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Mardi 29 octobre 2024, SCÈNE EN LUMIÈRE reçoit Gaëlle Billaut-Danno (comédienne), Julien Personnaz (comédien), Fanny Jourdan (Directrice, Tcholélé Productions) et Pierre Boiteux (Directeur de production, Ki M’aime Me Suive)

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00:00Bienvenue dans Seine en lumière, votre émission consacrée aux arts de la Seine.
00:12Pour cette deuxième émission, je vais vous parler de la pièce La nuit où Laurier Gaudreau
00:16s'est réveillé de Michel-Marc Bouchard, récemment adapté en série par Xavier Dolan.
00:22Pour ça, deux interviews à venir, la première avec les comédiens qui vont nous raconter
00:27leur travail de leur rôle sur scène, la deuxième avec les coproducteurs.
00:31A tout de suite !
00:32Pour cette première émission, nous recevons Gaëlle Biodano et Julien Personnaz qui sont
00:42donc les comédiens de la pièce La nuit où Laurier Gaudreau s'est réveillé et qui
00:47vont nous parler de leur personnage sur scène.
00:50Bienvenue et merci d'être là Gaëlle Biodano et Julien Personnaz.
00:54Merci.
00:55Merci beaucoup.
00:56Je vais d'abord commencer par vous Gaëlle, qu'est-ce qui vous a attirée dans le rôle
01:00de Mireille ? Quels sont les éléments du personnage qui vous ont touchée ?
01:04En fait, ça a été un peu une conjonction de plusieurs choses.
01:11C'est que quand j'ai découvert ce texte et que j'ai entendu Michel-Marc Bouchard,
01:16puisqu'il était en France pour présenter ce nouveau texte, lire la première page
01:20et le premier monologue de Mireille, donc le personnage que je joue, j'ai tout de
01:23suite été touchée.
01:24C'était aussi au moment où j'étais en train de perdre ma mère et ça parle de
01:28ça, ça parle d'un personnage de Mireille qui revient dans sa banlieue natale pour s'occuper
01:33du corps de sa mère.
01:35Donc je pense qu'il y a eu aussi un mélange de choses, c'est-à-dire à la fois l'écriture
01:39magnifique de Michel-Marc Bouchard, ce personnage énigmatique de Mireille et puis aussi ce
01:44que j'étais en train de vivre.
01:45Bien sûr, bien sûr, donc très touchant, bouleversant aussi.
01:49Touché, bouleversant, touchant, questionnant et puis quelque chose comme un appel.
01:55Je dis ça souvent, mais c'est vrai, j'ai acheté le texte dans la foulée, j'ai lu
02:00la pièce et dès le lendemain matin, j'appelais Didier Bringart, le metteur en scène, qui
02:05avait déjà monté une autre pièce de Michel-Marc qui s'appelait « Les muses orphelines »
02:08dans le même théâtre il y a 20 ans et je lui dis « Didier, il faut absolument monter
02:11cette pièce, je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il faut la monter, il y a quelque
02:15chose à dire autour de ça, de la famille, des secrets, du côté cathartique aussi de
02:22cette pièce qui raconte tellement de choses qui peuvent résonner chacun d'entre nous
02:28à divers endroits parce que je pense que chacune, chaque famille porte en elle des
02:34secrets et que le moment un peu qui fait tout exploser, le décès d'un de nos parents
02:40peut parfois faire ressortir aussi des choses comme ça.
02:45Et vous, Julien Personnaz, est-ce que vous avez vécu une synchronicité comme ça, telle
02:48que Gaël ou qu'est-ce qui vous a attiré dans ce texte ?
02:53D'abord, quand Gaël et Didier m'ont proposé le texte, j'ai été frappé par la puissance
03:00du texte et sa structure aussi, c'est-à-dire que c'était la première fois que je lisais
03:04une pièce de théâtre qui était structurée comme une série, c'est-à-dire qu'à chaque
03:07fin de scène, j'avais envie de connaître la suite, il y avait une sorte de cliffhanger
03:10comme disent les Américains, où on a vraiment envie de connaître la suite et il y a vraiment
03:15une espèce d'accumulation, la puissance et surtout la capacité de Michel-Marc Bouchard,
03:22l'auteur, à parler de sujets très profonds, très violents, mais toujours avec une pointe
03:27d'humour, toujours avec cette espèce de recul d'humour noir qui, du coup, peut permettre
03:32aux spectateurs et aussi aux comédiens de vraiment s'attacher à ces personnages et à cette histoire.
