Avec Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos, Auteur de "Les États-Unis au bord de la guerre civile ?", en collaboration avec la Fondation Jean-Jaurès (Éditions de l’aube)
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NewsTranscription
00:009h-10h, Sud Radio, La Vérité en face, Benjamin Gleise.
00:05La vérité en face, les Etats-Unis sont-ils au bord de la guerre civile ?
00:09La question est posée par mon invité alors que les Américains sont appelés à choisir.
00:13Mardi prochain, entre Donald Trump et Kamala Harris, élection plus que jamais indécise.
00:18Deux blocs, face à face, deux Amériques de plus en plus irréconciliables.
00:21Deux Amériques qui se détestent peut-être de plus en plus.
00:24Bonjour Mathieu Gallard.
00:25Bonjour.
00:26Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio, dans La Vérité en face.
00:29Vous êtes directeur d'études chez Ipsos.
00:31Les Etats-Unis au bord de la guerre civile avec un point d'interrogation, je précise.
00:35Ce livre que vous publiez aux Élysées sur l'aube avec la Fondation Jean Jaurès.
00:40Livre passionnant dans lequel vous décortiquez le phénomène de polarisation de la vie politique,
00:46mais également plus largement de la société américaine.
00:49Processus long, entamé avant Donald Trump,
00:52mais qui explique pour beaucoup ce qui se passe en ce moment, ce à quoi nous assistons.
00:56Les Etats-Unis au bord de la guerre civile, point d'interrogation.
00:59Vous posez la question, Mathieu Gallard.
01:01Est-ce que vous avez trouvé une réponse à cette question ?
01:03C'est évidemment une question compliquée.
01:05Il n'y a pas une réponse.
01:06On ne peut pas dire oui ou non.
01:07Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, effectivement, comme vous le disiez,
01:09on a une Amérique extrêmement fracturée en termes de valeurs,
01:13mais plus largement en termes d'aspiration.
01:14Il n'y a plus vraiment, comme il pouvait y avoir dans les années 80-90,
01:18des grandes valeurs sur lesquelles les Américains, malgré leur division, se rassemblent.
01:22Je dirais qu'il y a clairement une guerre peut-être civique,
01:25mais une guerre civile, je pense qu'on n'en est pas là.
01:28Malgré ce qu'on a vu en 2021, malgré l'attaque du Capitole,
01:31il y a c'est sûr des bases radicalisées,
01:33mais je pense qu'on n'en est pas au bord d'une guerre civile.
01:35Après, en revanche, si ce processus de polarisation de plus en plus fort,
01:38d'éloignement et de radicalisation de ces deux blocs électoraux
01:42venait à s'amplifier au cours des années à venir,
01:45il n'est pas interdit de penser que d'ici quelques années,
01:48quelques décennies, on en arrive là.
01:50Vous l'avez entendu, je disais, une élection très indécise.
01:53Donald Trump qui dénonce déjà, ça y est,
01:56une tricherie jamais vue dans un État clé,
01:58dans cette élection présidentielle, l'État de Pennsylvanie.
02:01Comment vous l'interprétez, cette sortie ?
02:04Il envisage déjà sa défaite ou pas, Donald Trump ?
02:06Alors, on peut l'interpréter de deux manières.
02:08Soit, effectivement, c'est une manière vraiment de mobiliser sa base radicalisée,
02:13de lui dire, il faut vraiment aller voter
02:15pour contrebalancer ces plans machiavéliques des démocrates.
02:18Ou alors, effectivement, on peut l'interpréter d'une manière un peu différente,
02:21comme s'il y avait un peu de flottement, voire même un peu de panique,
02:24peut-être par rapport à des signaux internes, des sondages internes,
02:27des signaux sur le vote anticipé,
02:28qui ne seraient pas si bons que ça pour les Républicains.
02:30Sincèrement, je ne suis pas capable de trancher entre les deux hypothèses.
02:34En tout cas, là, ce n'est pas une nouveauté pour Trump.
02:37Il a dénoncé les résultats en 2020.
