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00:00 Marguerite Caton, bonjour ! Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:03 Alors, on part en exploration ce matin.
00:05 A l'époque où vous étiez scout Guillaume avec un totem que je ne dévoilerai pas, vous
00:09 étiez, m'a-t-on dit, le roi du croquis Guiluel.
00:12 Vous notiez consciencieusement le virage de la route, le champ de maïs à droite, le
00:16 bosquet de bouleau derrière, la voiture du postier au stop et puis bien sûr ce nuage
00:20 de pluie qui arrosa votre 4 boss.
00:22 Et bien ça y est, l'IGN, l'Institut National de l'Information Géographique et Forestière
00:27 vient vous faire concurrence à vous et à Google Maps avec une toute nouvelle application.
00:31 Bonjour Sébastien Souriano ! Bonjour Marguerite Caton !
00:33 Vous êtes le directeur général de l'IGN, la nouvelle application s'appelle tout simplement
00:37 IGN Carte.
00:38 Comment la présenteriez-vous en quelques mots ?
00:40 C'est une application d'abord qui est gratuite et qui permet d'avoir les fonctionnalités
00:46 de base pour se repérer, pour voir le territoire autour de soi, accéder à des cartes, des
00:51 vues aériennes et des données pour mieux comprendre sa situation géographique.
00:56 Se déplacer, comprendre le territoire, faire concurrence à Google Maps, le tout sur fond
01:01 d'Entrepoisselles on va y venir.
01:03 D'abord, qu'est-ce que vous reprochez à Google Maps du point de vue de la cartographie ?
01:07 C'est assez simple en fait, si vous regardez, si vous dézoomez un petit peu, parce que
01:12 ce sont des cartes qui sont souvent faites pour les aires urbaines, si vous dézoomez
01:16 un petit peu et que vous regardez le paysage de manière générale, en fait ce que vous
01:18 constatez, on a compté, il y a environ 92% de la superficie du territoire qui est en
01:25 fait de la même couleur.
01:26 Généralement c'est vert, mais ça pourrait être gris, ça pourrait être mauve, ça
01:29 pourrait être rose, la couleur que vous voulez, c'est-à-dire qu'en fait il n'y a pas
01:31 de données tout simplement, c'est juste du coloriage.
01:33 Et donc ces cartes, elles ont quelque part invisibilisé la richesse de notre territoire
01:38 pour se concentrer sur des enjeux commerciaux.
01:41 C'est pour ça en fait que vous avez des vues qui sont plus riches sur les centres-villes.
01:46 C'est ce qu'on appelle une économie de l'attention, c'est comme les réseaux
01:49 sociaux qui vont essayer de vous retenir et d'avoir votre attention pour la monétiser
01:54 à de la publicité.
01:55 Là ce sont des applications qui vont monétiser cette attention vis-à-vis de commerce que
01:59 vous allez potentiellement fréquenter.
02:00 Et donc ça peut être pratique pour tout un tas d'usages, mais ce sont des cartes
02:05 qui ont une intention.
02:06 Une carte a d'ailleurs toujours une intention, comme on dit la carte et le territoire, mais
02:10 cette intention-là elle est commerciale et donc ça masque à la fin la richesse de
02:13 notre pays.
02:14 Et dans votre application à vous, on commence par choisir son fond de carte, une photo aérienne,
02:18 la carte à 25 millièmes, un plan aérien.
02:20 On peut le compléter ensuite en ajoutant des données parmi 18 thématiques variées.
02:25 Les forêts par exemple, pour voir les différentes espèces sur chaque parcelle, le trait de
02:29 côte, les risques naturels, notamment la carte des pentes d'ailleurs.
02:32 Quelle est la différence Sébastien Saurianneau entre une carte des pentes et une carte du
02:35 relief traditionnel ?
02:36 Une carte des pentes c'est une carte qui est utilisée en prévention des risques,
02:42 et notamment qui va être utilisée pour les risques d'inondation.
02:46 C'est une information plutôt experte, mais qui fournit un certain nombre de calculs,
02:52 d'informations pour les enjeux de risque.
02:55 Et toutes les données que j'ai signalées peuvent ensuite être projetées dans le temps,
02:59 on peut remonter jusqu'aux années 50-60.
03:01 Alors on comprend bien l'objectif de sensibiliser aux enjeux écologiques, mais vous-même à
03:06 l'IGN, qu'est-ce que vous avez tiré de ce travail ? Qu'est-ce que vous avez appris ?
03:09 Qu'est-ce qui vous a frappé ?
03:10 Oui parce que, au fond, revenons à la question initiale.
03:13 Ça sert à quoi un service public de cartographie aujourd'hui ?
03:16 On pourrait se dire, vu qu'il y a Google, et bien fondamentalement le sujet majeur de
03:21 notre territoire c'est qu'il change.
03:22 Il change extrêmement vite.
03:24 Il change du fait de l'activité humaine.
03:27 Et donc cette anthropocène, cette ère dans laquelle c'est l'être humain qui est en
03:31 train de modifier le territoire, c'est un vrai défi pour le cartographe de montrer
03:36 ces changements.
03:37 Alors on le fait pour, par exemple, le ministère de l'écologie, où on fait la carte de l'artificialisation
03:42 des sols pour préserver la biodiversité.
03:44 Et donc on a voulu aussi apporter aux citoyens une information qui leur permet de comprendre
03:48 ces changements.
03:49 Et donc effectivement on permet de regarder l'évolution du trait de côte, de suivre
03:53 l'étalement urbain, de regarder des réaménagements qui ont pu avoir lieu, le réaménagement
03:58 du Rhône, le remembrement agricole des années 50, le repeuplement forestier dans les Alpes
04:03 après-guerre, avec effectivement une comparaison qui peut être faite avant-après.
