• il y a 2 mois
Avec Béatrice Brugère, magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité-magistrat FO

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##L_INVITE_POLITIQUE-2024-10-15##

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News
Transcription
00:00Sud Radio, l'invité politique, Jean-Jacques Bourdin.
00:07Merci de nous accompagner tous les matins de 8h30 à 9h et ce matin nous faisons un petit pas de côté
00:13en recevant Béatrice Brugère qui est magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO
00:19et auteure de « Justice, la colère qui monte » aux éditions de l'Observatoire.
00:24Béatrice Brugère, bonjour.
00:25Bonjour.
00:26Merci d'être avec nous. Vous êtes apolitique, je le précise.
00:29Oui.
00:30C'est-à-dire que vous n'avez pas d'engagement politique ?
00:32Non.
00:33On est bien d'accord, vous n'êtes pas un syndicat classé à droite, à l'extrême droite, à gauche, à l'extrême gauche.
00:38On va partout, on nous invite et on répond à tout le monde.
00:41Et vous répondez à tout le monde, c'est très bien.
00:43La justice, j'avais envie qu'on parle de la justice.
00:46Une institution mal aimée des Français, mal comprise des Français, accusée d'être laxiste, d'être trop lente.
00:55Est-ce que c'est un problème de moyens Béatrice Brugère ?
00:59Si je vous pose la question, c'est parce que Didier Migaud a déclaré hier sur RTL
01:04je ne resterai pas au gouvernement si le budget de la justice n'est pas amélioré.
01:08Ce budget est amélioré d'année en année, surtout ces dernières années.
01:13Oui, parce qu'en fait on a eu une loi de programmation, vous savez, un peu comme les militaires,
01:17qui permet en fait de programmer, comme son nom l'indique, sur trois ans, des investissements
01:22et d'avoir, avec des guillemets, une petite stratégie pour améliorer la justice dont vous savez,
01:29vous l'avez rappelé très justement, qu'elle est l'objet de toutes les critiques
01:33et que l'on doit apprendre à faire mieux avec déjà des budgets qui sont relativement conséquents.
01:38Donc la question des moyens, évidemment elle est centrale,
01:42mais faut-il encore avoir une vision très claire de ce que l'on veut faire de l'argent que l'on nous donne ?
01:48Ça c'est la première chose.
01:49Donc c'est vrai qu'une loi de programmation permettrait, je me dis bien permettrait,
01:54en vrai, dans l'idéal, de projeter la justice sur une courbe de progression et de performance
02:04telle que les citoyens l'attendent.
02:06Alors, je regardais le budget de la justice pour 2025, prévu, il y aura les discussions à l'Assemblée Nationale,
02:1310 milliards 240 millions d'euros.
02:1510 milliards 240 millions d'euros, c'est beaucoup et peu à la fois.
02:20Embauche en 5 ans, voilà ce que prévoit la loi de programmation de Dupond-Moretti,
02:24embauche en 5 ans de 10 000 personnes, dont 1500 magistrats et 1800 greffiers.
02:30Oui, vous n'êtes pas tout à fait d'accord avec ces chiffres ?
02:32Oui, non mais en fait c'est ce que j'appelle une projection, c'est-à-dire une loi de programmation qui est un idéal.
02:38Vous savez, c'est un peu comme les places de prison.
02:40Oui, les places de prison, tiens.
02:42On nous dit qu'il faut en construire, puisque le Sénat en a rajouté un peu, maintenant 18 000,
02:47depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
02:50Or, aujourd'hui, en solde net, net, c'est-à-dire entre ce qu'on a rénové, ce qu'on a fermé,
02:55et ce qu'on a vraiment construit, je crois qu'on est à peine à plus de 3 000 places.
02:59C'est-à-dire que depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, on a construit 3 000 places de prison ?
03:05En net solde, oui, parce qu'en fait, si vous voulez, on en a rénové, on en a fermé, etc.
