• il y a 11 heures

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Amusant
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00:0019h20, Cache sur table, sur Arabelle.
00:07Bonsoir, bonsoir à tous, ravi de vous retrouver pour une nouvelle édition de Cache sur table,
00:12une émission consacrée aujourd'hui à l'ouvrage collectif Grand-mère et mère en lumière,
00:16un projet de l'ASBL Paragraph, un livre écrit par huit femmes bruxelloises
00:21sur l'histoire de leur grand-mère, de leur mère, afro-descendante et maghrébine,
00:25publié aux éditions Mallstrom.
00:27Alors avec nous ce soir, pour nous en parler, Manuel Varosso qui est coordinatrice de l'ASBL Farage.
00:33Bonsoir.
00:34Bonsoir.
00:35Fatima Zibou, docteur en sciences politiques, experte en inclusion et co-conceptrice du projet.
00:40Bonsoir, Fatima Zibou.
00:41Bonsoir, Tariq.
00:42Juliette Berguet, entrepreneuse sociale.
00:44Bonsoir, Juliette.
00:45Bonsoir.
00:46Et Aurélie Bulloy, entrepreneuse et formatrice.
00:48Bonsoir.
00:49Alors peut-être avant d'aller plus loin, je voudrais quand même faire plus en connaissance avec vous
00:52et également faire plus en connaissance avec nos auditrices et nos auditeurs.
00:56Une petite carte de visite rapide chacune de Manuel Varosso.
00:59Alors moi je suis experte en genre, en tout ce qui est égalité de genre
01:05et je suis également formatrice, conférencière et autrice.
01:11Juliette Berguet.
01:13Bonsoir.
01:14Moi je suis entrepreneuse à impact sociétal positif
01:19et maintenant j'accompagne les personnes qui traversent la maladie à reprendre place dans la société.
01:23Aurélie Bulloy.
01:24Alors je suis la formatrice de Belgen Entrepreneur
01:26qui est une plateforme de promotion de l'entrepreneuriat et de l'expertise afro-belge féminin.
01:31Et Fatima Zibou.
01:33Moi je suis docteure en sciences politiques et sociales, entrepreneuse sociale, engagée depuis plus de 20 ans.
01:39Peut-être que vous allez vous rapprocher vers le micro de Juliette.
01:43Ça arrive, quelques petites propriétés techniques, utilisez le même micro.
01:47Voilà, je vais tout de suite enchaîner.
01:49Merci en tout cas d'être avec nous ce soir.
01:51Vous avez des agendas très très très chargés.
01:53On va commencer avec vous, Manuel Avarasso et Fatima Zibou.
01:58Comment a germé cette idée de revisiter l'histoire des mères et des grands-mères ?
02:04C'est quoi le déclic finalement ?
02:06Alors le déclic, il y en a plusieurs en fait.
02:08Il y en a trois.
02:09Le premier, il était professionnel.
02:11Je travaillais avec Fatima dans un service d'inclusion par l'emploi
02:16et j'étais responsable moi d'accompagner les femmes et d'analyser les problèmes que les femmes ressentaient par rapport au marché de l'emploi.
02:25Et moi en fait, je les écoutais beaucoup.
02:29Avant de les conseiller, je les écoutais beaucoup.
02:32Et j'ai réalisé que les histoires de certaines femmes n'étaient pas du tout racontées dans les médias, dans les musées, dans la littérature,
02:42alors qu'elles avaient des histoires formidables.
02:44Et puis le deuxième déclic, ça a été en fait que moi aussi, j'ai mis en lumière ma maman qui est de l'immigration italienne.
02:54Et le troisième, c'est Fatima qui est ma collègue depuis cinq ans et entre temps plus,
03:02qui avait déclaré au journal The Standard, ce sont nos mères et nos grands-mères qu'il faut mettre en lumière.
03:10Justement.
03:12Depuis lors, tout est arrivé.
03:22Ce projet est un accomplissement, un achievement comme on dit en anglais,
03:27d'un long processus qui avait pour objectif de mettre à l'honneur ces femmes dont on parle si peu, nos mères, nos grands-mères.
03:36Et quand on regarde la littérature populaire, on se rend compte qu'elles sont malheureusement encore trop souvent absentes.
03:43Et aujourd'hui, on a une nouvelle génération de femmes engagées qui ont décidé d'en parler.
03:49Parce que si aujourd'hui, on est ce qu'on est aujourd'hui, c'est beaucoup grâce à la force de nos mères et nos grands-mères.
03:53Voilà, on va marquer une courte pause juste pour être complet.
03:56Je rappelle les noms des huit autrices parce que vous n'êtes pas toutes seules.
04:01Juliette Berguet, Salwa Boujour qui est journaliste et conférencière.
04:04Mariam Diallo, professeure et assistante et doctorante.
04:07Sarah Kayahoua, juriste et d'entreprise.
04:10Marie-Paul Mugeli, si je prononce bien.
04:13Aurélie Muloua, Raissa Youali, autrice et journaliste.
04:18Et Fatima Zibou, huit autrices.
04:20Merci en tout cas d'être avec nous sur Arabelle.
04:22On se retrouve dans une courte pause à tout de suite.
04:27On retrouve nos invités ce soir, Emmanuel Varasso, Fatima Zibou, Juliette Berguet et Aurélie Muloua
04:33avant de parler de vos histoires.
04:36Peut-être me tourner vers vous Emmanuel Varasso et également Fatima Zibou
04:39pour parler de ce processus que vous avez mis en place autour de trois principaux axes.
04:44Je lis ici ralentir, ressentir et écrire.
04:47La première consigne, ralentir, expliquez-nous pourquoi.
04:50Oui, alors les autrices du projet sont toutes des femmes très actives à Bruxelles.
04:55Donc c'est cette nouvelle génération dont Fatima parlait.
04:59Et donc elles contribuent vraiment à la société belge par leurs activités d'entrepreneuse, de journaliste, de chercheuse, juriste, etc.
05:12Et donc elles sont très occupées, très occupées, très engagées aussi.
05:16Très engagées pour faire bouger les lignes.
05:19Et donc pour écrire, en fait, il faut du temps.
05:22Ça c'est la première chose.
05:24Et pour écouter leur maman, il fallait aussi du temps.
05:26D'où la première consigne, ralentir.
05:29Et pour certaines, c'était la première fois en fait qu'elles prenaient ce temps d'écouter leur maman.
05:35Et c'était ça.
05:38Donc beaucoup d'émotions justement, c'est pour ça qu'il y a eu ce space, safe space, c'est ça ?