02:39Ce qu'on oublie même, c'est qu'en 2016,
02:41alors qu'il avait gagné la présidentielle,
02:43il avait dénoncé les résultats.
02:44Il avait déjà parlé de triche parce que, dans son esprit,
02:46il était évidemment inenvisageable que Hillary Clinton ait remporté l'élection
02:50au niveau national avec 3 millions de voix d'avance.
02:52Donc, ce n'est pas du tout une nouveauté.
02:54– La question qui se pose aussi, c'est de savoir si ce qu'on a vécu il y a 4 ans,
02:58on y faisait référence tout à l'heure,
02:59l'assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump,
03:02est-ce que ça peut se reproduire éventuellement ?
03:04Parce qu'on a un climat où on dénonce des fraudes.
03:07C'est Elon Musk qui a mis en place sur Twitter, sur X,
03:12une communauté pour dénoncer les cas de fraude
03:15qui pourraient avoir lieu durant cette campagne.
03:18On a déjà des témoignages, des vidéos qui circulent.
03:21On est dans un climat quand même assez particulier.
03:24On a l'impression que ce qu'on a vécu il y a 4 ans,
03:26ça pourrait éventuellement se reproduire demain.
03:28– Alors, le premier point déjà qu'il faut quand même souligner,
03:31c'est que les fraudes en 2020 qui ont été mises en avant par le camp Trump,
03:35il a systématiquement été débouté en justice
03:37par des juges souvent conservateurs et souvent nommés par lui-même.
03:41Donc, il n'y a pas de preuve évidente de fraude.
03:43Je tiens déjà quand même à lui dire.
03:45Est-ce qu'on peut, malgré tout, assister au même phénomène ?
03:48On est quand même dans un contexte qui est différent.
03:50Déjà, Trump n'est plus à la Maison Blanche chez Biden.
03:52Donc, c'est Biden qui détient les leviers du pouvoir.
03:54Donc, ça fait que fondamentalement, c'est plus compliqué.
03:56On a par ailleurs une base républicaine qui reste très radicalisée,
04:00au moins autant qu'elle l'était en 2020,
04:02qui va forcément être chauffée à blanc par Donald Trump et par ses alliés
04:06s'il devait perdre l'élection pour justement monter en épingle
04:09tous les doutes qu'il peut y avoir sur le scrutin.
04:11Malgré tout, ce qu'on voit dans un certain nombre d'enquêtes,
04:13c'est que, certes, cette base républicaine,
04:15elle pense qu'il y a des fraudes massives.
04:17Mais aussi, ils ont été quand même un peu échaudés
04:18par ce qui s'est passé en 2021.
04:19Parce que, voilà, beaucoup de personnes qui sont entrées dans le Capitole,
04:22qui ont envahi le Capitole, ont été condamnées
04:24et ont été condamnées très, très lourdement en justice
04:27par des années, des décennies de prison.
04:29Donc, ils se sont bien rendus compte que ce n'était pas forcément un jeu.
04:32Donc, oui, il y aura forcément des contestations, quoi qu'il arrive.
04:36Si Trump perd, les contestations seront particulièrement fortes.
04:40Est-ce que, pour autant, on aura exactement le même phénomène,
04:43fondamentalement, peut-être, de tentatives de coups d'État ?
04:46Je ne sais pas si on peut aller jusque là.
04:47Je ne suis quand même pas certain.
04:48C'est un autre contexte.
04:49Voilà, le contexte est différent.
04:51Il y a quelque chose qui est très intéressant
04:52dans ce que vous racontez dans votre livre.
04:55C'est, finalement, avec cette polarisation de la vie politique
04:58et de la société américaine, c'est la manière
05:00dont l'attachement partisan va supplanter, supplante petit à petit,
05:05l'attachement aux principes démocratiques.
05:07Ça, c'est quelque chose de très fort.
05:08Ça veut dire qu'aujourd'hui, l'attachement à la démocratie,
05:11il est menacé aux États-Unis ?
05:14C'est ce qu'on regarde, c'est ce qu'on voit dans les enquêtes d'opinion ?