03:103 000 seulement ?
03:11Oui, donc, après, c'est un peu normal que...
03:14Oui, ça met du temps.
03:15Ça met du temps et c'est compliqué.
03:17Donc, en fait, ce budget, il était intéressant aussi pour se projeter sur des attentes fortes
03:22et sur, je pense, un choc de gouvernance qui n'a pas eu lieu.
03:27Moi, ce qui m'intéresse, si vous voulez, dans ce budget, c'est pas tant la courbe,
03:30parce que, de toute façon, le budget de la justice ne sera jamais satisfaisant,
03:34parce que, vous le savez, en France, on part de très loin.
03:36C'est presque un budget de rattrapage.
03:38Mais il n'est pas inconséquent.
03:40On est pratiquement sur 11 milliards.
03:42Et ce qui, en fait, a été enlevé, c'est dans la progression de ce qui était prévu.
03:49C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir plus 600 euros cette année,
03:52puisque chaque année, on a progressé,
03:54on n'a que plus 100 euros.
03:56Mais on ne nous en laisse pas...
03:57100 millions.
03:58Oui, pardon, 100 millions, excusez-moi.
04:02Au lieu d'avoir 600 millions, on a plus 100 millions.
04:07Ce qui fait que, si vous voulez,
04:09on ne nous enlève pas ce qu'on a déjà,
04:11mais on n'a pas autant que ce qu'on devrait avoir.
04:13Une accélération que vous souhaitiez.
04:15Béatrice Brugère, on va quitter ces questions budgétaires,
04:19mais on va être dans le concret.
04:23Que demandez-vous ?
04:25Vous allez rencontrer le garde des Sceaux aujourd'hui, je crois, tout à l'heure ?
04:28Non, non, non.
04:30Je rencontre son cabinet, mais pas le...
04:32Je l'ai déjà vu, le garde des Sceaux, je l'ai déjà vu.
04:34Vous l'avez déjà vu ?
04:35Oui, tout à fait.
04:36Vous avez parlé de divers sujets, évidemment.
04:38Tout à fait.
04:39Vous avez fait des propositions, j'imagine.
04:41Tout à fait.
04:42Que demandez-vous, ce matin, sur l'antenne de Sud Radio ?
04:45Moi, je vais quand même revenir sur le budget, si vous le permettez.
04:48Oui, très vite, parce que justement, ça fait partie des demandes.
04:51En fait, le problème de la justice, aujourd'hui,
04:53c'est très bien d'avoir plus d'argent,
04:55mais c'est un système qui a besoin d'être réformé en profondeur.
04:59Pourquoi ? Parce qu'il y a aussi
05:01beaucoup d'argent qui est mal dépensé,
05:03sans doute aussi beaucoup de gaspillage,
05:05mais beaucoup de possibilités
05:07de faire mieux avec déjà ce que l'on a.
05:10Je m'explique.
05:11C'est-à-dire que, vous voyez, je vous donne quelques exemples.
05:13La norme, c'est-à-dire le fait de faire des lois, ça coûte très cher.
05:17L'aide juridictionnelle, il faudrait peut-être mieux contrôler aussi ces dépenses.
05:21La criminité organisée pourrait être une source de revenus.
05:24Les saisies.
05:25Les amendes.
05:26Les voitures, les appartements, les maisons, des trafiquants.
05:29La gouvernance, l'organisation du travail.
05:32Un autre exemple que vous connaissez très bien, Jean-Jacques Bourdin.
05:35La complexité de la procédure coûte de l'argent.
05:39Coute de l'argent.
05:40Et ça, c'est très parlant,
05:42puisqu'en fait, ça coûte de l'argent,
05:44ça coûte du temps d'acteur,
05:46ça coûte des ETP.
05:47Vous parlez tout à l'heure de recruter du personnel.
05:50Mais si vous avez une procédure qui complexifie,
05:53qui rallonge les délais,
05:54qui vous fait refaire, défaire...
