• il y a 6 mois
Christine Kelly et ses chroniqueurs débattent de l'actualité dans #Facealinfo

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00:00 - Simon Guillen, on est à l'antenne, s'il vous plaît, calmez-vous. On a un nouveau chef d'édition, il s'appelle Patrick à l'oreillette.
00:06 Bonsoir Patrick, parlez-moi pour voir si ça va bien. - Salut. - Tout va bien. Il est jeune, il est beau, il est gentil.
00:11 - Ah bah ça se voit, moi j'ai jamais vu comme ça la Christine. - Du coup je vais vous laisser les commandes.
00:17 Simon, donnez-nous l'info du soir. - Bonsoir Christine et bonsoir à tous chers téléspectateurs.
00:22 Un homme a été tué par balle cet après-midi dans le 20e arrondissement de la capitale.
00:26 Un individu a tiré en direction d'un bar vers 15h30 avant de prendre la fuite à scooter.
00:31 Un périmètre de sécurité a été mis en place immédiatement dans cette rue où se trouvent plusieurs bars et restaurants.
00:36 Interpol a diffusé une notice rouge pour tenter de retrouver Mohamed A, ce détenu qui s'est évadé lors de l'attaque de deux fourgons
00:44 qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires hier dans l'heure.
00:47 Une action qui permettra de rechercher le fugitif hors des frontières françaises.
00:51 Et puis Emmanuel Macron condamne fermement l'attaque contre le Premier ministre slovak.
00:56 Robert Fico est entre la vie et la mort après avoir été blessé par balle aujourd'hui.
01:00 Le tireur présumé a été arrêté par les forces de l'ordre pression.
01:04 - Merci à beaucoup Simon Guilla et au sommaire ce soir, un homme a été tué par balle en plein Paris.
01:11 Cet après-midi le tireur est en fuite, on n'en sait pas plus.
01:15 Un gendarme de 22 ans a été tué en Nouvelle-Calédonie.
01:18 On ne connaît pas l'auteur du tir, c'est la guerre civile.
01:22 Les assassins des agents pénitentiaires eux, courent toujours au lendemain de l'attaque sanglante du fourgon dans l'heure.
01:29 Partout le chaos, pourquoi la France s'effondre-t-elle partout ?
01:35 Le politique a-t-il encore du pouvoir ? Peut-on parler d'effondrement de l'État ?
01:40 L'éditou de Mathieu Bocoté.
01:45 - Mohamed Abra a été connu de loufaces telles aux fissances d'y stupéfiants.
01:49 Pour trafic entre les Antilles et Marseille, posons-nous les bonnes questions ce soir.
01:54 On renforce les droits de la défense, on ne construit pas de place en prison.
01:58 On est de plus en plus tolérant face à la consommation de la drogue.
02:02 On veut de bonnes relations avec des pays au cœur de ces trafics de drogue devant lesquels on se couche trop souvent.
02:07 Comment faire en sorte dans ce contexte que l'État soit respecté ?
02:12 Paradoxe, hypocrisie, mensonge, les vérités cachées du trafic de stupes.
02:17 L'analyse de Guillaume Bigot.
02:19 D'un côté on en sait plus ce soir sur cet homme exécuté hier lors de l'attaque dans l'heure.
02:26 Il s'appelle Arnaud Garcia, il avait 34 ans, il allait être père à la fin de l'été.
02:32 Il était fils d'un ancien commandant de la gendarmerie.
02:36 De l'autre côté on en sait un peu plus sur Mohamed Abra.
02:39 Ce visage poupin, ce n'est pas moi qui le dis, c'est ainsi que le décrit le quotidien Libération.
02:45 Le visage poupin.
02:46 Donc avait été interpellé 19 fois entre 11 et 14 ans.
02:51 Deux vies, deux existences, deux trajectoires.
02:55 Lorsque la droiture est brisée par le crime, le regard de Marc Menon.
03:00 Les surveillants pénitentiaires appellent à maintenir les blocages de main.
03:04 Jeudi dans l'attente d'un accord avec le gouvernement.
03:06 Ils demandent moins d'extraction de détenus et de favoriser la pratique des visioconférences.
03:13 Depuis hier, ces agents décrivent leur peine mais également leur colère.
03:17 En quoi consiste la réalité du travail de ces agents pénitentiaires en prison ?
03:22 Pourquoi ils n'en peuvent plus ? Le décryptage de Charlotte Dornelas.
03:26 Et puis l'état d'urgence entre en vigueur ce soir à 20h, heure de Paris.
03:32 5h du matin, heure de Nouméa.
03:36 La Nouvelle-Calédonie passe sa troisième nuit de chaos.
03:39 Emmanuel Macron a dénoncé ses émeutes comme étant indignes.
03:43 Si vous permettez, nous irons un peu plus loin ce soir.
03:45 Nous parlerons de guerre civile.
03:47 Couvre-feu non respecté, attaque à la hache, pillage, incendie.
03:52 Les habitants organisent eux-mêmes leur protection.
03:54 Les émeutiers, eux, repoussent les forces de l'ordre.
03:58 On nous l'a, une image de ce qui attend la France métropolitaine.
04:02 L'édito de Mathieu Bocoté.
04:04 Une heure pour prendre un peu de hauteur sur l'actualité avec nos mousquetaires en pleine forme ce soir.
04:09 C'est parti !
04:23 Je cherche les mots pour décrire ce sentiment qui n'est probablement pas qu'un sentiment d'une dislocation accélérée de la France.
04:33 L'un d'entre eux s'impose de plus en plus. On parle de chaos.
04:37 De chaos français.
04:38 Mathieu Bocoté, comment décrypter ce chaos français à la lumière de l'histoire ?
04:43 Alors, il y a un fait premier, c'est le rapport à la violence dans la cité.
04:47 Quand vous me permettez, je vais me faire philosophe un instant.
04:49 L'État moderne tel qu'on l'a construit un peu partout, tel qu'il s'est pensé depuis plus de cinq siècles, sa fonction est simple.
04:56 Protéger l'homme de la mort violente.
04:59 Le philosophe Thomas Hobbes, dans son livre "Le Léviathan", dit "La fonction de l'État, c'est protéger l'homme de la mort violente, car l'homme est un loup pour l'homme."
05:08 Donc le pacte au cœur de l'État moderne, c'est "Je sacrifie une part de ma liberté, en échange de cela, l'État assurera ma sécurité."
05:16 Et dès lors que ce pacte n'est plus tenu, dès lors que l'État n'est plus capable d'assurer cette protection des uns et des autres,
05:25 on peut dire que l'État lui-même, non seulement s'effondre, mais les individus sont presque en droit dans cette logique.
05:31 Je ne dis pas que c'est le cas aujourd'hui.
05:32 Si l'État ne peut pas me défendre, alors j'entre dans une logique d'autodéfense.
05:36 Vous avez en tant que tel tous les éléments ici de ce qu'on appellera plus tard "guerre civile".
05:40 C'est-à-dire, d'un côté, l'État ne fait plus son travail, la possibilité de la mort violente ressurgit.
05:45 C'est la guerre de tous contre tous qui ressurgit.
05:48 À partir de là, on oublie la possibilité même de la paix civile.
05:51 Mais avant d'en arriver là, il y a ce terme qui me semble nécessaire dans les circonstances, et c'est celui de "chaos".
05:58 Qu'est-ce que j'entends par "chaos"?
05:59 C'est tout simplement que la violence perce aujourd'hui partout.
06:02 À très grand feu, on pourrait dire que le tissu social est partout démaillé.
06:05 Partout, la violence surgit.
06:07 Des violences différentes.
06:09 J'utiliserai le pluriel avant d'en arriver au singulier.
06:11 Des violences de différents types, mais qui donnent l'impression, et ce n'est pas qu'une impression,
06:16 d'un État, d'une société qui n'est plus capable d'avoir une emprise minimale sur elle-même.
06:21 Comme si les digues politiques, symboliques, culturelles, anthropologiques,
06:27 qui permettaient de contenir la violence, cédaient les unes après les autres.
06:32 Parce qu'on le comprend bien, c'est le point de départ de l'analyse.
06:34 La violence n'est pas un moment dans l'histoire et viendra un jour une société non violente.
06:38 La violence est dans le cœur de l'homme.
06:40 La violence est au fondement de tout ordre social.
06:42 Et l'idée, c'est d'être capable de la civiliser, de la refouler, de la repousser dans les marches,
06:47 tout en sachant qu'elle peut toujours ressurgir.
06:49 Et qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui? Elle ressurgit massivement.
06:52 Et je vais énumérer certains types de violences pour voir ensuite comment notre société cherche à les lire.
06:58 La première, ne serait-ce que l'actualité à ses droits, c'est la violence nouvelle qui nous vient d'hier,
07:03 lorsqu'une puissance privée se permet de défier l'État ouvertement.
07:09 C'est la figure du narco-État qui décide de défier ouvertement l'État.
07:13 Donc non plus sur le mode de l'agression périphérique, on l'attaque directement.
07:18 Sur le mode de l'agression commando, l'État privé, le narco-État, la baronie de la drogue,
07:23 se croient assez fortes pour être capables d'attaquer l'État et s'imaginent que l'État ne répondra pas.
07:28 Et ça, c'est absolument fondamental.
07:30 Nous nous croyons plus forts que vous, vous êtes trop lâches pour répondre,
07:33 vous êtes embourbés dans votre droit, vous ne serez pas capables de répondre.
07:36 Nous avons la force pour nous imposer à vous. Première figure.
07:40 Deuxième figure, qui me semble assez importante, c'est la violence entre trafiquants.
07:45 Parce qu'on parle de la question de la drogue, c'est celle qu'on documente sur ce plateau,
07:49 Charlotte le fait avec talent depuis trois ans.
07:52 Qu'est-ce qu'on voit ici, c'est cette violence, on entregroupe, donc des baronies au pluriel se constituent,
07:57 se font la guerre, et là il y a évidemment des victimes collatérales,
08:02 il y a des victimes périphériques, mais c'est une guerre entre des baronies,
08:07 qui disent l'État on ne s'en fout, ce n'est plus nous, maintenant on se fait la guerre entre nous,
08:10 avec les moyens de la guerre, j'insiste, pas avec les moyens du crime, c'est une logique guerrière entre eux.
