La part des subventions publiques dans les ressources des associations a diminué de 41 % entre 2005 et 2020 (passant de 34 % à 20 %), alerte le Cese dans son avis « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique », adopté fin mai 2024. Pour décrypter les phénomènes à l’œuvre et les solutions possibles, SMART IMPACT reçoit Dominique Joseph, conseillère au Cese, et Perrine Terrier, directrice de l’association de lutte contre l’illettrisme Savoirs pour réussir (SPR) Paris.
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00:00Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06Générique
00:12C'est le débat de Smart Impact. Je vous présente mes invités tout de suite.
00:15Dominique Joseph, bonjour. Bonjour.
00:17Vous êtes conseillère au Conseil économique, social et environnemental au CESEU Périnterier. Bonjour.
00:22Bonjour. Directrice de l'association Savoir pour Réussir,
00:25association de lutte contre l'illettrisme, c'est ça ?
00:27C'est ça, oui. Savoir pour Réussir Paris, puisqu'il y a aussi des cousins en Grand Est.
00:34Nous accueillons des adultes et des jeunes à partir de 16 ans qui, malgré une scolarité en français,
00:42ont du mal à être assez autonomes, notamment sur l'écriture, la lecture, pour pouvoir faire leur vie vraiment très bien.
00:51Oui, avec tout ce que ça suppose comme conséquence après, effectivement.
00:55C'est ça, de difficultés au niveau professionnel, parce que souvent, ils sont cantonnés sur des emplois de basse qualification.
01:05Et puis aussi, une difficulté dans leur vie personnelle, parce que cette situation, souvent, ils la portent vraiment comme une honte.
01:15Ils n'en parlent pas. Ils n'en parlent pas. Ils développent des stratégies d'évitement qui sont vraiment très élaborées.
01:23Mais du coup, ils sont toujours sur le qui-vive, à se dire, est-ce que quelqu'un va se rendre compte que je ne sais pas lire ?
01:30Donc voilà, c'est une vie compliquée pour eux. Et finalement, quand ils reprennent pied, qu'ils reprennent goût aux apprentissages,
01:40ils peuvent vraiment dépasser leur blocage et régler leurs difficultés.
01:46On voit vraiment la différence. On est réunis pour parler du financement des associations.
01:52Le CESE, Dominique Joseph, a lancé l'alerte sur la baisse de financement des associations.
01:57Déjà, est-ce qu'on peut le quantifier ? Et comment avez-vous fait ?
02:00Alors nous avons quantifié cette alerte au niveau des chiffres, puisque ce qu'on peut dire, c'est que la baisse des subventions,
02:09toutes subventions et tous types de subventions, que ce soit dans le cadre de marchés publics, que ce soit dans le cadre d'appels à projets ou de subventions directes,
02:21la baisse des subventions dans toutes ces ressources-là, c'est 40% de baisse en 20 ans.
02:28Donc ça, c'est quand même important, sachant que le budget tout confondu des associations, c'est plus de 180 milliards d'euros.
02:36Donc c'est quand même très important. Et surtout, ce qu'on a quantifié et documenté, c'est la modification du type d'attribution des financements.
02:49C'est-à-dire ?
02:50C'est-à-dire, parce que ça, c'est un vrai sujet qui confronte et qui oblige les associations à changer leur modalité de recherche de financement.
02:59C'est-à-dire, on était habitué, dans le monde associatif, il y a 40 ans, il y a 20 ans, à des subventions directes, c'est-à-dire un projet, une subvention,
03:10avec une confiance au départ de la part des pouvoirs publics, y compris des donateurs, voire publics.
03:19Et ensuite, on est passé à une notion où c'est plus un appel à projet, des appels à projet.
03:26Il faut faire ses preuves avant, quoi ?
03:27Il faut déjà déposer un projet. Dans un dossier, je n'ai pas le temps de démontrer la lourdeur administrative.
03:35On n'est pas là dans une démarche de simplification. Il faut prouver à l'avance le type de projet.
03:42Et il y a là une mise en concurrence parce que plusieurs associations, il y a même un problème de concurrence entre associations,
03:48mais aussi avec d'autres acteurs qui peuvent déposer un dossier pour ce même projet.
03:54Et dans ce cadre-là, entre autres, il est constaté que ce qui est financé, c'est le fond du projet,
04:00mais tout ce qui entoure l'accompagnement, et Madame pourra en parler encore mieux que moi,
04:05c'est-à-dire tous les frais de structure, les coûts induits par le développement du projet, n'est pas financé.