05:55Donc un choc de simplification, c'est ce que vous demandez.
05:57Ce que je veux dire par là,
05:58c'est qu'on a Didier Migaud,
06:00qui est quelqu'un qui connaît bien le sujet des finances,
06:03et qui connaît bien ce sujet.
06:04Pourquoi ? Parce que la Cour des comptes avait déjà dit en 2023,
06:07sur un exemple comme l'aide juridictionnelle,
06:09qu'il y ait un budget énorme,
06:10qui n'arrête pas d'augmenter près de 500 millions d'euros,
06:13c'est-à-dire la somme qui nous manquerait aujourd'hui.
06:16Il dit, mais il faut tout revoir.
06:18C'est pas contrôlé, c'est pas sérieux, c'est pas optimisé.
06:21Donc moi, ce que j'attends du garde des Sceaux,
06:23puisqu'il a ce profil,
06:24c'est peut-être ce choc de gouvernance,
06:26et qu'il s'attaque.
06:27Non pas...
06:28Alors c'est très bien d'avoir plus d'argent,
06:30mais surtout à ce qu'on le dépense mieux,
06:33et qu'on optimise davantage notre budget.
06:35Bien. Moi j'ai des questions concrètes à vous poser,
06:37que se posent évidemment tous les auditeurs et les auditrices de Sud Radio.
06:41Est-ce que les peines de prison courte sont immédiatement exécutées ?
06:46Alors vous savez qu'aujourd'hui, d'abord,
06:48les peines de prison très courte ne sont pas...
06:51Elles sont aménagées, puisque c'est la loi.
06:53Jusqu'à un an, c'est quasi obligatoire,
06:56et jusqu'à six mois, c'est quasi automatique.
06:58Aujourd'hui, 40%...
06:59C'est-à-dire que quelqu'un qui est condamné à de la prison ferme
07:01jusqu'à six mois, ne va pas en prison ?
07:03Non. Et jusqu'à un an, très peu non plus.
07:06Très peu. Est-ce qu'il faut là changer la loi ?
07:08Bien sûr. 40% des peines prononcées de prison ferme,
07:13à l'audience, 40% sont immédiatement aménagées,
07:17c'est-à-dire que les gens ne vont jamais en détention.
07:19Et ça, c'est la loi qui le demande.
07:21Est-ce qu'il faut changer la loi ?
07:22Oui, il faut changer la loi, bien sûr.
07:23Nous, on propose quelque chose d'assez disruptif,
07:25qui sont les ultra-courtes peines.
07:28C'est-à-dire que nous, ce qui a été supprimé d'ailleurs par Nicole Belloubet,
07:31c'est-à-dire qu'on ne peut plus prononcer de peine de prison jusqu'à un mois.
07:35Ce qu'on remarque, et ça c'est très intéressant,
07:38c'est qu'aujourd'hui, les prisons débordent.
07:40Mais les prisons débordent, pourquoi ?
07:42Pas parce qu'on incarcère davantage,
07:44on incarcère à peu près autant qu'en 1980.
07:46Vous avez entendu ? Autant qu'en 1980.
07:48Autant qu'en 1980.
07:49Mais les gens restent deux fois plus.
07:51C'est-à-dire que là où on avait à peu près
07:53une moyenne de six mois de détention,
07:56maintenant, on est jusqu'à onze mois.
07:57Pourquoi ?
07:58Parce qu'on incarcère trop tard.
08:00Et donc, quand on incarcère,
08:01les gens ont déjà des casiers ou des peines en attente.
08:04Et du coup, quand ça tombe, ça fait très mal.
08:06Et donc, sur le plan économique et sur le plan pénal,
08:09c'est extrêmement nuisible.
08:11Pourquoi ?
08:12Parce que nos prisons débordent,
08:13alors qu'on n'incarcère pas plus.