08:17 Il y a des violences politiques, au sens fort du terme, mais des violences politiques qui peuvent ouvrir à la guerre civile,
08:22 on y reviendra en deuxième édito, la Nouvelle-Calédonie.
08:25 Qu'est-ce qu'on voit ici, des revendications politiques qui ne trouvent pas de déboucher d'une manière ou de l'autre,
08:30 mais s'accompagnent, parce que lorsque les digues cèdent, toutes les pulsions violentes sortent en même temps.
08:35 Et qu'est-ce qu'on voit ici, les revendications politiques dégénèrent dans sa possibilité terroriste,
08:41 et si ce n'est pas la possibilité terroriste, c'est la possibilité de la guerre civile,
08:44 et ça on le voit, et on cible alors, encore une fois, les agents de l'État,
08:48 ils doivent tomber pour envoyer le signal que nous sommes « sérieux » lorsqu'on décide de s'en prendre à l'État.
08:54 La violence des quartiers, et ça c'est autre chose qui me semble assez importante,
08:57 la violence des quartiers contre la France.
09:00 Des quartiers, évidemment, je ne parle pas de tous ceux qui y habitent,
09:03 mais le moment naël en passant, on arrive bientôt au premier anniversaire des émeutes,
09:07 on doit comprendre, ça ce n'était pas des émeutes banales,
09:10 c'est des émeutes qui avaient une charge politique, une charge non-politique aussi,
09:13 mais les deux se ménageaient pour expulser la France de chez elles.
09:16 Et il y avait les deux éléments là-dedans, logique de sécession,
09:19 vous ne ferez pas la loi chez nous, mais logique de conquête aussi.
09:23 Logique de conquête, la violence sortait du quartier,
09:26 et certains territoires se défrancisaient politiquement, se défrancisaient symboliquement,
09:30 l'autorité de l'État en était chassée.
09:33 Et ça c'est une logique à la fois décoloniale dans leur esprit, et de conquête.
09:36 On doit avoir les deux termes à l'esprit.
09:39 Les violences islamistes, ne les oublions pas, qui vont du djihad du quotidien au couteau,
09:44 les gens qui entendent, je ne sais quelle voix leur dire « poignardez votre prochain s'il vous plaît »,
09:47 surtout s'il y a une tête de français de souche, poignardez-la deux fois.
09:50 Je souligne que c'est une référence à ce qui s'est passé tout récemment,
09:53 je crois que c'était à Lille, j'espère ne pas me tromper.
09:56 De la même manière, la violence style Bataclan,
09:59 alors là, c'est l'ensemble de l'arc des violences islamistes
10:03 que la France a connue terriblement depuis, on pourrait dire Mohamed Merah,
10:06 avant, mais Mohamed Merah c'est le point de départ.
10:09 Les violences au quotidien, je pense qu'il ne faut pas les oublier,
10:12 sur les violences du quotidien, c'est-à-dire cette espèce de délinquance conquérante,
10:16 cette délinquance d'occupation, cette délinquance qui frappe dans les transports,
10:20 qui frappe en certains quartiers, qui fait en sorte que certaines,
10:23 les femmes par exemple, ne vont plus en certains quartiers,
10:25 ne prennent plus telle ligne de transport, de train, de RER, de métro,
10:29 ou alors elles se présentent autrement parce qu'elles savent que si elles vont là,
10:32 elles basculent dans un univers où elles ne sont plus protégées,
10:35 où l'éviator ne fera pas son travail en ce lieu.
10:38 Pour le dire ainsi, cette délinquance du quotidien est probablement celle
10:40 qui harcèle le plus les français au quotidien, soit dit en passant,
10:43 et le système l'a réduit à une collection de faits divers.
10:46 Les violences intracommunautaires, c'est le cas de Chim Cédine,
10:49 dont on a parlé, de Samara, je ne reviens pas là-dessus dans le détail,
10:52 mais il faut l'avoir à l'esprit, les violences pour ceux qui voudraient s'intégrer à la France,
10:55 on leur en fait payer le prix. Il y a un prix pour s'intégrer à la France,
10:59 et quelquefois, ça peut être sa vie, on l'a vu il y a quelques semaines.
11:03 Et les violences antifas, on ne va quand même pas les oublier,
11:05 parce que c'est la principale forme de violence politique qui existe en France aujourd'hui,
11:09 quoiqu'en dise une autre chaîne info, les violences politiques que l'on connaît aujourd'hui
11:12 pour empêcher la tenue de meeting, pour intimider, pour attaquer telle librairie,
11:16 pour attaquer tel événement, c'est la violence antifas.
11:19 Alors, prenez tout ça ensemble, c'est pour ça que je me suis préparé
11:21 de les décrypter les uns les autres, vous regardez ça de l'intérieur,
11:24 vous avez l'impression d'être plongé dans un chaos.
11:27 On a cherché des concepts pour nommer ça ces dernières années.
11:30 Quels concepts se sont imposés? Il y en a deux, assez, qui étaient assez bien,
11:34 franchement, en sauvagement, et je perds le deuxième alors que je veux le retrouver,
11:39 des civilisations. Les deux vont ensemble, en sauvagement et des civilisations.
11:43 Les deux manquaient néanmoins, il manquait un arrière-fond.
11:46 L'en sauvagement par qui, par quoi, quelles sont les causes de cet en sauvagement
11:49 et des civilisations, le sentiment très réel que l'ensemble, justement,
11:53 des digues protectrices qui font la société s'effondre.
11:56 D'autres ont voulu parler d'autres concepts, on a parlé de conquête,
11:59 au sens de conquête islamiste, d'invasion, ça c'est un terme qui nous vient de la Grande-Bretagne,
12:03 de l'ancienne ministre de l'Intérieur en Grande-Bretagne qui utilisait ce terme.
12:07 On cherche à nommer tout cela. Devant cette réalité, devant cette réalité,
12:12 le grand parti du déni s'est mobilisé. Et voilà pourquoi on a tant parlé
12:17 de faits divers ces dernières années, parce qu'il s'agissait de neutraliser
12:21 la portée de cette violence en expliquant que ce qui arrivait n'arrivait pas.
12:25 Je note que la nouvelle formulation du fait divers depuis 24 heures,
12:28 c'est l'accident de travail. Accident de travail is the new fait divers,
12:31 selon la France Insoumise. Et dans cette logique, pourquoi?
12:35 Parce que pour ceux qui voulaient nier ces violences qui s'accumulaient
12:38 avec un effet multiplicateur, il n'y avait qu'une seule violence possible,
12:42 plus importante que toutes les autres, c'était l'extrême droite.
12:46 Il suffisait de dire ce mot pour d'un coup abolir la réalité,
12:49 car devant l'extrême droite, il fallait taire le réel.
12:52 C'est le programme intellectuel des 30 dernières années.
12:55 Alors venons-y, Mathieu Bocoté, au cœur de la rhétorique politique,
13:00 les partis de gouvernement ne cessent de dire qu'il faut les choisir,
13:03 sans quoi la France basculera dans le chaos. Qu'est-ce qu'on doit comprendre?
13:08 Si ce n'est pas le chaos en ce moment, je me demande à quoi ça peut ressembler.
13:11 À quoi ça peut ressembler le chaos si ce n'est pas ce qu'on connaît en ce moment?
13:14 Mais vous avez raison, on le voit, quel que soit l'événement ces dernières années,
13:18 le Bataclan, Charlie Hebdo, les violences du quotidien, Crépole,
13:23 quand je parlais de délinquance d'occupation avec une forme de racisme anti-blanc
13:26 qui l'accompagne, Crépole, ne l'oublions pas.
13:29 En vrai, c'est une thèse que je proposerai en sciences politiques.
13:33 Aucun drame, aucune tragédie qui frappe la France, aucune violence qui frappe la France,
13:38 aucun attentat qui frappe la France ne peut être aussi grave
13:42 que l'arrivée éventuelle de ce qu'on appelle l'extrême droite au pouvoir.
13:45 Donc globalement, trois bombes atomiques qui tomberaient sur la France,
13:47 c'est surtout grave si ça favorise la montée du Rassemblement national.
13:50 Si ça ne favorise pas, c'est autre chose.
13:52 Mais tout ce qui peut favoriser la montée du RN, c'est moins grave,
13:56 enfin, je reformule, rien n'est aussi grave que la poussée du RN,
14:00 la montée du RN, l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir.
14:03 Ça, c'est le summum du mal imaginable.
14:05 - Et lorsque vous dites ça, on vous accuse de banaliser l'extrême droite.
14:09 Je fais la parenthèse, mais pour boucler la boucle.
14:11 - Bien sûr, vous avez tout à fait raison.
14:12 Et moi, je dirais par ailleurs que je banalise tous les partis.
14:15 Si vous êtes un parti légal, vous êtes un parti banal.
14:18 Ensuite, on peut être en accord ou en désaccord avec ce parti.
14:20 Mais je ne suis pas, quant à moi, colleur d'étiquette en disant
14:23 que vous êtes à ce point infréquentable que je ne vous nommerai jamais autrement
14:26 qu'avec un pince-nez.
14:27 Une fois que c'est dit, une fois qu'on a nommé cette loi,
14:30 eh bien, l'ensemble des violences sont relativisées.
14:33 Et je note par ailleurs que tout le système mental, le système médiatique,
14:37 le système politique est programmé de telle manière que,
14:41 quels que soient les événements, on doit nous expliquer que le véritable risque,
14:47 c'est le retour du passé, c'est la rechute du passé.
14:50 Nous vivons avec une conscience historique anachronique.
14:52 Nous ne vivons pas dans notre présent.
14:54 Dans l'esprit de tant et tant de gens, nous sommes encore dans les années 30.
14:57 Dans l'esprit de tant et tant de gens, nous sommes encore contemporains
15:00 de l'avènement, de la montée du fascisme et du nazisme.
