«Loin de chez moi – Grand reporter et fille de paysans» : Maryse Burgot est l'invitée de Culture médias

  • il y a 5 minutes
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Dans son émission média, Thomas Isle et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Maryse Burgot, journaliste, pour son livre "Loin de chez moi – Grand reporter et fille de paysans" publié le 16 octobre aux éditions Fayard et dans lequel elle raconte son parcours.

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Transcription
00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe à 9h30, 11h avec Thomas Hill et votre invité ce matin, Thomas.
00:05Oui, je reçois ce matin la journaliste, reporter de guerre Maryse Burgot, que l'on peut voir depuis une trentaine d'années
00:10maintenant dans les journaux de France 2, couvrir quelques joies et beaucoup de douleurs du monde.
00:15Et pour la première fois, vous avez décidé de raconter votre métier dans ce livre,
00:19« Loin de chez moi », sous-titré « Grand reporter et fille de paysan ».
00:23Et c'est quelque chose qui revient très souvent dans votre livre,
00:26le fait que rien ne vous prédestinait à devenir reporter de guerre,
00:31ce que vous qualifiez d'ailleurs de plus beau métier du monde.
00:33Vous ne pensiez pas du tout pouvoir en arriver là ?
00:36Parce qu'à mes yeux, c'est un privilège d'exercer ce métier.
00:41Certains diront que ce n'est pas du tout quelque chose d'extraordinaire.
00:44Moi, je dis que c'est un métier extraordinaire.
00:46Vous imaginez, parfois j'arrive à la rédaction et deux heures après, je prends le premier avion pour aller je ne sais pas où.
00:52Il n'y a quand même pas des milliers de métiers comme ça.
00:55J'adore découvrir d'autres mondes, d'autres gens.
00:58Donc oui, pour moi, c'est un métier extraordinaire.
01:02Non, ce n'était pas tout à fait écrit parce que je viens d'un milieu rural, agricole.
01:07Il n'y a aucun journaliste dans ma famille.
01:09Et je pense que je n'avais même pas tout à fait les codes pour réussir, par exemple, les concours des écoles de journalisme.
01:14J'ai dû beaucoup travailler.
01:16Mais j'ai écrit ce livre aussi, beaucoup en fait,
01:19pour essayer de donner un message à notre jeunesse.
01:25C'est possible, c'est difficile.
01:27C'est difficile si on ne se sent pas tout à fait né au bon endroit
01:30et si on se sent assigné quelque part.
01:32Mais on peut y arriver.
01:33Ça veut dire que vous vous sentez aussi très particulière au sein de votre rédaction ?
01:36Non.
01:37Il n'y en a pas beaucoup des journalistes qui viennent de milieux ruraux, par exemple ?
01:40Vous savez, depuis que j'ai écrit ce livre,
01:42Fille de paysan,
01:44en fait, maintenant, il y a plein de gens qui viennent me dire
01:46mais tu sais que moi, mon père, il est ouvrier.
01:48Donc en fait, il y a plus de gens qu'on ne le croit.
01:51Je crois que le milieu agricole, c'est quand même assez rare,
01:53même dans les écoles de journalisme aujourd'hui.
01:55Alors vous expliquez que vous êtes une star à Bazouges-la-Pérouse,
01:58votre village de Bretagne.
02:00Uniquement à Bazouges.
02:01Mais vous êtes connue de millions de Français,
02:03notamment grâce à votre voix qu'on peut distinguer entre mille.
02:06Et pourtant, on vous avait dit à l'école de journalisme
02:08que votre larynx n'était pas câblée pour l'audiovisuel,
02:11qu'il fallait mieux vous tourner plutôt vers la presse écrite.
02:15Même à France 2, à vos débuts,
02:16il y a une rédactrice en chef qui vous dit
02:18ta voix, c'est vraiment pas possible
02:20et qu'il vaut mieux laisser un autre journaliste commenter votre reportage.
02:23Bah oui.
02:24C'est incroyable ça, parce qu'aujourd'hui c'est vraiment votre signature.
02:26Oui.
02:28Elle dérange encore certaines personnes,
02:30mais au fil du temps,
02:32c'est devenu d'une certaine manière ma signature.
02:35Mais bien sûr, oui, on m'a dit que ma voix,
02:37à l'école de journalisme, on m'a dit
02:38mais enfin ta voix...
02:39Regarde-moi cette voix.
02:41Et je crois que comme...
02:43Plus on me disait ça, plus je disais
02:45ah oui, vous pensez vraiment que je ne vais pas y arriver.
02:47C'est tout le contraire.
02:49Ça m'a donné l'envie contraire de réussir grâce à cette voix.
02:52Il est arrivé de l'en prouver.
02:54Mais quand vous dites aujourd'hui, encore,
02:56c'est-à-dire qu'il y a quoi ?
02:57Il y a des lettres qui sont envoyées à cause de...
02:59Parfois je reçois des...
03:01Rarement maintenant, mais je me souviens d'un grand expert de voix
03:04qui avait dit mais Maryse Burgos, c'est épouvantable.
03:06Qu'est-ce qu'il avait utilisé comme mot ?
03:10Ça rend triste ou je ne sais pas quoi.
03:12Bon.
03:13On ne peut pas plaire à tout le monde.
03:15C'est ça.
03:16Et alors votre livre, il s'ouvre sur un épisode
03:18dont vous n'avez jamais voulu parler.
03:20Il était 2000, vous aviez 36 ans
03:22et vous avez été prise en otage avec votre équipe de reportage
03:24par le groupe séparatiste musulman d'Abu Sayyaf
03:26sur l'île de Jolo, aux Philippines.
