Après l’attaque du Hezbollah libanais, l’Iran a-t-il dit son dernier mot ?

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Avec Emmanuel Razavi, grand reporter franco-iranien et spécialiste du Moyen-Orient, notamment pour Paris Match, auteur du livre “La face cachée des mollahs” aux éd. Cerf ---   Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/   Nous suivre sur les réseaux sociaux  ▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel  ▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/  ▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio  ▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr  ☀️ Et pour plus de vidéo du Grand Matin Sud Radio : https://youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDRJgbMndsvDtzg5_BXFM7X_   ##C_EST_DANS_LACTU_2-2024-08-27##

Transcript

00:00Mais l'Iran des mollads, il dit son dernier mot ce week-end.

00:03Israël a été la cible d'une attaque du Hezbollah libanais.

00:05Le groupe chiite armé est financé par l'Iran,

00:08dit avoir lancé des centaines de drones et de roquettes.

00:10Israël évoque des dégâts mineurs et a riposté.

00:13L'Iran, pour sa part, a salué l'opération de son allié libanais.

00:16Bonjour Emmanuel Razavi.

00:18Bonjour Benjamin, merci de me recevoir.

00:20Merci à vous d'être présent.

00:22Justement pour évoquer cette actualité internationale très pesante,

00:26vous êtes grand reporter franco-iranien,

00:28spécialiste du Moyen-Orient, notamment pour Paris Match,

00:30auteur du livre « La face cachée des mollads ».

00:34C'est aux éditions du CERF.

00:35Emmanuel Razavi, le régime iranien promettait de venger la mort

00:39du chef politique du Hamas sur son sol.

00:41C'était fin juillet, on le rappelle,

00:42assassinat attribué à Israël.

00:44Est-ce que l'attaque du Hezbollah ce week-end, dimanche,

00:47est la riposte qui a été promise par Téhéran depuis bientôt un mois ?

00:53Je ne suis pas sûr que ce soit la riposte, si vous voulez, promise.

00:56Il y a plusieurs facteurs qui rentrent en ligne de compte.

00:58Si vous voulez, ce week-end à la télévision,

01:00il y a eu une allocution du président iranien, Pézech Kian,

01:05qui a clairement dit...

01:07C'est assez intéressant, double discours,

01:09parce qu'il dit clairement, d'un côté,

01:10qu'il veut faire en sorte d'aller vers la calmie,

01:13qu'il veut aller vers une reprise, en tout cas,

01:15du dialogue avec les États-Unis.

01:17Et dans le même temps, le Hezbollah, vous l'avez très bien rappelé,

01:21qui est la milice aux ordres des gardiens de la révolution islamique iranienne,

01:25attaque Israël, mais attaque et puis, très rapidement,

01:29annonce qu'elle a fait ce qu'elle avait à faire,

01:31et finalement, laisserait entendre qu'elle a atteint ses objectifs,

01:36qu'elle s'arrête là.

01:37Je pense que les informations qui viennent aujourd'hui

01:39de l'état-major israélien sont justes.

01:41Je pense que c'est très, très mineur,

01:43les dégâts qui ont été faits par le Hezbollah.

01:46En fait, on est toujours dans cette espèce de double discours

01:49qu'on a avec la République islamique d'Iran depuis des années.

01:52Mais comment on l'explique, ce double discours ?

01:55Dites-nous, Emmanuel Razavi, comment on l'explique, ce double discours ?

01:58Pour répondre à votre question, il faut comprendre le contexte

02:02dans lequel évolue aujourd'hui la République islamique d'Iran.

02:05Vous avez d'abord des dissensions, je l'ai déjà raconté sur votre antenne,

02:09mais des dissensions très importantes entre ce qu'on appelle le courant réformateur iranien,

02:15dont est-il fût le président de la République islamique, Peshchian,

02:19et puis ce qu'on appelle les conservateurs ou les ultraconservateurs

02:23qui s'inscrivent dans l'idéologie, si vous voulez, la plus dure de l'islam chiite

02:27et qui sont dans la continuité de ce que prônait l'Ayatollah Khomeini en 1979,

02:33c'est-à-dire l'éradication de l'État hébreu,

02:36pour continuer ensuite à exporter le djihad en Occident.

02:39Donc, on est là-dedans.

02:40Et puis, il y a aussi, au milieu de tout cela,

02:43la contestation populaire sans précédent en Iran depuis deux ans,

02:46avec un contexte économique qui est tragique pour l'Iran.

02:49Vous avez un Iranien sur deux qui vit en dessous du seuil de pauvreté.

