Lundi 22 avril 2024, SMART BOURSE reçoit Kevin Thozet (Membre du comité d'investissement, Carmignac)
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00:00 *Musique*
00:10 Mais d'abord, état des lieux du marché en ce mois d'avril, un mois qui tranche un petit peu avec ce qu'on pouvait observer les mois précédents.
00:18 Et c'est Kevin Tauzet à mes côtés en plateau, invité de cette émission de la mi-journée et de ce début de semaine, membre du comité d'investissement de Carmignac.
00:27 Bonjour et bienvenue Kevin.
00:28 Bonjour Guillaume.
00:29 Merci beaucoup d'être là. Oui effectivement le mois d'avril qui est marqué à nouveau par un choc de taux, de taux réels même, qui s'est diffusé à l'ensemble des classes d'actifs
00:36 puisque jusqu'à présent on voit également une baisse du marché obligataire bien sûr mais également une baisse des marchés actions.
00:43 Et je le disais en cela c'est un peu différent du régime qu'on pouvait observer les mois précédents.
00:47 Qu'est-ce qui justifie ce nouveau schéma de marché du mois d'avril en tout cas aujourd'hui Kevin ?
00:52 C'est cet environnement de compte de fait. Je crois que vous avez décrit au cours des mois voire des trimestres précédents.
00:59 C'est vrai que ce qui se déroulait c'était une forme de reprise, en tout cas la perspective d'une reprise économique synchrone aux États-Unis.
01:07 Donc la croissance américaine qui tient bien, des perspectives de reprise de croissance en zone euro, toujours l'hypothétique relance chinoise
01:16 et cette bonne tenue de l'environnement économique notamment stimulée par les perspectives de voir une baisse des taux d'intérêt synchrone aussi.
01:24 Il y a encore quelques mois, quelques trimestres de ça, la question c'était qui va gagner en premier ?
01:29 La RSA fédérale américaine, la Banque Centrale Européenne, la Banque d'Angleterre.
01:33 On gagnait sur les deux tableaux, le beurre et l'argent du beurre pour le dire un peu trivialement.
01:37 Et donc ça a porté les marchés d'action. On a les marchés d'action, les performances des marchés d'action ajustées de la volatilité,
01:44 ce qu'on appelle le ratio de Sharpe qui est de l'ordre de 3 si je regarde la séquence des trois au décidé dernier mois, c'est absolument extraordinaire.
01:52 Donc des marchés fortement haussiers et puis pas de volatilité globalement.
01:55 Ce qui se joue là depuis quelques semaines c'est que bien la croissance américaine elle tient et elle tient très très bien là aussi.
02:03 Le narratif de marché c'était pas d'atterrissage, un atterrissage en douleur, un atterrissage en douceur.
02:08 Là vraisemblablement c'est pas d'atterrissage de l'économie américaine.
02:10 Et donc ça vient mettre en doute les perspectives de baisse de taux, en tout cas la séquence.
02:16 Et ce qui semble se dessiner c'est qu'on peut continuer de nourrir des espoirs, c'est souhaitable je crois, d'avoir une croissance économique qui tient bien,
02:25 portée pas juste par les Etats-Unis mais par différentes régions.
02:28 Par contre la théorie ou la thèse qui voudrait qu'on ait une baisse des taux synchrone de la part des grands argentiers, je crois qu'elle a pris du plomb dans l'aile.
02:37 Et donc ce qui semble se dessiner c'est cette divergence de trajectoire de politique monétaire,
02:41 donc avoir une réserve fédérale américaine qui maintiendrait ses taux pendant encore un certain temps,
02:47 et puis certains notamment en Europe ou certaines qui elles commenceraient à baisser leurs taux au mois de juin et ça ça crée des déséquilibres.
02:55 Et des réajustements. Effectivement. Le dollar notamment qui a été un actif qu'on a vu effectivement accélérer à la hausse depuis le début du mois d'avril.
03:03 Comment vous regardez justement la dimension politique monétaire ?
03:07 Qu'est-ce qui a changé peut-être aussi dans les anticipations que vous pouviez faire en matière de politique monétaire chez Carmignac, Kevin ?
03:13 Et qu'est-ce qu'une Fed sur la retenue pour plus longtemps, qu'est-ce que ça génère comme marge de manœuvre ou comme limite en matière de marge de manœuvre pour les autres banques centrales du monde ?