15:02 Dans l'esprit de tant de gens, en fait, pas de tant de gens,
15:04 dans l'esprit de tant de journalistes, dans l'esprit des gardiens du récit officiel,
15:08 dans l'esprit de ceux qui nous disent, 24 heures avant l'attaque d'hier,
15:13 l'attaque du commando hier, que la véritable menace en France,
15:16 c'est 3000 adolescents brutaux que l'on assimile à l'ultra-droite.
15:21 Le régime a besoin, quels que soient les événements,
15:23 quitte à imposer de force le récit du danger fasciste, néofasciste,
15:27 archéofasciste, paléofasciste, fasciste, fasciste, ça, c'est le vrai danger.
15:31 Le reste n'existe pas, le réel ne passera pas,
15:33 nos passaran le réel, telle est la doctrine du régime.
15:36 - La politique, c'est désigner l'ennemi, voire inventer l'ennemi.
15:39 - Très juste.
15:40 - On assimile souvent cette violence à un effondrement de l'État, Mathieu Bocote.
15:43 Est-ce que c'est la bonne explication?
15:45 - J'entends souvent ça oui et non.
15:47 C'est-à-dire oui, d'autant que la France est une nation très étatique,
15:50 quelquefois au point où certains confondent l'État et la nation.
15:53 Ce qui me semble pas une bonne piste pour comprendre ce qui est le propre d'une nation,
15:57 mais quoi qu'il en soit, il est vrai que lorsque l'État s'effondre,
15:59 lorsque l'autorité s'effondre, des autorités nouvelles arrivent.
16:02 Lorsqu'un peuple s'efface, d'autres peuples s'installent.
16:05 Lorsqu'une civilisation s'efface, une autre civilisation s'installe.
16:08 Lorsqu'un État s'efface, les mafias s'installent, les gangs s'installent,
16:12 les bandes s'installent, les différentes milices s'installent.
16:16 Ça, c'est le prix de l'effondrement de l'État.
16:18 Mais on le sait à peu près, cette part du diagnostic,
16:21 donc je me permets de me tourner vers une autre part souvent oubliée.
16:24 Une société, c'est aussi un ensemble symbolique, culturel.
16:27 Il y a des interdits, des choses qui ne se font pas.
16:30 Il y a des interdits moraux, il y a des digues culturels.
16:33 Alors qu'est-ce qu'on a fait depuis 50 ou 60 ans au nom de la déconstruction,
16:37 si ce n'est qu'on a détruit toutes les digues qui contenaient les pulsions violentes,
16:41 les pulsions meurtrières, les pulsions chaotiques qu'il y a dans le cœur humain.
16:45 On les a libérées au nom de l'émancipation d'un individu,
16:48 de collectivité qui ne devait plus vivre sous quelque forme d'inhibition que ce soit.
16:52 Eh bien, le résultat, on l'a eu.
16:54 C'est un peu ce que nous disait Houellebecq à sa manière dans certains de ses livres.
16:57 Donc tout ressort, les pulsions chaotiques qui sont dans le cœur de l'homme ressortent à travers cela.
17:02 Donc c'est une société qui n'est plus ordonnée.
17:04 Elle ne tient que par l'alcool, la drogue et ainsi de suite.
17:07 Elle ne tient finalement que par des régulateurs extérieurs, des médicaments.
17:10 Elle ne se consomme plus à froid.
17:12 C'est une société désordonnée, c'est une dissociée.
17:15 - Dans un instant, vous allez vous arrêter un peu plus longuement sur la Nouvelle-Calédonie.
17:20 - Oui.
17:21 - Puisqu'on a appris qu'un gendarme de 22 ans est décédé
17:24 et que c'est vraiment l'état d'urgence, ce soir, à partir de 20h00, heure de Paris.
17:30 Guillaume Bigot, ravi de vous voir ce soir.
17:33 Mohamed Amra, il était lié au trafic de drogue, selon une source policière.
17:38 Il était connu de l'OFAST, je le disais en titre,
17:41 l'Office anti-stupéfiants qui regroupe des policiers, gendarmes, douaniers,
17:45 connu pour le trafic entre les Antilles et Marseille.
17:48 On va s'arrêter avec vous, Guillaume, sur ce que vous pouvez appeler les contradictions,
17:53 les hypocrisies, voire les mensonges,
17:56 qui entourent la question du trafic de stupéfiants en France.
18:00 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
18:02 - En réfléchissant à ce problème, dont on voit bien qu'il est de plus en plus grave,
18:06 de plus en plus tragique,
18:08 je suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de choses qui étaient contradictoires,
18:12 des réalités qui étaient contradictoires.
18:14 Première réalité contradictoire, on assiste vraiment à un ensauvagement,
18:17 c'est indiscutable, et en même temps, on essaye de faire progresser l'État de droit.
18:23 Ça ne va pas du tout ensemble, si vous voulez.
18:25 Donc plus les criminels sont violents d'un côté,
18:27 et plus l'État s'auto-limite dans sa répression.
18:31 Même si on peut de temps en temps voter des lois plus dures,
18:34 de toute façon, il y a le code de procédure pénale, qui est ce qu'il est,
18:37 il y a un manque de place de prison,
18:39 il y a une latitude donnée aux magistrats pour analyser individuellement chaque cas,
18:44 et le résultat est celui-là.
18:45 Deuxième paradoxe, plus la consommation de produits stupéfiants se banalise,
18:51 et plus on veut réprimer le trafic.
18:54 Là, il y a quelque chose aussi, sans porter aucun jugement,
18:56 qui est contradictoire.
18:57 6 millions d'utilisateurs que pour le cannabis,
19:00 et vous allez sur des réseaux cryptés, télégrammes, etc.,
19:05 et vous trouvez toutes sortes de produits qui vous sont livrés chez vous.
19:08 Autre paradoxe, on veut de plus en plus de mondialisation.
19:12 Les entreprises ne veulent pas de stock,
19:14 veulent se sourcer à l'autre bout du monde,
19:15 qu'il n'y ait plus de frontières, que tout ça soit fluide, etc.
19:18 On ne veut plus de douane, surtout,
19:20 et en même temps, on prétend stopper le trafic de stupéfiants.
19:24 On ne comprend pas bien.
19:25 Ce sont des réalités qui sont totalement contradictoires.
19:27 Vous prenez le point de contact, pour le cannabis,
19:29 c'est essentiel, entre l'Espagne et le Maroc, Algeciras,
19:32 c'est 15 000 camions par mois.
19:34 Vous prenez le port de Rotterdam, c'est 1 million de containers par mois.
19:38 Donc, c'est juste trouver une aiguille dans une meule de foin.
19:41 Autre paradoxe, de plus en plus de pays légalisent,
19:44 et notamment notre voisin allemand, maintenant, qui s'y est mis,
19:49 mais on l'entend réprimer en France,
19:51 et notamment, comme on l'entend tout faire en France, en européen.
19:54 Voilà. Bon courage.
19:56 Donc, ce débat est vraiment miné par toutes sortes d'hypocrisies.
19:59 Première hypocrisie, l'hypocrisie culturelle.
20:02 On voit bien que les séries télévisées, le rap, etc.,
20:06 tout ça glorifie et les trafiquants et la consommation.
20:10 Hypocrisie sociale, les people, bon ben voilà, ils consomment,
20:14 même s'ils n'en parlent à la télévision, ils ne sont pas gênés, etc.
20:18 Hypocrisie politique, pendant des décennies,
20:20 on a fait semblant de ne pas voir qu'on les laissait quand même s'organiser
20:24 dans des quartiers, parce que finalement, c'était un moindre mal
20:27 qu'il y ait un peu de business dans tous les sens du terme.
20:30 Hypocrisie financière, les grandes banques de la place,
20:33 on ne va pas les nommer, les paradis fiscaux,
20:35 ben ils ne crachent pas du tout sur les milliards de la drogue,
20:38 on ne va pas se raconter d'histoire, alors.
20:40 Hypocrisie géopolitique, on veut de bonnes relations avec le Maroc,
20:44 ben c'est un pays producteur, et maintenant, c'est un pays qui légalise,
20:47 qui commence à légaliser. On veut de bonnes relations avec Dubaï,
20:50 il se trouve que nos dealers, ils dépensent leur argent tranquillou.
20:53 On veut de bonnes relations avec le Qatar, on les fait même venir ici,
20:56 la police et les officiers qataris, pour superviser la sécurité des Jeux olympiques,
20:59 sauf que les gros bonnets de la drogue à Marseille,
21:01 ils investissent leur argent où ? Au Qatar.
21:03 La Chine, c'est bien qu'elle joue un rôle clé dans les drogues de synthèse,
21:06 parfois c'est directement des régiments de l'armée chinoise,
21:08 on dit les services de renseignement, qui produisent.
21:10 Donc comme ça, c'est réglé. Mais évidemment, on ne va pas en parler à Xi Jinping,
21:13 bien évidemment. Trump, les Etats-Unis,
21:16 Trump, c'est très dur contre la guerre de la drogue.
21:19 Oui, sauf qu'il est intervenu pour faire libérer un général,
21:22 mexicain, qui était lui-même à la tête
21:25 de narcotrafic. Donc on voit bien
21:28 que cette guerre contre la drogue, c'est une énorme plaisanterie.
21:31 Les gens qui veulent, par exemple, la DEA à la française, à l'américaine.
21:34 On peut faire le bilan, ce qui s'est passé aux Etats-Unis ?
21:37 Ils ont utilisé des hélicoptères de combat, ils ont les technologies dernier cri,
21:40 ils ont même jeté du napalm sur les plantations
21:43 de coca et autres. C'est quoi le résultat ?
21:46 Ah, ça explose. Intéressant. Donc, en fait,
21:49 il faut arrêter de se raconter des histoires. Donc, soit vous allez chez les talibans
21:52 et vous coupez les bras des gens qui vendent de la drogue, là, ça peut éventuellement fonctionner.
21:55 Mais si vous voulez, dans le cadre de l'État de droit, on peut tourner autour du pot.
21:58 Mais la guerre contre la drogue, tel qu'on l'envisage dans le cadre de l'État de droit,
22:01 moi, je pense que ça ne fonctionne pas du tout. Et donc, on passe, à mon avis,
22:04 à côté des défis réels parce que la question de la drogue,
22:07 à mon avis, elle est mal posée, elle est mal formulée.