03:42Oui, parce qu'il y a la tendresse et la cruauté, tout est mélangé dans cette pièce.
03:47Et vous Gaël, vous avez préparé votre personnage avec ces émotions si complexes, vous les
03:54revivez, vous les vivez comment, chaque soir sur scène ?
03:58On se dit souvent, quand on sort de scène, qu'à chaque fois on fait un petit voyage quand même,
04:03c'est un voyage qu'on fait avec les spectateurs, que les spectateurs font avec nous, évidemment que
04:07nous on fait avec chacun de nos personnages parce que, comme le disait très bien Julien,
04:11Michel-Marc, il a ce talent pour écrire des personnages forts, complexes, multiples, donc
04:17on est tous traversés par tous ces sentiments et encore plus ces personnages qui portent en
04:23eux un secret énorme, chacun à leur niveau, même parfois certains personnages sans le savoir,
04:30comme le personnage d'Eliott par exemple. Et voilà, après il faut trouver, moi j'aime bien
04:35toujours essayer de trouver un endroit de jonction entre mon personnage et moi, alors après c'est ma
04:41petite sauce intérieure, mes petits secrets, mais en tout cas c'est vrai que le fait d'avoir moi
04:46aussi vécu la disparition de ma mère et puis de ce que c'était que d'accompagner quelqu'un sur
04:53l'après, de voir aussi quelqu'un une fois qu'il est décédé, c'est assez troublant. Et puis aussi,
04:59il y a eu une préparation avant puisque moi mon personnage est thanatopractrice, donc c'est un
05:03métier qu'on connaît peu évidemment dans la vie commune et assez technique, donc j'ai eu la chance
05:10de pouvoir faire une séance, à distance heureusement, de thanatopraxie, je pense qu'on
05:16dit ça comme ça, avec une spécialiste et de voir exactement quels étaient les vrais gestes à
05:22effectuer, voilà, pour être le plus crédible possible sans aller dans tout le détail parce
05:26qu'en réalité c'est très long, beaucoup plus long que ce qui se passe sur scène. Oui, mais on voit
05:31que vous avez l'air de maîtriser le métier, en effet, sur scène. Elle le maîtrise excellemment,
05:35on a même l'impression qu'elle a fait ça dans une... Ah mais c'est incroyable, c'est vraiment
05:39incroyable. Et vous, Julien Personnaz, on vous a beaucoup vu à la télévision, au théâtre,
05:44cinéma, et quelle différence notable dans votre approche des personnages dans ces deux formats,
05:50finalement ? Dans la manière de travailler, vous voulez dire ? Oui. C'est une manière qui est...
05:55La difficulté sur un tournage, je trouve, c'est qu'il faut garder une énergie, c'est-à-dire qu'on
06:01peut faire une première prise et la deuxième prise, on peut la faire 20 minutes plus tard,
06:03donc en fonction du contexte de la scène, il faut garder l'énergie qu'a le personnage à ce
06:09moment-là. Et au théâtre, c'est tout de suite, c'est-à-dire qu'on a, contrairement un peu au
06:15cinéma, on a le droit de refaire des prises au cinéma. Au théâtre, on fait une erreur,
06:20après, on a une troupe qui est là pour t'aider à t'en sortir si jamais. Mais je trouve que la
06:27manière de travailler est beaucoup plus... Je trouve que pour moi, en tout cas, personnellement,
06:31c'est beaucoup plus compliqué, je trouve, sur un tournage, parce que l'attente est très longue et
06:34donc pour garder l'énergie, garder la concentration, je suis quelqu'un qui peut me dissiper assez
06:40facilement. Et donc, du coup, c'est vrai que je préfère cette espèce de famille aussi qu'on a
06:49beaucoup plus au théâtre que sur un plateau de tournage, parce qu'on est vraiment dans une bulle,
06:52on travaille ensemble et on est vraiment, même si le terme est galvaudé, c'est vraiment une vraie
06:56aventure humaine où chacun est obligé de vivre dans une sorte de colocation, mais joyeuse. Enfin,
07:04là, en tout cas, en l'occurrence, c'est très, très, très joyeux. Oui, c'est comme une famille
07:08sur scène avec de la solidarité, j'imagine, quand il y a quelque chose qui ne va pas, l'autre rattrape.