03:24 Donc là aussi si je refais un petit peu cette séquence-là, ce qui avait motivé ce pivot, en tout cas ce changement d'orientation de politique monétaire éventuelle signalé par M. Powell,
03:35 c'était des chiffres d'inflation, ce fameux PCE, déflateur du PCE qui sera publié à nouveau cette semaine, qui était sur des niveaux de croissance mois le mois extrêmement bas,
03:46 et tout à fait aligné avec l'objectif de la Fed. Pour rappel, on a eu en fin d'année dernière des niveaux de PCE mois le mois qui étaient en croissance de 0,1%.
03:55 Il y a eu une réaccélération sur ce front-là. Aujourd'hui, on est plutôt à 0,3%. Donc voilà, c'est sans doute ça qui a fait notamment évoluer la communication de la Banque centrale américaine.
04:06 Je crois qu'il est tout à fait probable, il ne faut pas écarter un scénario où on verrait la Banque centrale américaine remonter ses taux en descendant seulement.
04:13 Parce que la fenêtre d'opportunité pour le faire avant l'été, elle se réduit. Ensuite, il y a des échéances électorales. Il ne faut pas écarter le fait que...
04:23 Deux jours, on passerait à décembre.
04:24 C'est tout à fait possible. D'un autre côté, on a une Banque centrale européenne qui, elle, est extrêmement claire, je crois.
04:30 Deux réunions qu'elle nous dit qu'elle va en effet baisser ses taux au mois de juin. Alors le contexte économique n'est pas le même.
04:38 Elle peut le faire, là aussi. On va dire qu'on sort de 12-18 mois, on est dans 12-18 mois de stagnation économique.
04:46 Donc elle peut tout à fait se permettre de baisser ses taux d'intérêt parce que l'inflation cyclique a vraisemblablement été mise sous le couvert du fait de cet engendrement de stagnation économique.
04:55 Est-ce qu'il y a des limites à ce qui peut être fait ? Oui, je crois. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce que sont les anticipations, c'est entre une et deux baisses de taux de la part de la réserve fédérale américaine en 2024.
05:05 Pour la Banque centrale européenne, c'est quasiment deux fois ça, on va dire autour de trois baisses de taux. Je disais, ça induit une sorte de déséquilibre.
05:14 En tout cas, il y a des vases communiquants et notamment ce qui se passe sur le marché de l'échange.
05:18 On a des marchés d'échange qui sont, là aussi, souvent liés, en tout cas fortement corrélés, à du différentiel de taux court.
05:25 Donc aujourd'hui, il y a 1,5 baisse de taux de différence entre ce que fera la Banque centrale européenne et la réserve fédérale américaine.
05:32 Si je regarde le consensus de marché, ça peut amener des pressions baissières sur l'euro et il y a là aussi des vases communiquants.
05:39 C'est-à-dire qu'une baisse de l'euro de l'ordre de 10%, ça veut dire 0,4 points d'inflation en plus et ça peut venir relativement rapidement.
05:45 On n'y est pas encore, mais c'est sans doute ça qui viendra, on va dire, encadrer par le bas ce que peut faire la Banque centrale européenne.
05:53 Est-ce que la baisse de l'euro/dollar, qu'on a quand même constaté depuis quelques semaines, est-ce qu'elle est déjà consommée de ce point de vue-là ou est-ce qu'elle ne fait que commencer ?
06:03 Alors, là aussi, si je regarde certains modèles, si je regarde par exemple l'évolution de ce différentiel de taux court et l'évolution de l'euro/dollar,
06:10 ce que ça nous dit, c'est que le niveau de l'euro/dollar devrait plutôt être autour de 1,05. On n'y est pas encore, donc ça veut dire plusieurs choses.
06:17 L'une, c'est que ces baisses de taux en zone euro, elles viendront quand même pour venir stimuler la croissance économique, ce qui n'est pas forcément une mauvaise nouvelle en tant que telle.
06:26 Donc ça, il faut le garder à l'esprit. Ça vient nourrir ces perspectives de rebond synchronisées dans l'économie mondiale, d'une part.
06:33 Et d'autre part, ce que ça peut vouloir dire aussi, c'est que si besoin, la Banque centrale européenne pourra en faire davantage parce que, là aussi,
06:40 la baisse de l'euro n'a pas été aussi importante que ce qu'on pouvait craindre. Donc ça, je pense que c'est un facteur qui est important.
06:47 L'autre facteur qui est potentiellement à regarder, c'est qu'il y a aussi ce qu'on appelle du passe-trou, donc des vases communiquants, là encore, sur les salaires.
06:54 Là aussi, quand on regarde les derniers tours de négociations salariales, ça se passe un petit peu mieux que ce qui pouvait être craint.
07:01 Mais d'un autre côté, il y a quand même une grosse partie de l'inflation de l'année dernière qui s'est retrouvée dans les salaires.