22:10 Et si on fait une mauvaise diagnostic, on a une mauvaise solution.
22:13 Couper les bras, c'est quand même pas... Les mains, je crois, pour les voleurs
22:16 pour les trafiquants. - Pour les mains des voleurs.
22:19 - Enfin, chez les talibans, quand il y a une application dure.
22:22 - On pose mal le problème de la drogue. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
22:25 - Parce que je pense que c'est deux en un, le problème de la drogue.
22:28 Il y a deux problèmes. Il y a un problème sanitaire, c'est la drogue en tant que telle.
22:31 Et il y a un autre problème qui est le caractère criminel du trafic,
22:34 le caractère criminogène du trafic quand c'est interdit.
22:37 Et donc, il y a deux dangers. Il y a un danger sanitaire, de toute façon,
22:40 il existe, il ne faut pas se voiler la face. Et il y a un danger infiniment plus grave,
22:43 dont Mathieu parlait, parce que ça alimente ce phénomène d'auto-effondrement de l'État.
22:47 C'est-à-dire que l'État n'a plus le monopole de la violence légitime.
22:50 Et à un moment, il y a des gens qui sont beaucoup plus craints sur le territoire que l'État.
22:53 Ils s'appellent des mafias, c'est le fameux narcotrafic, etc.
22:56 Et ça peut prendre des proportions dantesques.
22:59 Dantesques. C'est-à-dire qu'au Mexique, c'est 457 000 morts, le bilan de cette guerre.
23:03 C'est monstrueux. C'est quasiment la guerre entre l'Ukraine et la Russie.
23:07 La drogue comme problème sanitaire, il ne faut pas le négliger,
23:10 mais c'est infiniment moins grave.
23:13 D'abord, il n'y a aucune société humaine, là aussi, on ne va pas être hypocrite,
23:16 il n'y a aucune société humaine qui peut se passer de produits qui désinhibe.
23:19 On appelle ça des drogues avec des guillemets.
23:22 Ça s'appelle le kif, par exemple, au Maghreb, le kat au Yémen,
23:26 c'est la coca pour les Indiens des Andes. En Europe, c'est l'alcool.
23:30 Et qu'est-ce qui se passe en général quand vous prenez un produit désinhibant
23:33 qui est culturellement maîtrisé, qui est consommé socialement,
23:36 et que vous le sortez de son écosystème culturel ?
23:38 Vous prenez l'alcool, vous l'amenez chez les Indiens un peu rouges, c'est une catastrophe.
23:41 Vous prenez le kif, vous l'amenez le cannabis en Europe, c'est une catastrophe,
23:45 les gens ne savent pas le consommer.
23:47 Mais en fait, bien sûr, toutes les drogues ne se ballent pas,
23:49 et bien sûr, toutes les drogues peuvent donner lieu à des consommations
23:52 complètement addictives et délirantes, y compris pour l'alcool d'ailleurs.
23:55 Mais ce problème sanitaire, je le répète, il est moins grave que l'effondrement de l'État.
23:58 On va se demander dans un instant, est-ce que la légalisation
24:01 peut résoudre justement le défi le plus grave, le défi criminel ?
24:06 On parlera dans un instant aussi avec vous, Charlotte Dornelas,
24:09 de la véritable vie au quotidien des agents pénitentiaires.
24:13 Avec vous, on parlera d'Arnaud Garcia, 34 ans, qui a été tué hier,
24:18 et puis ceux qu'on en sait un peu plus à propos de Mohamed Hamra.
24:22 On marque une pause, on revient tout de suite. À tout de suite.
24:25 - On te pose la prochaine question ? - Très bien.
24:30 - On est en direct, je te pose la prochaine question.
24:35 - Je t'adore. - On est en direct.
24:38 La prochaine question est la suivante.
24:40 Mathieu Kassovitz assure la promotion d'un documentaire
24:43 qui prône la légalisation de la consommation,
24:46 mais aussi de la production du cannabis en France.
24:48 Vous pensez que le débat doit être ouvert là-dessus ?
24:51 - Oui, je pense que la situation est tellement grave
24:54 qu'il ne faut pas de tabou et qu'il faut absolument discuter de tout.
24:57 Mathieu Kassovitz prétend que son documentaire est complètement objectif sur la question.
25:00 Par ailleurs, il admet être un criminel,
25:03 par ailleurs il admet être un consommateur régulier de cannabis.
25:06 Donc je pense qu'il est évidemment complètement engagé.
25:09 Il y a un énorme biais.
25:12 Mais pour autant, ce n'est pas inintéressant.
25:14 Il y a un tour du monde, il passe dans les pays qui ont légalisé,
25:17 l'Espagne, les Pays-Bas, le Maroc est en train de le faire,
25:20 le Canada surtout, et la Thaïlande.
25:23 Des pays qui étaient très répressifs et qui maintenant sont en train de légaliser.
25:26 Et les leçons qu'il en tire, c'est d'abord que la seule légalisation acceptable
25:31 en matière de drogue, c'est le cannabis.
25:33 Et encore le cannabis, pas pour tout le monde,
25:35 il faut vraiment interdire strictement pour les plus jeunes,
25:38 parce que le cerveau est en construction.
25:40 Deuxième leçon à tirer, il vaut mieux ne pas légaliser du tout,
25:45 parce que si on légalise à moitié, comme l'a fait l'Espagne et les Pays-Bas,
25:48 c'est-à-dire la consommation, la détention est tolérée,
25:52 mais en fait il y a une espèce d'hypocrisie sur l'acheminement du produit,
25:56 la culture du produit, c'est la pire combinaison possible.
25:59 Et là, ça fait vraiment exploser la violence.
26:02 La légalisation améliore un peu le problème sanitaire,
26:05 ne le règle pas complètement bien sûr, parce qu'on constate quoi ?
26:08 On constate qu'il y a la même quantité de consommation
26:10 quand on a légalisé avant et avant la légalisation et après.
26:14 Ça permet de faire de la prévention, ce qui n'est pas complètement inefficace.
26:17 Et au Canada, ils parlent d'une baisse de 15% chez les plus jeunes
26:21 de la consommation de cannabis.
26:23 Donc ça n'a pas l'air d'être complètement inefficace.
26:25 Mais surtout, on ne constate pas, et ça c'est le point clé,
26:28 une explosion, comme on pouvait le craindre,
26:30 de la prise de produits plus dangereux.
26:32 C'est ce qu'on appelle la théorie de l'escalade,
26:36 c'est-à-dire que si on interdit le cannabis,
26:40 les trafiquants vont se reporter pour faire leur argent
26:43 vers des produits beaucoup plus durs,
26:45 et donc ça va faire une flambée de consommation
26:48 de produits beaucoup plus dangereux que le cannabis.
26:50 Ce n'est pas le cas dans aucun pays apparemment.
26:52 Alors la légalisation, est-ce qu'elle peut résoudre le défi plus grave,
26:56 le défi criminel ? Parce qu'on parle beaucoup de légalisation.
26:59 Non, ça peut affaiblir le crime organisé un peu,
27:02 parce que ça diminue un peu son chiffre d'affaires,
27:04 ça lui retire une partie de son chiffre d'affaires.
27:06 De toute façon, ça n'empêche pas la contrebande.
27:10 Les cigarettes, par exemple, sont légales,
27:12 mais vous avez énormément de cigarettes de contrebande,
27:14 et notamment parce qu'il y a des taxes.
27:16 Donc il y aura toujours un marché noir, y compris du cannabis,
27:18 si vous légalisez le cannabis.
27:20 Par contre, le plus intéressant, c'est quand même,
27:23 la clé, c'est que ça ne déclenche pas la consommation,
27:26 et ça ne déclenche pas plus de consommation,
27:29 et donc aussi plus de trafic de produits plus dangereux.
27:33 Donc ça peut avoir une petite utilité,
27:34 et notamment de dégager des moyens de la police,
27:36 parce que le phénomène quand même de narcotrafic est tellement grave,
27:39 qu'on peut se poser la question de savoir s'il ne faut pas dégager
27:41 des moyens policiers pour se concentrer sur des mafias
27:45 qu'on affaiblit par ailleurs sur un plan financier.
27:47 Moi, je crois que l'erreur, c'est vraiment d'opposer,
27:50 parce que c'est classique dans le débat,
27:51 d'opposer d'un côté la légalisation et la répression.
27:54 Je pense qu'il faut, en fait, idéalement,
27:56 probablement envisager les deux simultanément.
27:58 C'est-à-dire légaliser le cannabis avec des cadres fous,
28:00 et en même temps réprimer de manière beaucoup,
28:02 beaucoup plus dure.
28:03 L'homme de gauche parle.
28:05 Non, c'est ni gauche ni droite en réalité.
28:07 C'est une approche un peu pragmatique.
28:09 Pourquoi ? Parce que je pense qu'il ne faut vraiment pas
28:11 se voiler la face sur le risque d'effondrement de l'État.
28:14 Et pourtant, l'État est très fort en France.
28:16 On a une culture de l'État très forte.
28:17 On a été constitué par un État.
28:19 On a encore cette culture.
28:21 Mais c'est dangereux.
28:22 Et un jour, je me souviens que Charles Pasquoie m'avait dit,
28:24 c'était assez étrange, parce qu'il incarnait la loi et l'ordre,
28:28 c'était un des grands ministres de l'Intérieur de la République.
28:30 Vous avez travaillé avec lui ?
28:31 Entre autres, mais il m'a dit, vous savez,
28:34 dans le corps humain, il y a des bactéries,
28:37 et si on essaye de supprimer toutes les bactéries du corps humain,
28:40 et bien en réalité, ce qui se passe,
28:42 c'est que le corps humain est envahi par les bactéries
28:44 et on est complètement colonisés.
28:48 Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ?
28:49 Il voulait dire qu'en fait, c'est assez infantile d'imaginer
28:51 qu'on peut faire disparaître toute criminalité,
28:53 et notamment toute criminalité organisée.
28:55 Il faut en laisser substituer un minimum de manière résiduelle
28:59 et qui finalement nettoie un peu l'organisme.