04:13Ça, c'est un premier point.
04:15Et deuxièmement, c'est les marchés publics.
04:18Et là, on a aussi des marchés publics avec des règles d'État qui sont aussi très contraignantes administrativement.
04:27Je retiens donc ce chiffre, 40% de baisse des subventions en 20 ans.
04:31Alors, ce que vous décrivez, ça part d'un bon sentiment parce que ça peut aussi permettre d'éviter le favoritisme,
04:37mais on comprend bien les conséquences que ça peut avoir pour une association.
04:42Est-ce que vous l'avez ressenti ?
04:44On l'a vécu, et ça nous a conduit à devoir licencier ma collègue il y a un an et demi.
04:53Donc oui, c'est du concret.
04:55C'est direct, c'est concret.
04:57On est une petite association.
04:59Nous étions deux salariés, une trentaine de bénévoles, pour accompagner à peu près 150 personnes par an.
05:07Quel flux s'est arrivé ? Quelle subvention s'est réduite ?
05:11C'était la subvention municipale qui était au départ une subvention de fonctionnement par rapport à notre projet global.
05:22On avait l'impression que nous, on fait un projet, y convainc les pouvoirs publics, on vous soutient en partie,
05:34puis vous trouvez des cofinancements, ce qui était le cas.
05:36Et après, on vous a mis en concurrence, c'est ça ?
05:38Et en fait, en 2022, la mairie a décidé de passer par un appel à projet,
05:47puisqu'effectivement, c'est la tendance qu'on voit à peu près dans toutes les collectivités.
05:52Et là, ce n'est plus du tout la même mentalité, puisque l'idée, c'est que la mairie propose un projet,
06:01ce n'est pas un cahier des charges comme pour une commande, mais il y a déjà quand même quelques directives.
06:09Et il faut que nous, l'association, on réponde à cette vision-là, qui peut être tout à fait pertinente,
06:18mais déjà qui n'émane pas de l'association, c'est déjà une première chose.
06:22Et puis, effectivement, je pense que la même part, la même somme était allouée de manière globale,
06:31mais du coup, va être partagée entre plus d'acteurs.
06:34Ce qui fait que nous, on a perdu plus de 60% de la subvention d'une année sur l'autre,
06:43et en ayant en plus l'information en fin d'année.
06:47Donc, on n'a pas le temps de trouver d'autres financements.
06:52Et ça nous a effectivement amené à licencier, et de manière un petit peu brutale.
07:00– Alors, ça c'est pour le constat, après il y a évidemment les solutions.
07:04Vous appelez, alors il y a plein de propositions du CESE,
07:07mais vous appelez par exemple à une loi de programmation pluriannuelle de la vie associative.
07:11Ça me semble très important.
07:13Ça permet quoi ? D'avoir de la visibilité ? C'est aussi simple que ça quoi ?
07:16– Alors, cet appel à la loi de programmation pluriannuelle,
07:20c'est une réponse, il nous semble, des pouvoirs publics
07:23à la problématique posée par Madame Therrier.
07:26C'est-à-dire celle de pouvoir, sur plusieurs années,
07:28mener un projet associatif en direction de concitoyens et concitoyennes
07:34qui ont des besoins et sur lesquels on s'engage.
07:37Parce qu'il y a les aspects, et cet aspect de visibilité et de pluriannualité,
07:42quand il y a des accompagnements comme celui, par exemple, que vous portez,
07:46on ne peut pas se dire, à la fin de l'année, on arrête.
07:49On est obligé d'arrêter.
07:51Donc c'est un vrai sujet, on n'a pas beaucoup…
07:54Cette notion de loi de programmation, elle est vraiment très importante
07:58et accompagnée aussi par ce que l'on appelle,
08:01ce qu'on pourrait appeler des conventions ou des contrats pluriannuels.
08:08Parce que c'est très important, avec un respect,
08:11parce que ça ne dédouane pas les associations, il faut quand même le dire,
08:14d'engagement, de rendu compte, mais d'avoir cet échange co-construit
08:20de la façon dont on va pouvoir déployer le projet.
08:25Et le cri d'alarme des restaurants du cœur au mois de septembre,
08:28ça a été celui-là.