07:06 Et ça, c'en est une. Et puis l'autre, c'est ce qui se passe sur le front des matières premières, qui là aussi sont orientées à la hausse.
07:11 Et je crois qu'il y a un facteur qui est important à avoir en tête, c'est que la hausse des marchés d'action, ça stimule la demande.
07:16 La hausse des matières premières, ça a tendance à peser sur la demande.
07:19 Interessant. La dernière prise de parole de François Villerot-Gallaud pour la Banque centrale européenne, gouverneur de la Banque de France,
07:25 qui a un poids lourd et qui est un membre important du pivot aussi de la BCE, il estime que la baisse de taux en juin, elle est garantie.
07:35 Malgré les incertitudes et la volatilité qu'on observe aujourd'hui sur les cours du pétrole notamment.
07:41 Ça ne doit pas empêcher ce premier mouvement du mois de juin selon François Villerot-Gallaud.
07:46 Oui, mais là aussi, les matières premières sont là.
07:50 Si je regarde ces niveaux de correspondance, il faut une hausse de 10% sur les marchés du pétrole notamment, pour avoir 0,1 point de pourcentage dans l'inflation.
08:02 Je rappelle, les cours du pétrole sont plus bas aujourd'hui qu'ils n'étaient avant le 13 avril et je crois qu'on doit être à peu près sur les niveaux du 7 octobre.
08:09 Les deux dates clés du conflit et du regain de tensions géopolitiques au Moyen-Orient.
08:16 Cette situation et cet ajustement en matière de trajectoire politique monétaire, est-ce qu'elle est encore favorable aux actifs risqués ?
08:24 Est-ce que le "high for longer" de la réserve fédérale américaine et ses impacts ailleurs, est-ce que c'est encore positif pour des marchés actions ou des marchés de crédit ?
08:33 Il me semble que là aussi, c'est-à-dire que dans ce que je décrivais, il y avait bien deux jambes à se rallier sur les marchés d'action et sur les actifs risqués en général.
08:42 Les actifs du crédit ont aussi largement bénéficié et ça sans volatilité.
08:46 On a une jambe qui fonctionne un peu moins bien, c'est celle des taux d'intérêt.
08:49 Et donc, il nous semble que d'estimer qu'on aura une trajectoire rendement risque équivalente à celle qu'on a pu avoir, c'est illusoire.
08:58 C'est possiblement illusoire.
09:00 La trajectoire future ne sera donc pas aussi linéaire qu'elle était par le passé.
09:04 Ça justifie pour nous d'enlever un petit peu de risque, c'est-à-dire de prendre des profits ou rentrer des protections dans un portefeuille.
09:10 On garde des expositions aux marchés d'action.
09:12 Et puis, là aussi, sur la trajectoire de taux d'intérêt, se reposer sur ces mécanismes de parité des risques qui diseraient d'être acheteurs d'action et acheteurs de taux nominaux,
09:26 là aussi, il faut faire un petit peu attention.
09:28 Plutôt que d'avoir un portefeuille basé sur la parité des risques, on préfère baser ça sur la parité des risques inflationnés.
09:35 Et qu'est-ce que ça veut dire concrètement, ça, Kevin ?
09:37 On garde des actions. Et plutôt que de se reposer sur de la corrélation action/taux, on achète des protections.
09:43 Et sur le moteur taux d'intérêt, on préfère des taux réels à des taux nominaux, donc ajuster de l'inflation d'une part.
09:50 On a plutôt ce qu'on appelle des positions de pontification.
09:53 On pourrait voir les taux d'intérêt plus hauts que ce qu'ils sont aujourd'hui, parce que risque inflationniste d'une part, des déficits à financer de l'autre.
10:04 Et puis si on a des baisses de taux, c'est plutôt pour stimuler la croissance économique.
10:07 Et plus de croissance économique, ça veut dire des taux d'intérêt qui sont un peu plus hauts.
10:10 Mais l'idée que X baisses de taux ne se traduiront pas par une baisse forcément équivalente des taux longs à l'arrivée.
10:18 Tout à fait.
10:20 Sur les actions, effectivement, l'enseignement c'est aussi de dire que le moteur taux s'est un petit peu éventé aujourd'hui.
10:29 Et que le moteur des résultats, on est plongé en pleine période de publication de résultats,
10:35 ne sera peut-être pas un moteur suffisant pour maintenir cette trajectoire qu'on a observée sur plusieurs mois maintenant derrière nous.
10:43 Oui, tout à fait.
10:45 La conjoncture économique aux Etats-Unis est bonne, mais un peu moins bonne que ce qu'on a eu par le passé.