08:14Alors que si on incarcère tout de suite ?
08:16Au moindre délit ?
08:18Aux délits qui sont graves.
08:20Evidemment, on ne va pas aller en prison
08:22parce qu'on a franchi une ligne jaune.
08:25Sur les atteintes aux personnes, par exemple.
08:27La violence.
08:28Sur l'ultra-violence.
08:29Je suis condamné, par exemple, à six mois de prison.
08:31Aujourd'hui, je ne vais pas en prison.
08:33Je ne fais pas de peine.
08:34Rarement.
08:35Rarement.
08:36Ça devrait être automatique.
08:38Je vais en prison, mais tout de suite.
08:40Alors, nous, ce qu'on propose, c'est même mieux.
08:42Enfin, c'est mieux. Non, j'en sais rien.
08:43Mais en tout cas, c'est différent.
08:44C'est ce qui se fait un peu aux Pays-Bas.
08:46Aux Pays-Bas, ils incarcèrent entre sept et quinze jours
08:49dès le premier délit grave.
08:51Dès le premier délit grave,
08:52on va en prison sept ou quinze jours.
08:54Donc, en fait, ça ne désocialise pas.
08:55Ce n'est pas l'école du crime.
08:56La sanction tombe vraiment physiquement.
08:58Et l'autorité de la justice a du sens.
09:01C'est-à-dire que la sanction a du sens.
09:03Elle n'est pas disproportionnée.
09:05Et aux Pays-Bas, par exemple,
09:06ils incarcèrent deux fois plus
09:08et leurs prisons sont deux fois plus vides.
09:10Parce que les gens ne restent pas.
09:11Ce que l'on critique chez nous,
09:13c'est en fait l'antithèse de ce que disait Beccaria,
09:16qui était comme le physiologue des Limières.
09:18Il faut que la sanction soit rapide,
09:20certaine et proportionnée.
09:23Nous, elle est lente, incertaine
09:25et parfois très lourde.
09:27Parce que, justement, on attend tellement longtemps
09:29que les personnes, tout d'un coup,
09:31se retrouvent avec des peines très longues.
09:32– Ça, c'est déjà une première réforme très intéressante
09:34que vous proposez.
09:35– Elle est radicale.
09:36– Elle est radicale.
09:37– Elle est radicale, c'est un changement complet,
09:39en fait, de politique pénale.
09:41– Bien sûr.
09:42Autre chose, l'excuse de minorité.
09:44C'est un vrai sujet de débat, l'excuse de minorité.
09:47On l'a vu avec ce qui s'est passé à Marseille.
09:50Ces jeunes de 14 et 15 ans
09:52qui se sont transformés en tueurs à gages
09:54à 14 ans.
09:56Alors, est-ce qu'il faut écarter cette excuse
09:59dans certains cas ?
10:01– Nous, on a dit aux ministres,
10:03et c'est ce qu'avait déjà repris le Premier ministre
10:05Gabriel Attal, vous savez, post-émeute,
10:07qu'il fallait absolument changer
10:09pour les mineurs ultra-violents.
10:11C'est-à-dire une minorité de mineurs.
10:13– Mais même ceux qui ont moins de 16 ans.
10:15– En fait, surtout entre 16 et 18 ans,
10:17nous avons composé un système de comparaisons immédiates.
10:19Gabriel Attal l'a repris.
10:21Aujourd'hui, c'est toujours dans le débat.
10:23C'est toujours sur la table.
10:25Et ça veut dire que c'est exactement la même logique
10:27que les ultra-courtes peines.
10:29Quand vous avez entre 16 et 18 ans,
10:31et que vous commettez des faits très, très graves,
10:33il faut que la sanction tombe rapidement.
10:35Pas nécessairement très longue,
10:37pas nécessairement disproportionnée, mais tout de suite.
10:39Oui, parce que les mineurs, eux,
10:41ils ont un rapport au temps qui est différent.
