7 ans après que le # a été lancé! Il aura fallu tout ce temps pour que se fissure l’omerta sur la question des violences sexuelles. Autant qu’un autre milieu : l’armée. C’est étonnant parce qu’on associerait pas l’hôpital à la grande muette. Et pourtant.. je me suis rendue compte de la difficulté à y faire reconnaître le sexisme il y a quelques années, en découvrant l'existence de ce qu’on appelle les fresques carabines.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00 En toute subjectivité, comme tous les vendredis, avec vous Anne-Cécile Maéfert, bonjour !
00:04 Bonjour à toutes et à tous !
00:06 Aujourd'hui, Anne-Cécile, vous revenez sur l'hôpital qui connaît enfin son MeToo.
00:10 Oui, et 7 ans après que le hashtag a été lancé.
00:12 Il aura fallu tout ce temps pour que se fissure l'omerta sur la question des violences sexuelles.
00:17 Autant qu'un autre milieu, l'armée.
00:19 C'est étonnant parce qu'on n'associerait pas d'emblée l'hôpital à une grande muette.
00:22 Et pourtant, je me suis rendu compte de la difficulté à y faire reconnaître le sexisme il y a quelques années,
00:27 en découvrant l'existence de ce qu'on appelle les fresques carabines.
00:30 Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
00:31 C'était en 2015, j'étais alors à Oseille Féminisme,
00:34 et je découvre la photo d'une fresque pornographique dans un hôpital, peinte par des médecins,
00:38 représentant la ministre des droits des femmes en superwoman au centre d'une scène de viol collectif.
00:43 À ce moment-là, il existait un conflit très fort entre la ministre de la Santé,
00:47 également ministre des droits des femmes, et les médecins, au sujet d'une réforme.
00:51 J'ai immédiatement dénoncé cela car ni la culture carabine, des étudiants en médecine,
00:55 ni le conflit politique en cours ne pouvaient excuser que l'on représente ainsi le viol d'une ministre,
00:59 qui plus est, sur un lieu de travail, dans la salle de garde d'un hôpital public.
01:04 Mal m'en appris.
01:05 Presque immédiatement, les groupes Facebook des médecins mécontents ont trouvé mon numéro,
01:09 et donné la consigne de me harceler.
01:11 Des centaines de médecins de toute la France m'ont appelé ou envoyé des messages pour m'intimider,
01:15 expliquant par exemple qu'il ne valait mieux pas que je passe par les urgences de tel hôpital,
01:20 ou qu'ils continueraient tant que je ne reviendrai pas sur mes propos.
01:22 Ils ont publié des photos de mon visage sur des corps nus, ficelés, maltraités.
01:27 D'autres ont répondu à ces images en simulant des masturbations,
01:30 m'ont traité de pute, de cochonne, de salope.
01:32 J'étais une femme, je leur résistais.
01:35 Voilà le traitement que je méritais.
01:37 Je dois dire que de tous les combats que j'ai menés, c'est à ce jour celui qui m'a valu le plus de violence.
01:40 *Et tout ça pour une fresque ?*
01:42 Oui, alors ça s'est calmé presque tout de suite après ma plainte,
01:45 et la justice m'a donné raison en 2018, il n'avait pas le droit.
01:48 Mais ça m'a abîmée.
01:49 J'ai quitté aux ailes féminisme et ce sont Céline Pic et l'avocate Lorraine Questiaux qui ont continué le combat.
01:54 Après une victoire en tribunal administratif,
01:56 elles ont réussi à faire advenir une instruction ministérielle en 2023,
02:00 huit ans plus tard,
02:02 qualifiant ces fresques de sexistes, discriminatoires et illégales,
02:06 pour enfin conclure par leur nécessaire retrait sous la pression d'un recours au Conseil d'État.
02:10 On pourrait penser que ces fresques sont enfin de l'histoire ancienne,
02:13 mais les hôpitaux font de la résistance.
02:14 Et c'est pas anodin.
02:16 Conjugués à des hiérarchies fortes, un management toxique et un esprit de corps féroce,
02:20 cette culture carabine nourrit la culture du viol et l'omerta dans la médecine.
02:24 Le caractère patriarcal de la médecine s'analyse aussi au regard de son histoire,
02:28 celle d'un savoir sur les corps qui lui confère un grand pouvoir,
02:31 longtemps confisqué et interdit aux femmes.
02:34 On compromet alors le temps qu'il a fallu et le courage d'une Karine Lacombe
02:37 pour oser dénoncer le machisme de ce milieu.
02:39 Les représailles pour celles qui parlent continuent, mais ces femmes sont de plus en plus nombreuses.
02:43 Mitu Hôpital existe et bientôt une médecine bien traitante aussi,
02:47 car comme pour les fresques, nous finirons par gagner.
02:50 Merci Anne-Cécile Maïfert, présidente de la Fondation des Femmes.
02:54 On vous retrouve vendredi prochain.