05:44Expliquez-nous un petit peu Fatima, cet environnement tout particulier, dans des conditions particulières, pour des émotions toutes particulières aussi.
05:51Oui, c'est vrai que ce qu'on peut dire, c'était que ces ateliers étaient vraiment riches en émotions.
05:57Beaucoup d'authenticité.
05:59Ça a remué pas mal de choses.
06:01Parce qu'en fait, on réalise qu'on ne prend pas beaucoup le temps d'écouter nos mamans.
06:06Et pour cela, on avait besoin d'un cadre.
06:08On pouvait se faire confiance.
06:10On pouvait s'écouter, sans se juger, en toute bienveillance, dans la sororité.
06:15Et c'était vraiment une expérience merveilleuse.
06:18En fait, on se rend compte, après ce processus, que toute personne, toute femme, tout enfant en fait, chacun, chacune entre nous, doit prendre ce temps.
06:29Parce que c'est précieux.
06:31Alors, une autre étape, écrire, poser sur le papier son histoire, ses histoires.
06:36Est-ce que c'est l'exercice le plus difficile à faire finalement ?
06:40Alors, je ne dirais pas que c'est difficile, mais ça répond à des règles.
06:45Écrire un récit de vie, ça répond à certaines règles déontologiques.
06:50C'est-à-dire que d'abord, la première chose à faire, c'est de demander le consentement des mamans.
06:55Parce que leur vie va être racontée.
06:59Ici, en l'occurrence, elle est publiée et elle va être racontée sur scène.
07:03Donc, il faut le consentement.
07:05Et puis aussi, il faut apprendre à les écouter sans les influencer.
07:11Donc, c'est une écoute active, où soi-même on ressent beaucoup de choses en tant que fille ou petite fille.
07:17Mais on ne peut pas intervenir tout de suite.
07:20Donc, il faut ce respect-là de ce que la personne veut dire ou donner dans le récit.
07:30Et puis, c'est petit à petit que l'on commence à co-construire le récit.
07:36C'est-à-dire que les filles et les petites filles ne devaient pas mettre leur subjectivité et leurs émotions de côté, évidemment.
07:43C'était impossible.
07:44Et donc, ça vient petit à petit dans le processus.
07:49Et une chose aussi importante, c'est d'écouter tous ces sens éveillés.
07:56Qu'est-ce que leurs mamans ont vus ?
07:58Qu'est-ce qu'elles ont senties ?
07:59Qu'est-ce qu'elles ont ressenties ?
08:00Quel sens elles donnent aux choses qu'elles ont vécues ?
08:04C'est une écriture sensible, c'est une écriture intime qui devient, une fois toutes les histoires additionnées, qui devient politique aussi.
08:16Parce que c'est l'histoire de beaucoup de femmes, de l'immigration afro-descendante et maghrébine qui est racontée là.
08:23Dans cet ouvrage collectif, Grand-mère et Mère en lumière, beaucoup de témoignages et de vécu.
08:27On va commencer avec vous, peut-être si vous le voulez bien, Fatima Zibou, pour nous parler un peu justement de ce ressenti, de ce vécu de Yéma, votre mère en Amazigh, une histoire douloureuse.
08:40Je tiens ce livre entre mes mains.
08:44Et en fait, c'est une exclusivité parce qu'on vient de le recevoir aujourd'hui, à l'occasion de cette émission.
08:51J'ai parcouru ce livre en écoutant Manuela et j'ai le sentiment de rendre ma mère quelque part immortelle.
09:01Donc en fait, le contexte, c'est que j'ai perdu ma tendre maman il y a 7 ans d'un cancer fulgurant.
09:10Et ça a été une expérience, une épreuve très douloureuse.
09:15Et dans ces moments-là, en fait, on se rend compte que nos mères sont là, mais que quand elles sont là, on ne se rend pas compte de la chance qu'on a de les avoir à nos côtés.
09:28Et quand elles ne sont pas là, c'est une partie de notre identité qui s'en va parce qu'on n'a pas pris ce temps-là de questionner cette enfance, son histoire.
09:40Et nos mères, elles sont souvent, quand on pense à nos mères, et en particulier les mères sur l'immigration, je pense, c'est qu'il y a beaucoup de silence aussi, beaucoup de souffrance.
09:51Et la chance que j'ai eue de pouvoir faire cette retranscription, c'est qu'au moment où j'apprends que ma mère est malade, et bien qu'il lui reste très peu de temps,
10:02et bien j'entame des conversations avec elle dans sa chambre d'hôpital. Je ne sais pas par quel réflexe je prends le temps d'enregistrer.
10:11Elle ne le sait pas et on parle de tout, de rien, de la vie.
10:16Et au moment de l'approche où elle sent qu'elle s'en va, elle me dit des choses qui sont aujourd'hui des clés dans mon quotidien, qui me donnent la force de m'engager et de lui rendre hommage.
10:27Et aujourd'hui, ce que je fais, c'est tout faire en sorte pour qu'elle soit fière de moi là où elle est.
10:32Elle vous a offert, vous dites, bonté et sagesse. C'est le plus beau, le plus fort des héritages.
10:38Elle m'a surtout offert les clés d'une paix intérieure. Et cette clé passée par l'importance de pardonner.
10:46Voilà, je me tourne vers vous à présent, Juliette Berguet. Votre histoire. Tout d'abord, nous racontez brièvement votre témoignage. Juliette, pardon.
10:57Pardon.
11:00Alors, je vais enchaîner. Je vais voir ce que j'ai pu lire dans l'ouvrage. Je n'ai pas attendu ton père pour être autonome.
11:09Tu sais, mes parents, surtout ma grand-mère, ta grand-mère Coco Henriette, m'ont toujours appris à ne pas dépendre d'un homme.
11:15Autonomie et indépendance résument un peu le caractère très fort de ce personnage, de cette maman.
11:20Oui, je me rends compte que toute la lignée des femmes dans ma famille, que ce soit mes grands-mères, ma mère, mais même mes soeurs, mes tantes.
11:30Elles ont toutes été autonomes, indépendantes. L'absence de l'homme, du papa, est omniprésente quasiment à toutes les générations.
11:43Et ce n'est pas pour autant qu'elles ont baissé les bras et qu'elles ont attendu qu'une personne vienne les aider.
11:50Elles se sont auto-construites et c'est quelque chose qu'elles ont inculqué aux femmes principalement.
11:58Et en même temps, en écrivant l'histoire de ma mère et de ma grand-mère, je me rends compte qu'il y a beaucoup de femmes issues de l'immigration qui se construisent seules.
