« Les crises du lait ont déclenché nos virages stratégiques pour notre élevage »

  • il y a 2 mois
[Témoignage] Laurent Lepape, Finistère

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Transcript
00:00Bonjour et bienvenue à tous sur la SPACE-TV.
00:02On va parler ensemble de bien-être,
00:03non pas de bien-être animal, mais de bien-être des éleveurs.
00:07C'était la thématique d'un déjeuner débat
00:09pendant ce SPACE 2018,
00:12auquel a participé Laurent Lepape,
00:14que nous avons sur ce plateau. Bonjour.
00:17Bonjour.
00:18Laurent Lepape, vous êtes éleveur dans le Finistère.
00:21C'est ça.
00:22Producteur de lait bio.
00:23C'est ça.
00:24Vous êtes éleveur dans le Finistère.
00:27C'est ça.
00:28Producteur de lait bio.
00:30Oui.
00:31Au fin fond du Finistère, près du...
00:33Près de la Pointe-du-Rhin.
00:34La Pointe-du-Rhin.
00:36Un endroit plutôt joli.
00:38Magnifique.
00:39Voilà.
00:40Vous avez témoigné de votre parcours
00:43dans ce déjeuner débat
00:45organisé par la FRGDA de Bretagne.
00:50Est-ce qu'on peut le résumer, ce parcours ?
00:52Vous êtes installé en 2010 sur une petite structure...
00:55En 2000.
00:56En 2000, pardon.
00:57Avec votre mère, sur 33 hectares.
01:00C'est ça.
01:0140 vaches laitières.
01:03200 000 litres de lait.
01:04Et...
01:05Et à l'époque,
01:07vous aviez une stratégie d'agrandissement, on va dire.
01:10C'est ça.
01:12En fait, on a cherché à développer notre élevage
01:15pour avoir un élevage de taille un peu plus conséquente.
01:17Donc de 2000 à 2005,
01:19on a passé de 30 vaches laitières et 30 hectares
01:23à 80 vaches laitières et 100 hectares.
01:26Deux salariés temps plein,
01:27parce que j'ai embauché les sédans à chaque fois
01:29des exploitations que je reprenais.
01:31Donc voilà.
01:32Et donc avec un quota qui a augmenté...
01:34Un quota qui a passé de 200 à 650 000 litres de lait.
01:38Et en 2009,
01:40donc 9 ans après votre installation,
01:42crise du lait.
01:44C'est ça, la crise du lait.
01:45Et un impact plutôt conséquent sur votre exploitation.
01:48Un impact financier énorme,
01:49un impact personnel pas évident à encaisser,
01:53parce qu'il a fallu se relever de ça.
01:56Et du coup, une envie de changement,
01:58une envie de faire autre chose.
02:00Et puis vous étiez encore jeune,
02:02avec des salariés plus âgés que vous,
02:05avec aussi tout l'aspect humain à gérer,
02:08gérer des salariés. C'est pas évident ?
02:11Non, pas du tout. On n'est pas du tout formé à ça.
02:13A 25 ans, quand on dirige des salariés
02:14qui en ont 25 de plus que vous,
02:16c'est pas évident du tout.
02:18Et alors 2009, cette crise du lait,
02:20ça a été le 1er tournant pour votre exploitation.
02:23Comment vous avez réagi ?
02:25En 2009, quand la crise du lait est arrivée,
02:27on s'est aperçus qu'on n'avait plus d'autonomie.
02:29Donc on avait un système pâturant inexistant.
02:33On avait un système basé sur le maïs,
02:36maïs-soja avec énormément de concentrés,
02:38énormément de dépendance aux intrants.
02:40Et donc il a fallu remettre les cartes à plat
02:45pour retrouver de l'autonomie,
02:46retrouver de l'efficacité et l'efficacité économique.
02:49Et l'envie de continuer, surtout.
02:52Et retrouver de la marge.
02:53C'est ça.
02:54Et donc vous avez remis petit à petit de l'herbe ?