10:43Si vous les jugez deux ans après, ils sont déjà majeurs,
10:45d'ailleurs, au passage.
10:47Donc, il faut que ça soit pédagogique.
10:49– C'est une responsabilité que vous avez aussi citée.
10:51Moi, je ne suis pas pour qu'on abaisse
10:53la responsabilité pénale à 16 ans,
10:55je suis pour qu'on punisse
10:57les mineurs de 16 ans
10:59qui ne bénéficient pas nécessairement
11:01de l'excuse de minorité, en motivant,
11:03en motivant par le juge
11:05pourquoi il la met ou il ne la met pas.
11:07Aujourd'hui, elle est quasi automatique.
11:09Donc, ce n'est pas qu'il faut la supprimer,
11:11c'est qu'il faut la motiver.
11:13On inverse le processus.
11:15– Et à moins de 16 ans ?
11:17– Avec Nicole Belloubet,
11:19on a une responsabilité pénale
11:21qui commence à 13 ans.
11:23Or, aujourd'hui, on s'aperçoit, malheureusement,
11:25qu'entre 10 et 13 ans,
11:27on commence à avoir des mineurs ultra-violents
11:29sur des violences,
11:31sur peut-être même du trafic de drogue.
11:33– Entre 10 et 13 ans ?
11:35– Oui, mais c'est surtout, vous savez quoi, là où ça explose ?
11:37Sur des faits extrêmement graves qui sont
11:39des viols et agressions sexuelles.
11:41– Alors, est-ce qu'il faut encore baisser
11:43la majorité pénale ?
11:45– On l'a mis à 11 ans, nous, on l'a mis à 13 ans.
11:47Ça veut dire qu'en dessous de 13 ans...
11:49– Vous êtes favorable à ce qu'on la mette à 11 ans ?
11:51– Je pense que si c'était à refaire,
11:53il aurait fallu la baisser au moins
11:55à 11-12 ans,
11:57parce qu'on s'aperçoit qu'aujourd'hui,
11:59on a un vide.
12:01Moins de 13 ans, on a des mineurs qui commettent des crimes.
12:03Vous ne pouvez mettre que des mesures éducatives.
12:05– Oui.
12:07– Donc, vous ne pouvez pas sanctionner sur le plan pénal.
12:09– Donc, on ne peut pas sanctionner.
12:11– C'est des mesures éducatives, c'est la loi.
12:13On n'a pas pris en compte
12:15la nouvelle criminalité ultra-violente.
12:17Et encore une fois, je le dis,
12:19parce que c'est important pour nos éditeurs,
12:21ça ne concerne que quelques mineurs.
12:23Il ne faut pas croire que tous les mineurs sont ultra-violents,
12:25mais ces quelques mineurs, il ne faut pas les laisser
12:27continuer à être ultra-violents, parce qu'ils contaminent.
12:29On voit très bien les violences
12:31dans les écoles.
12:33Aujourd'hui, on a des choses épouvantables,
12:35avec du harcèlement, des pièges,
12:37des guets à pan,
12:39des passages à tabac,
12:41des viols, etc.
12:43On ne peut pas ne pas réagir devant cette violence.
12:45– Béatrice Brugère, là, je regardais,
12:47on a évoqué cette affaire ce matin sur l'antenne de Sud Radio,
12:49à Marseille, un narcotrafiquant
12:51a été relâché 11 jours avant son procès.
12:53– Oui, alors ça, c'est encore un sujet
12:55aussi qui est complètement fou,
12:57sur lequel on a fait des propositions,
12:59qui est la simplification de la procédure,
13:01parce qu'en fait, la complexité de la procédure,
13:03ça allonge les délais, c'est chronophage,
13:05ça prend du temps, ça prend de l'argent,
13:07et il faut absolument réformer
13:09la procédure, notamment sur les nullités
13:11et sur les délais. Il faut qu'aujourd'hui,
13:13on revienne dans des délais qui soient tout à fait normaux.