29:01 Alors au Japon, dans un autre contexte culturel,
29:04 c'est très surprenant, mais on voit des conférences de presse à Tokyo
29:07 entre le chef de la police et la mafia japonaise.
29:10 Et le chef de la police demande à la mafia japonaise de s'excuser
29:13 parce que le taux de criminalité est très bas là-bas.
29:15 C'est peut-être lié au fait qu'il laisse fonctionner
29:19 un minimum de mafia résiduelle.
29:21 Et donc le monde de la transparence, des droits de l'homme absolus,
29:24 ça n'a pas l'air de très bien fonctionner.
29:27 C'est la formule de Pascal qui fait l'ange fait la bête.
29:31 Sans parler d'un autre tabou et non-dit, c'est la racine du problème.
29:35 C'est pourquoi les gens consomment des stupéfiants
29:38 et c'est la question de la prévention et du mal-être.
29:41 - Et c'est vrai qu'on en parle régulièrement avec Marc Menand.
29:45 Vous avez parlé tout à l'heure de l'hypocrisie.
29:47 J'aimais bien ce que vous avez dit.
29:50 En revanche, sur l'hypocrisie de la Chine...
29:52 - Oui, la Chine, je vais modérer mon profond.
29:54 - Vous avez dit qu'ils font des principes actifs.
29:56 - Ma langue a fourché. C'était plutôt des principes actifs.
29:59 En fait, ils exportent. Ils ont un monopole maintenant quasi
30:02 des principes actifs dans les médicaments en général
30:04 et des principes actifs qui sont utilisés pour fabriquer des drogues de synthèse.
30:07 Problème qui est très grave, celui des drogues de synthèse.
30:10 - En tout cas, on nage dans cette hypocrisie.
30:13 Merci beaucoup pour votre papier.
30:16 Marc Menand, d'un côté, ce soir, on en sait un peu plus
30:19 sur cet homme exécuté hier lors de l'attaque dans l'Eure.
30:24 Il s'appelle Arnaud Garcia, 34 ans.
30:27 Il allait être père. On en sait plus.
30:29 Vous allez nous en dire un peu plus tout à l'heure.
30:31 De l'autre côté, on en sait aussi un peu plus sur Mohamed Amara.
30:35 Ce visage poupin, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Libération 20.
30:38 On va voir quand même l'extrait parce que vous n'allez pas me croire sinon.
30:41 Donc, je vais vous montrer l'extrait où Libération décrit,
30:46 dans cette phrase qui s'affiche.
30:49 C'est un article de Libération publié hier à 21h05
30:53 à propos de Mohamed Amara que dans tous les médias,
30:57 s'est affiché le visage poupin du trentenaire d'1m85 aux cheveux noirs
31:02 qui a pris la fuite avec ses complices.
31:05 - Trentenaire en plus. Alors, c'est extraordinaire
31:08 parce que sur les réseaux sociaux, le mot d'ordre, c'est
31:12 "On ne donne pas son prénom, on ne donne pas ses origines,
31:16 il ne faut pas d'identitaire, sinon ça va faire le jeu de l'extrême droite."
31:21 Voilà, c'est extraordinaire.
31:24 Et là, c'est appliqué par Libé. Libé, c'est un trentenaire au visage poupin.
31:28 - J'ai une réaction de Philippe Devilliers qui dit qu'il tombe de sa chaise.
31:31 On peut revoir la phrase quand même parce que...
31:33 Alors que toute la France pleure quand même ce qui s'est passé,
31:37 on voit dans tous les médias, je cite, "s'est affiché le visage poupin du trentenaire
31:42 à 1m85, cheveux noirs, qui a pris la fuite avec ses complices."
31:47 Marc Menand, on parlait de deux vies, deux existences,
31:51 deux trajectoires lorsque la droiture est brisée par le crime.
31:56 - Imaginez la Normandie avec Beauville.
31:59 Ce sont des images qui aussitôt vont ressusciter des souvenirs.
32:03 On est dans le Bocage, dans un petit village, Blangy-le-Château.
32:08 C'est à quoi ? Un quart d'heure, 20 minutes des planches de Deauville.
32:12 Il y a des petites collines. On est là, au calme, les oiseaux qui chantent, les haies.
32:18 Tout est guilleret.
32:20 734 habitants actuellement.
32:24 Et notre petit Arnaud Garcia arrive dans ce village.
32:29 Il a 10 ans. On le voit arriver, tout coquet,
32:33 parce qu'à cette époque, on est en l'an 2000, on a parfois des principes,
32:38 et quand on est fils d'un commandant de gendarmerie,
32:42 on se présente pas à l'école avec des jeans troués.
32:45 Et tout de suite, il est remarqué par ses camarades,
32:47 il fait preuve de grande fraternité.
32:50 Et l'un d'entre eux, c'est Dorian Coges, le maire actuel de ce petit village.
32:56 Et dans les éléments qu'il a distillés, s'il est là, il dit
33:01 "Tout de suite, on a été dans la sympathie."
33:04 Il avait le sens de la justice. Il haïssait l'injustice.
33:09 Et très tôt, il nous a fait part de son désir d'être l'un de ceux
33:14 défendant les principes de la République.
33:17 Être dans l'univers de la prison, mais côté surveillant,
33:24 ça le tracassait très tôt.
33:27 Ça, ce sont les éléments, avec un enfant qui s'intéresse au foot,
33:30 comme tout le monde. Alors quand on est du côté de Deauville,
33:35 on n'a pas véritablement une équipe emblématique,
33:39 lui, il se choisit le FC Lens. Dans ces années-là,
33:42 les Stiopaires, ils marchaient plutôt bien.
33:45 Et puis il y a la moto, bah oui, c'est pas mal la moto.
33:48 Bref, un gamin qui a de l'ambition, le sens de la camaraderie,
33:53 et puis qui un jour fait une rencontre avec une autre personne
33:57 qui a le cœur sur la main, qui veut aussi être dans une activité
34:02 où on ne pense pas spécialement à l'argent, mais au rôle
34:07 que l'on tient dans la société. Elle sera aide-soignante.
34:12 Au début de l'année 2024, cette jeune femme écrit sur Facebook
34:18 "11 ans d'amour". Que dire après 11 ans ?
34:23 Tu es et tu resteras mon plus bel amour. Je t'aime.
34:30 C'est le bonheur, c'est la joie. En ce début janvier,
34:34 elle est enceinte d'un mois. Et donc on se dit que cette année 2004,
34:41 c'est l'année magique. C'est l'année où on a la réalisation
34:46 de ce qui vous unit depuis 11 années. Le pire, forcément,
34:50 il est adjoint du maire, mais il est fier de son garçon
34:53 qui, depuis peu, est dans ce système des pénitentiaires
34:58 où on participe au transfert des prisonniers.
35:01 Hier matin, il ne sait pas du tout ce qui l'attend,
35:04 car théoriquement, il n'a pas une mission qui lui est assignée.
35:08 Quand il arrive, on lui dit "Il faut que tu remplaces un collègue".
35:13 Et c'est donc tout à fait par hasard qu'il se retrouve
35:17 dans la camionnette qui sera percutée par la voiture bélier
35:21 à côté de son capitaine Fabrice, qui lui a 53 ans.
35:25 Les brigadiers, on est là. Derrière, il y a les collègues
35:29 et on a confiance. Voilà un parcours exemplaire.
35:33 Un parcours de quelqu'un qui croit en la société,
35:37 qui, je dirais, avec quelques années de retard,
35:40 quand, dans notre pays, on peut s'inscrire
35:44 dans un principe d'avenir, dans une logique d'espoir.
35:48 De l'autre côté, ce que j'ai butiné ici et là sur Mohamed Amra,
35:53 il ne faut pas dire son nom, il ne faut pas dire "Mohamed",
35:56 parce que sinon, on fait le lit de l'extrême droite !
35:59 Je l'ai fait, pardon pour moi, je deviens un militant sans le savoir.
36:03 Toujours est-il que cet individu, on le repère très tôt,
36:09 dès l'âge de 11 ans, entre 11 et 14 ans,
36:14 par hâte, 19 fois, il est interpellé par la police.
36:18 Alors des vols, des violences, bref, c'est un énergumène
36:22 qui n'est pas véritablement fréquentable.
36:25 On s'interrogera dans quelques secondes sur le principe d'un môme comme ça,
36:28 qu'on laisse apparemment continuer dans sa dérive.
36:32 Il y a 15 ans, c'est la première arrestation, la première condamnation.
36:38 Mais alors quand on va plus loin, et ça je l'ai trouvé dans le monde,
36:41 on s'aperçoit qu'une fois en prison, là c'était depuis 2022,
36:45 il a quelques transferts, il était à Marseille il y a quelques semaines,
36:49 il était depuis peu de temps à Évereux,
36:52 ce garçon, il fait partie de ces potentats qui en prison vivent tranquillement, vous voyez ?
36:58 Il a sa petite chicha, bah oui, pour se détendre, sinon on s'ennuie.
37:01 Il y a une équipe de jeteurs qui répond à ses attentes,
37:05 on lui envoie des petites bouteilles, bah oui, de temps en temps,
37:09 c'est quand même agréable de se lever un petit coude.
37:12 On peut avoir une petite drogue, ça permet d'oublier les soucis du quotidien,
37:17 mais surtout, ce qui est invraisemblable, c'est qu'il est là, il règne sur son monde.
37:22 C'est-à-dire que, moi je connaissais pas, il y a un média crypté qui s'appelle Signal.
37:30 Et Signal, ça permet de donner des ordres.
37:33 Bon bah vous me faites tel coup, il menait ses affaires en prison.
37:37 - C'est une messagerie, oui. - Voilà, une messagerie.
37:40 Voilà donc ce que l'on sait aujourd'hui de ce visage poupin.
37:44 Salut les copains ! Vous vous rendez compte ?
37:47 Mais alors, moi maintenant j'aimerais m'interroger.
37:50 Qu'est-ce qu'il peut faire qu'un État, et je rejoindrai tout à l'heure,
37:54 enfin je rejoins les propos de mon ami Mathieu,
37:58 à savoir qu'un enfant puisse ainsi s'épanouir dans la violence,
38:04 s'épanouir sans avoir le moindre respect de soi et d'un autre.