02:57Vous avez substitué le maïs à l'herbe ?
03:00Alors en 2010, on a commencé à se poser des questions.
03:04On a fait partie d'un groupe lait.
03:06Ce qui nous a permis de s'ouvrir sur autre chose,
03:09sur d'autres façons de faire,
03:11d'avoir des éleveurs qui nous apportent leur technique.
03:15Et du coup, on est passé d'un système maïs
03:18à un système herbe en 5 ans.
03:20En 5 ans ?
03:22En 2010, c'était quoi la proportion ?
03:25La proportion, c'était 40 % de maïs
03:28et 20 % de culture de vente et 40 % d'herbe.
03:32Et aujourd'hui, on est à 85 % d'herbe.
03:35Et donc vous remontez la pente, entre guillemets, économiquement.
03:38Il y a des bonnes années ?
03:39Alors de 2010 à 2015, on a fait 2 bonnes années, 2013-2014.
03:44Où là, économiquement, c'était beaucoup plus facile.
03:49Et quand la crise du lait, en 2015, est arrivée,
03:51ça nous a rappelé les mauvais souvenirs de 2009.
03:53Evidemment, pas avec le même impact,
03:55parce qu'on y était préparés.
03:56On avait, dans le même temps, redéfini notre stratégie d'élevage,
04:01ce qui nous a armés pour passer la crise de 2015.
04:04Vous aviez une meilleure marge au litre de lait ?
04:07C'est ça. Mais pas assez suffisante.
04:09Et puis si c'est pour perdre ce qu'on peut gagner
04:12en une année ou deux sur 6 mois ou 1 an l'année suivante,
04:16il n'y a pas grand intérêt.
04:18Ce n'était pas votre conception de l'avenir ?
04:20Non.
04:21Ce qu'on cherchait, c'était de la stabilité
04:24et un système qui ne rémunère à juste titre.
04:27Et donc, en 2015, avec cette 2e crise pour votre exploitation,
04:32un 2e choix radical ?
04:34C'est ça.
04:36On l'avait anticipé dans notre stratégie d'exploitation
04:42en passant d'un système maize à un système herbe.
04:44On ne pensait pas aller jusqu'au bio.
04:46La crise du lait a été l'élément déclencheur de 2015.
04:49Et là, on a appuyé sur le bouton.
04:51En novembre 2015, on a demandé la certification en bio.
04:56Et vous vous considérez comme, vous avez dit, un bio économique.
05:00C'est ça.
05:01La motivation première, c'est l'économique.
05:03C'est ça. En fait, en 2015,
05:07on était encore une exploitation assez fragile.
05:09Et donc, du coup, pour pouvoir récupérer la sérénité
05:13dans notre travail,
05:15c'était indispensable pour nous de passer en bio
05:19et puis de retrouver un prix du litre de lait
05:22qui rémunère son producteur.
05:24Donc, voilà.
05:26Vous l'avez évoqué tout à l'heure.
05:28Vous avez intégré un groupe lait,
05:30un groupe de développement, un groupe d'échange.
05:33Qu'est-ce que vous a apporté cette démarche
05:38de s'ouvrir vers les autres et d'échanger vers les autres ?
05:41Le groupe lait permet de chercher
05:46des choses qu'on ne trouvera pas ni dans les livres
05:49ni dans les yeux de nos techniciens ou dans leurs poches,
05:52à savoir comment passer d'un système à l'autre.
05:56C'est très délicat.
05:58Les fournisseurs, vous leur baissez le chiffre d'affaires
06:00par 3, voire par 4.
06:02Ils ne vont pas vous conseiller de le faire.
06:03Donc, l'expérience des autres permet de s'enrichir
06:07et de se confronter, d'éviter des erreurs,
06:10d'en faire, d'en faire partager les autres.
06:13C'est ensemble qu'on avance.
06:14Vos conseillers d'avant, entre guillemets,
06:18enfin, vos conseillers originaux,
06:21ne vous ont pas conseillé, justement...