12:11Et l'homme est souvent absent.
12:13Mais il y a aussi un paragraphe où vous dites une mère slasheuse, avant-gardiste et auto-entrepreneuse déjà à l'époque.
12:21Oui, ma mère faisait tout. Elle était au four et au moulin.
12:25Et j'ai un peu reproduit cette image-là par rapport à ma vie d'entrepreneuse.
12:34Et je la remercie parce qu'elle n'a jamais eu peur. Elle se lance et elle teste.
12:40Et je pense que quand on est entrepreneur, tant qu'on n'a pas testé, on ne peut pas savoir.
12:44Et je pense qu'elle avait aussi cette liberté au Congo. Il n'y a pas de système de sécurité, donc chacun devient autonome et chacun se construit.
12:55Et c'est quelque chose qu'on lui a enlevé quand elle est arrivée en Belgique.
12:59On lui l'a mise dans une case. Et cette case-là, elle n'a jamais pu se libérer parce qu'elle était devenue responsable.
13:06Maman solo avec cinq enfants à devoir prendre en charge et avoir d'autres obligations qui ne lui permettaient plus, elle, d'être autonome.
13:17Il ne reste bougé surtout pas. On se retrouve dans quelques instants pour la suite de ces témoignages. Pas comme les autres.
13:23On reste encore avec vous, Juliette. On parlait de votre mère, slasheuse, avant-gardiste.
13:30Il y a aussi le départ vers la Belgique, quitter le pays, c'est aussi une fracture douloureuse.
13:36Oui, parce qu'on part sans savoir où est-ce qu'on va. Surtout quand on n'a jamais quitté sa terre natale.
13:43Et sans être préparée. Et sans filet. On est tous arrivés chacun avec une valise.
13:53Et je pense que c'est un déracinement qui est dur. Je ne sais pas si on peut vraiment préparer les gens au départ.
14:02Je ne sais pas si ça peut se faire sans déchirure et sans fracture.
14:08Mais c'est un moment, je pense que pour beaucoup de personnes, souvent on regarde l'image de l'immigration comme négative.
14:15Mais on ne se met pas à la place des personnes qui partent et qui laissent tout derrière eux.
14:19Justement, c'est un mot qui revient souvent. Résilience et courage. Un mot que vous utilisez souvent aussi, Fatima Zibou.
14:28Ça résume aussi un peu l'état d'esprit.
14:32La résilience, oui. Fortement. Je crois que c'est vraiment quelque chose qui caractérise nos mères et nos grands-mères.
14:38C'est-à-dire que malgré l'épreuve, elles nous ont appris à rebondir et à rester debout.
14:46Je crois que pour nous, même si elles ne nous le disaient pas comme ça, le terme résilience, moi je l'ai appris très récemment, très honnêtement.
14:55Je crois que quand on grandit, on se retrouve à un moment donné dans cette cuisine et inconsciemment on reproduit les gestes de nos mamans, sans le savoir.
15:04On se rend compte qu'à travers ces gestes, elles nous ont beaucoup appris.
15:10La force qu'elles avaient, elles résidaient souvent dans leur silence, mais en même temps avec beaucoup de dignité.
15:19Elles arrivaient malgré tout à nous transmettre beaucoup de joie.
15:24Ce que je peux dire aussi, c'est que de cette expérience, on était huit femmes, on ne se connaissait pas vraiment.
15:31On s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de communs, de convergences, même si on partageait le même continent, l'Afrique.
15:38Mais même si les histoires étaient différentes, certaines étaient arrivées plus tard, d'autres plus tôt.
15:43Il y avait énormément de points communs et je crois que c'est quelque chose qui finalement est universel dans ce beau projet.
15:50Avant de me tourner vers vous Aurélie, Juliette, je voudrais quand même quelques mots de Baob-Brussels, l'association de soutien aux personnes touchées par le cancer.
15:59Ça vous touche particulièrement aussi ?
16:01Oui, je suis passée par le cancer du sein il y a cinq ans maintenant, je suis en rémission et ça a été un choc du jour au lendemain.
16:07Je venais juste d'être maman, je me lançais comme indépendante à temps plein.
16:14Le cancer chez nous, c'est un mot qu'on ne prononce pas, c'est la mort.
16:19Il y a beaucoup de non-dit autour de la maladie déjà en temps normal.
16:23En tant que femme et surtout en tant que maman, on a juste envie d'être forte et on a envie de surmonter peu importe les challenges pour être là pour ses enfants.
16:33Moi c'était ma fille qui était ma bataille.
16:36Je me suis rendue compte qu'en fait, malgré qu'on est en Belgique, malgré qu'on a un super système de santé,
16:42il y a énormément d'inégalités auprès des personnes issues de la diversité par rapport à la maladie.
16:47Elles sont souvent diagnostiquées tard, le cancer est bien installé et il n'y a pas toujours cette notion par rapport à l'histoire maladie de la famille.
16:55Il y a beaucoup de cancers héréditaires ou même d'autres maladies héréditaires.
16:58Comme on n'en parle pas, ça se transmet de génération en génération, même à l'heure d'aujourd'hui alors qu'on est hyper connectés et hyper digitalisés.
17:05Baob est vraiment né de mon vécu en tant que jeune maman entrepreneuse à me retrouver mise sur le banc de la société et avoir énormément de difficultés à reprendre.
17:16Ma boutique a fait faillite.
17:18Mon couple, on a impacté.
17:21L'éducation de ma fille en a impacté alors qu'elle avait que 15 mois à l'époque.
17:24Baob veut vraiment combler le manque tout en créant des liens et en brisant les tabous.
17:30Surtout, en parlant du cancer, ce n'est pas une fin en soi.
17:34On en meurt, malheureusement, mais on en guérit.
17:38Il faut que la société voie la personne qui traverse le cancer d'un autre regard.
17:44Aussi, le système doit changer par rapport à la prise en charge, par rapport à la maladie.
17:50Baob, Bruxelles, association de soutien aux personnes touchées par le cancer.
17:54Aurélie Moulinois, vous êtes entrepreneuse et formatrice.
17:58Je vais directement dans le détail de l'ouvrage.
18:01Vous dites que les souvenirs de ma mère, Bénédicte Chimbulutendu, c'est votre source de joie la plus inspirante et la plus vibrante.
18:10Dans la relation que j'ai avec ma mère, il y avait un avant et un après.
18:16J'ai toujours grandi en étant une personne joyeuse et je ne me rendais pas compte à quel point c'est quelque chose qui m'a été transmis,
18:22à quel point c'était un héritage.