07:12Exactement. Et j'ai l'impression d'autant plus, pardon, je me permets, mais d'autant plus dans
07:17cette pièce où ça parle de famille et où c'est une famille quand même qui vit des rapports
07:21complexes sur scène. Et on a la chance d'avoir réussi à créer à côté une famille aussi,
07:28une famille artistique, une famille humaine, chacun avec nos personnalités, chacun aussi avec
07:33nos caractères et en même temps, d'arriver à se parler comme une vraie famille et à construire
07:38des liens très forts à côté. Et je pense que c'était capital aussi pour que la pièce soit un
07:44succès. Complètement. Et ça se sent quand on voit la pièce. On croit à une vraie famille,
07:50en fait. C'est tout à fait impressionnant. Les rapports entre vous et les trois frères,
07:55avec la belle sœur, c'est fluide. On sent la force, la force des relations. C'est vrai que
08:01c'est impressionnant. Et Gaëlle, comment vous avez collaboré avec Didier Breingart pour tout
08:05le travail de psychologie ? Comment vous avez été accompagnée ? Alors, je dirais que moi,
08:11on a plus vraiment collaboré au début avec Didier sur l'avant, sur l'avant, c'est-à-dire sur
08:18vraiment la création, comment on a porté ensemble ce projet dès qu'on a eu cette envie commune,
08:23comment on a fait en sorte de constituer une équipe puisqu'on a constitué le casting ensemble. Moi,
08:29il y avait pas mal d'acteurs que je connaissais, avec qui j'avais envie de jouer. J'avais jamais
08:33eu cette occasion, donc c'était vraiment pour moi une évidence. Julien, Benjamin, Margot,
08:39Marie, enfin voilà, c'était des gens que je connaissais, avec qui j'avais pas toujours eu la
08:43possibilité de travailler. Avec Didier, on s'en est parlé, on a constitué cette équipe, on a
08:47préparé des lectures, on a invité des producteurs et on a eu la chance d'avoir des producteurs qui
08:52nous ont suivis tout de suite. Donc, c'est là où on a vraiment travaillé ensemble avec Didier.
08:57Après, je dirais que sur la mise en scène, moi ayant un rôle quand même important aussi dans
09:00la pièce, comme chacun d'entre nous, je ne me suis pas du tout emparée de la mise en scène. C'est
09:05vraiment Didier, à partir du moment où l'artistique est entrée en jeu, qui a pris les
09:09rênes avec brio d'ailleurs de cette pièce. Et moi, je suis restée là à ma place de comédienne. J'ai
09:15déjà bien assez à faire dans cet endroit. Oui, tout à fait. Et Julien, dans ce huis clos, il y a
09:21tellement de tensions. Comment vous avez pu gérer les moments intenses dans la pièce ? J'ai des
09:27partenaires, comme disait Gaëlle, Margot Van Den Plas, Benjamin Pénamaria, David Mack. Je les cite
09:32parce que c'est important. Ils ont tous une partition incroyable, David Mackart et Marie
09:36Montoya. Ils ont tous une partition tellement incroyable que moi, je suis... C'est l'une des
09:44premières fois que ça m'arrive où je suis vraiment sur scène spectateur. Je me dis wow. Et donc, je
09:48redécouvre tous les soirs le texte et j'essaie le plus possible de rentrer sur scène en me disant
09:53je ne sais pas ce qui va se passer. Et donc, je suis dans l'écoute la plus totale de ce qui est
09:56dit et de l'importance et de la puissance des mots. Donc, c'est comme ça que j'essaie le plus
10:01possible. D'accord. Et il y a aussi quelque chose aussi sur lequel, dont on n'est pas maître, c'est
10:07les spectateurs. Oui. Et parfois, on a des salles qui sont très rieuses, mais alors vraiment à des
10:12endroits qui pourraient paraître dramatiques et donc, ça ne tente pas du tout. On a des rires,
10:15c'est au théâtre ce soir quoi. Et parfois, il y a d'autres moments où on a des salles beaucoup
10:21plus taiseuses, entre guillemets, en tout cas qui sont beaucoup plus dans l'écoute, une écoute très
10:26active, mais on les sent, mais très silencieuse. Donc, on est obligé nous aussi à chaque fois de
10:31s'en jouer différemment, mais de prendre en compte ça aussi. De s'adapter, oui. Dans le rythme, dans