04:09 Vous pouvez comparer la vue aérienne actuelle avec celle d'il y a 20 ans, avec celle d'il
04:13 y a 70 ans, vous pouvez même remonter aux cartes d'état-major, puisqu'on parlait
04:17 de Napoléon, ou même à la carte de Cassini du 18ème siècle et vous pouvez voir, vraiment,
04:22 c'est assez spectaculaire en général, comment ça a évolué.
04:25 On a même voulu éditorialiser ça, c'est-à-dire qu'il y a une centaine de points qui sont
04:29 proposés pour expliquer cet avant-après.
04:32 Voilà, on montre la construction de l'usine du Tricastin, ou l'évolution du port de
04:37 Royan, et d'autres exemples de ce type-là.
04:39 Finalement, l'idée, c'est la même que celle d'apporter la richesse du territoire,
04:46 c'est de redonner aux citoyens une position de surplomb, d'intelligence par rapport
04:50 au territoire, et de ne plus être guidé par une application qui va vous dire "va
04:55 à droite, va à gauche", mais de redonner de la hauteur de vue, ce qui est finalement
04:58 ce qu'on recherche à travers une carte.
04:59 - Comment avez-vous recueilli toutes ces données ?
05:01 - C'est un travail de longue haleine.
05:04 Les équipes de l'IGN sont sur le terrain, d'abord pour capter des vues aériennes,
05:13 mais ensuite on transcrit ces vues de manière très précise.
05:17 Vous avez des techniciens qui suivent ensuite les bâtiments, les routes, etc., qui les
05:23 transcrivent dans des grandes bases de données.
05:24 - Les différentes essences d'arbres, par exemple.
05:26 Il y a vraiment des techniciens sur le terrain qui sont allés regarder les essences d'arbres,
05:29 ou par vues aériennes, on arrive à dire "là c'est du chêne, là c'est du pin".
05:32 - C'est un croisement des deux, c'est par vues aériennes, vous avez raison, mais c'est
05:35 un vrai métier parce que la France est la forêt la plus riche d'Europe.
05:39 Dans cette carte des essences forestières, nous avons 32 essences.
05:43 Alors que si vous allez dans le nord de l'Europe, vous en avez deux à tout casser.
05:46 C'est un vrai métier de reconnaître ces essences de vues aériennes.
05:51 C'est croisé avec des données terrain pour vérifier la fiabilité, mais oui, c'est
05:55 tout un travail de fourmis qui est réalisé.
05:56 En fait, pas seulement pour cette application, c'est-à-dire qu'on fournit les bases de
06:01 données de référence de connaissances du territoire.
06:04 On travaille aussi, comme je le disais, pour des partenaires publics, comme le ministère
06:08 de l'agriculture, par exemple, pour recenser toutes les terres agricoles françaises.
06:12 Et donc ce sont ces données qu'on produit par ailleurs, qu'on a voulu mettre en avant,
06:18 valoriser auprès de nos concitoyens.
06:19 - Vous l'avez dit Sébastien Soriano, les GAFAM, notamment Google, ont surinvesti les
06:23 villes et les cartes y sont enrichies, de nombreux renseignements, les boutiques, les
06:27 services de proximité, au point de fabriquer les itinéraires, les affluences, même par
06:31 rebond le prix du billet commercial.
06:33 Que proposez-vous sur ce plan-là en ville ?
06:35 - Alors nous avons un partenariat avec OpenStreetMap.
06:38 OpenStreetMap, c'est le Wikipédia de la carte.
06:41 Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a en France près de 10 000 bénévoles qui,
06:48 le week-end ou en semaine, pourquoi pas, vont aller s'amuser à repérer les bancs, les
06:52 réverbères, à repérer les horaires de commerce et les rentrer dans une application participative.
06:58 Et donc vous avez une donnée descriptive du territoire qui va dépendre de la bonne
07:03 volonté mais qui quand même donne une information vraiment de qualité.
07:06 Vous allez trouver des distributeurs automatiques, vous allez trouver des toilettes publiques,
07:09 vous allez trouver toutes ces informations, y compris les commerces.
07:12 Et donc OpenStreetMap, c'est ce qu'on appelle un commun, c'est-à-dire c'est une communauté
07:16 qui partage cette donnée.
07:17 Et donc nous faisons apparaître ces points d'intérêt OpenStreetMap sur notre carte.
07:22 Et donc de cette manière-là, quelque part, nous nous allions avec les citoyens, une autre
07:28 branche des citoyens qui sont ses contributeurs pour fabriquer cette cartographie.
07:32 À l'IGN, nous croyons à ce qu'on appelle les géos communs, c'est-à-dire qu'on est
07:36 à un moment de la connaissance du territoire où il est impératif de la construire ensemble.
07:41 Parce que justement, comme le fait majeur, c'est le changement du territoire, si on
07:45 veut arrêter que le territoire change du fait de l'activité humaine, il faut qu'on
07:48 s'en occupe tous ensemble.
07:49 Est-ce que vous visez l'exhaustivité des commerces et services ?
07:53 Alors non, parce qu'effectivement, là, ça nous amènerait dans une logique commerciale
07:57 après.
07:58 Donc on veut rester dans cette approche de commun qui est une approche participative
08:03 et qui dépend de la mobilisation des mappeurs, comme on dit, d'OpenStreetMap.
08:09 Merci beaucoup Sébastien Souriano, IGN Carte, la nouvelle application gratuite à télécharger
08:13 sur tous les téléphones et je rappelle que vous êtes le directeur général de l'IGN.
08:17 Merci.
08:18 Merci.
08:19 6h39, les Matins de France Culture.

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