18:24C'était aussi un voyage vers moi-même, toute cette écriture, la redécouverte de ma mère.
18:28C'est aussi le moment où je pense que je l'ai enfin vue comme une femme et plus comme maman.
18:34J'ai réellement pu comprendre plus en profondeur, plus en nuance, certaines des choses qu'elle a pu me transmettre,
18:43certaines des leçons qu'elle a pu me donner aussi.
18:45Je remercie Manuela pour ça, parce que je pense qu'on a toutes envie un jour de s'asseoir et de dire
18:50« Maman, raconte-moi ton histoire », mais le temps manque toujours.
18:53Donc là, je n'avais pas le choix.
18:55Surtout qu'il y avait les messages de Manuela qui nous disaient « Alors vos textes, ça avance ! ».
18:58Ce n'était pas un exercice facile parce que ce que j'ai remarqué et qu'on a tous constaté, c'est que nos mères sont pleines de pudeur.
19:06Tisser du lien et réussir à se connecter de manière aussi profonde avec qui elle est,
19:12ça renforce la reconnaissance que j'ai de la joie au quotidien qu'elle m'a transmise.
19:17Et également une mère entrepreneuse, comme on parlait tout à l'heure de Juliette,
19:20avant que ce terme n'existe.
19:22Ma grand-mère.
19:23Votre grand-mère.
19:24Ma grand-mère, effectivement, elle était commerçante.
19:27Ma mère a dit qu'elle était commerçante.
19:29Elle vendait des objets, elle faisait des tontines, elle louait des maisons.
19:32Tout ça sans savoir ni lire ni écrire.
19:34Mais elle était excellente en calcul mental.
19:36Maman le dit souvent.
19:37Peut-être rappeler les tontines parce que tout le monde ne sait pas exactement ce que c'est.
19:39Les tontines, c'est des systèmes de financement autogérés,
19:42lors desquels des femmes, souvent, ce sont souvent des femmes qui font des tontines,
19:47se rassemblent en, on va dire, un groupe de 5, 6, 7, 8, 10 personnes
19:53et puis se prêtent de l'argent d'un mois à l'autre.
19:58Ça permet de, de temps en temps, d'avoir des grosses sommes d'argent et de les réinvestir.
20:03C'est comme ça que ma grand-mère, elle ne savait pas lire, pas écrire,
20:06m'a éduqué 8 enfants, a pu acheter 3 maisons.
20:09C'est ce que je dis, c'est une entrepreneur.
20:12Ma mère me dit, non, mais on ne disait pas ça à l'époque.
20:14Là où, à l'inverse, ma mère, elle est venue pour étudier,
20:18elle a été infirmière parce que c'est ce qu'elle avait compris, en fait,
20:21de ce qu'elle devait faire, à savoir aller vers la sécurité.
20:24Et du coup, aussi, me voir m'accomplir en tant qu'entrepreneur
20:28et un peu remonter quelque part dans mon arbre,
20:31je trouve que c'est une belle boucle aussi.
20:34C'est une histoire aussi qui ressemble à un tourbillon,
20:37la valse des cultures, l'Autriche, un dépaysement total.
20:41En effet, donc, ma mère est arrivée en Europe, d'abord en Belgique,
20:45puis est partie en Autriche, a été confrontée à des façons de fonctionner
20:48qui ne sont pas les mêmes.
20:50Elle a acheté son premier trench.
20:52Elle a découvert que le M qu'elle voyait partout dans les rues,
20:55ce n'était pas Madou, mais bien Métro.
20:57Donc, oui, c'est le fait de découvrir un nouveau monde
21:00et puis aussi de découvrir de nouveaux statuts,
21:02passer d'une enfance heureuse dans une famille nombreuse
21:05à la solitude de la migration,
21:08à la violence aussi administrative du statut de sans-papier
21:12à arriver à un certain stade.
21:15Donc, oui, c'est le tourbillon de la vie.
21:18Là, maintenant, ma mère est retraitée, ça fait un mois,
21:20et elle entame de nouveaux chapitres avec enthousiasme.
21:22C'est juste dommage que je n'ai pas eu le temps
21:24d'écrire ces pages-là dans les livres, non plus.
21:26Vous parlez de l'histoire de sans-papier.
21:28Il y a eu cette étape où vous avez été finalement autorisée
21:33à rester sur le territoire.
21:35C'était un changement du tout au tout.
21:37Donc, oui, ma mère, d'abord, est arrivée de manière tout à fait légale,
21:41on va dire, avec un visa étudiant
21:43et avec surtout l'idée, l'espoir de rentrer au Congo.
21:48Mais les déstabilisations politiques dans ce qui était le Zaïre,
21:52à ce moment-là, l'ont tenue à l'écart, en fait,
21:55de cette volonté de rentrer.
21:57Et sa maison, maintenant, c'était ici.
21:59Sauf que son statut a évolué.
22:01Donc, oui, il y a eu toute une traversée du désert,
22:03on va dire, d'un point de vue administratif.
22:05D'ailleurs, quand elle avait accouché de moi,
22:07elle n'était pas encore régularisée.
22:09Et elle me dit que mon accouchement, elle a dû le payer plein pot.
22:11Il n'y avait pas de mutuelle, il n'y avait rien du tout.
22:13Et par le travail, elle a finalement pu être régularisée
22:19et puis entamer vraiment une vie beaucoup plus stable,
22:22acheter une maison et nous élever de manière beaucoup plus constructive.
22:27Je retiens cette phrase, avoir ses papiers,
22:30donc c'est valider le sacrifice de ses souvenirs
22:32et enfin respirer pour mieux regarder l'avenir.
22:36Malgré toutes ces épreuves, cultiver la joie,
22:39c'est le principal message, finalement, à retenir de ce parcours de vie ?
22:43Je pense que vraiment, c'est ce qu'elle m'a transmis.
22:47Quand même quand les choses sont difficiles,
22:49il y a toujours mieux qui vient après.
22:51Il faut s'accrocher, il faut tendre les mains.
22:53Maman m'a toujours appris, et je pense que c'est pour ça aussi
22:55que j'ai créé Entrepreneur, à compter sur d'autres personnes,
22:57à faire communauté.
22:59Moi, j'étais toujours entourée de ma maman, de tantine,
23:01de grande sœur, de cousine,
23:03et toujours avec des souvenirs qui sont en plein de joie,
23:08de dynamisme, d'espoir.
23:10Et j'espère que ça y est retransmis dans le récit de maman.
23:12Fatima, Zibou, peut-être ?