10:38tout ça. Et si je peux me permettre de rebondir, je trouve qu'il y a un rire. La thématique de la
10:45pièce n'amène pas forcément au premier abord à se dire, tiens, je vais rire. Donc, le public au
10:50début, on a l'impression qu'il est un peu gêné de rire ou n'ose pas rire. Et petit à petit,
10:56il rit franchement, parce qu'il y a des situations qui sont parfois tellement absurdes et drôles
11:02aussi, que le public se marre. Mais c'est vrai que l'ambiance du public change tous les soirs et
11:08ça nous aide aussi. Enfin, moi en tout cas. Ça vous porte. Ça rapporte une fraîcheur aussi à
11:12chaque fois. Bien sûr. J'imagine. Et qu'est-ce que vous aimeriez que le public retire de cette
11:18pièce? Qu'est-ce que c'est quelque chose que vous avez envie de transmettre? Est-ce qu'il y a des
11:25thèmes de vérité? Moi, je pense que le spectacle vivant, après même le cinéma d'ailleurs, il y a
11:33toujours quelque chose dans une œuvre de cathartique. Je pense que n'importe qui peut se
11:38projeter de près, de loin, avoir vécu ça dans sa famille, des proches. D'abord, il y a ça. Donc,
11:43ça parle quand même aussi du secret et des dégâts que peut faire un secret gardé trop longtemps et
11:48qui, s'il avait été dévoilé plus tôt, aurait certainement changé la donne. Donc, ça parle de
11:54ça. Et là-dessus, c'est important. L'idée, ce n'est pas du tout de donner une leçon, de faire
11:58la morale, mais c'est juste de montrer une situation qui pourra peut-être agir comme révélatrice pour
12:05certains. Voilà, il y a ça. Et puis aussi d'apporter un moment d'émotion qu'on garde en
12:11soi. Moi, j'aime, en tant que spectatrice, quand je vais voir une pièce, me dire que des jours
12:14après, j'y pense encore. Et d'une façon ou d'une autre, en me disant, la musique était folle,
12:21quelle belle esthétique, les comédiens, c'était époustouflant, le thème. Enfin, en tout cas,
12:26d'en garder quelque chose parce que c'est vrai qu'il y a des pièces ou des films, on sort et
12:30puis une semaine après, on a un peu oublié. On se dit, qu'est-ce que tu as vu ? On ne se souvient
12:34pas. Et voilà, moi, j'aimerais que les spectateurs se disent, même encore dans quelques mois. Mais
12:39j'ai vu ça. C'était vraiment incroyable. Oui, et c'est vrai qu'en sortant de la pièce,
12:44je l'ai déjà vu il y a trois semaines, j'y étais encore et je me souviens de pratiquement tout. Quand
12:50on en parle maintenant, la mise en scène aussi de Didier Benegard est fantastique, avec des effets
12:56vidéo formidables. Il l'a accompagné, il a fait une mise en scène extraordinaire, je trouve. Et
13:01tout est très ciselé. Comme vous le disiez, Julien, on a l'impression d'être dans une série,
13:07on a envie d'avoir la suite, la suite, la suite, la suite jusqu'à la chute. On ne s'y attend pas du
13:12tout. C'est aussi un message. Oui, c'est aussi un message, un message clair. On ne peut pas trop
13:18parler, parce qu'on divulguerait l'énorme secret final. Mais oui, en fait, c'est une pièce à
13:24message, mais pas moralisatrice, ni donneuse de leçons. C'est une pièce qui raconte des choses
13:28et qui, à son échelle, peut peut-être faire réfléchir un peu. Tout à fait. Non, non,
13:36non, non, non. Je n'aurais pas mieux dit. Et alors toi, non, toi, qu'est-ce que tu veux? Moi,
13:41j'en retiens rien. Non, c'est vrai que non, mais c'est. Et puis, comme c'est à l'intérieur,
13:47au sein d'une famille très proche, il y a forcément, encore une fois, sans révéler
13:52forcément le secret, mais il y a forcément dans chaque famille des non-dits. Et c'est vrai que la
13:58thématique, c'est finalement que le silence peut détruire et que la parole, parfois, peut aider à
14:06guérir. Complètement. En tout cas, vous nous donnez, vous nous donnez vraiment envie, Gaël
14:10Biodano et Julien Personnaz, d'aller voir cette pièce. Voilà donc la nuit où Laurier
14:16Gaudreau s'est réveillé de Michel-Marc Bouchard qui se joue au Tristan Bernard. Allez voir tout
14:22de suite. En tout cas, merci à vous. Merci Marie-Laure. Merci à vous deux infiniment.