13:15Aujourd'hui, les magistrats ont
13:17tellement de stocks, ont tellement de délais
13:19qu'ils sont obligés, parfois, de remettre dehors des gens
13:21qui ne devraient pas l'être pour être jugés.
13:23Avec tous les risques que ça encourt.
13:25– Avec tous les risques, parce qu'il peut très bien ne pas se présenter.
13:27– Nous demandons depuis des mois
13:29et des mois, y compris sous Éric Dupond-Moretti,
13:31y compris sur Béloubet,
13:33cette simplification de la procédure pénale,
13:35qui serait d'ailleurs un coût,
13:37un bénéfice financier, mais pas que,
13:39un bénéfice pour toute la justice, on l'attend.
13:41Je vous rappelle quand même qu'Emmanuel Macron
13:43l'avait demandé après le Beauvau de la Sécurité
13:45à Éric Dupond-Moretti,
13:47parce que les policiers étaient très en colère,
13:49je ne sais pas si vous vous souvenez.
13:51Il lui a dit, je vous donne quelques mois pour le faire,
13:53on attend toujours, là on est à plusieurs années.
13:55– Est-ce que la justice est laxiste là ?
13:57Le taux d'exécution des peines,
13:59il est très élevé en France,
14:01il faut savoir. – Alors il est très élevé,
14:03mais il faut cinq ans pour qu'il soit
14:05exécuté déjà,
14:07et puis il faut voir qu'en fait,
14:09là où on comprend mal, et c'est normal,
14:11parce que c'est pas clair,
14:13c'est qu'en fait il n'est pas exécuté sous la forme
14:15où il est prononcé, c'est ce qu'on disait tout à l'heure.
14:1740% des peines de prison prononcées
14:19sont exécutées sous une autre forme.
14:21C'est quoi sous une autre forme ?
14:23Un brassé électronique,
14:25ça peut être une conversion au travail d'intérêt général,
14:27etc.
14:29Donc en fait, la peine prononcée en France
14:31est rarement exécutée telle qu'elle est prononcée.
14:33Pourquoi changer tout le temps
14:35ce que l'on prononce ?
14:37C'est quand même particulier comme système.
14:39– Mais bien sûr, vous avez entièrement raison.
14:41– Donc par exemple,
14:43excusez-moi juste pour vous dire sur ce chiffre
14:45qui circule, y compris
14:47chez les journalistes, le taux d'exécution.
14:49Il ne concerne que
14:51les peines de prison. Or les peines de prison
14:53ne sont qu'une toute petite partie des peines
14:55prononcées. Il ne concerne pas les amendes,
14:57il ne concerne pas les autres peines,
14:59ce qui fait que ce taux de 4,15%
15:01ne correspond
15:03qu'aux peines de prison.
15:05– Si je vous comprends bien,
15:07on ne prononce pas assez en France
15:09de peines de prison courtes.
15:11– On n'en prononce pas.
15:13Et d'ailleurs c'est interdit.
15:15– Oui, c'est interdit.
15:17Ce qui est dommage, que vous regrettez.
15:19– En fait,
15:21on est en France dans un système anti-prison.
15:23Mais ça a des effets qu'on n'a pas calculés,
15:25c'est que pour mettre quelqu'un en prison, du coup,
15:27il faut mettre des peines longues. Donc ça rallonge
15:29le temps de la détention. – Évidemment, ça rallonge,
15:31ça engorge les prisons. – Donc en fait, c'est complètement
15:33illogique, parce que ça vous oblige
15:35à être plus sévère, mais trop tard.
15:37– Exactement. Alors,
15:39il y a un autre fait aussi de notre société
15:41aujourd'hui, c'est qu'on a beaucoup
15:43de délinquants, même jeunes,
15:45n'ont plus peur de la police, n'ont plus peur de la gendarmerie,
15:47ils n'ont plus peur du juge non plus.