02:54En clair, ce que je suis en train de vous dire,

02:56c'est que l'Iran aboie en permanence pour faire peur

02:59et pour faire oublier qu'il est dans une situation qui est une situation dramatique.

03:03Parce qu'il n'arrive pas sur le plan intérieur, aujourd'hui, le régime...

03:06Avec des femmes iraniennes qui sont tuées parce qu'elles ne portent pas le voile aussi.

03:10C'est ça, disons les choses franchement aussi.

03:13Alors, oui.

03:14Alors, entre autres choses, parce que le voile, si vous voulez,

03:16incarne un peu l'un des piliers du régime en 1979,

03:19quand Ayatollah Khomeini a pris le pouvoir,

03:21très rapidement, il a imposé le voile

03:23parce qu'il considérait qu'avec le voile,

03:25l'islam occuperait, si vous voulez, l'espace public.

03:29Très clairement, qu'on le verrait à tous les carrefours,

03:31dans toutes les rues, sur toutes les avenues.

03:33Mais si vous voulez, derrière, en fait, la contestation liée au voile,

03:36il y a toute cette situation, aujourd'hui, économique, sociologique et politique,

03:39que je vous explique, en fait, en Iran,

03:41et qui fait que ce pays, un pays au bord du gouffre, en permanence,

03:43mais qui tient, qui tient, parce qu'il est en permanence, dans le bluff,

03:46menace en permanence, si vous voulez, d'étendre un espèce de conflit généralisé

03:50au Proche et au Moyen-Orient,

03:52avec une diplomatie occidentale, aujourd'hui,

03:55qui, dans l'ensemble, est assez faible

03:57et compose plus qu'elle n'impose quoi que ce soit

04:00à la République islamique d'Iran et au Mollah.

04:02Pays, donc, vous le dites, au bord du gouffre,

04:04est-ce que, pour autant, c'est un pays qui...

04:06est-ce qu'il est dangereux ou pas, très clairement,

04:08pour la stabilité ?

04:10On sait que c'est un pays central, à ce niveau-là,

04:12pour la stabilité régionale.

04:15Oui, évidemment.

04:16L'Iran, si vous voulez, est un pays, quand même,

04:18qui a une armée qui est très importante.

04:20Il faut comprendre qu'il y a, quand même,

04:21plus de 400 000, en fait, soldats

04:23au sein de l'armée régulière.

04:24Vous avez, à minima, 160 000

04:26gardiens de la Révolution, plus une milice

04:29civile, dont on ne connaît pas, en fait,

04:31le nombre exact. Certains, la chiffre même,

04:33jusqu'à plusieurs millions de miliciens.

04:35Donc, la réalité, c'est que, oui, l'Iran, aujourd'hui,

04:37est un danger pour la stabilité, en fait,

04:39du Proche et du Moyen-Orient,

04:41notamment par le biais, en fait, de ce qu'on appelle

04:43ces proxys, si vous voulez, qui sont, évidemment,

04:45le Hezbollah chiite-libanais,

04:47que les gardiens de la Révolution ont créé en 1982

04:49dans le sud-liban, par le biais

04:51des outils. Et puis, on le voit bien,

04:53évidemment, aussi par le biais du Hamas,

04:55parce que l'Iran est l'un des sponsors

04:57du Hamas à Gaza, mais aussi du

04:59FPLP et du djihad islamique palestinien.

05:01On parlait de cette riposte

05:03à Israël, de la part de l'Iran.

05:05Est-ce qu'elle a un véritable intérêt

05:07à passer à l'action ? Est-ce que

05:09le régime iranien a un intérêt

05:11véritablement à passer à l'action ?

05:13Et est-ce qu'elle craint ou pas ? Est-ce que l'Iran craint

05:15finalement, derrière tout cela,

05:17la réaction d'Israël, mais aussi des États-Unis ?

05:19Alors, oui,

05:21vous avez raison de le souligner. Moi, j'ai discuté avec

05:23des gens qui sont à l'intérieur du régime, qui disent,

05:25alors c'est plutôt les plus modernés, qui disent

05:27qu'il ne faut surtout pas, en fait, qu'on suive

05:29les conservateurs dans une logique

05:31de conflit, parce qu'assurément,

05:33les États-Unis défendraient Israël

05:35et ce serait la fin, très clairement,

05:37la fin de la République islamique.

05:39Pour autant, quand ces plus modérés disent cela,

05:41il faut comprendre qu'ils viennent en général du Parti

05:43réformateur. C'est ce que je raconte dans mon livre.

