Mercredi 3 juillet 2024, SMART BOURSE reçoit Benjamin Louvet (Directeur de la Gestion Matières Premières, Ofi Invest Asset Management)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir nous permettra de faire le point sur le pétrole, l'or et l'ensemble
00:18des matières premières.
00:19On en parle avec Benjamin Louvet, directeur de la gestion des matières premières chez
00:21Ofi Invest Assets Management.
00:22Bonsoir Benjamin.
00:23Bonsoir Clément.
00:24J'ai toujours le biais de commencer par le pétrole, ça reste quand même un actif
00:28clé, notamment pour les marchés un peu globaux.
00:30Pétrole qui a repris 10 dollars en un mois sur le mois de juin, il avait perdu 10-15
00:35dollars entre avril et fin mai, début juin, là il reprend 10 dollars en ligne assez droite.
00:40Quel est le rationnel de ce mouvement ?
00:42Il y a trois choses principalement, une première qui est une raison conjoncturelle, le mois
00:47de mars-avril c'est la période où vous avez des maintenances d'un certain nombre
00:50de raffineries, parce que c'est une période creuse, on sort de l'hiver, donc les raffineries
00:54en profitent pour faire un peu de ménage et un peu de nettoyage, donc traditionnellement
00:58quand les raffineries tournent moins, elles consomment moins de pétrole, donc les demandes
01:01diminuent un petit peu, on constitue des stocks et forcément ça met une pression
01:05un peu baissière sur le cours du pétrole.
01:08La raison de la reprise d'air c'est que ces raffineries ont rouvert et puis on rentre
01:14dans la période estivale, et la période estivale c'est une période où, ça peut
01:17paraître surprenant, mais où on consomme plus de pétrole, en moyenne 1 million à
01:201 million 500 mille barils de plus de pétrole, et on attend des chiffres aujourd'hui de
01:25la part de l'agence internationale de l'énergie qui ont dû tomber à l'heure où on se parle,
01:29mais les chiffres de l'APIIR, l'American Petroleum Institute, faisaient valoir un très
01:33fort recul des stocks aux Etats-Unis, qui laisse penser effectivement que le marché
01:36pourrait être plus tendu, et on s'attend du fait de cette période estivale où la
01:39consommation est plus forte, à des retraits de stocks au troisième trimestre, qui pourraient
01:44mettre un peu plus sous pression le marché du pétrole, ce qui explique aussi cette reprise,
01:48et puis dans ce contexte-là, c'est vrai qu'on a aussi un contexte international qui
01:52est toujours compliqué, il y a encore eu des bateaux qui ont été attaqués au large
01:57du Yémen durant le week-end, donc ces problèmes-là reviennent sur le devant de la scène, la situation
02:03entre Israël et le Hamas reste très compliquée, il y a eu des demandes d'évacuation de villes
02:11avec potentiellement des nouvelles frappes, donc tout ça participe d'un climat un peu
02:15anxiogène qu'on avait un peu oublié parce que les problématiques conjoncturelles faisaient
02:18qu'il y avait un peu moins de tensions sur le marché du pétrole, et donc tout ça, c'est
02:21un peu détendu, il y a aussi eu des déclarations de l'OPEP qui a laissé en question, qui
02:24pourraient mettre fin à ces réductions de production progressivement, et donc tout ça
02:29a délivré un bol d'air. Globalement, ce qu'on peut dire sur le marché du pétrole
02:32aujourd'hui, c'est qu'on a toujours ce coussin des pays de l'OPEP, qui fait que si on peut
02:38difficilement s'attendre à une correction forte, en particulier compte tenu de la conjoncture
02:41avec l'entrée dans cette période de forte consommation, l'envolée des cours est aussi
02:45peu probable, sauf embrasement de la situation au Moyen-Orient. D'ailleurs, on le voit bien,
02:50quand on regarde les marchés optionnels, on constate qu'il y a très peu d'intérêt
02:53pour les options à 95 dollars, à 100 dollars sur le pétrole, ce qui montre bien qu'on
02:56attend toujours une stabilisation, on va dire entre 75 dollars et 85, 90 dollars. Alors,
03:02c'est une fourchette qui est large, mais on est sur un marché qui est assez mouvant.