14:27Merci. Et à tout de suite pour la prochaine interview dans Seine en lumière.
14:36Notre deuxième interview se déroule avec les coproducteurs Fanny Jourdan de la maison de
14:41production Tcholélé et Pierre Boiteux de la maison de production qui même me suivent.
14:45Bonjour et bienvenue et merci d'être avec nous, Fanny et Pierre. Et donc,
14:51est-ce que vous voulez bien, Fanny Jourdan, nous expliquer en quelques mots votre parcours,
14:56s'il vous plaît ? Un petit peu nous raconter. J'adore me raconter. Bonjour Marie-Laure. Et
15:02bien, très, très brièvement, je suis à la tête de ma société depuis 12 ans. Je l'ai créée,
15:07je l'ai créée au départ vraiment en me spécialisant dans l'humour et le théâtre,
15:13depuis le Covid, est venu à moi et je suis très heureuse d'avoir une pluridiscipline dans ma
15:21société, que ce soit l'humour et le théâtre. Et puis, que vous dire de plus, ça fait 20 ans que
15:29je suis dans le monde du spectacle et je prends chaque année un peu plus de plaisir à travailler
15:33dans cet univers. C'est formidable. Vous êtes la première productrice parisienne, non ? J'ai cru
15:38lire ça quelque part. En humour, j'étais la première femme à monter ma société. Effectivement,
15:42dans toutes les sociétés du spectacle, non. Mais en humour, effectivement, j'étais la première
15:47femme à monter ma boîte toute seule. Voilà, donc c'était un chapeau. Je ne savais pas à l'époque,
15:54mais c'est devenu quelque chose de très challengeant. Et surtout, l'idée, c'était
16:00aussi d'ouvrir les mentalités et de permettre à tout ce qui a suivi derrière d'arriver, notamment
16:06plein de femmes qui se sont dit que c'était possible potentiellement. Non pas que je sois
16:09un modèle, je n'ai pas cette... Comment dire ? Mais vous avez lancé le mouvement.
16:14Exactement, j'ai lancé le mouvement, je crois. Et Pierre Boiteau, est-ce que vous pouvez nous
16:20dire, nous expliquer votre parcours aussi ? Moi, pour le coup, j'ai commencé d'abord dans les
16:25médias, en radio pour être exact. Je m'occupais de tout ce qui était les partenariats culturels
16:30pour plusieurs radios, en commençant par Oui FM et après, j'ai travaillé pour Radio FG. Et en
16:37parallèle, je me suis lancé dans le spectacle vivant, reprenant un tout petit théâtre avec
16:40ma sœur à la base, qui s'appelle Pro Scenium à Paris. Et puis, ce genre de métier, une fois
16:46qu'on met le doigt dedans, après, ça ne s'arrête plus. Et du théâtre, on est passé à une société
16:50de production. Et en parallèle, des collaborations avec des artistes, différentes compagnies qui ont
16:57fait qu'on a continué. Voilà comment je suis arrivé après, c'est qu'ils m'aiment me suivre.
