Avec Antoine Flahault, épidémiologiste, professeur de Santé Publique
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00:00L'Organisation Mondiale de la Santé a déclenché mercredi son plus haut niveau d'alerte sanitaire au niveau international
00:05face à la résurgence des cas de variole du singe en Afrique.
00:08On part d'un virus plus transmissible et plus mortel.
00:12Rien que ça. Bonjour Antoine Flao.
00:14Bonjour.
00:14Vous êtes épidémiologiste, professeur de santé publique.
00:18Pour qu'on comprenne bien le problème, prenons ça par le commencement,
00:22quelles sont les raisons de ce niveau d'alerte maximal ?
00:25On est à combien de cas dans le monde actuellement ?
00:28Ce n'est pas tellement le nombre de cas, ni même le nombre de pays touchés,
00:35puisque c'est la deuxième fois que l'OMS lance une alerte pour Mpox,
00:39on l'appelle comme ça maintenant, cette variole du singe,
00:42parce qu'en fait elle ne vient pas du singe du tout,
00:44mais plutôt d'un petit écureuil d'ailleurs, des palmerets en Afrique.
00:48Mais en 2022, on avait connu une épidémie.
00:51Oui, déjà une première alerte.
00:52Une première alerte.
00:53Lorsqu'il y a eu 70 pays contaminés, l'OMS a décidé de lancer cette alerte.
00:58Là, il y a 13 pays contaminés, qui sont tous en Afrique,
01:02autour d'ailleurs du foyer central, qui est celui du Congo,
01:06et notamment de l'Est de la République démocratique du Congo,
01:11et les pays à limite roche, on va dire.
01:13Et c'est parce qu'il y a cette émergence,
01:16et aussi parce qu'il y a un nouveau variant, qu'on appelle le clade 1B,
01:20qui a émergé.
01:22C'est mortel, c'est ça ?
01:23Alors oui, c'est très difficile sur la mortalité, la sévérité,
01:27parce qu'on est dans des pays extrêmement pauvres,
01:29et des régions très déshéritées, avec très peu d'infrastructures sanitaires,
01:34et donc on a du mal à mesurer la sévérité.
01:37Mais il semble qu'en tout cas, il ait une transmission différente des autres.
01:42Il n'est pas uniquement cette transmission de l'écureuil des palmerets vers l'enfant,
01:47ou parfois même, peut-être, on l'a vu aussi, des transmissions par contact,
01:52mais il y a ici sans doute des contacts sexuels.
01:55En tout cas, on a vu que des prostituées de mines du Sud Kivu ont été contaminées,
02:02ont ramené le virus dans les pays voisins.
02:04Donc, on peut penser qu'il y a d'autres modes de transmission,
02:08peut-être même une transmission par voie aérosol, un petit peu comme le Covid.
02:11Donc, on est quand même très prudent aujourd'hui.
02:14Et ça, on y reviendra.
02:15Vous dites que pour l'instant, ça a touché les pays limitrophes.
02:18Est-ce que ça pourrait atteindre d'autres continents, comme l'Europe ?
02:22Est-ce qu'on peut l'envisager ?
02:24Alors, vous savez, quand il y avait eu le démarrage,
02:26je ne veux pas faire d'analogie trop osée là-dessus,
02:30mais quand il y avait eu le démarrage en Chine du Covid,
02:31on s'était dit, c'est en Chine, voilà, ils vont régler leurs problèmes.
02:35En réalité, on s'aperçoit que...
02:37La modernisation rapproche quand même n'importe quel virus qui se trouve quelque part dans le monde.
02:41Oui, les virus connaissent bien les frontières.
02:42Donc, si le virus est très transmissible, et ça, on ne sait pas bien.
02:46Donc, il faut absolument, dans un pays où de grande pauvreté,
02:50il faut qu'il y ait une sorte de solidarité,
02:53d'élan mondial pour essayer de mieux comprendre tout ce qui se passe.
02:57Il y a un vaccin aujourd'hui.
02:58Donc, on n'est pas du tout dans le cas du Covid.
03:00On a un vaccin qui marche bien, qui marche dans 80 % des cas.
03:03Mais vous voyez, la République démocratique du Congo a demandé d'avoir plusieurs millions de doses.
03:09Pour l'instant, on leur a donné que 50 000 doses.
03:11Ils sont 99 millions d'habitants en République démocratique du Congo.
03:15Donc, il y a vraiment besoin d'un effort et d'une solidarité internationale
03:19pour vraiment, je dirais, tuer dans l'œuf ce démarrage épidémique qui est un peu préoccupant.