08:30Ça a été de dire, mais attention, le monde associatif se meurt, ont-ils dit,
08:34mais parce qu'il y avait une réalité.
08:36Des besoins en augmentation et pas de visibilité sur les financements,
08:40en disant, on va être obligé.
08:42Et ils ont dû faire des choix dans les modalités d'attribution des aides.
08:46Restaurant du cœur, c'est très médiatique.
08:49Il y a toutes les autres associations qui se sont mises ensemble
08:53pour porter ce constat.
08:56Et nous, on a rassemblé tous ces constats, tous ces témoignages
09:00pour justement proposer une loi de programmation pluriannuelle
09:05et aussi une garantie sur la part du budget de l'État
09:09tracée vers les associations.
09:12Parce qu'on sait que dans les arbitrages budgétaires,
09:15ça peut être la variable d'ajustement.
09:19Surtout en ces temps d'économie, avec un pays endetté à 3100 milliards,
09:23je le rappelle.
09:25Peut-être un mot sur les entreprises.
09:27Est-ce que les entreprises prennent parfois suffisamment le relais ?
09:30Est-ce que vous, vous bénéficiez par exemple de mécénats d'entreprises ?
09:33Effectivement, on travaille avec des entreprises de différentes manières.
09:38D'abord, il y a des subventions qui peuvent nous être versées directement
09:45par le biais des fondations d'entreprises.
09:48Quelquefois, c'est des subventions vraiment directes, complémentaires.
09:57Et puis, il y en a certaines où on peut avoir un dialogue avec la fondation
10:03où on va essayer de construire.
10:05On répond à des appels à projets aussi de fondations.
10:08Ça arrive aussi.
10:09Et il y a du mécénat.
10:10Et il y a du mécénat également en aide, en support,
10:16notamment par le mécénat de compétences.
10:19Et c'est comme ça qu'on a pu sauver l'association
10:22au moment où on a dû licencier ma collègue.
10:26Parce que n'ayant plus les moyens de recruter un salarié,
10:32on s'est tourné vers le mécénat de compétences
10:35pour au moins pouvoir d'abord poursuivre l'activité
10:41et puis se donner un peu de temps pour voir comment pérenniser le financement.
10:48Tout à fait.
10:50Dominique Joseph, à quel point les entreprises prennent le relais ?
10:53Il se trouve que j'étais au CESE il y a quelques semaines
10:56avec le crédit mutuel qui a créé le dividende sociétal.
11:00Donc c'est 15% du résultat net consacré à la fondation,
11:04des start-up qui ont un impact positif, etc.
11:08Mais est-ce que vous avez le sentiment
11:10que quelques entreprises prennent le relais de l'État
11:13ou des collectivités parfois ?
11:15Il y a deux sujets.
11:18Mais sur le sujet du mécénat,
11:20oui, les entreprises développent leurs actions de mécénat
11:25en disant très à plat et de façon sans jugement
11:30qu'elles ont aussi un intérêt à développer du mécénat
11:33au sein même de leur entreprise.
11:35Parce qu'en deçà, il y a de la déductibilité fiscale.
11:39Mais néanmoins, les entreprises ont conscience
11:43avec toutes les transitions que l'on vit,
11:45que ce soit la transition démographique,
11:47la transition écologique, notre transition en type sociétal,
11:51d'un besoin de s'engager par le mécénat.
11:55Et souvent, c'est par l'intermédiaire
11:57de fondations d'entreprises.
11:59Mais il y a aussi des petites et moyennes entreprises
12:01qui essayent de le faire.
12:03Alors ça, ça fait partie de nos préconisations aussi
12:05en termes d'information,
12:06qui sont très présentes territorialement,
12:08mais avec quelques difficultés,
12:10parce que ce n'est pas forcément bien connu,
12:12bien organisé.
12:13Oui, il y a cette notion, ça se développe.
12:17Mais il y a aussi à avoir un petit point de vigilance,
12:21parce que par le mécénat et les fondations d'entreprises,
12:24il faut qu'on reste dans cette liberté des associations
12:28de pouvoir faire son projet.
12:30Et si le projet se trouve sur tutelle par le mécénat
12:34ou par l'entreprise,
12:35là on perd un peu de l'essence même du fait associatif.
12:39Merci beaucoup.
12:40Merci à toutes les deux et à bientôt sur BeSmart.
12:43C'est l'heure de notre rubrique Smart Ideas, tout de suite.