23:14Oui, Aurélie a dit quelque chose qui est assez fort.
23:16Elle a dit, c'est la première fois que finalement,
23:18je voyais ma mère en tant que femme.
23:20Et c'est vrai que souvent, nos mères,
23:22elles ont une fonction de mère,
23:24et une mère, elle a un certain rôle.
23:26C'est maman !
23:28Et c'est vrai que cet exercice nous a permis
23:31de voir nos mères au-delà de leur fonction de mère,
23:35mais en tant que femmes,
23:37et qu'elles ont été aussi enfants,
23:39qu'elles ont aussi connu peut-être des galères.
23:43Parce que pour nous, une maman, c'est une maman forte,
23:45c'est une maman qui ne se plaint pas.
23:47À travers ce récit, tu vois, quand tu parles de ta maman
23:49qui a été sans papier,
23:51du coup, je vois autre chose, en fait.
23:53Je ne vois pas une maman, mais je vois aussi une guerrière
23:55qui a dû se battre.
23:57Et je crois qu'on doit aussi prendre le temps
23:59de réhabiliter aussi ce rôle
24:01inscrit dans cette humanité profonde,
24:03et dans cette féminité aussi forte de nos mères.
24:07Et je crois qu'il faut vraiment qu'on profite
24:10du fait qu'on passe sur antenne
24:12et dire à nos auditeurs et auditrices,
24:16vraiment, prenez ce temps, quoi.
24:18Prenez ce temps, s'il vous plaît.
24:20Prenez ce temps avant qu'il soit trop tard.
24:22Et je suis bien placée pour le savoir.
24:24Parce que, non seulement,
24:26en fait, les effets sont doubles.
24:28Non seulement, ça nous fait du bien à nous,
24:31de mieux connaître nos mères,
24:33mais aussi, ça fait du bien à nos mères
24:35quand on interroge, qu'on s'intéresse vraiment à elles.
24:39Oui. Et en fait, la plupart des autrices
24:42ont posé des questions sur l'enfance
24:46de leurs mères, sur leur jeunesse.
24:49Donc, elles ont voulu savoir
24:51quelles femmes elles étaient,
24:53mais aussi quelles petites filles,
24:55quelles adolescentes, quelles amoureuses.
24:57Elles ont beaucoup interrogé sur
24:59comment tu as rencontré papa,
25:01et c'était comment au moment de ma naissance.
25:03C'est vraiment un parcours
25:05de début à leur naissance.
25:09Et après, ce livre parle, bien sûr,
25:12des difficultés de l'exil,
25:14mais pas seulement, mais aussi
25:16de toute la beauté de leur éducation,
25:19de ce qui leur a été transmis,
25:21de ce qu'elles ont elles-mêmes
25:23transmis aux autrices.
25:25Donc, c'est vraiment
25:27ce qu'on veut transmettre.
25:29C'est vraiment ça.
25:31L'amour, la joie et la beauté
25:33de ces cercles familiaux,
25:36mais sans, bien sûr, idéaliser
25:39des difficultés.
25:41Il y en a dans les relations mère-fille,
25:43fille-grand-mère, bien évidemment,
25:45mais on a voulu faire ce livre
25:47dans la paix, sans colère,
25:50et c'était très important pour nous.
25:53On se retrouve dans quelques instants
25:55pour la troisième et dernière partie
25:57de Cache sur table, consacrée
25:59au collectif grand-mère et mère,
26:01en lumière, à tout de suite.
26:04Jusqu'à 20 heures,
26:06c'est Cache sur table sur Arabelle.
26:12Il y a tant de choses à faire
26:14que l'on ne peut taire.
26:16Protégeons les sans-abri.
26:18Distribuons de généros collés.
26:20Accompagnons les plus âgés.
26:22Contribuons à la scolarité.
26:24Soutenons les familles vulnérables.
26:26Secourons les sans-eau potable.
26:28Parrainons les enfants.
26:30On retrouve nos invités,
26:32qui ont mis en place le projet du livre
26:34Grand-mère en lumière, Fatima Zibou,
26:36docteure en sciences politiques,
26:38experte en inclusion et co-conceptrice
26:40du projet, Juliette Berquet,
26:42entrepreneuse sociale, et Aurélie Mulois,
26:44entrepreneuse et formatrice pour toutes,
26:46écrire cet ouvrage.
26:48C'était, je dis, une traque de la mémoire
26:50afin d'éviter l'oubli.
26:52Un commentaire, on fait un tour de table.
26:54C'est important de se rappeler
26:56et de faire revivre.
26:58Oui, je vais commencer.
27:00C'est super important parce qu'on se rend compte
27:02que c'est un cadeau.
27:04Un cadeau d'avoir encore nos mamans,
27:06nos papas ou même les membres de notre famille
27:08et de ne pas prendre ce temps
27:10de les découvrir.
27:12Et on court
27:14après le temps,
27:16on passe nos temps à courir
27:18alors que les gens les plus précieux
27:20qu'on a sont là.
27:22Et quand on y pense, en fait,
27:24ils sont plus là et je trouve que c'est vraiment...
27:26Moi j'encourage tous les gens autour de moi
27:28de prendre ce temps
27:30et j'ai envie de découvrir.
27:32Depuis que j'ai fait cet exercice,
27:34j'ai vécu cette expérience,
27:36j'ai envie d'approfondir
27:38et de connaître d'autres membres de ma famille.
27:40Donc c'est vraiment un cadeau
27:42que Manuela et Fatima nous ont fait.
27:44Aurélie ?
27:46Je pense que c'est important
27:48de se rappeler que l'histoire
27:50avec un grand H est constituée
27:52de petites histoires, en fait.
27:54Et que tous ces récits, au final,
27:56d'une manière ou d'une autre, on s'y retrouve.
27:58Et c'est important de les faire durer
28:00parce que c'est l'histoire de l'immigration,
28:02c'est l'histoire des diasporas,
28:04c'est l'histoire des Belges de première génération,
28:06c'est l'histoire des Belges de deuxième génération.
28:08C'est...
28:10Je pense que c'est...
28:12Il y a un concentré d'humanité là-dedans
28:14qui fait que c'est...
28:16C'est une chance, en fait,
28:18de pouvoir tenir cet ouvrage dans les mains
28:20et de savoir qu'il va durer dans le temps.
28:22On dit regretter presque à chaque fois
28:24de ne pas avoir passé plus de temps
28:26avec ces êtres chers.
28:28Le temps des regrets,
28:30maintenant c'est le temps des grand-mères
28:32et mères en lumière.