03:29Vous êtes restée 7 semaines en détention.
03:32Les 7 semaines les plus longues de votre vie.
03:34C'est ce que vous écrivez.
03:35Vous dites que c'est la seule fois de votre vie
03:37où vous avez vraiment connu le désespoir.
03:39Des pensées terrifiantes
03:41et qui vous faisaient surtout peur de vieillir dans cette prison
03:44et de ne jamais avoir d'enfant.
03:45C'était ça votre inquiétude ?
03:47Oui.
03:48C'est assez inexplicable.
03:49C'est aussi parce que les histoires d'otage
03:52ont un peu bercé mes années d'école de journalisme
03:56et je me souviens très bien de ces gens qui ont passé 3 ans
03:59au Liban par exemple, dans des conditions extrêmement difficiles.
04:02Je connaissais toutes ces histoires quand j'étais otage
04:05et je venais de rencontrer la personne avec qui je voulais avoir des enfants
04:08et je me suis dit ça va s'arrêter là.
04:11Et je ne sais pas pourquoi, parfois vous vous mettez
04:13dans un système de défense.
04:15J'étais sûre que j'allais vieillir dans cet endroit.
04:18Être otage, c'est ne pas savoir quand ça s'arrête.
04:22A la limite, on vous dit ça va durer 6 mois.
04:26Vous vous installez dans une forme de quotidien
04:28même si c'est très difficile.
04:29Ça va durer 3 ans.
04:31Mais là, je me projetais sur des années.
04:34Je me voyais vieillir dans cette jungle
04:36et rentrer à 70 ans,
04:39une vieille femme courbée par les ans.
04:41Pour la première fois de ma vie,
04:45j'ai connu le désespoir à ce moment-là
04:47parce que je me disais ça,
04:49que je rentrerais,
04:52ils ne me tueraient jamais,
04:53mais que je serais une vieille femme.
04:55C'était difficile.
04:56Et finalement, vous serez libérée par l'intermédiaire de la Libye,
04:59de Kadhafi d'ailleurs,
05:00qui par ailleurs finançait vos geôliers.
05:03C'est quand même incroyable.
05:04Et puis, 3 mois après avoir été libérée,
05:07vous tombez enceinte de votre premier enfant.
05:09Comme quoi, il était vraiment attendu, ce premier.
05:12Absolument.
05:13Ce qui m'a surpris, c'est que le mot honte,
05:16rythme votre récit,
05:17vous aviez honte d'avoir été prise en otage.
05:19Vous aviez l'impression d'avoir fait une faute.
05:21Oui, j'en ai plus honte maintenant
05:24puisque j'arrive à en parler.
05:26Mais pendant des années, vous savez,
05:27vous avez toujours des âmes charitables
05:28pour dire que vous avez commis une erreur.
05:30Or, il n'existe pas de manuel du grand reporter
05:33avec les bonnes sources dignes de foi.
05:35De toute évidence, nous nous sommes trompés.
05:37Vous avez fait confiance à une personne qui vous a...
05:39On a fait confiance à une équipe,
05:40à une personne qui visiblement nous a vendus
05:42ou elle-même s'est fait avoir.
05:44Peut-être, à mon avis, plutôt ça.
05:46Et donc, je voyais ça comme une erreur.
05:52Oui, honte maintenant, c'est fini, c'est derrière moi.
05:56Pas tout à fait, parce que ces choses-là
05:58ne sont jamais vraiment derrière vous.
05:59Elles sont à la fois votre faiblesse et votre force.
06:03Moi, ça m'a construite, finalement.
06:05Ça m'a construite de rentrer
06:07et de me remettre de tout ça.
06:09Ce qui est assez surprenant,
06:10c'est de voir dans votre livre, justement,
06:11le contraste entre le peu de confiance
06:13qui semble vous habiter, parfois,
06:15Maryse Burgot, et en même temps,
06:16le courage immense qu'il faut pour se rendre
06:18dans toutes ces zones de guerre.
06:19Comment vous l'expliquez, vous, ce contraste ?
06:22Parce que j'ai toujours le sentiment
06:25que je ne sais jamais assez de choses.
06:28Je lis beaucoup à chaque fois que je pars en reportage.
06:32J'ai l'impression de ne pas connaître tout assez bien.
06:36Et je parle un peu du sentiment d'imposture
06:39dans mon livre.
06:40Et finalement, je découvre que je ne suis pas
06:42si seule que ça à l'avoir.
06:44On est finalement assez nombreux à penser
06:46qu'on n'est pas tout à fait fait pour le job.
06:48Et moi, oui, même après toutes ces années,
06:50je continue de penser que...
06:51Je continue à avoir peur.
06:53Là, je vais partir couvrir les élections américaines.
06:55Je vais être dans le QG de Trump.
06:58Eh bien, je n'y vais pas en me disant
07:01ça va, moi, j'ai passé 5 ans aux Etats-Unis,
07:03je sais faire, mais pas du tout.
07:04Mais pas du tout.
07:05Je vais encore travailler comme une dingue
07:07dans l'avion pendant 8 heures.
07:08Je sais, je me connais.
07:09Je veux tout lire, avoir le sentiment
07:12de tout maîtriser.
07:14C'est génial dans ce métier
07:17de sentir qu'on a une expertise
07:19et qu'on sait de quoi on parle.
07:21Là, je reviens d'Israël, par exemple.
07:23J'ai passé 5 semaines.
07:25Franchement, j'avais le sentiment
07:27de savoir de quoi je parlais.
07:28C'est formidable, ça.
07:29Et on va en parler dans un instant.
07:31On va continuer à parler de votre vie hors du commun.
07:33Maryse Burgo, ce sera juste après.
07:35Le journal des médias de Julien Pichonnet.
07:36Oui, le journal des médias qui arrive dans un instant.

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