06:23Vous n'avez pas eu de conseil de leur part
06:24pour changer votre système
06:26et essayer de trouver une voie qui vous corresponde ?
06:28Non. En fait, ni nos techniciens de laiterie
06:32ni nos techniciens culture nous ont accompagnés dans ce schéma-là.
06:37Ca a été une démarche personnelle,
06:39appuyée sur les éleveurs qui y étaient déjà.
06:42Et donc, c'est pas grave.
06:45On est sortis des sentiers tracés.
06:48On a pris les sentiers battus pour trouver des conseillers
06:50qui étaient ouverts à ça et sans regrets.
06:54On a gardé un seul technicien culture
06:56qui, lui, était confiant et était prêt à nous suivre.
07:00Vous avez des regrets dans votre parcours ?
07:04Le seul regret que j'ai,
07:05c'est de ne pas avoir fait la démarche plus tôt.
07:07Ca veut dire, si j'avais pu le faire en 2009,
07:10après, dans sa tête, il faut être prêt
07:11et techniquement, passer d'un système...
07:14d'un système...
07:15Intensif ?
07:17Très intensif, un système bio.
07:18En une année, de 2008 à 2009, ça aurait été impossible.
07:212009, 2010.
07:23Donc il a fallu d'abord se refaire une santé
07:25et mettre la technique...
07:28Enfin, retrouver la technique et la liberté dans nos choix
07:32pour pouvoir passer d'un système à l'autre.
07:34Donc on a mis 5 ans à le faire.
07:36Vous êtes venu sur l'espace à l'initiative des FRGEDA
07:40pour témoigner.
07:41C'est ça.
07:42Et pour expliquer aux autres agriculteurs,
07:45aux autres personnes qui étaient présentes à cet événement,
07:48que finalement, vous étiez un éleveur heureux.
07:51C'est quoi, être heureux dans son métier ?
07:55Heureux dans son métier,
07:57ça commence déjà par gagner sa vie, pour moi, en tout cas.
07:59Ca, c'est la 1re des choses.
08:00Et pouvoir se dégager du temps et faire son boulot.
08:07Faire son boulot avec envie, quoi.
08:09Quel conseil vous auriez à donner à vos pères, aux éleveurs ?
08:14Je vais pas dire à tout le monde de passer en bio,
08:18mais il faut se poser des questions.
08:20Il faut sûrement pas rester dans un système où...
08:23Le bio, c'est une réponse.
08:24Et ça a été la solution à vos difficultés.
08:27Il peut y avoir d'autres voies.
08:29Mais il s'agit de s'ouvrir et d'aller chercher ailleurs,
08:34sortir des sentiers battus.
08:35La 1re chose, c'est d'aller chercher des conseils auprès des autres.
08:40De pas rester s'enfermer chez soi et surtout pas...
08:43De pas hésiter à s'ouvrir et de s'ouvrir aux autres
08:47et de pas hésiter à partager et à demander.
08:52Il faut savoir s'entourer.
08:53Quitte à mettre...
08:54On connaît la culture, entre guillemets, du secret.
08:59Les gens veulent pas trop afficher leurs réussites ou leurs échecs.
09:02C'est important, ça, de partager ses réussites
09:05et ses échecs.
09:06C'est primordial.
09:09Nous, à travers le groupe, une fois par an,
09:10on met notre compta sur la table.
09:12On est à 15 agriculteurs autour de la table
09:15avec notre animatrice.
09:17Et du coup, là, on se met à nu.
09:20On partage.
09:21Quand y a pas de résultat ou quand le résultat est mauvais,
09:24c'est pas évident d'accepter.
09:25Mais ça permet de comprendre et d'avancer.
09:28Laurent Lepape, merci beaucoup pour ce témoignage.
09:30Y a pas de quoi.
09:31Je vous invite à retrouver d'autres témoignages
09:34sur des éleveurs heureux qui s'en sortent
09:37et qui sont contents de faire ce métier avec passion
09:40sur webagri.fr.

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