SMART BOURSE - 2024 : l'âge de l'agilité

  • il y a 6 mois
Mercredi 6 mars 2024, SMART BOURSE reçoit Boutros Thiery (Directeur des investissements, Mercer France)
Transcript
00:00 [Musique]
00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir, c'est celui des perspectives pour l'industrie de l'investissement et de la gestion d'actifs
00:19 et quels vont être les grands facteurs et les grandes tendances structurantes pour cette industrie en 2024 et au-delà.
00:26 C'est un exercice de réflexion prospective auquel se livrent chaque année les équipes du groupe Mercer.
00:31 Le résumé de la pensée Mercer pour 2024, c'est l'âge de l'agilité.
00:36 Et c'est Boutros Thierry qui est à mes côtés pour en parler, directeur des investissements de Mercer France.
00:40 Bonjour Boutros.
00:41 Bonjour.
00:42 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:43 Vous allez nous expliquer effectivement ce qu'il y a derrière et ce qu'il y a à comprendre derrière cette notion d'agilité
00:52 que vous mettez en avant comme étant le grand thème d'avenir à partir de cette année 2024.
00:57 Un mot quand même du contexte dans lequel on évolue après quatre ans quasiment jour pour jour de chocs multiples,
01:05 de polycrises comme les appellent les spécialistes, pandémie, guerre, des réponses de politiques publiques qui ont été incroyables,
01:14 qu'on ne pouvait pas imaginer avant qu'elles aient été mises en place.
01:18 La question était de savoir est-ce que l'environnement global, macro, financier allait pouvoir revenir à la normalité qui précédait.
01:27 La réponse est désormais assez affirmative Boutros, c'est non.
01:31 Non oui.
01:32 J'ai eu peur que vous disiez oui.
01:34 La réponse est non.
01:36 Définitive je voulais dire.
01:37 Voilà, il y aura encore d'autres choses.
01:39 C'est vrai qu'il y a un changement de régime, on s'était vu l'année dernière et c'est très bien qu'on se voit en mars aujourd'hui.
01:44 Pour parler de perspective, en général c'est plutôt en janvier qu'on fait ce travail là, on l'a fait nous aussi bien entendu.
01:50 Il y avait un consensus extrêmement fort en fin d'année dernière chez tout le monde de dire justement on a changé de régime,
01:56 on est maintenant un peu revenu comme une dizaine d'années en arrière, voire un peu plus avec des taux élevés.
02:03 On voit bien que ce n'est pas aussi simple et on voit bien que le consensus extrêmement fort de baisse des taux qui avait été précédé par un peu tout le monde,
02:10 il commence à être un peu revu, pas à l'inverse.
02:15 Il est considérablement fragilisé oui.
02:17 Il est assez fragilisé, j'ai écouté l'échange que vous avez eu juste avant que je vienne ici.
02:23 On voit bien que le marché est en retard, a du mal à anticiper, c'est assez flagrant.
02:29 Tout le monde est pendu à des décisions macro alors qu'il avait été annoncé quand la Fed, la BCE avait parlé des baisses des taux
02:35 donc il y a eu un effet assez positif.
02:38 Maintenant qu'il y a d'autres craintes qui arrivent, on voit bien que le marché est toujours en train d'attendre et ne sait pas quoi faire.
02:46 Et tout dépendra d'autres critères que simplement la BCE ou la Fed qui ne contrôle pas forcément tout, on va parler de l'inflation.
02:54 Il y a un marché qui a du retard.
02:58 La question quand même pour des investisseurs de long terme c'est comment se détacher effectivement,
03:04 de la discussion passionnante qu'on a eu précédemment à savoir combien il y aura-t-il de baisse de taux,
03:09 à partir de quand est-ce que la Fed ira avant la BCE ou l'inverse etc.
03:13 Mais comment on se détache quand même de cette conversation permanente sur les marchés
03:17 pour se projeter dans un monde ou un paradigme de marché qui va être différent et qui va nécessiter plus que jamais cette agilité.
03:26 J'aimerais bien qu'on explique ce concept d'agilité et derrière ça comment est-ce que des investisseurs peuvent se projeter aujourd'hui sur le long terme.
03:34 Bien entendu dans l'infographie qui est montrée, on a différentes façons de répondre à la question que vous venez de poser en fonction de l'horizon d'investissement.
03:44 Mais déjà pour prendre un petit peu à plus court terme, en tout cas réexpliquer ce qui s'est passé en 2023,
03:51 on parlait justement d'un changement de régime, remonter des taux, tout va bien, on fait tout comme avant,
03:55 on reprend un cycle qui est assez classique de portage, de diversification entre les actions et les taux.
04:01 On vient d'en parler, ce ne sera pas aussi simple.
04:04 Ce changement de régime, on l'a vu de manière très concrète l'année dernière, on a eu une grosse phase avec beaucoup de nos clients,
04:10 de refonte de portefeuille, de refonte d'allocations stratégiques,
04:14 où ce nouveau paradigme certes de taux plus élevés comme il y avait auparavant,
04:18 mais dans un marché qui globalement a complètement changé par rapport aux dernières phases de taux élevés,
04:25 a nécessité de refondre les portefeuilles, se poser les questions d'allocations stratégiques,
04:29 comment on déploie ensuite ces actifs, reposer la question de l'actif versus le passif en termes de gestion,
04:38 en termes d'actifs passifs, tout a été remis en cause.