03:26On voit beaucoup de choses circuler, de photos, de vidéos sur les réseaux sociaux
03:30et un peu partout dans certains médias.
03:31Antoine Flahaut, épidémiologiste, professeur de santé publique.
03:34Justement, quels sont les symptômes de cette variole du singe ?
03:38Quel moment on doit s'inquiéter, par exemple ?
03:40Comme beaucoup de ces maladies qui, finalement, sont inquiétantes,
03:45pour l'immense majorité des cas, ce ne sont pas des maladies très graves.
03:49Et on est un peu dans le même cas de figure.
03:50Ce n'est pas du tout Ebola.
03:51On est plutôt dans un cas d'une éruption cutanée.
03:54Alors, ça dépend des groupes.
03:56Oui, c'est des boutons.
03:57Ça dépend des groupes de virus.
03:59Le clade qui émerge a des lésions assez restreintes, parfois sur les parties génitales, sur la peau.
04:08Et en fait, pour les enfants, c'est un rage cutané sur le thorax ou sur les bras.
04:14En fait, ce n'est donc pas très grave pour la plupart.
04:17Et puis, pour certains, soit parce que ça se surinfecte,
04:19soit parce que ça peut atteindre des organes plus vitaux,
04:24il peut y avoir un risque vital.
04:26Et c'est des complications.
04:28Encore une fois, on ne comprend pas très bien tous les mécanismes de circulation
04:32et aussi de pathogénèse de ce virus.
04:35Mais c'est pour cela que l'alerte est déclenchée.
04:37C'est pour y avoir plus d'investissement.
04:38Donc, je me suis fait un peu prématuré de ma part de vous demander comment ça se transmet.
04:43On parle de relations sexuelles.
04:44On parle, en effet, vous commencez à le dire tout à l'heure, de façon aérosol, un peu comme le Covid.
04:49Est-ce qu'il y a, par exemple, des populations qui sont le plus à même d'être touchées?
04:52Est-ce que c'est plutôt de jeunes adultes?
04:55Est-ce que c'est de vieilles personnes?
04:58Alors, ce qu'on voit, c'est qu'en fonction du virus et de ces mutations,
05:01le mode de transmission n'est pas le même.
05:04Dans l'épidémie dont on a parlé tout à l'heure, qui, en 2022, a concerné 111 pays dans le monde,
05:10c'était par voie non pas sexuelle, au sens, c'est pas probablement par le sperme qu'il était transmis,
05:16mais plutôt par contact et par grande proximité de contact lors des actes sexuels,
05:25notamment entre des hommes ayant des contacts sexuels avec d'autres hommes.
05:28Donc, c'était plutôt des homosexuels masculins ou des bisexuels qui ont transmis la maladie
05:33et qui, en fait, c'est une communauté qui est quand même très habituée, à cause de l'expérience du sida,
05:38à lutter contre la propagation dans leur communauté.
05:41Et à très vite prendre des réflexes, peut-être, de protection.
05:44Oui, il y avait le vaccin qui était disponible, c'était des pays plutôt riches
05:46et ils ont pris, finalement, les bonnes attitudes pour limiter l'expansion.
05:52Et aujourd'hui, ce virus circule toujours.
05:53Il y a des cas en France, mais à vraiment, vraiment très, très faible intensité.
05:58En revanche, ce clade 2B qui se répand un peu comme une traînée de poudre en ce moment en Afrique centrale,
06:04mais aussi dans tout le pays de la République démocratique du Congo,
06:09on pense qu'il y a d'autres modes de transmission et que c'est probablement,
06:13je dirais, un mot plus partagé, il y a probablement aussi des transmissions inter-humaines
06:18qui ne concernent pas les relations sexuelles.
06:21La dernière épidémie qui a laissé de vifs souvenirs dans nos esprits,
06:24c'est évidemment le Covid pendant des années.
06:26Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, on peut comparer les deux ?
06:31Non, ce qu'on peut comparer, c'est d'abord que c'est une maladie transmissible due à un virus
06:37et que ce qu'on sait, ce qu'on peut utiliser, c'est l'expérience passée du Covid
06:43pour lutter contre le démarrage d'un foyer comme ça.
06:46On sait que le Mpox, ce virus, est capable de traverser les frontières.
06:51Il a atteint 111 pays en 2022-2023.
06:54Il est donc tout à fait capable de le faire à nouveau.
06:57Donc, il faut tout faire pour que ça n'arrive pas.
06:59Et je pense que l'urgence de santé publique, de portée internationale, c'est un peu du jargon.