38:09 Et je me suis rappelé de De Lattre de Tassigny,
38:12 qui a été l'un de nos plus grands généraux,
38:14 général le plus jeune au moment de la guerre, en 1939,
38:18 qui sera maréchal, un homme de lutte,
38:21 et qui avait inventé les camps légers d'instruction.
38:24 Que disait-il ? C'était en 1946.
38:28 Il faut qu'une armée forte, mais il faut également
38:32 que cette armée permette à des jeunes de trouver une structure.
38:37 Il faut que ces jeunes, grâce à leurs officiers,
38:40 grâce à leurs sous-officiers,
38:42 campent dans une stature qui soit celle de la camaraderie,
38:47 celle de la responsabilité, celle de la discipline.
38:50 Et là, on ne les met pas dans une caserne, non !
38:53 On les met dans des conditions les plus élémentaires.
38:56 Le matin, on se lève, de l'ordre, etc.
38:58 Et on est, à un moment donné,
39:00 dans la révélation de sa propre personnalité.
39:03 Et là, ça me fait penser aussi à Ségolène Le Royal.
39:07 On a ri d'elle ô combien quand elle disait
39:10 qu'il faudrait des camps avec les militaires
39:13 qui s'occupent de tous ces mômes.
39:15 On ne peut pas continuer à avoir un pays
39:17 où il y a autant de mômes qui sont là
39:20 dans une désespérance qu'il ne considère pas comme celle-là,
39:25 mais qu'il l'est quand même, puisqu'à la fois,
39:27 ils sont vendeurs de drogue et consommeurs de drogue.
39:30 Et on peut dire qu'on les enfermera en prison,
39:33 mais ça ne va rien donner.
39:35 Avec des structures comme celle de Delattre de Tassigny,
39:38 je pense qu'il y a une voie, au moins, à inventorier
39:42 pour se donner à nouveau l'espoir
39:44 et sortir du fameux chaos décrit si bien tout à l'heure par Mathieu.
39:48 Un hommage sera rendu aux Invalides
39:52 pour les victimes de cette attaque au fourgon.
39:57 Les surveillants pénitentiaires appellent à maintenir les blocages demain jeudi.
40:03 Depuis hier, ils décrivent partout leur peine,
40:07 leur colère aussi, Charlotte Dornelas.
40:09 Que comprendre de leur malaise ?
40:11 Déjà que lui aussi dure depuis longtemps.
40:14 Vous savez, on décrit le malaise de beaucoup,
40:18 notamment de fonctionnaires en France.
40:21 On les découvre souvent à l'occasion de drames.
40:23 C'est l'occasion, encore une fois.
40:25 Et cette colère, elle dessine un lent délitement,
40:28 encore une fois aussi, de leur métier,
40:31 tout simplement du sens de leur métier.
40:33 Et puisqu'il est question de leur sécurité depuis hier,
40:36 il faut comprendre un environnement,
40:38 en tout cas, c'est ce que j'ai compris en parlant à différents agents pénitentiaires,
40:43 un environnement général, c'est-à-dire des agents pénitentiaires sur le terrain
40:48 qui sont inquiets, notamment sur le terrain de l'administration,
40:51 et qui décrivent parfois une administration baignée de cet angélisme
40:55 qui est décrit aussi dans d'autres administrations
40:58 et qui est décriée par le terrain.
41:00 C'est une profession extrêmement syndiquée, avec une grosse participation.
41:03 Et on voit que les syndicats ont certaines revendications,
41:06 notamment sur le terrain de la sécurité des agents,
41:08 depuis de très longues années, sans que ça n'intéresse grand monde
41:12 et Marc nous parlait hier, justement, des grands oubliés,
41:15 ça c'est sûr que ça joue énormément.
41:17 Alors, depuis des années, certains me disaient,
41:19 tout est pensé en prison, et d'ailleurs ça, pour le coup, on le voit de jour en jour,
41:23 tout est pensé en prison par rapport aux détenus,
41:26 parfois légitimement, parfois beaucoup moins,
41:28 et jamais en fonction de, c'est exactement ce que décrivent certains policiers,
41:33 certains magistrats, comme on l'a vu récemment, également.
41:36 Et les droits de ces détenus finissent par importer davantage dans la réflexion
41:41 que ceux des surveillants de plus en plus malmenés au sein des prisons,
41:45 comme d'ailleurs les prisonniers entre eux.
41:48 Et alors, certains, pour être parfaitement juste dans l'environnement global,
41:52 certains notent que depuis quelques années, notamment depuis les attentats,
41:56 il y a quelques revirements sécuritaires ici et là,
41:59 par à-coups, à chaque fois qu'il se passe quelque chose,
42:02 mais pas dans la vision globale et la manière de penser la vie en prison
42:06 et la place de ces surveillants pénitentiaires.
42:09 Plusieurs gros problèmes sont soulevés, on l'a vu notamment à l'occasion de ces blocages aujourd'hui,
42:14 enfin ces blocages, c'est le mot, mais voilà, ces surveillants pénitentiaires qui ont pris le mot,
42:19 qui ont pris la parole, pardon, il y a beaucoup de problèmes qui sont évoqués.
42:22 Le premier est celui de la surpopulation carcérale,
42:25 qui est souvent évoquée, on l'a vu encore ce matin avec la défenseure des droits,
42:29 qui aborde la question de la surpopulation carcérale
42:32 en fonction de ce qu'elle pèse sur les prisonniers eux-mêmes.
42:35 Mais il y a énormément de problèmes qui sont engendrés par la surpopulation carcérale
42:39 qui ne concernent pas directement la question des prisonniers eux-mêmes,
42:43 qui en effet rebutent beaucoup de gens.
42:45 Quand on parle de surpopulation carcérale, tout le monde a dans la tête la question des prisonniers
42:50 et donc cette question rebute beaucoup de gens.
42:52 Mais il y a énormément d'implications dans la manière dont est rendue la justice
42:56 avec une sorte de régulation par rapport au nombre de prisons, par exemple,
42:59 dans la manière de l'aménagement des peines, des remises de peines, des libérations anticipées,
43:04 et évidemment pour le travail des surveillants pénitentiaires.
43:08 On a des chiffres qui sont tombés par le ministère de la Justice en février dernier.
43:12 On a en France un peu plus de 76 000 prisonniers,
43:16 une hausse de 5,5% en un an seulement,
43:19 pour 61 700 à peu près places opérationnelles.
43:25 On a donc une densité carcérale en France de 123,5%,
43:29 avec au passage de le note quand même 23% d'étrangers dont certains en situation irrégulière.
43:34 Il y a peut-être une piste à observer.
43:38 Et alors c'est évidemment inégal selon les prisons.
43:41 Cette surpopulation, elle touche notamment et massivement les maisons d'arrêt.
43:45 Les maisons d'arrêt, c'est là où on enferme les gens en détention provisoire,
43:49 donc les prévenus et non pas les prisonniers directement, ils ne sont pas condamnés,
43:52 ils sont en attente de leur procès.
43:54 Et désormais, les courtes peines, parce qu'il y a tellement plus de places ailleurs,
43:58 il y a aussi des courtes peines, et les courtes peines initialement c'était 1 ou 2 ans,
44:02 désormais ça va jusqu'à 5 ans,
44:04 donc c'est la majorité de nos prisons en France qui sont touchées par ça.
44:09 Et notons au passage qu'il y a aujourd'hui 92 600 personnes placées sous écrou,
44:15 c'est encore les chiffres du ministère de la Justice,
44:18 dont certains sont sous bracelet, placés en extérieur,
44:22 et donc toutes ces personnes sont considérées comme sous écrou en France.
44:25 Donc il y a déjà une seule partie qui est en prison.
44:27 Donc quand vous voyez que dans ces prisons il y a des courtes peines,
44:30 les courtes peines en prison, c'est déjà le haut du panier de la délinquance ou de la criminalité.
44:36 Ce n'est pas des prisonniers gentils qui font des toutes petites peines,
44:39 les toutes petites peines n'allant pas en prison, on le sait.
44:42 Donc un se pose légitimement la question de la dignité des prisonniers.
44:46 La prison est faite pour enfermer des personnes en raison des actes qu'elles ont posés,
44:50 certainement pas pour les faire vivre au milieu des rats, sur un matelas à 4 parcellules.
44:54 Cette question est légitime.
44:56 Mais il se pose aussi la question, et d'ailleurs sur la question de cette dignité des prisonniers,
45:02 peut-être que les défenseurs des droits des prisonniers devraient commencer par là,
45:05 et donc par la construction des prisons vis-à-vis des prisonniers,
45:08 plutôt que par l'accumulation des droits, parfois complètement lunaires,
45:12 que par la création d'activités que personne ne peut comprendre
45:15 et qu'on fait passer pour de la réinsertion alors qu'on achète en l'occurrence la paix sociale,
45:20 et par la contrainte de la répression vis-à-vis des prisonniers.
45:23 La première chose, c'est de leur offrir une vie quotidienne,
45:26 un minimum digne dans leur manière de vivre en prison.
45:29 Et cette surpopulation a un effet désastreux, je vous le disais,
45:32 sur le fonctionnement de la justice et sur le métier de surveillant pénitentiaire,
45:36 avec des conséquences graves.
45:38 Alors justement, en quoi consiste le problème de la surpopulation pour les surveillants pénitentiaires ?
45:43 Est-ce que c'est une question de gestion, de sécurité ?
45:46 C'est un peu tout ça en même temps.
45:48 Alors il faut comprendre le métier de surveillant pénitentiaire
45:50 pour comprendre pourquoi cette surpopulation les empêche de faire ce métier
45:53 et pèse donc sur le sens même du métier.
45:56 Dans les prisons, d'abord, vous avez les officiers,
45:58 donc les chefs, on va dire, d'établissement,
46:00 qui traitent essentiellement des audiences.
46:02 Les audiences, c'est-à-dire les prisonniers demandent audience
46:05 pour demander telle ou telle chose.
46:06 Ces audiences, massivement, elles concernent
46:09 "je ne m'entends pas avec tel codétenu dans ma cellule,
46:12 est-ce que c'est possible de changer de cellule ?"