04:41 Et en 2023, on a participé à beaucoup de refontes de portefeuille,
04:45 il y a eu des alertes aussi chez certains acteurs, il y a eu beaucoup d'alertes et quelques défauts,
04:51 on ne parle pas encore de défauts sur le crédit, mais chez les assureurs, il y a eu des assureurs qui ont eu des problèmes de liquidité.
04:56 Donc ça c'est révélateur du fait qu'il y a eu un changement extrêmement puissant en 2022,
05:01 qui n'avait pas forcément été anticipé et qu'il fallait déjà refondre ces portefeuilles,
05:05 et maintenant on est aujourd'hui en train de les déployer.
05:07 Et on les déploie sur d'autres thématiques, la façon dont on déploie et la façon dont on refond ces portefeuilles,
05:14 c'est justement d'avoir un cap stratégique.
05:16 Là où il y a très peu de certitudes à court terme, et où il est difficile de construire des portefeuilles,
05:23 si on peut construire des portefeuilles, c'est sur les certitudes qu'on a à long terme, sur des horizons assez divers.
05:29 C'est là où on déploie, nous, notre réflexion et nos thématiques avec les investisseurs avec lesquels on travaille.
05:35 Ça m'intéresse là, les réflexions de vos clients, parce que j'imagine que refondre des portefeuilles, des allocations stratégiques,
05:42 vous ne faites pas ça justement par définition tous les quatre matins ?
05:46 Non, il y a un travail d'allocation stratégique qui est fait chez tous les gros investisseurs de manière régulière,
05:52 ça c'est tout à fait normal.
05:54 Mais ce travail qu'on a fait l'année dernière sur des données de marché qui étaient totalement différentes,
06:00 a nécessité énormément d'analyses complémentaires,
06:06 et a eu des effets en termes de changement d'allocation et de façon de déploier les portefeuilles qui étaient énormes.
06:11 La frontière efficiente s'est aplatie avec les taux qui sont remontés,
06:14 et la façon d'accéder au marché, les rapports de force sur le coût de l'argent ont changé.
06:20 Donc il y a énormément de différences par rapport au travail qui était fait déjà les années précédentes.
06:25 Et concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ?
06:28 Sur cette question d'accès au marché, d'accès à de nouveaux marchés, de nouvelles classes d'actifs,
06:34 qu'est-ce qui change dans une allocation stratégique configurée pour un monde d'agilité ?
06:42 Il y a différentes poches qui sont regardées.
06:47 On va prendre un exemple sur le non-coté.
06:50 Avant même la remontée des taux, il y avait déjà eu une phase, notamment en Europe,
06:54 c'était déjà le cas aux Etats-Unis, de 10 ans très bullish,
06:57 ou d'essor d'intégration dans les allocations.
07:01 La question s'est posée de savoir si maintenant que les taux étaient remontés,
07:04 qu'on avait du yield assez facilement tout en ayant de la liquidité,
07:08 on avait encore besoin des marchés non-cotés.
07:10 La réponse, en tout cas c'est la nôtre, c'est que c'est plus que nécessaire.
07:14 Plus que jamais.
07:15 Parce qu'il faut justement arrêter d'être dépendant des décisions des banques centrales,
07:19 conserver un cap stratégique, conserver cette prime de liquidité,
07:23 et aller, par exemple, donner des réponses à toutes les autres questions qu'il y a sur les marchés, sur l'inflation.
07:31 Quand on parle de dette privée, on va avoir des taux variables,
07:34 donc on peut aussi s'affranchir de ce côté directionnel sur les taux.
07:38 Et puis après aller chercher des sources de croissance,
07:42 qui sont peu ou plus là sur les marchés, à part la tech, l'intelligence artificielle,
07:48 qui fait l'objet de débats, et dont on peut parler.
07:51 Parce qu'en fait, quand on regarde ce thème de l'intelligence artificielle avec un cap stratégique,
07:57 et pas pour commenter à court terme si Nvidia a gagné ou perdu 10% le mois prochain,
08:03 on peut attaquer ce thème de manière très différente.
08:07 Et c'est nécessaire de l'attaquer d'ailleurs de manière stratégique,
08:10 parce que timer l'entrée dans Nvidia, l'intelligence artificielle ou la tech de manière générale,
08:15 est très compliqué.
08:18 - Bon, court terme est toujours incertain, le moyen long terme peut apporter un certain nombre de certitudes,
08:25 de cap comme vous dites Boutros, quels sont les grands thèmes ou les grandes orientations
08:31 sur lesquelles vous êtes assez convaincu effectivement que ce sont des opportunités d'investissement
08:36 sur du moyen long terme pour le client ?