15:49– Oui, alors, c'est plus récent,
15:51mais vous avez raison, mais on est moins exposé
15:53quand même, il faut le dire,
15:55que les policiers qui sont vraiment au contact
15:57du terrain, mais ça viendra, parce qu'il n'y a pas de raison,
15:59je vous rappelle quand même que
16:01aussi, rappelez-vous, toutes les
16:03agressions, et je salue
16:05mes collègues de la pénitentiaire, qui sont
16:07énormes aussi, en centre
16:09de détention, donc oui, il n'y a plus ce respect.
16:11Mais on revient toujours à la même logique, parce que
16:13comme nos peines
16:15sont trop lentes et
16:17trop tardives, en fait,
16:19on a l'impression qu'on ne punit pas.
16:21Et c'est pareil pour les mineurs.
16:23Si les mineurs, ils sortent, ils disent « ah ben j'ai rien eu,
16:25c'est rien, c'est un rappel à la loi,
16:27c'est une remise à part envoyer des choses qui ne sont pas
16:29très concrètes pour eux », ils ont l'impression
16:31qu'en fait... – Exactement, ils n'ont plus peur
16:33de la justice ? – Mais non, parce qu'en fait, ça ne tombe pas.
16:35Et quand ça tombe, ça tombe fort.
16:37Et là, ils ne comprennent plus. – Et là, ils ne comprennent plus,
16:39évidemment. La corruption,
16:41on parle, c'est marrant,
16:43parce qu'on vit dans une société qui ne parle plus de corruption.
16:45On en a beaucoup parlé à une époque, mais on n'en parle
16:47plus comme si elle avait disparu. Or,
16:49ce n'est absolument pas le cas.
16:51– Vous avez raison, c'est un sujet tabou en France.
16:53C'est comme la mafia,
16:55c'est un sujet tabou, vous savez, ça existe chez les autres,
16:57mais pas chez nous. On en a parlé
16:59un petit peu, et tout de suite,
17:01certains ont poussé des cris d'orfées en disant
17:03« mais non, vous dites n'importe quoi » sur
17:05le rapport très intéressant du Sénat sur
17:07la criminalité organisée, où on avait
17:09dit « il y a tellement de flux financiers,
17:11tellement de flux financiers, qu'ils
17:13arrivent à corrompre, y compris
17:15dans le système judiciaire, le système
17:17pénitentiaire ». Moi, je crois que c'est un
17:19sujet fondamental, d'ailleurs, qui,
17:21sur le plan, aujourd'hui,
17:23des finances, est très important.
17:25On ferait bien de s'y intéresser.
17:27La fraude, d'abord, la corruption,
17:29et il faut savoir que la corruption
17:31utilise la terreur,
17:33utilise la violence, utilise aussi
17:35plein d'autres infractions, et je crois
17:37que c'est un sujet malheureusement
17:39sous-estimé en France, sur
17:41lequel on n'est pas tellement au rendez-vous.
17:43– Deux questions pour terminer.
17:45Trop de lois en France ?
17:47– Bien sûr, trop de lois.
17:49La loi, alors, je vous renvoie
17:51à deux excellents livres, celui
17:53de Christophe-Héogé Duval, conseiller d'État,
17:55et celui de Jean-Denis Combrexel, ancien directeur
17:57de Camigny et d'Elisabeth Borne, également
17:59au Conseil d'État, qui ont dit
18:01« mais la loi, ça coûte des milliards ».
18:03La loi, ça coûte des milliards, c'est-à-dire
18:05que ça nous coûte très cher, la loi, pourquoi ?
18:07Parce que c'est ce que je disais tout à l'heure,
18:09c'est de la complexité, c'est du temps, c'est de l'incohérence
18:11aussi, c'est de la technostructure,
18:13ce qu'on appelle aussi, dans un autre
18:15terme, de la bureaucratie,
18:17qui nous empêche d'agir
18:19et d'être performant. Donc, oui,
18:21trop de lois, et surtout trop de lois
18:23incohérentes, c'est-à-dire que moi, je vois sur
18:25le système pénal, nous avons des lois
18:27et puis surtout une insécurité juridique.