46:14 Et donc vous régulez aussi par là la bonne gestion de votre prison,
46:19 la baisse aussi de la violence entre les détenus
46:22 et qui fait augmenter la violence tout court et donc envers les prisonniers.
46:26 Avec la surpopulation, ce travail est évidemment rendu,
46:29 si ce n'est impossible, au moins extrêmement compliqué.
46:32 C'est un levier, par ailleurs aussi, de discussion avec les prisonniers,
46:35 de gestion des prisonniers, qui n'est plus possible.
46:38 Ensuite, il y a la question de l'insécurité.
46:40 L'insécurité entre les détenus.
46:42 Alors, je vais vous prendre des exemples qui m'ont été donnés cet après-midi,
46:45 on comprend immédiatement.
46:46 Quand dans une cellule, vous avez par exemple un lit superposé,
46:48 il y a deux détenus,
46:49 tout à coup, il y en a un de plus qui arrive,
46:51 il faut le mettre sur un matelas par terre.
46:52 Vous, vous annoncez, agent pénitentiaire,
46:55 vous annoncez au troisième détenu que c'est lui qui va être sur le matelas.
46:57 Et là s'installe immédiatement un rapport de force dans la cellule.
47:00 Si par hasard c'est le plus costaud,
47:02 il va mettre la misère à un des détenus,
47:04 qui va arriver sur le matelas.
47:05 Et par ailleurs, vous avez évidemment cette question de la maltraitance,
47:09 de la gestion des incidents qui augmente considérablement par ce fait-là,
47:13 qui occupe donc des agents qui ne sont pas occupés à faire autre chose.
47:16 Et là, encore une fois, c'est les chiffres.
47:18 Alors, il date de 2022,
47:19 vous avez 4 900 faits de violences physiques,
47:22 je ne vous parle pas des violences verbales, etc.,
47:24 des violences physiques sur agent,
47:26 et 11 600 violences physiques entre détenus.
47:29 Ça vous occupe évidemment une part importante de votre journée
47:32 et de votre travail de gérer cette violence.
47:35 Ensuite, ça complexifie énormément la question du renseignement,
47:38 notamment par le biais des agents pénitentiaires.
47:40 Pourquoi du renseignement ? Dans la prison et dans la gestion.
47:43 Parce que, par exemple, vous avez des prisonniers,
47:46 ce rapport de force s'établit aussi dans, par exemple,
47:49 l'entrée, dont nous parlait Marc, l'entrée des portables,
47:52 de la drogue, de tous ces éléments, par le biais des parloirs.
47:55 Et là, les agents pénitentiaires me disent
47:57 "Il y a désormais des mules en prison, vous vous souvenez des mules en Guyane ?"
48:00 Là, c'est en prison. Ils arrivent dans les parloirs,
48:02 et vous prenez le petit gars un peu moins costaud que les autres,
48:05 vous lui faites peur, sous la pression ou par corruption,
48:07 c'est-à-dire en échange d'argent,
48:09 et vous lui dites "Au parloir, tu vas récupérer telle chose."
48:11 Mais donc, une fois que vous le prenez dans la cellule du petit gars un peu moins costaud que les autres,
48:14 et bien vous n'arrivez pas à remonter.
48:16 Donc c'est lui qui prend, mais vous n'êtes pas remonté jusqu'à la personne
48:20 qui est effectivement la personne qui fait rentrer de la drogue,
48:23 ou, par exemple, le téléphone.
48:25 Pareil pour l'échange des téléphones, vous allez le placer dans la cellule d'à côté
48:28 parce qu'il y a tellement de prisonniers que vous pouvez le faire passer.
48:31 Donc vous, agent pénitentiaire, vous trouvez un portable dans une cellule,
48:34 c'est évidemment le prisonnier.
48:36 Initialement, quand les prisonniers sont bien répartis,
48:38 vous savez immédiatement à qui est le portable.
48:40 Là, vous ne savez plus.
48:42 Donc vous ne pouvez plus, non plus, remonter cette question,
48:45 surtout, évidemment, quand la règle qui prime en prison est évidemment l'omerta.
48:50 Le premier qui parle aura eu tort de parler.
48:53 Et, évidemment, ça pèse aussi sur la réinsertion,
48:55 qui est l'obsession des défenseurs des droits, précisément.
48:58 Obsession légitime, encore une fois, sauf quand ça devient le seul enjeu de la prison.
49:03 Mais donc le temps d'investissement nécessaire auprès des bons prisonniers,
49:06 c'est-à-dire les prisonniers méritants,
49:08 méritent qu'on s'investisse précisément dans la préparation de la réinsertion dans la société,
49:12 pour eux, mais surtout pour la société aussi,
49:14 et bien ce temps-là est occupé à faire autre chose.
49:17 Or, initialement, le vrai savoir-faire des agents pénitentiaires,
49:20 c'est d'abord celui de vivre,
49:22 c'est ce que nous disait Marc hier, c'est l'enfermement volontaire,
49:26 c'est celui de vivre avec les prisonniers,
49:28 donc de les connaître,
49:29 donc aussi de renseigner sur tel ou tel prisonnier,
49:32 sur tel ou tel comportement,
49:34 et d'organiser la vie de la prison en fonction de ça.
49:36 Et les agents me disaient, c'est donc un double choc, on va dire,
49:39 par exemple dans l'agression, dans n'importe quelle agression,
49:41 évidemment celle d'hier en particulier.
49:43 D'abord parce qu'il y a la question, le choc de la violence elle-même,
49:46 et le choc de la "trahison" de cette relation
49:49 qui n'est rendue particulièrement impossible
49:52 en fonction de certains prisonniers, évidemment,
49:54 mais aussi de la surpopulation,
49:56 et à défaut de voir s'exercer cette compétence première,
49:59 ce savoir-faire premier de la pénitentiaire,
50:02 c'est-à-dire celui de gérer la prison,
50:04 et bien vous achetez la paix sociale.
50:06 Et là vous avez, un, une disparition du sens du métier d'agent pénitentiaire,
50:10 deux, un affaiblissement considérable de l'autorité,
50:13 parce que si vous êtes obligé d'acheter la paix sociale
50:16 par le biais de laisser rentrer certaines choses illégales,
50:18 faire des activités complètement lunaires,
50:20 on avait vu cette histoire de cartes par exemple,
50:22 et bien évidemment c'est aussi l'autorité qui perd.
50:24 Et quand vous perdez le sens de la mission,
50:26 et que vous ne pouvez pas payer des mille et des cents vos agents pénitentiaires
50:30 qui sont relativement mal payés,
50:32 et bien quel est le risque énorme ?
50:34 Celui de la corruption.
50:35 Parce que le seul moyen quand vous n'avez pas beaucoup d'argent à offrir,
50:38 c'est d'avoir une vocation.
50:39 Et quand vous cassez la possibilité même de la vocation,
50:42 vous ouvrez la porte évidemment à la possibilité de la corruption.
50:46 - Charlotte Dorn et Lascais, quels sont les autres problèmes évoqués par ces agents
50:52 dont la colère semble vraiment nourrie ces dernières heures,
50:54 au-delà de leur sidération après l'attaque sanglante du Foué ?
50:58 - Alors il y a évidemment beaucoup de problèmes,
51:00 et il y en a trois qui m'ont semblé ressortir beaucoup.
51:03 Celui 1 de la bureaucratisation, pardon, ça n'étonnera personne,
51:07 si je vous donnais un exemple.
51:08 En 2009, l'Union Européenne impose par exemple
51:11 que les fouilles des prisonniers à la sortie des parloirs
51:14 ou en retour de possibilité de sortie ne soient plus systématiques.
51:18 Mais qui dit que ça n'est plus systématique ?
51:21 À l'intérieur de la prison, on pouvait se dire
51:23 "Bon ben c'est pas systématique mais on va le faire à chaque fois quand même
51:25 parce que c'est nécessaire à chaque fois."
51:27 Sauf que sous l'air...
51:28 - Non, je fais une parenthèse, mais il faut juste m'expliquer pourquoi.
51:30 - Ah non mais ça n'a aucun sens.
51:31 - Et je ferme la parenthèse.
51:32 - Non mais je suis absolument d'accord avec vous.
51:34 Et sous Christiane Taubira, les fouilles,
51:37 on a imposé arbitrairement, pourquoi ?
51:39 30% de fouilles sur les prisonniers.
51:40 Ce chiffre ne sort de nulle part, ça n'a évidemment aucun sens.
51:43 C'est imposé à ce moment-là.
51:44 Il y a un lourd combat syndical à ce moment-là,
51:46 les attentats arrivent et on fait un revirement là-dessus en disant
51:49 "Mais à partir de ce moment-là, vous pourrez faire autant de fouilles
51:53 que vous voulez, entre guillemets,
51:55 mais il faudra l'accompagner d'un formalisme lunaire
51:58 et par ailleurs extrêmement chronophage.
52:00 Et donc à chaque fois que vous faites une fouille à la sortie d'un parloir
52:02 ou en retour de permission de sortie,
52:04 vous devez renseigner et motiver cette fouille dans un logiciel.
52:08 Tout ça prend évidemment un temps infini.
52:11 Pendant qu'ils font ça, ils ne font pas le reste.
52:13 Et là, encore une fois, vous retrouvez la perte du métier.
52:16 La deuxième chose, c'est la question de la gestion des ressources humaines.
52:19 Et là, tout se décrive une absence de vision généralisée
52:22 et notamment dans le temps long, sur le recrutement,
52:25 sur la distribution, sur la formation
52:28 et le nombre également de personnes que vous voulez.
52:31 Et la formation, pas forcément en fonction du ratio immunisé,
52:34 selon les prisons, selon l'organisation des prisons,
52:36 il n'y a pas forcément besoin du même nombre.
52:38 Mais ce qui est sûr, c'est que si vous construisez des prisons,
52:40 c'est mieux d'y penser.
52:41 Alors on ouvre la voie à des contractuels.
52:43 Là, ça a été annoncé en 2023.
52:45 Donc il y a certains responsables qui ont dit "Non, on a annoncé,
52:47 il y a des contractuels qui vont arriver."