08:39 - Sur du moyen long terme, dans toute la sphère du crédit,
08:42 et du coup aussi bien listé que non coté, on pense qu'il y a un rapport de force qui a changé,
08:49 il y a des choses très intéressantes à faire, d'un point de vue du rendement pur,
08:53 mais aussi du point de vue de la capacité de ces classes d'actifs à répondre aux autres problématiques dont on a parlé,
08:58 diversification, protection contre l'inflation, et problématiques de volatilité, pour en citer trois.
09:05 Donc ça c'est un thème très important, phare, dont on parle.
09:08 On a recommencé, alors nous on suivait ça, mais on a recommencé à avoir des demandes de nos clients sur les hedge funds par exemple,
09:15 qui était une classe d'actifs, en tout cas un segment de stratégie qui avait été délaissé pendant pratiquement dix ans,
09:20 à cause de la puissance des banques centrales, qui faisait que le long only était gagnant à tous les coups.
09:26 Donc on a des demandes maintenant de clients qui veulent nous faire travailler aussi sur le hedge fund,
09:31 donc on avait de la recherche et on continue à les déployer parce que ces stratégies-là peuvent apporter des choses très intéressantes.
09:38 Et puis à plus long terme, pour citer justement d'autres choses, la notion de méga tendance, thématique tech bien entendu,
09:46 alors c'est pas nouveau, c'est pas seulement cette année que nous Mercer on décide de s'intéresser à ça,
09:51 on le disait déjà les années précédentes.
09:53 Mais ça se diffuse, ça se déploie, ça se densifie.
09:56 Et surtout, dans la façon de construire les allocations à la tech, c'est pas simplement acheter un indice tech ETF
10:03 ou aller chercher une gestion active.
10:05 Quelques statistiques. Sur dix ans, cinq et dix ans, le seul secteur qui a surperformé les MSCI World,
10:14 le seul, le seul, c'est la tech.
10:17 Ça veut dire que tous les autres secteurs ont été sous-performants.
10:21 Donc la tech a driver finalement la performance du MSCI World et des marchés actions de manière générale,
10:26 bien entendu très fortement aux actions, sur les US.
10:30 Mais quand on regarde ça, on se dit qu'il ne faut pas avoir une vue directionnelle unique sur la façon d'intégrer ce facteur tech.
10:38 Il faut aller de manière fine dans les sous ensemble, la tech c'est trop large au final.
10:43 Et peut-être que de nouveau le non-coté permet d'aller plus finement, plus granulairement,
10:49 et éviter ces effets de yo-yo qu'on aura sur les valos, le price earning des grosses tech large cap.
10:57 Bon, ça veut dire quand même l'idée, l'agilité et donc une gestion beaucoup plus active ou proactive,
11:03 quelles que soient les classes d'actifs.
11:05 Ça c'est une certitude pour vous Bouchros.
11:07 Moi je regarde la part toujours des flux ETF, notamment sur les marchés actions.
11:10 C'est sûr que ça donne l'image quand même d'une gestion passive qui a un rouleau compresseur que rien n'arrête.
11:15 Oui, et puis qui a un effet d'entraînement.
11:17 Et en plus un effet bullionnais.
11:19 Mais ça c'est une vision parcellaire vous dites ?
11:22 Sur les ETF ?
11:24 Oui, je regarde ça sur la partie actions cotés.
11:27 Mais quand vous avez l'univers que vous avez décrit, la gestion active se retrouve de manière présente.
11:34 La gestion active, sans être trop unilatéral dans la réponse, pour nous c'est d'abord dans nos côtés.
11:41 Là on fait vraiment de la gestion active parce qu'on n'est pas benchmarké, on va transformer les sociétés.
11:45 Sur le côté, pour reprendre l'exemple de la tech, il y a beaucoup de gérants qui ont créé des fonds thématiques sur la tech.
11:54 Et qui se comparent au MSCI World.
11:57 Le MSCI World a été battu 10% par an par le secteur tech.
12:02 Si jamais j'achetais du secteur tech, j'avais quand même beaucoup de chances de surperformer mon indice.
12:08 Donc il faut que ces fonds là se benchmarkent aux indices tech.
12:11 Pour savoir ce qu'ils apportent par rapport à ça.
12:13 L'alpha qu'ils génèrent.
12:15 Le vrai alpha.
12:17 C'est par rapport aux indices tech.
12:19 C'est une autre façon de dire que la gestion active a bien entendu des choses à faire aujourd'hui dans un monde où il y a beaucoup de disruption, de volatilité.
12:26 Mais qu'il va falloir vérifier comment cette alpha est créée et pas être actif pour être actif.
12:31 Si j'achète de la tech, je suis actif par rapport aux actions blend.
12:35 Mais je ne suis peut-être pas très différencié par rapport à ce que me donne le marché de la tech.
12:40 Merci beaucoup Boutros. Merci pour cet éclairage autour du thème de l'agilité.
12:46 C'était la réflexion qui a conduit votre exercice annuel de prospection et de prévision chez Mercer.
12:53 Boutros Thierry, directeur des investissements de Mercer France, était l'invité du quart d'heure thématique de Smart Bourse ce soir.
12:58 [Musique]

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