10:51 Il y a une forme de ralentissement dans ces perspectives de résultats des enquêtes.
10:56 Ils sont encore relativement élevés aux Etats-Unis pour cette année 2024, autour de 10%, moins en zone euro.
11:03 Sur le trimestre, on a quand même vu des revisions à la baisse des publications de résultats.
11:07 Certaines à lesquelles vous vous soyez allusion tout à l'heure, qui sont bonnes, mais un petit peu moins bonnes que ce qui est anticipé.
11:13 C'est le problème des valorisations.
11:14 C'est que les investisseurs projettent dans le futur ce qu'ils ont vu par le passé.
11:19 Et ça se passe en général, pas comme ça, en tout cas pas tout le temps comme ça.
11:23 Il y a un autre phénomène auquel il faut faire attention, c'est ce qu'on appelle la base des comparables.
11:27 Quand on regarde des résultats, on les regarde souvent un trimestre par rapport à un autre, une année par rapport à l'année précédente.
11:32 Et l'année 2023 était très bonne.
11:34 On avait une croissance des résultats à deux chiffres, plus de 10%.
11:37 Ce sera peut-être le mouvement de balancier sur cette publication de résultats en Europe en tout cas.
11:42 Quel type de profil d'action on a envie d'avoir en portefeuille aujourd'hui ?
11:45 Est-ce qu'on garde quand même l'idée d'avoir quand même un certain momentum ?
11:49 Est-ce qu'on va chercher du dividende ? Est-ce qu'on va chercher des matières premières aussi ?
11:55 Ce sont des secteurs qu'on n'a pas vu spécialement surperformer ces derniers temps.
12:00 Alors, aligné avec cette idée d'avoir un portefeuille équilibré et en intégrant bien cette perspective de risque inflationniste,
12:07 parce que je crois que c'est quand même un risque important aujourd'hui,
12:10 on aime bien avoir, tenir les deux bouts de la chaîne, la stratégie de barbel comme on dit en anglais.
12:14 C'est-à-dire des entreprises, taux de croissance visible d'un côté,
12:20 et puis en face de ça, plutôt certains secteurs qui sont liés aux matières premières.
12:26 Donc le secteur des matières premières notamment, ça peut prendre plusieurs formes.
12:30 Ce qui est lié à des matières premières plutôt traditionnelles, type pétrole par exemple.
12:36 Certaines valeurs pourraient en bénéficier.
12:39 Un métal comme le cuivre par exemple, on a une demande chinoise qui est très forte pour le cuivre,
12:45 c'est à peu près 60% de la demande mondiale.
12:47 Par contre, contrairement à des minerais de fer, c'est que 25% qui est utilisé par la construction.
12:51 Le minerai de fer c'est de 50%.
12:53 Donc voilà, plutôt lié à de l'électrification, c'est certaines matières premières qu'on va avoir dans un portefeuille.
12:59 Et puis de l'or aussi, vous parliez de la résurgence du risque géopolitique, l'or s'est fortement apprécié.
13:04 Ça fait quand même un instrument de couverture qui peut être utile dans un portefeuille d'action.
13:10 Et l'or, on dit toujours qu'il faut en avoir un peu, mais il faut en avoir un peu plus qu'un peu aujourd'hui ?
13:17 Ou en tout cas dans le peu d'or qu'on recommande d'avoir dans une allocation, on est plutôt dans la limite supérieure aujourd'hui ?
13:24 Aujourd'hui si on regarde un portefeuille comme Carmillac Patrimoine, on en a à peu près 5% dans ce portefeuille-là.
13:30 Plutôt en ligne avec des moyens historiques, parce qu'on prend actuellement la bonne trajectoire de performance de ces marchés-là.
13:36 Et l'autre, si on est cohérent, c'est-à-dire que si on a potentiellement un environnement de taux,
13:40 on a des taux d'intérêt qui sont un peu plus élevés que par le passé, on ne s'attend pas à une deuxième jambe d'appréciation de 20%.
13:47 Mais c'est sans doute un meilleur outil pour gérer des risques dans un portefeuille aujourd'hui
13:51 qu'un instrument de taux souverain émis par un émetteur bien noté.
13:55 Très clair, on cherche l'actif sans risque, l'actif qui protège aujourd'hui dans un environnement où l'inflation reste peut-être un peu trop élevée
14:03 pour permettre aux marchés obligataires traditionnels de jouer ce rôle, on l'a vu encore au cours des dernières semaines.
14:09 Merci beaucoup Kevin. Kevin Thozet, membre du comité d'investissement de Carmillac,
14:12 avec nous dans cette édition du début de semaine à la mi-journée le lundi sur Bismarck.