28:36C'est vrai que,
28:38comme le rappelait Juliette,
28:40la vie,
28:42elle est fragile.
28:44La vie, elle est fragile et
28:46c'est trop souvent, j'entends trop souvent
28:48des personnes
28:50qui, effectivement,
28:52expriment ces regrets
28:54d'avoir pas assez passé de temps
28:56et c'est vrai que dans cette course folle,
28:58comme tu le disais, Juliette,
29:00on en oublie finalement l'essentiel
29:02et l'essentiel, c'est justement
29:04passer du temps avec ses proches.
29:06C'est, finalement, de se dire à un moment donné
29:08OK, le travail, OK, je suis là
29:10dans mes choses, mais
29:12aujourd'hui, je prends le temps.
29:14Moi, par exemple, ce week-end,
29:16j'avais beaucoup de travail
29:18et puis je me suis dit, mais en fait, j'ai pas passé assez de temps
29:20avec mon père. Au lieu de passer des regrets
29:22d'avoir pas assez passé de temps
29:24avec ma mère, je me suis dit, mais en fait,
29:26j'ai mon père. Et donc, je lui ai dit, samedi,
29:28il faisait beau, viens, on va à Bruges.
29:30Et on a passé une journée à Bruges.
29:32On a pris le train, on s'est baladés,
29:34il connaissait pas cette ville
29:36et il était tellement heureux de passer
29:38un moment avec sa fille. Moi, j'étais encore
29:40plus et je trouve
29:42qu'en fait, c'est tellement accessible
29:44ces moments en toute simplicité
29:46et au final,
29:48on se souviendra que de ces moments partagés
29:50avec les gens qu'on aime
29:52plutôt que tous ces moments qu'on passe
29:54derrière un ordinateur ou derrière un écran.
29:56On parle beaucoup des aînés, cela nous amène peut-être
29:58à se poser parfois des questions sur l'avenir
30:00des relations avec nos propres
30:02enfants, justement, pour voir la problématique inverse.
30:04Mais je crois
30:06justement, et tout le sens
30:08de ce livre, c'est
30:10de se poser la question
30:12mais qui suis-je
30:14et comment mes aînés
30:16ont fait de moi
30:18ce que je suis aujourd'hui.
30:20Et on ne se pose pas suffisamment
30:22la question.
30:24Personnellement, moi,
30:26quand j'avais 30 ans, peut-être encore 40,
30:28je pensais que j'étais une femme
30:30indépendante, autonome,
30:32que je faisais mes propres choix, etc.
30:34Et c'était vrai
30:36en partie, mais quand
30:38j'ai analysé
30:40le récit de vie
30:42de ma mère que j'ai récolté,
30:44je me suis dit
30:46en fait, elle avait
30:48fait tout ça avant toi, mais on ne parlait
30:50pas encore à l'époque de féminisme,
30:52d'engagement comme aujourd'hui.
30:54Et donc je trouve que c'est très important
30:56comme exercice d'humilité
30:58de se dire, mais qu'est-ce que j'ai reçu ?
31:00Quelles sont mes sources ?
31:02Quelles sont mes racines ?
31:04Et pour Paragraph, c'est important
31:06de rendre visible
31:08ces histoires qui ne sont
31:10pas racontées.
31:12Quand vous parlez de la petite histoire, de la grande histoire,
31:14il y a des histoires
31:16qui sont moins racontées, qui sont moins
31:18montrées dans l'espace public.
31:20Et nous, c'est notre rôle
31:22de faire en sorte
31:24que finalement les personnes les racontent
31:26elles-mêmes. Et c'est ce qu'elles ont fait.
31:28L'histoire et le vécu
31:30de ces aînés, invisibiliser,
31:32vous l'avez dit tout à l'heure, absent des manuels
31:34scolaires, des médias, des musées,
31:36de la littérature, alors autant faire ça
31:38soi-même, comme vous le dites, Manuel Varasso,
31:40parce que l'écriture autobiographique
31:42est une façon de transmettre soi-même l'histoire.
31:44C'est un peu ça pour résumer.
31:46Tout à fait.
31:48Et nous avons
31:50créé Paragraph, nous sommes
31:52quatre,
31:54pour justement permettre
31:56à toutes les femmes
31:58de pouvoir écrire
32:00leur propre histoire
32:02ou l'histoire des générations
32:04précédentes,
32:06parce que nous sommes vraiment convaincus
32:08que toute personne
32:10peut écrire. Et c'est ce qu'on voit
32:12dans nos ateliers, on forme
32:14des dizaines de femmes à l'écriture
32:16autobiographique. Et en fait, souvent l'écriture
32:18est vue comme quelque chose,
32:20un savoir, un pouvoir
32:22que tout le monde
32:24ne maîtrise pas. Mais en fait, je peux
32:26vous assurer que toute femme peut
32:28écrire.
32:30Mais bien sûr, il faut
32:32les conditions, il faut le cadre,
32:34et c'est le travail de Paragraph
32:36de lever les freins
32:38des femmes qui n'ont pas
32:40l'habitude ou l'opportunité d'écrire
32:42pour leur
32:44permettre de le faire.
32:46Et ça s'adresse vraiment
32:48à toutes les femmes, parce que des ateliers
32:50d'écriture et des projets comme celui-ci,
32:52il y en a pas mal à Bruxelles,
32:54mais ça ne s'adresse
32:56pas nécessairement à toutes les femmes.
32:58Donc nous, notre but, c'est de nous adresser
33:00à toutes les femmes, quelles que soient
33:02leurs origines,
33:04leur âge, leur état de santé,
33:06leurs convictions religieuses.
33:08Et il y a une grande, grande diversité
33:10de femmes dans nos ateliers.
33:12Alors justement, Fatima Zibou,
33:14que faire, justement, pour rendre cette
33:16visibilité de ces histoires
33:18et de ce vécu ? On en parlait
33:20d'Emmanuel Scolaire, là, il faut peut-être voir
33:22du côté des politiques, peut-être ?
33:24Oui, effectivement,
33:26il y a eu urgence pour que
33:28cette histoire soit aussi enseignée dans l'Emmanuel
33:30Scolaire, ça a été une revendication
33:32qui a été faite au niveau de la Fédération
33:34de l'Avenir Bruxelles, qui est compétente pour l'enseignement.
33:36On voit que peu de choses avancent. Il y a aussi
33:38la question du musée de l'immigration
33:40qui faisait partie de la déclaration de politique
33:42générale de la présidente de l'égislature.
33:44Mais concrètement, ça n'a pas avancé sur ce dossier-là.