17:00D'accord. Parce qu'ils m'aiment me suivre, c'est Pascal Guillaume qui a créé cette entreprise. Et
17:05moi, j'interviens en direction de production dessus. D'accord, d'accord, d'accord. Et là,
17:10donc, vous êtes en coproduction pour la pièce de théâtre, La nuit où Laurier Gaudreau s'est
17:15réveillé, qui se joue au Tristan Bernard. Et Fanny, expliquez-nous pourquoi vous avez fait
17:22une coproduction avec Pierre ? Comment ça s'est passé ? Avec grand plaisir. Il y a deux ans en
17:27arrière, Didier Brangard et Gaëlle Villaudanot m'ont contacté, comme beaucoup de producteurs,
17:32ça se passe beaucoup comme ça, pour assister à ce qu'on appelle une lecture de présentation avec
17:38les comédiens. Et j'ai eu un réel coup de cœur pour cette pièce, l'écriture, les comédiens,
17:46j'ai aimé l'enjeu, j'ai aimé ce qu'il y avait et ce qui se jouait dans cette pièce. Et nous avons
17:52été deux à aimer cet enjeu-là. Donc, il y avait Pascal Guillaume qui même me suive. Et voilà,
17:59moi, je me lançais un peu dans le théâtre. Donc, Pascal, on n'était pas du tout en compétition,
18:03mais j'aime beaucoup dire, a gagné le challenge au départ. Et en fait, de par ailleurs, avec Pierre,
18:12on travaille aussi ensemble avec sa société de production, puisqu'on a aussi un spectacle avec
18:17un artiste avec lequel on travaille et on collabore sur deux spectacles, d'ailleurs,
18:20pas un seul, mais deux spectacles. Et on s'est rencontrés, vraiment, ça a été une réelle
18:24rencontre de travail et de collaboration positive avec Pierre. Et quand il était en train de monter
18:32le projet de la nuit où Gloria Godreau s'est réveillée, il a proposé à Pascal une ouverture
18:37avec moi, en tout cas en co-prod, en support. C'est toujours ça, une collaboration, c'est ce
18:46dont on peut s'apporter mutuellement. Il y a des forces que nous n'avons pas tous. Il y a des
18:49faiblesses que nous avons aussi. Et souvent, l'idée, c'est de pouvoir bien jongler entre les
18:55deux. Et grâce à Pierre, je suis rentrée en co-production un peu la petite dernière,
19:02mais je suis rentrée en co-production avec grand plaisir dans ce projet. Et c'est vrai que ça a
19:08été tout de suite, évidemment, une validation totale de ma part, puisque j'avais adoré la pièce.
19:13Voilà. Génial. Et Pierre, racontez-nous comment se répartissent les responsabilités financières,
19:20artistiques en co-production comme ça ? Alors, justement, le principe, alors,
19:26il faut savoir qu'on est même trois en réalité à co-produire le spectacle, puisqu'il y a Tcholélé,
19:30il y a Qui m'aime, me suivent et le théâtre Tristan Bernard qui est en co-production sur le
19:36spectacle. L'intérêt de la co-production, c'est il y en a plusieurs. Il y en a une qui est assez
19:40évidente, c'est on est quand même dans un métier qui est de plus en plus risqué financièrement,
19:43puisque on n'est jamais très sûr de comment le public va accueillir le spectacle. Alors que
19:50généralement, c'est des spectacles qui coûtent assez cher à produire. C'est des assez gros budgets
19:54quand même. Donc, l'intérêt, déjà, c'est de diluer un peu le risque, de contrer cette espèce
20:01de volatilité du risque qu'il y a dans le spectacle vivant, puisqu'on est, je crois, sur une chaîne
20:07business. Mais après, il y a aussi, c'est là-dessus aussi que je trouve l'intérêt d'une co-production,
20:15c'est de pouvoir, ce que commençait à expliquer Fanny, compléter les compétences de chacun. Quand
20:21on regarde un peu l'ensemble des structures de production qu'il y a actuellement, certaines vont
20:27avoir, vont développer des compétences sur la communication, certaines plus sur la gestion des
20:32budgets de production, justement. D'autres vont avoir chacune en gros leur force. Il y a un gros
20:38intérêt sur la commercialisation de billetterie, ce genre de choses. Et je trouvais intéressant
20:42justement de l'expérience qu'on a de collaboration avec Fanny et apprenant par hasard qu'elle avait
20:47été aussi une des prétendantes à la production du projet. Je trouvais qu'il y avait pas mal de
20:54choses qui se complétaient justement dans les compétences de Kim M'aime, du Tristan et de
20:59Cholélé. Donc, c'est comme ça que ça s'est mis en place, en fait. Oui, d'accord. Et comment
21:03articulez-vous les souhaits créatifs de la mise en scène des comédiens avec les limites des enjeux
21:13financiers ? Comment la mayonnaise prend, en fait ? Comment ça s'organise ? Avec beaucoup de
21:22diplomatie. En fait, c'est une discussion qui se passe aussi beaucoup avec le metteur en scène,
21:29qui est vraiment le chef d'orchestre artistique et qui va aussi, lui, amener sa volonté, ses envies,
21:35ses désidératas. Et nous, à côté de ça, et c'est un peu le rôle aussi qu'il y a Pierre, c'est de
21:42préparer un budget, monter un budget, définir, on va dire, une enveloppe budgétaire. Et de là,
21:49notre créatif, qui est notre metteur en scène, Didier, va faire en sorte de rentrer dans
21:57l'enveloppe et s'adapter. Et c'est tout bingo s'il arrive en dessous. En général, ce n'est pas le
22:01cas, mais on est quand même pas mal. On est quand même pas mal avec Didier. Donc, après, c'est une
22:06feuille de route budgétaire et puis on va se rendre compte, par exemple, spécifiquement sur
22:10ce projet-là. On s'est rendu compte, ça va peut-être pas vendre du rêve tout de suite de parler de ça,
22:16mais il y a un cadavre qui est un vrai. Alors, en vrai, non. C'est-à-dire que ce n'est pas
22:24simplement une poupée qu'on a mise. Vraiment, on a travaillé avec un studio de cinéma.