03:07Le problème des matières premières, c'est que ce sont des marchés dont la valeur est
03:09établie de façon spot pour un équilibre entre l'offre et la demande à l'instant T,
03:13et donc ça peut bouger relativement vite. Il y a un dernier point peut-être à souligner
03:17qui peut être important. On a depuis quelques jours un ouragan sur l'Atlantique, l'ouragan
03:22Beryl, qui est un ouragan de catégorie 5, donc un ouragan majeur, et il faut savoir
03:28que c'est la première fois qu'au mois de juin, il s'est formé, dans les tout derniers
03:31jours du mois de juin, c'est la première fois en 174 ans de data qu'on a un ouragan
03:36majeur qui est de cette catégorie au mois de juin. Ça n'est jamais arrivé, donc on
03:42voit bien peut-être les effets du changement climatique qui commencent à s'affirmer parce
03:45que la température de la mer est très élevée, et donc ça favorise la création de ce type
03:49d'événement. Donc on pourrait peut-être avoir une saison des ouragans majeurs, et
03:54ça c'est important parce que ces ouragans, je vous rappelle, ils traversent l'Atlantique
03:57et ils finissent leur parcours quelque part autour du Golfe du Mexique. S'ils partent
04:01vers la Texas, la Louisiane, d'abord il y a des plateformes pétrolières qui peuvent
04:04se retrouver interrompues pour des longues périodes, c'est arrivé par le passé, et
04:07puis après ils peuvent finir leur course en Louisiane et au Texas. Il y a une grosse
04:11partie de la capacité de raffinage américaine, et ça, ça peut entraîner des arrêts assez
04:16longs de ces capacités de raffinage, et donc tendre le marché des produits raffinés,
04:20gasoil et essence en tête.
04:22À propos de changement climatique, je voulais avoir votre vision un peu longue, peut-être
04:27même d'ailleurs, de la montée des populismes en Europe à l'issue des élections européennes,
04:33du choc d'incertitude en France et d'une nouvelle gouvernance politique qui s'annonce,
04:38du retour probable de Donald Trump pour un second mandat, encore plus probable visiblement
04:45chez les bookmakers après le débat raté de la semaine dernière. On a le sentiment
04:51que ça peut être perçu comme étant autant de vent contraire face aux efforts de transition
04:55énergétique qui commencent ou qui commençaient à être déployés ces dernières années.
05:01Est-ce que vous partagez ce regard, et est-ce que c'est des changements ou des déviations
05:07politiques qui peuvent avoir un impact sur le thème de la transition et donc sur le
05:13sujet des métaux de la transition, Benjamin ?
05:16Alors, il ne faut jamais ignorer ce genre de sujet. Néanmoins, j'ai l'audace de croire
05:21que ce sont les participants à une économie qui font cette économie. Et aujourd'hui,
05:27on l'a bien vu, même en France, des francs opposants à cette transition sur un certain
05:34nombre de sujets. On peut parler de Carlos Tavares chez Stellantis qui était profondément
05:37contre le développement. Il dit ne changer plus les règles. Oui, revenez plus sur la
05:40fin du moteur thermique. Je pense qu'il faut ajouter une autre chose, Grégoire. Il y a
05:44aujourd'hui un élément incontestable, les études le montrent de plus en plus, c'est
05:48que ne rien faire coûtera plus cher que de faire cette transition énergétique. Et donc,
05:54quelles que soient les déclarations des politiques, à un moment les politiques, s'ils ont besoin
05:58de se faire réunir, cette question du coup va se poser et ils devront agir de façon
06:01pragmatique. Donc, pour moi, on ne reviendra pas en arrière et on a même intérêt à
06:05accélérer. Sinon, on va au devant d'énormes problèmes. On le voit. La météo déplorable
06:10qu'on a en France aussi est liée à ces problèmes de changement climatique parce
06:13que la température évolue beaucoup plus vite. Le réchauffement se passe beaucoup plus vite
06:17au pôle qu'à l'équateur. Le différentiel de température change. Ça entraîne des
06:22ralentissements dans le jet stream qui fait qu'on a ces mouvements, ces anticyclones ou
06:26ces dépressions qui restent bloquées très longtemps alors que normalement elles s'évacuent