07:05C'est vraiment l'idée de prévenir le maximum de pays possibles en disant,
07:08voilà, dès très vite, il faut mettre en place potentiellement des gestes barrières
07:11maintenant qu'on connaît un tout petit peu comment se propage ce virus.
07:13Rappeler la vaccination, j'imagine ?
07:15Non, on n'en est pas encore là, si je puis dire.
07:18Alors, quels sont les premiers réflexes, on va dire, que doivent prendre les pays occidentaux,
07:23l'Europe, on va dire, qui a été alertée hier ?
07:25Quels sont les premiers gestes barrières, on va dire,
07:27ou quels sont les rappels très, très, très importants à faire ?
07:29À mon avis, les rappels très importants, aujourd'hui, ne sont pas au niveau de la population.
07:34Parce qu'on n'est pas dans un risque imminent d'épidémie dans la population.
07:40Donc, c'est plutôt au niveau de l'agenda politique.
07:42Il faut arrêter de se dire, ça se passe loin de chez nous, ça ne nous regarde pas.
07:47Donc, c'est au contraire, ça se passe loin de chez nous,
07:50on ne veut pas que ça arrive et que ça se répande dans le monde.
07:53Et on veut aussi être solidaires pour que tous ceux qui souffrent de cela,
07:58alors qu'il y a un vaccin, alors qu'on a tous les moyens de lutter contre,
08:02eh bien, il faut qu'on arrête tout cela.
08:03Il ne faut pas que ça déborde.
08:05On sait très bien les conséquences majeures, y compris économiques,
08:08sanitaires, bien sûr, mais aussi sociales.
08:11On sait qu'elles sont majeures lorsqu'il y a une pandémie.
08:13Donc, ça, c'est l'expérience qu'on a.
08:15On ne veut pas que ça se reproduise.
08:16Et on a tous les moyens, aujourd'hui, pour que ça ne se reproduise pas.
08:19Quand vous dites ça, je vais m'engager vers une question peu optimiste.
08:23La dernière fois qu'on nous disait, mais ne vous inquiétez pas,
08:25on a tous les moyens, on connaît ça,
08:27on a un système de santé performant, etc.
08:30La dernière fois, c'était quand même le Covid,
08:31et ça ne vous a pas échappé, comme vous venez de le rappeler,
08:33qu'on s'en est pris pendant deux ans.
08:34Donc, est-ce qu'on est sûr, cette fois-ci, d'avoir les connaissances,
08:38les gestes barrières, le niveau de santé suffisant,
08:40surtout que, et on en a beaucoup parlé ici sur Sud Radio,
08:43par exemple, les systèmes des urgences, certains sont en grève,
08:46beaucoup sont surchargés, ils n'ont pas beaucoup de moyens.
08:48Est-ce que, et c'est naturellement une façon, on va dire,
08:51assez négative de voir les choses,
08:52mais est-ce qu'on est sûr que la France pourrait faire face
08:54à une arrivée, même pas immense,
08:56mais une arrivée déjà solide de cas de variole du singe ?
09:00Non, mais votre question est très pertinente,
09:02et ce n'est pas du tout un excès de pessimisme.
09:06Il est vrai que le fait que l'OMS déclare
09:08une urgence de santé publique de portée internationale
09:11ne résout pas le problème.
09:12Le problème sera résolu que si, véritablement,
09:14les gouvernements s'engagent, en particulier,
09:17à distribuer des doses de vaccins et à produire des doses de vaccins,
09:20et peut-être à aider aussi, pour une fois,
09:23profitons de cela pour aider l'Afrique, le continent africain,
09:26à produire elle-même ces doses de vaccins.
09:28Donc, il faut que le vaccin,
09:29puisque la grande différence quand même avec le Covid,
09:32quand le Covid a émergé, on ne disposait d'aucun outil,
09:35ni vaccin, ni antiviral, ni même diagnostic au tout début.
09:38Donc, je veux dire, aujourd'hui, on a tout ça,
09:40on a tous les outils diagnostiques,
09:42on a tous les vaccins disponibles,
09:44on a même l'antiviral disponible,
09:46mais les pays qui en ont le plus besoin
09:49n'en disposent pas ou très, très peu.
09:51Donc, ça, c'est très scandaleux, si vous voulez,
09:53au sens humanitaire du terme,
09:55mais en plus, c'est stupide.
09:57C'est-à-dire que si on veut, justement,
09:59faire appel à un afflux massif de patients
10:03dans nos hôpitaux, comme vous le disiez,
10:04comme vous le redoutiez à tout juste titre,
10:06eh bien, il faut juste pouvoir apporter
10:09des millions de doses en ce moment
10:10aux pays africains qui en ont besoin.