22:28Ah oui, parce qu'elle est magnifique. Oui, l'idée, c'était de faire du réel, vraiment, pour pas que
22:34ce soit cheap non plus. Enfin, vraiment, c'était... Oui, on le voit très, très bien. Elle est en
22:38continu pendant toute la pièce. Donc, en fait, ça peut pas être quelque chose de cheap. Ça peut
22:41pas être... C'est un personnage supplémentaire. C'est un personnage qui ne parle pas, mais c'est
22:46quand même un des personnages principaux de la pièce. Et bon, il se trouve que le budget rien
22:53que du cadavre a été un peu plus important que ce qui était prévu à la base. C'est énormément de
22:57travail. En fait, on ne s'en rend pas forcément compte. Ce n'est pas forcément les mêmes budgets
23:01à la base entre le théâtre et le cinéma de production. Donc, il a fallu trouver un moyen de
23:06s'adapter. Donc, généralement, après, il va y avoir des arbitrages qui vont se faire au fur et à
23:10mesure. C'est pour ça que je parlais de diplomatie. C'est que forcément, on arrive par moment à des
23:16discussions où il faut augmenter le budget à un endroit. On ne peut pas l'augmenter indéfiniment.
23:22Donc, il y a d'autres endroits où il faut que le créatif arrive soit à trouver d'autres idées,
23:25soit à trouver une autre solution pour qu'on puisse rentrer dans une enveloppe globale qu'il
23:31ne faut pas trop dépasser. Parce que la mise en scène est assez époustouflante, j'ai trouvé,
23:35avec les effets vidéo remarquables, la musique. Et on dit waouh, quoi, parce que c'est le but.
23:43Waouh, sans se rendre compte de tout ce qu'il y a derrière aussi.
23:47Oui, bien sûr. Mais chapeau, parce que c'est vrai que le budget a dû être important avec les six
23:53personnages, sept même, donc sur scène. Et ça ne doit pas être facile.
23:58Non, c'est assez... Moi, ce que j'aime beaucoup sur cette pièce-là, et je trouve que là,
24:03Didier avec ses équipes, parce qu'il y a une assistante mise en scène, il y a Stéphanie,
24:07il y a tous les gens avec qui ils ont travaillé sur la construction des décors, sur les lumières
24:13aussi. Enfin, je trouve que tout est très, très beau là-dedans, les costumes. Et ce que je trouve
24:18assez fort, en fait, sur ce spectacle-là, où on est sur effectivement des budgets qui sont
24:23assez importants, ça se compte en centaines de milliers d'euros, un budget de production dans
24:27le théâtre pour ce type de spectacle-là, ils ont réussi à rendre ça en même temps très simple.
24:33C'est-à-dire qu'on n'est pas dans du show-off. On est vraiment dans quelque chose de très,
24:40très beau visuellement, mais qui reste simple. Le tout, avec une créativité derrière,
24:46effectivement, ils ont amené de la vidéo, ils ont amené ce genre de choses qui se marient
24:50bien avec les comédiens. La vidéo ne vient pas étouffer les comédiens. Les comédiens ont chacun
24:54un rôle qui est hyper bien campé, enfin, aussi parce que ce sont des bons comédiens,
25:00donc voilà, ils ont réussi à avoir une alchimie au global qui est importante. Et puis, c'est
25:05important de faire des beaux spectacles parce que c'est comme ça que le public vient les voir.