18:29Parce que comme les lois changent tout le temps,
18:31en vrai, vous ne savez plus où vous en êtes.
18:33Donc, c'est une insécurité juridique
18:35et on a des lois aussi,
18:37et ça, c'est le dernier point,
18:39et le Conseil d'État le dit, mais il n'y a pas que le Conseil d'État,
18:41on a des lois aussi qui sont très mal faites.
18:43Et quand les lois sont mal faites, elles prêtent
18:45à l'interprétation et donc à jurisprudence
18:47et donc c'est aussi
18:49du contentieux et de l'argent.
18:51Du contentieux, de l'argent, du temps,
18:53etc. J'ai une dernière question
18:55sur le procès de Mazan,
18:57Pellico, je le trouve
18:59assez exemplaire, même si
19:01parfois il a un côté un peu spectaculaire,
19:03mais je le trouve assez exemplaire
19:05dans la conduite même du procès.
19:07Qu'est-ce que vous en pensez ?
19:09Le magistrat qui conduit ça
19:11le fait avec exemplarité, c'est un
19:13procès absolument unique, incroyable,
19:15sur plusieurs aspects, donc vous avez raison
19:17sur la tenue, sur la procédure,
19:19même si je pense que c'est assez violent,
19:21parce qu'il se passe des choses, notamment
19:23il y a eu pas mal de polémiques sur la diffusion
19:25des vidéos, etc. Donc c'est assez particulier.
19:27Il est exemplaire aussi
19:29sur les victimes,
19:31qui est incroyable, et il est assez exemplaire
19:33aussi sur la noirceur
19:35et le crime qui peut être
19:37celui de nos voisins et qu'on ne
19:39soupçonne pas. On a toujours des fantasmes,
19:41on pense toujours que le criminel est quelqu'un
19:43d'exceptionnel,
19:45en vrai, le criminel
19:47est quelqu'un de quasi normal,
19:49c'est ça qui est intéressant, et puis je pense
19:51que ça soulève un autre
19:53problème, qui est celui
19:55aussi de la drogue, aujourd'hui,
19:57qui est aussi très utilisé
19:59pour faire des crimes,
20:01notamment sur les viols,
20:03qui n'est peut-être pas pris non plus à la hauteur
20:05des réseaux sociaux,
20:07etc., on a vu aussi sur ces réseaux
20:09ce qu'il se passe, donc ça sera
20:11un procès qui ira
20:13un avant et un après, ça c'est clair.
20:15Y compris sur la définition du viol,
20:17puisque vous avez entendu...
20:19Quelle est votre position sur le consentement ?
20:21Oui, moi je suis
20:23pas du tout opposée à ce que
20:25la notion de consentement soit
20:27mieux définie
20:29par la loi, ce qui me gêne
20:31moi uniquement dans ces dossiers-là, c'est le militantisme
20:33qui peut récupérer
20:35ce genre de dossier. Mais après,
20:37on a un problème, parfois, sur la preuve,
20:39le viol c'est ce qu'il y a de plus compliqué,
20:41puisque souvent c'est la parole de l'un contre la parole de l'autre.
20:43Donc tout ce qui va dans l'amélioration
20:45de la lutte contre les agressions sexuelles
20:47est toujours bienvenu, à mon avis.
20:49Béatrice Brougère, merci.
20:51Je rappelle le titre de votre livre
20:53Justice, la colère qui monte,
20:55aux éditions de l'Observatoire.
20:57C'est passionnant, absolument passionnant.
20:59Il est 8h57, vous êtes sur
21:01Sud Radio. Patrick Roger, avec nous,
21:03juste après les infos
21:05de 9h.

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