10:12Antoine Flahaut, épidémiologiste,
10:14professeur de santé publique,
10:15une dernière question.
10:16Après le Covid et les différentes réactions
10:21qu'il y a eues, le fait qu'on soit
10:22littéralement fermé pendant plusieurs mois,
10:24certains, évidemment, se sont enfermés
10:26dans des boucles cognitives,
10:27d'une certaine façon,
10:28on voit déjà apparaître
10:29des messages complotistes,
10:30des messages d'alerte.
10:31Vous, l'épidémiologiste,
10:33qu'est-ce que vous voudriez dire
10:34à ces gens qui pensent que ça y est,
10:36c'est à nouveau un retour du Covid,
10:37on va nous mentir,
10:38tout ça, c'est pour produire des vaccins.
10:39Bref, ce qu'on peut entendre
10:40parfois à intervalles réguliers,
10:42quelle est, non pas la voie de la raison,
10:43l'expression n'est pas la bonne,
10:44mais quels sont les quelques mots
10:45à leur dire pour, on va dire,
10:47les alerter réellement sur ce qu'il se passe.
10:50Alors, je pense que ce qu'on peut se dire,
10:52c'est que, contre le Covid,
10:55les pays qui ont le mieux marché
10:56sont ceux qui avaient le plus confiance
10:58dans la science,
11:00dans leur gouvernement
11:01et dans leur expertise collective.
11:03C'est-à-dire que la France
11:05et l'Europe en font vraiment partie,
11:08c'est-à-dire que c'est vraiment,
11:09même, il y a toujours, bien sûr,
11:11c'est très bien d'ailleurs,
11:11c'est très simple qu'il y ait des échanges,
11:13c'est normal qu'il y ait des gens
11:14qui se posent des questions,
11:15on ne peut pas appeler complotistes
11:16toutes personnes qui se posent des questions,
11:18on peut se poser des questions,
11:19y compris, pourquoi pas,
11:20vis-à-vis des profits
11:21que peuvent générer ces épidémies
11:24sur certains camps ou certains groupes,
11:26c'est tout à fait normal
11:28et c'est en pleine démocratie
11:30que l'on peut répondre à ces questions,
11:31mais lorsque vous disposez
11:33d'une expertise collective,
11:35par exemple l'OMS,
11:35quand elle dit, je déclare l'urgence,
11:37quand le directeur général dit cela,
11:39il repose cette décision
11:41sur une expertise collective,
11:43d'un comité d'urgence
11:44totalement indépendant de l'OMS,
11:46qui est vraiment constitué
11:49de gens experts du domaine
11:50qui connaissent extrêmement bien
11:52et le virus et sa transmission
11:54et toutes les connaissances même
11:55imparfaites que l'on a sur le sujet,
11:57et c'est eux qui font,
11:59donnent un avis,
12:00qui font prendre la décision
12:01au directeur général de l'OMS.
12:01Donc confiance dans la science
12:03et les institutions médicales
12:04qui nous alertent.
12:06Et voilà, on a aussi en Europe,
12:08il y a une excellente agence du médicament
12:10qui est très impartiale,
12:11qui est multi pays,
12:12qui s'appelle l'IMA,
12:15et je pense que lorsqu'elle vous dira,
12:17il faut vous faire vacciner,
12:19vous avez quand même,
12:20vous bénéficiez d'une expertise collective,
12:23indépendante et impartiale.
12:26Je pense que c'est cela
12:27qu'on peut le plus promouvoir aujourd'hui.
12:30Merci beaucoup Antoine Fléau,
12:31épidémiologiste,
12:31professeur de santé publique,
12:33de nous avoir alerté
12:34ou justement d'avoir fait preuve
12:36d'énormément de pédagogie
12:37pour nous expliquer
12:38ce qu'était ce fameux virus
12:39dont l'OMS nous alertait
12:41sur la gravité hier soir.
12:42Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
12:43Dans quelques instants,
12:44vous restez évidemment sur Sud Radio
12:45parce que ce sont les grands débats de l'été
12:47qui s'ouvrent.
12:47On s'interroge sur Bernard Cazeneuve,
12:49la piste Bernard Cazeneuve
12:51pour gravir les marches
12:53qui mènent à Matignon.
12:54Je ne savais pas visiblement
12:55lors des dernières législatives
12:56qu'on avait signé
12:57pour le retour de la République
12:58au costume trois pièces
12:59et au chapeau à faute.
12:59A tout de suite.