjeu pour lui très important dans cette France
12:07 tellement défiante par rapport à l'avenir,
12:12 tellement sous emprise de sentiments anxieux, tellement inquiets du lendemain.
12:18 Il faut dire que les temps sont très très difficiles.
12:21 C'est vrai que le Premier ministre axe beaucoup sa communication sur cette notion d'autorité
12:26 en disant que dans des périodes aussi compliquées, aussi dures que celles que nous vivons,
12:31 il est essentiel que les institutions puissent inspirer la confiance.
12:35 Et pour que les institutions inspirent la confiance, il faut aussi que les citoyens respectent les institutions.
12:40 Comme l'a résumé le Premier ministre,
12:42 si on salue, on nettoie, alors ça c'est vrai que c'est un bon rappel.
12:48 Mais en même temps, ça ne constitue pas un corpus idéologique
12:51 qui identifie très clairement quelle est au fond la grande vision pour notre pays
12:56 de ce si jeune Premier ministre.
12:58 Merci Bruno Cotteres, politologue, chercheur CNRS au CIVIPOF, enseignant à Sciences Po.
13:05 Merci pour votre éclairage et merci à nos auditeurs et Philippe qui nous appelait du RON.

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