33:46Donc j'espère que ça va être remis
33:48à l'ordre du jour. Mais il y a aussi
33:50effectivement, enfin, il y a d'un côté
33:52les politiques, donc la question structurelle,
33:54mais il y a aussi autre chose,
33:56et vous l'avez posé comme question, et c'est important
33:58qu'on puisse y répondre, c'est la question des enfants.
34:02En fait,
34:04en nous écoutant,
34:06je me rends compte que nous sommes
34:08nous-mêmes des intermédiaires
34:10et des transmettrices
34:12entre les parents,
34:14entre les enfants,
34:16c'est les enfants qui ne connaissent pas
34:18leurs grands-parents, parce qu'il n'y a pas assez
34:20ce canal de communication
34:22pour en parler, et ça s'explique parce que
34:24cette expérience migratoire est un trauma,
34:26et donc on ne veut pas en parler.
34:28Mais,
34:30comment dire, j'ai l'impression
34:32que l'histoire se répète, et la réalité
34:34c'est que nos enfants
34:36ne s'intéressent pas assez à leur histoire
34:38aussi, et je me dis
34:40comment se fait-il que c'est seulement
34:42quand on atteint un certain niveau de maturité,
34:44dans l'âge, qu'on se dit
34:46c'est important de connaître son histoire,
34:48parce que connaître son histoire, c'est aussi
34:50connaître son identité, c'est savoir
34:52qui je suis. Et donc quand vous posez
34:54la question des enfants,
34:56je me rends compte qu'il y a encore beaucoup de chemin
34:58à faire, et que peut-être que
35:00ces ateliers devraient aussi être organisés
35:02au sein des écoles, avec les
35:04enfants, pour pouvoir prendre le temps,
35:06et pas simplement un devoir comme ça à faire,
35:08questionner vos parents, mais aller
35:10beaucoup plus loin, pour que ces enfants
35:12s'intéressent à leurs parents, tant qu'il y a encore temps.
35:14Tout à fait. Nous avons
35:16commencé effectivement
35:18à donner des ateliers dans les écoles secondaires,
35:20et
35:22il y aura aussi une série
35:24d'ateliers à l'espace MAG,
35:26pour des jeunes filles à partir
35:28de 16 ans, mais dans
35:30les écoles c'est mixte,
35:32jeunes filles et jeunes
35:34garçons, et c'est
35:36vraiment
35:38frappant de
35:40voir comment ils sont
35:42en fait intéressés
35:44par l'histoire de leurs
35:46parents, et comment
35:48en fait ils en connaissent très très
35:50peu. Oui, je sais qu'ils sont arrivés
35:52plus ou moins à ce moment-là, que c'était pas facile,
35:54qu'ils n'en parlent pas beaucoup, comme Fatima a dit,
35:56effectivement c'est une histoire dont on ne parle
35:58pas beaucoup, mais
36:00je suis certaine
36:02que l'intérêt
36:04est là, et que
36:06structurellement, politiquement, on peut le
36:08susciter, et que ça a une importance
36:10capitale pour les enfants.
36:12Aurélie Moulois, vous partagez cet avis
36:14justement, ce point sensible
36:16vers les enfants ?
36:18Totalement, je pense que les enfants
36:20sont des éponges,
36:22et qu'au final ils deviennent ce qu'on
36:24leur montre aussi.
36:26Personnellement je n'ai pas d'enfants, je suis une
36:28nullipare, comme on dit,
36:30mais je suis une chouette tata.
36:32J'ai plein de petits
36:34cousins, de petites cousines,
36:36et j'essaye
36:38d'être un exemple aussi pour eux, parce que
36:40ma mère en a été un pour moi, mais toutes ses amies aussi.
36:42Moi j'ai grandi avec un très fort
36:44sentiment de sécurité,
36:46et aussi beaucoup
36:48d'armes pour justement
36:50construire une confiance en moi aussi, ce qui n'est pas toujours
36:52évident dans un monde comme le nôtre,
36:54postcolonial, sexiste,
36:56voilà, et c'est ce que j'essaie aussi de
36:58transmettre, et je pense que le fait de mieux se
37:00connaître, et de mieux connaître aussi
37:02là d'où on vient, les personnes qui nous ont
37:04forgés, permet de renforcer
37:06cette confiance en soi aussi, et d'être de meilleures
37:08personnes au quotidien.
37:10Je termine le tour de table avec vous, Juliette
37:12Berguet.
37:14Moi je dois remercier Manuela, parce que
37:16j'ai deux membres de
37:18mon association qui ont traversé le cancer,
37:20et qui ont pris part,
37:22il y en a une qui prend part à l'atelier de Manuela maintenant,
37:24il y en a une qui a pris part avant, et c'est
37:26super important des personnes qui traversent la maladie,
37:28parce qu'on est souvent isolées, la lecture
37:30est une thérapie, et je les ai
37:32vraiment encouragées, poussées à sortir
37:34de leur zone de confort, parce qu'il y a
37:36aussi ce côté où en fait on se minimise
37:38par rapport à notre vécu, alors
37:40qu'elles ont énormément à apporter,
37:42et je pense que moi la maladie m'a fait
37:44prendre ce temps, parce que le
37:46moment se pose entre les soins,
37:48et ne peut être actif,
37:50et
37:52j'encourage aussi les personnes qui traversent des
37:54épreuves, de prendre ce temps,
37:56et c'est super important, parce que ça
37:58permet de se libérer d'énormément
38:00de poids, et de choses,
38:02et de mettre des mots sur des douleurs,
38:04sur des non-dits,
38:06et ça donne une force aussi,
38:08et ça donne le courage de
38:10voir le lendemain, et de continuer
38:12et de se projeter, donc
38:14c'est super important.
38:16Maintenant je suis maman, ma fille a 7 ans,
38:18elle apprend à lire et à écrire,
38:20et c'est super chouette de
38:22pouvoir lui transmettre
38:24cette notion de lecture,
38:26des premiers mots,
38:28et aussi de l'histoire, parce que
38:30ma fille est issue
38:32d'un couple mixte,
38:34donc l'histoire s'est encore diluée un peu plus,
38:36et pour moi c'est super
38:38important, avec les mixtes,
38:40les couples mixtes, de continuer
38:42de transmettre d'où on vient,
38:44et l'histoire,
38:46les origines, le pourquoi, du comment,
38:48parce que c'est super important
38:50de ne pas perdre le fil.