06:30rapidement. Tout ça participe du fait que je crois qu'aujourd'hui il n'y a plus photo,
06:36on peut avoir les déclarations qu'on veut, on doit faire cette transition et il faut bien
06:41avoir conscience. Y compris quand on est Donald Trump, Benjamin ? Donald Trump, en fait,
06:45ce n'est pas vraiment le sujet. Aux Etats-Unis, la transition, elle bat son plein. Regardez ce
06:48qui se passe en Californie et le point névralgique de la transition aujourd'hui, si on le regarde,
06:52c'est la Chine. Personne ne regarde la Chine. Tout le monde dit qu'elle ne fait rien. La Chine,
06:56en 2023, a installé autant de panneaux solaires que le monde entier en 2022. Non seulement on le
07:03dit, mais vous nous disiez exactement la même chose fin 2022 de ce que la Chine avait installé
07:07plus de panneaux solaires que dans l'ensemble du monde l'année précédente. Ça fait plusieurs
07:11années que cette statistique... La Chine a 5 ans d'avance sur son programme photovoltaïque. Elle
07:17est en avance, elle a décidé d'une politique, elle a dit qu'elle ne serait pas prête en 2050,
07:22mais en 2060. Et aujourd'hui, ils sont dans les clous. Alors c'est vrai qu'ils continuent à
07:26installer des centrales à charbon parce qu'il faut gérer le court terme, mais on sait que ces
07:29centrales à charbon n'iront pas jusqu'à la fin de leur vie et qu'elles seront remplacées
07:34progressivement. Donc pas de souci de ce côté-là. Je pense qu'on parle ici d'épiphénomène et que
07:40quand on va commencer à parler d'argent, tout le monde va revenir à la raison, va se rendre compte
07:43qu'on a beaucoup plus intérêt à faire cette transition qu'à ne pas la faire. Fort heureusement
07:47d'ailleurs. Non mais bien sûr. Dans un discours Trumpiste, c'est sûr qu'on peut s'attendre à
07:54redonner des permis pour le fossile, etc. Et sans aller jusqu'à tout détricoter de l'IRA, limiter
08:02peut-être... On peut faire ça Grégoire, mais aujourd'hui on voit qu'il y a un énorme problème
08:06de compétitivité industrielle sur toutes ces technologies qui vont s'imposer quoi qu'on en
08:11pense. Qu'on parle de la voiture électrique, des panneaux solaires, qu'on parle de l'activité
08:16minière, qu'on parle des éoliennes. Et les Américains vont devoir à un moment ou un autre
08:21embrayer aussi là-dessus. Sinon, ils vont se retrouver au banc de toutes ces technologies.
08:25Ça va leur poser un énorme problème industriel. Ne serait-ce qu'au niveau véhicule, le marché
08:31automobile américain n'est pas suffisant pour les constructeurs automobiles américains. Donc
08:35il va falloir pouvoir vendre des voitures ailleurs. Un mot des précieux. Bon, l'or fait plus grand
08:43chose mais tient bien. L'argent la prenait 4% aujourd'hui, visiblement. Où est-ce qu'on en est
08:49du cas d'investissement des précieux, or et argent notamment, Benjamin ? Alors ces métaux, on
08:54corrigeait un petit peu, mais vous le disiez, l'or se tient très bien. Donc ça c'est très
08:58intéressant de voir que l'or n'a pas baissé. Donc les gens qui ont acheté de l'or dans la première
09:02partie d'année ne sont pas sortis. C'est intéressant parce que ceux qui ont acheté de l'or dans la
09:05première partie d'année ne sont pas les gens qui achètent de l'or d'habitude. Il n'y a pas eu
09:08d'achat d'or en Occident. Non, c'est pas le retail occidental qui a acheté de l'or. En Europe.
09:12Les États-Unis, quand on regarde les dépenses en ETF, elles sont en baisse et elles ne remontent pas. Donc
09:16ce sont les Asiatiques qui ont acheté de l'or et ils gardent cet or. Donc l'or n'a pas baissé. Et
09:20on rentre dans une période qui va arriver, la deuxième partie d'année, où on devrait commencer
09:24à avoir une détente monétaire. Or, les Occidentaux achètent de l'or quand les taux rebaissent parce
09:30que l'or n'a pas de rendement. Donc le désavantage diminue et donc ils reviennent sur l'or. Donc on
09:34peut espérer un retour des Occidentaux en deuxième partie d'année. Et donc l'or devrait connaître des
09:38nouveaux plus hauts dans la deuxième partie d'année. C'est très probable. Il y a un autre
09:42facteur de soutien très important. Depuis maintenant plusieurs années, on en a parlé déjà.