52:48 Ça devait arriver au 1er janvier 2024.
52:50 En mars 2024, on a dit "Bon, finalement, ça ne va pas être partout,
52:53 on va faire des tests."
52:54 Et donc, ce sera peut-être en 2025, en fonction de l'expérimentation.
52:57 Là, c'est l'affaiblissement de la confiance aussi,
53:00 dans la promesse et la parole politique.
53:01 Et la dernière chose qui accompagne ce que je viens de dire,
53:05 c'est le manque de visibilité.
53:07 Et là, il y a un exemple qui a été donné,
53:09 c'est celui de l'architecture des prisons.
53:11 Les prisons mettent beaucoup de temps à sortir de terre.
53:13 Et aux architectes, on commande avec une vision politique de la prison.
53:16 Et là, certains me disaient "Il y a des prisons qui,
53:18 aujourd'hui, sortent de terre, qui ont été pensées précédemment,
53:21 sous d'autres mandatures, avec d'autres visions politiques,
53:24 qui sont, par exemple, des prisons ouvertes."
53:25 Mais une prison ouverte, quand vous avez une longue...
53:27 Des prisons ouvertes à l'intérieur.
53:29 Mais ils me disaient "Quand vous avez une longue coursive,
53:31 vous pouvez avoir 3 000 détenus et un surveillant pénitentiaire
53:34 qui gère cette coursive-là.
53:35 Quand vous faites trois coursives avec des jardins d'intérieur
53:38 entre les deux, vous en avez besoin de trois."
53:40 Et ça, qui a pensé à ça, au moment où ces prisons sortent de terre
53:44 et que vous n'avez qu'une école d'agents pénitentiaires
53:46 et que ça n'a pas été prévu.
53:48 Pareil sur le question des transferments,
53:50 c'était notre sujet d'hier.
53:52 Le "transfert" du transferment entre la police
53:55 et les agents pénitentiaires a été mal prévu, sous-estimé,
53:58 mal pensé, avec parfois des conséquences absolument dramatiques.
54:01 - Mais par rapport à ce qui s'est passé hier,
54:04 le père d'Arnaud, qui était commandant de la dramerie, a écrit
54:09 "Moi, je sais ce que c'est, les zones de conflit,
54:12 la mort qui rôde.
54:14 Et ça, oui, c'est le métier.
54:16 En revanche, hier, c'était un quétapant, c'était un assassinat."
54:20 Il serait bon que certaines s'en rappellent
54:22 quand elles parlent de risque du métier.
54:24 - Et d'accident, comme disait Mathieu tout à l'heure.
54:27 Mathieu Bocoté, les événements de Nouvelle-Calédonie
54:30 donnent à plusieurs l'impression que la France bascule
54:33 dans une situation de guerre civile.
54:36 Employons le mot, si vous permettez,
54:38 les violences dont nous parlions au début d'émission,
54:41 tout à l'heure avec vous, s'y condensent.
54:43 Question qu'on a envie de tous se poser ce soir,
54:46 bien qu'on se la pose de façon consciemment et inconsciemment,
54:49 est-ce que cette situation est celle qui attend
54:53 la métropole, l'Hexagone, demain?
54:56 - Je distinguerais d'abord ce qui se passe là-bas
54:59 pour voir dans quelle mesure.
55:01 Est-ce que les Outre-mer annoncent l'avenir de la France?
55:04 Oui et non.
55:05 C'est-à-dire, oui, les Outre-mer, c'est la France,
55:07 mais non, c'est pas la même sociologie,
55:09 c'est pas la même démographie, c'est pas la même situation.
55:12 Donc, il y a un rapprochement à faire,
55:14 vous me direz un peu forcé, mais je le crois nécessaire,
55:17 entre les événements en Nouvelle-Calédonie
55:19 et les émeutes de l'an dernier.
55:21 Je m'explique.
55:22 Qu'est-ce qu'on voit là?
55:23 C'est autour d'un événement politique,
55:25 d'abord en Nouvelle-Calédonie,
55:26 autour de la question de la composition du corps électoral.
55:28 Dimitri nous en a très bien parlé hier.
55:30 Donc, il y a des protestations politiques qui dégénèrent.
55:33 Ça, c'est l'événement premier.
55:35 Ensuite, les violences, et là, on note que ça dégénère
55:38 très, très, très rapidement dans une extrême violence.
55:41 Qu'est-ce que ça veut dire quand ça dégénère aussi rapidement?
55:43 Il y a deux possibilités.
55:44 Soit, un, que des gens étaient préparés
55:46 à s'emparer des circonstances,
55:48 soit, deux, il y a une telle violence contenue dans la société
55:51 qu'il suffit d'un événement pour que tout explose.
55:55 Dans les circonstances, qu'est-ce qu'on voit?
55:57 Les premières violences sont politiques, évidemment.
55:59 Mais j'en entends beaucoup...
56:00 En fait, j'entendais ça hier dire,
56:02 oui, mais ce ne sont pas que des violences politiques,
56:05 il y a aussi beaucoup de voyous qui se mêlent de ça,
56:07 donc calmons-nous un peu.
56:09 C'est une distinction qui, fondamentalement,
56:11 n'a aucun sens quand une crise commence.
56:13 Quand une crise commence, il y a toujours le prétexte politique.
56:16 Il est là, donc les premières violences
56:18 sont politiquement motivées, mais qu'est-ce qui arrive?
56:20 Une brèche s'ouvre.
56:22 Quand une brèche s'ouvre, l'ensemble,
56:24 ce qui est un peu ce que je disais en premier édito,
56:26 l'ensemble des passions, l'ensemble des colères,
56:28 des frustrations, mais aussi les différents...
56:31 les personnalités portées vers la castagne,
56:33 les voyous, tout ça, qui traînent dans une société,
56:35 voient une brèche et sont appelés par la brèche,
56:38 en quelque sorte.
56:40 Ils sont appelés par le chaos, ils sont appelés par la violence,
56:43 et dès lors se mêlent dans une même dynamique
56:46 de violences politiques, et violences qui ne le sont pas,
56:49 mais qui se fondent ensemble dans un mouvement
56:51 qui, à la hauteur de l'histoire, à bon auteur sociologique,
56:54 est un mouvement politique.
56:56 Je fais le lien avec les émeutes de l'an passé pour une raison simple.
56:58 Charlotte nous racontait, quelques mois après,
57:01 c'était un rapport, qu'à peine 10 % de mémoire,
57:03 peut-être était-ce un autre chiffre,
57:05 les jeunes qu'on avait trouvés, qu'on avait interpellés
57:08 dans les manifestations référaient à Nahel
57:10 lorsqu'ils justifiaient leur présence dans la manifestation.
57:13 10 ou 12 %, quelque chose comme ça.
57:15 Or, ce qui est intéressant... - Oui, dit Charlotte.
57:17 - Donc 10 %, très bien.
57:19 Donc 90 %, c'était pas leur premier motif.
57:21 - C'est ça. - Donc qu'est-ce qu'on voit?
57:23 C'est la même structure d'action.
57:25 C'est-à-dire, il y a des gens qui se mobilisent d'abord
57:27 pour des raisons qui se veulent politiques,
57:29 dans ce cas-là, la protestation contre ce qu'ils appelaient
57:31 la violence policière, et ainsi de suite,
57:33 alors tous ceux qui attendent un événement
57:35 pour se projeter au coeur de la crise,
57:37 pour s'emparer de la crise, pour l'amplifier,
57:39 s'y jettent, et là, c'est le mélange des deux,
57:41 et là, la situation peut basculer,
57:43 et on le voit avec l'usage des haches, hachettes,
57:45 et ainsi de suite, elle peut basculer dans la plus extrême violence,
57:47 et on sent qu'il suffit de très peu de choses
57:49 pour qu'une société s'effondre.
57:51 - Alors... - Oui, vas-y.
57:53 - Est-ce qu'un scénario, un tel scénario,
57:55 est possible en France métropolitaine?
57:57 - Alors, je dis, il faut prendre le souci des distinctions,
58:00 et voyons simplement, faisons un saut dans 20 ou 30 ans,
58:03 et vous me le permettrez, pas simplement parce que c'est de la politique fiction,
58:06 mais simplement, voyons les conséquences politiques
58:09 des tendances démographiques et sociologiques actuelles.
58:12 Imaginons que les quartiers qui ont été, ou les territoires
58:15 qui ont été victimes, ou qui ont connu la submersion migratoire,
58:18 se multiplient, et se multipliant,
58:20 eh bien, s'autonomisent de plus en plus sociologiquement,
58:23 à une forme d'autonomisation, donc sur le mode décolonial,
58:26 c'est-à-dire, on ne veut plus l'autorité lointaine de l'État,
58:29 ce n'est plus nous, ça. Nous sommes une population nouvelle,
58:32 nous sommes en France depuis une, deux, trois, quatre générations,
58:35 des gangs organisent tout cela, des politiques sont complices,
58:38 au bout de tout cela, les conditions d'un soulèvement décolonial
58:41 pourront exister dans quelques décennies, pas l'an prochain,
58:44 mais prenons au sérieux. Et ajoutons à ça qu'à l'échelle de l'histoire,
58:47 quand il y a un esprit de revanchisme décolonial qui se conjugue
58:50 pratiquement, quoi qu'on en dise, à un esprit de conquête,
58:53 eh bien, dans 5 ans, j'en sais... Enfin, dans 1 an, j'en sais rien,
58:56 ou 30 ans, lorsque vous aurez tout ce qu'on voit en ce moment,
58:59 ce sera accéléré, et parce que les politiques sont souvent lâches
59:02 et complices, auront laissé faire, mais il se pourrait, effectivement,
59:05 qu'on voie là la possibilité d'un destin français en certains lieux.
59:08 - Vous êtes optimiste sur les 10, 20 ou 30 ans?
59:11 - Oui, c'est ma manière d'être optimiste, je reporte la catastrophe.
59:14 - Merci, mon cher Mathieu, merci Guillaume, Charlotte, Marc.
59:17 À tout de suite, l'heure des pro 2.
59:20 Merci.
59:23 [SILENCE]