05:45Ce Parti réformateur, il est quand même islamiste,

05:47et c'est un Parti réformateur qui a la main sur

05:49les trafics de drogue, sur les trafics d'armes,

05:51sur la prostitution en Iran,

05:53mais quasiment dans l'ensemble, en fait,

05:55du Moyen-Orient, et même

05:57jusqu'en Amérique du Sud,

05:59où ils ont des partenariats, des accords

06:01avec les cartels. Donc, si vous voulez, aujourd'hui,

06:03c'est très difficile de trouver, en fait, une source

06:05entre guillemets « stable »,

06:07honorable au sein, en fait, des composantes

06:09ou de la composante, en fait, qui dirige

06:11le pouvoir en Iran,

06:13mais il ne faut jamais oublier que c'est un pays

06:15qui est en permanence sur le fil.

06:17Et si vous voulez, le fait qu'en permanence,

06:19les Mollahs aboient, menacent,

06:21c'est aussi une façon pour eux,

06:23c'est un peu la question que vous posiez,

06:25d'arriver à négocier ce qui les intéresse.

06:27En ce moment, alors, je crois

06:29que c'était samedi ou dimanche, quand Peshchian,

06:31le président iranien, est passé à la télévision d'État

06:33iranienne, il allait clairement laisser

06:35entendre qu'il allait avoir,

06:37comment dire, une remise à plat des accords

06:39sur le nucléaire.

06:41Exactement. Donc, c'est aussi

06:43une façon, les menaces, en fait, sur Israël

06:45de faire un chantage à la communauté, en fait,

06:47internationale, au nom de démocratie,

06:49nonobstant le fait que le président iranien

06:51a clairement dit que, de toute façon,

06:53la République islamique allait, aujourd'hui,

06:55davantage se rapprocher de la Chine

06:57et de la Russie. En clair,

06:59c'est une forme de mise en garde, je dirais,

07:01aux grandes démocraties européennes

07:03et aux États-Unis, pour leur dire, écoutez,

07:05on peut très bien se débrouiller, en fait, sans vous,

07:07donc, voilà, il y a encore une fois des négociations.

07:09Mais tout ce jeu-là dure depuis des décennies

07:11et, vous voyez,

07:13avec tout ce que ça implique de dramatique,

07:15de tragique, en fait, pour le Proche et le Moyen-Orient,

07:17je fais allusion au 7 octobre

07:19dernier, évidemment, mais c'est en permanence

07:21ça, l'Iran, c'est un jeu

07:23qui est aussi, en fait, entre terrorisme,

07:25d'avantage diplomatique

07:27et ça dure depuis 40 ans.

07:29Donc, ça veut dire, finalement, de ce qui se passe actuellement,

07:31cette question de la riposte en direction d'Israël,

07:33c'est qu'un prétexte,

07:35si je vous suis bien,

07:37pour poser une façon d'avoir une influence

07:39plus importante au niveau international, c'est ça ?

07:41Ecoutez,

07:43clairement, en tout cas, oui, moi, c'est ce que je comprends,

07:45puisque je discute avec l'Iran,

07:47comme vous le savez, assez régulièrement.

07:49Oui, c'est une réalité, aujourd'hui,

07:51c'est un moyen pour les mollahs iraniens

07:53de dire à l'ensemble du monde

07:55nous pesons,

07:57nous avons les moyens de déstabiliser, en fait,

07:59le Moyen-Orient, et puis par extension, en fait,

08:01l'ensemble du monde.

08:03Parallèlement, il ne faut pas oublier, en fait, que toutes les

08:05manifestations dites

08:07pro-palestiniennes qu'on a depuis un an, mais qui sont clairement

08:09très souvent des manifestations pro Hamas,

08:11elles ont pu être aussi influencées, parfois,

08:13par des agents, en fait, du régime iranien.

08:15Je fais allusion à des manifestations,

08:17notamment, en fait, en Angleterre, où on a vu,

08:19où ont été filmées, en fait, des gens

08:21qui ont travaillé pour le régime iranien.

08:23Donc, s'il voulait fragiliser

08:25un point,

08:27de façon extrême, le régime iranien

08:29aujourd'hui

08:31montre un peu, comment dire,

08:33les muscles, les gros bras, justement,

08:35pour montrer qu'il a encore les moyens, en fait, de peser.

08:37Alors que, comme je vous le disais tout à l'heure,

08:39il est quand même dans une situation d'asphyxie

08:41économique, très clairement,

08:43et de contestation populaire, vraiment sans précédent.

08:45Un grand merci pour votre

08:47éclairage, Emmanuel Razavi, je rappelle que

08:49c'est, donc, grand reporter franco-iranien,

08:51spécialiste du Moyen-Orient,

08:53auteur du livre « La face cachée des molasses »

08:55et aux éditions du CR.

08:57Sud Radio, bientôt.

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