09:45Ce sont les banques centrales. Et les banques centrales, ce qui est très intéressant, c'est
09:48que le World Gold Council les interroge tous les ans. C'est un organisme de place. Pour connaître
09:53leur sentiment vis-à-vis de l'or, il y a un sondage qui est fait tous les ans et qui vient d'être
09:56publié. 70 banques centrales interrogées à travers le monde, essentiellement dans les pays émergents.
10:00Et il y en a à peu près une quinzaine, entre 15 et 20 dans les pays développés. Et ils leur posent
10:04toujours les mêmes questions. Et à la question que comptez-vous faire sur l'or dans les 12 prochains
10:08mois cette année, 29% des banques interrogées répondent qu'on veut augmenter notre allocation
10:12à l'or dans les 12 prochains mois. C'est le plus fort taux de réponse pour l'achat d'or depuis que
10:19le sondage existe en 2018. Alors ça ne fait pas un gros recul. Mais quand on voit les achats l'année
10:22dernière et l'année d'avant, qui sont des achats records depuis 1967, on peut se permettre d'être
10:27optimiste sur l'attitude des banques centrales vis-à-vis de l'or. Elles ont un peu ralenti à
10:31très court terme. Mais le premier trimestre, elles en ont acheté 290 tonnes. C'était le plus gros
10:35premier trimestre pour les banques centrales de toute l'histoire depuis que les data existent. Donc
10:39on a vraiment toujours un soutien de ces banques centrales qui est extrêmement important. Et aussi,
10:44dans les questions qui sont posées, il y a une question sur que pensez-vous que seront les
10:49détentions des banques centrales sur le dollar à horizon 5 ans. Et à cette question, 62% des banques
10:56répondent qu'elles pensent qu'elles auront baissé un peu ou beaucoup à horizon 5 ans. La banque
11:00centrale de Chine a vendu un record au premier trimestre d'actifs en dollars, 53 milliards.
11:06C'est du jamais vu. Intéressant. Vous disiez dans ce sondage que c'est 70 banques centrales,
11:10une majorité de banques centrales émergentes qui sont interrogées par le World Gold Council.
11:15Et pourquoi le retail occidental n'a pas embrayé sur ce mouvement ? C'est ça que j'ai du mal à
11:20comprendre moi. Il y avait mieux à faire. Le niveau d'anxiété de l'opinion publique, quand on regarde
11:29les enquêtes, il est là. J'ai des gérants privés qui me disent que si j'achète de l'or, je n'ai
11:32rien. Aujourd'hui, si j'achète des produits de taux, sans en faire grand-chose, j'ai 4-4,5%.
11:38Le différentiel est trop important. Même si on peut être intéressé et convaincu par l'or,
11:42on y reviendra plus tard, au moment où ce rendement aura un peu baissé et où l'argent
11:48entre guillemets facile disparaîtra. Ils reviendront probablement en deuxième partie
11:53d'année quand les banques centrales américaines et européennes auront vraiment embrayé leur baisse
11:58de taux. Historiquement, c'est ce qu'on voit en Europe. Pimko avait fait une étude sur le sujet.
12:02Il disait qu'il considérait l'or comme un actif à durée longue de durée de 22. Donc, dit autrement,
12:081% de variation sur les taux à la baisse ou à la hausse entraîne 22% de variation sur l'or,
12:13dans l'autre sens. Si on attend une baisse de 1% des taux réels à horizon 12-18 mois, on peut
12:19s'interroger à une appréciation de l'or de 20-25%. Donc, il y a un potentiel toujours important sur
12:24ce métal. Merci beaucoup Benjamin. Benjamin Louvet, qui était avec nous le directeur de la gestion
12:28matières premières d'Aufie, investe à cette management. T'invité de ce quart d'heure thématique de Smartbourse ce soir sur Bismarck.