38:52Il y a l'ouvrage collectif, mais il y a aussi
38:54une date à retenir, c'est bientôt
38:56le mardi 5 novembre,
38:58l'espace MAC qui va accueillir deux lectures
39:00performées, dont une scolaire et associative,
39:02qui marquent donc la sortie officielle
39:04de l'ouvrage collectif, Manuela,
39:06quelques mots.
39:08Ce mardi 5 novembre,
39:10à 13h30 et 20h,
39:12les huit autrices
39:14et moi-même serons sur la scène
39:16de l'espace MAG,
39:18pour raconter
39:20les histoires, des extraits
39:22bien sûr, de leur maman.
39:24Alors, la bonne nouvelle,
39:26mais peut-être pas si bonne pour les auditeurs,
39:28c'est que la session du soir,
39:30de 20h, elle est sold out,
39:32preuve que la transmission,
39:34en fait,
39:36intéresse le public, donc on a été nous-mêmes
39:38étonnés. Par contre, il reste des places
39:40pour la séance de 13h30,
39:42donc les personnes peuvent
39:44voir sur le site de l'espace MAG
39:46pour prendre leur ticket.
39:48Et donc,
39:50voilà, ça va être
39:52très très beau.
39:54La lecture performée
39:56a été accompagnée par
39:58une slameuse,
40:00Julie Lombé, qui aide
40:02les autrices à dire le texte,
40:04et elle bénéficie aussi
40:06d'une création
40:08visuelle et sonore de Malika El Barkani,
40:10qui moi,
40:12chaque fois que j'en parle, ça me donne des frissons,
40:14mais c'est une surprise.
40:16Voilà, restez avec nous, on marque la toute dernière
40:18pause pour le mot de la fin, juste après.
40:20...
40:22Voilà, on retrouve
40:24nos invités, on a encore
40:264 petites minutes, plus ou moins, pour
40:28clôturer notre émission Cache sur Table,
40:30ce soir, peut-être avec vous
40:32Aurélie Mulot,
40:34pour synthétiser un petit peu tout ce ressenti
40:36que vous avez fait transpirer
40:38tout à l'heure parmi nous.
40:40Le ressenti, il est très simple, c'est la reconnaissance
40:42envers Manuela
40:44et la SB Le Paragraphe, déjà,
40:46envers Fatima aussi,
40:48pour toutes les bonnes ondes, envers le groupe
40:50des écrivaines,
40:52des autrices, qui ont vraiment permis
40:54d'évoluer dans un cadre
40:56extrêmement riche,
40:58la reconnaissance envers mon histoire, envers ma famille,
41:00envers toutes les personnes qui ont pris
41:02un ticket pour
41:04mardi, c'est
41:06autant stressant que c'est réjouissant,
41:08et pour toutes les personnes aussi
41:10qui achèteront le livre et qui rendront hommage à nos mères
41:12en lisant leurs histoires.
41:14Juliette Berguet, un message, le mot de la fin ?
41:16Pareil, reconnaissance,
41:18beaucoup de bienveillance, beaucoup d'amour,
41:20beaucoup de partage,
41:22c'est vraiment quelque chose à faire,
41:24je pense, toutes les personnes qui ont leurs
41:26proches, de pouvoir échanger,
41:28partager, les écouter, de prendre ce moment
41:30aussi pour soi,
41:32et c'est vraiment un cadeau
41:34qu'elles nous ont fait, je pense que
41:36c'est un cadeau qui est marqué, d'ailleurs le livre
41:38est là,
41:40et reconnaissance aussi
41:42pour les personnes, déjà nos mamans,
41:44toutes les mamans
41:46qui ont pris part au projet,
41:48qui ont livré, parce que je pense que c'est un exercice auquel
41:50elles n'ont pas l'habitude,
41:52et donc rien que pour ça,
41:54merci, c'était que de l'amour
41:56et beaucoup d'abondance
41:58à venir.
42:00Oui, moi aussi,
42:02c'est le mot merci, merci pour la confiance
42:04à toutes les femmes
42:06qui ont participé à ce projet,
42:08peut-être une information pratique
42:10sur le livre,
42:12il est déjà
42:14disponible sur le site
42:16des éditions Maelstrom, en précommande,
42:18et il sera dans
42:20toutes les bonnes librairies, à partir
42:22de mercredi prochain,
42:24donc après la lecture
42:26à l'espace Mag,
42:28donc voilà, vous pouvez vous rendre
42:30dans les librairies à partir
42:32du 6 et
42:34acheter ce livre pour
42:36la modique somme de 15 euros,
42:38pour tout le travail qu'il y a derrière,
42:40et puis sur,
42:42pour les personnes qui sont intéressées,
42:44sur le site de Paragraph,
42:46avec FES à la fin,
42:48vous pouvez laisser vos coordonnées,
42:50on vous recontactera.
42:52Voilà, et maintenant, le mot de la fin de
42:54Mathieu Mazibou.
42:56Eh bien moi, je terminerai par un appel,
42:58un appel à tous ceux et celles
43:00qui nous écoutent, pour prendre
43:02le temps de s'asseoir
43:04avec sa maman,
43:06ou sa grand-mère, et pourquoi pas même son père,
43:08ou son grand-père,
43:10autour d'un thé, d'un café,
43:12d'allumer son téléphone,
43:14de le mettre en mode avion,
43:16d'allumer la fonction dictaphone,
43:18d'activer
43:20l'enregistrement,
43:22de commencer une discussion, spontanée,
43:24et s'intéresser vraiment à
43:26celui ou celle qu'il y a derrière,
43:28le père, la mère, pour connaître son histoire,
43:30pour pouvoir mieux savoir
43:32où aller,
43:34c'est extrêmement précieux,
43:36parce que quand ils partent, ça vaut de l'or,
43:38c'est inestimable, donc faites-le.
43:40Voilà, c'était Fatima Zibou, je rappelle que vous êtes
43:42docteur en sciences politiques, experte en inclusion,
43:44co-conceptrice du projet également
43:46avec nous, Manuela Varasso,
43:48coordinatrice de la SBL Paragraph,
43:50qui a mis en place le projet du livre,
43:52Juliette Berguet, entrepreneuse sociale,
43:54et Aurélie Mulot, entrepreneuse
43:56et formatrice. Merci
43:58d'avoir été avec nous sur Arabelle.
44:00Merci à vous. Merci Tariq.
44:02Et c'est ainsi qu'on referme ce Cache sur Table,
44:04je rappelle, une émission qui a été consacrée ce soir
44:06à l'ouvrage collectif Grand-Mère et Mère
44:08en lumière à projet de la SBL
44:10Farage, aux éditions Malstrem.
44:12Bonne soirée à tous.

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