25:08Complètement. Et si jamais la pièce a bien marché, est-ce qu'elle va être prolongée ? Comment ça
25:13se passe dans ces cas-là ? Est-ce que... C'est des possibilités. Généralement,
25:17on part toujours sur un nombre de 2-3 mois de programmation. Et puis après,
25:21on voit comment ça fonctionne au fur et à mesure. Après, comme les programmations se
25:26font souvent très à l'avance, par exemple, si ça venait à prolonger, ça ne serait pas
25:29Autristan-Bernard puisqu'il y a déjà deux productions qui arrivent au Tristan en janvier,
25:35qui sont des très belles productions en plus. Donc pareil, il faudra venir les voir. Mais on
25:39peut très bien aller dans un autre tas de parisiens. Généralement, le succès, on trouve
25:43de la place pour aller y jouer. Et des beaux spectacles comme ça, il n'y a pas trop de...
25:47La place se libère. Après, il y a une tournée aussi.
25:50Oui, bien sûr, il y a une tournée aussi. Bien sûr, bien sûr. Et est-ce que vous avez
25:55envie de passer des messages aussi dans les productions que vous financez ? Est-ce qu'il
26:00y a quelque chose derrière ? Parce que là, il y a des vrais messages dans la pièce. C'est fort.
26:04C'est très fort pour moi. En tout cas, sans vouloir parler évidemment pour Pierre,
26:09on se ressemble aussi beaucoup. Je crois qu'on n'arrive pas à faire quelque chose d'à peu près.
26:13Moi, j'ai besoin de sens quand je développe un spectacle, un artiste, un projet artistique tel
26:18qu'il soit. J'ai besoin d'avoir un sens, un enjeu sans que ce soit nécessairement sociétal,
26:24sans que ce soit nécessairement trop engagé ou autre. Mais j'ai besoin que les gens puissent
26:29sortir. Je crois qu'on est encore dans ce monde où les mentalités sont fatiguées par rapport à tout
26:37ce qu'on vit au quotidien. De se dire si on vient au théâtre, c'est pour un peu voir autre chose,
26:43se libérer ou s'aérer avec autre chose et pas étouffant. Vous allez me dire qu'au départ,
26:49on a quand même parlé de cadeau. Donc, c'est peut-être un peu bizarre de dire ce n'est pas
26:52étouffant. Non, il y a beaucoup d'humour malgré tout dans ce projet. Il y a beaucoup d'humour,
26:56beaucoup de messages, beaucoup de tendresse aussi. Il y a une qualité du texte qui est
27:01extraordinaire. C'est la première chose qui m'a marquée sur ce texte. C'est la qualité. On peut
27:06nous dire ce qu'on veut sur ce spectacle parce qu'on est OK sur le fait que les gens n'aiment
27:10pas. On peut ne pas plaire à tout le monde. C'est comme ça. Mais il y a une chose qui est sûre,
27:15c'est que le texte est extraordinaire. Il n'y a rien à dire sur le texte. Il a été écrit,
27:20mené en tout cas dans quelque chose dont on ne s'attend pas. Donc, on est en tant que public en
27:27haleine tout le long de la pièce. Et effectivement, si chacun peut avoir les messages, en plus dans
27:34La Nuit où l'Horreur et Gauthreau s'est réveillé, on peut entendre plusieurs messages différents.
27:37J'aime bien que le public reparte avec son information qu'il a choisie, qu'il a attrapé
27:42et que ça reste. C'est une pièce qui, en tout cas, marque tellement les esprits qu'on ne peut pas dire
27:47en sortant « j'ai envie de faire autre chose ». Il y a quelque chose qui reste. On a eu des gens
27:52qui nous ont dit à quel point ils avaient été retournés par cette pièce et qui nous en parlent
27:57peut-être deux ou trois jours après encore en nous disant « ça nous a imprégnés sur quelque
28:05chose qu'on ne pensait pas ». Et j'aime ça dans les programmes que je choisis, dans les projets
28:10que je choisis. J'aime quand on est bousculé positivement ou même pas toujours positivement,
28:16mais j'aime bien quand on réveille certaines. C'est une très, très belle pièce. Vraiment,
28:20voilà, on s'en souvient, on n'oublie pas. Merci à vous. Merci à vous, Fanny. Merci beaucoup,
28:27Pierre, pour votre présence. Merci infiniment. Et merci à vous tous de nous avoir suivis et au
28:32mois prochain pour la prochaine émission de Scènes en Lumière.