05:16Oui, alors pas évidemment pour tous les Américains,
05:18mais c'est vrai que pour une partie de la base la plus radicale
05:21des électeurs des deux partis,
05:23il y a le sentiment, assez logiquement, finalement,
05:26que si l'autre camp l'emporte, ça aura des conséquences dramatiques.
05:29Je veux dire, dans les années 80,
05:30si vous étiez quelqu'un de gauche, un syndicaliste,
05:33ou si vous étiez un afro-américain, si vous étiez homosexuel,
05:37bon, voilà, que Reagan l'emporte, c'était très problématique.
05:40Mais ce n'était pas non plus dramatique.
05:41Aujourd'hui, vous avez le sentiment que si Trump l'emporte, c'est dramatique.
05:43Et si vous êtes évangélique conservateur,
05:45vous avez le même sentiment vis-à-vis de Kamala Harris
05:47que vous n'aviez pas forcément vis-à-vis de Bill Clinton.
05:49Donc tout ça, déjà, fait que l'élection, il y a beaucoup plus d'enjeux,
05:52vraiment d'enjeux très forts et extrêmement…
05:55enfin voilà, des enjeux massifs.
05:57Et du coup, ça fait qu'effectivement, ce qu'on voit,
05:58beaucoup d'électeurs se disent,
06:00fondamentalement, ils mettent en avant leurs intérêts partisans,
06:03leurs intérêts politiques, devant les principes démocratiques.
06:05On a beaucoup plus d'électeurs qui, effectivement, se disent,
06:09Écoutez, si on peut, par exemple, faire en sorte que les électeurs de l'autre camp
06:14se rendent moins aux urnes en réduisant le nombre de bureaux de vote
06:17dans les séquences élections…
06:17En truquant un petit peu, quoi.
06:18Voilà, en truquant, tu vois, en jouant avec les règles,
06:20ben pourquoi pas ?
06:21Alors qu'il y a 10 ans, 15 ans, ça n'aurait pas été acceptable
06:24par une très grande majorité des Américains.
06:26Donc on voit cette tendance.
06:27Et on voit bien, là, par exemple, depuis 2020,
06:29que dans le camp républicain, il y a une majorité des électeurs
06:32qui jugent qu'il y a eu des fraudes,
06:33alors que, je le répète, les fraudes, elles ne sont pas tangibles.
06:35Donc on voit, effectivement, qu'il y a cette menace.
06:37Et c'est pour ça que je me dis qu'effectivement,
06:39si ce processus continue, il s'amplifie dans les années à venir,
06:43ça va devenir très problématique.
06:44Si Trump est réélu cette année, est-ce qu'en 2028,
06:47une victoire d'un démocrate serait acceptable pour ses électeurs ?
06:50J'en suis pas certain.
06:52– Comment on peut expliquer, quand même, c'est assez impressionnant vu d'ici,
06:55que dans son camp, Donald Trump fascine toujours autant ?
06:59Comment expliquer ?
07:00C'est une forme d'hystérie, d'une certaine manière,
07:01malgré les affaires, les affaires judiciaires,
07:04malgré les fausses informations qu'il peut véhiculer,
07:07malgré les outrances, également.
07:10C'est quand même incroyable de se dire que sa base, là,
07:12elle reste complètement fascinée, complètement hystérique face à Donald Trump.
07:16– Alors, il faut quand même faire attention, parce que la base républicaine,
07:19globalement, au sein du parti républicain, vous avez trois grands blocs.
07:21Vous avez une base, effectivement, plutôt, on va dire,
07:23des classes moyennes, inférieures, blanches, plutôt rurales,
07:26qui, elle, est, effectivement, fondamentalement derrière Trump,
07:28qui avale ses paroles.
07:29Et c'est vrai qu'il y a une espèce de culte de la personnalité
07:32qui est extrêmement important.
07:33Comme il le disait dès 2016,
07:34il peut tuer quelqu'un sur la 5ème avenue à New York,
07:36ça ne changera rien, mais ça ne changera rien dans cette base.
07:39En revanche, vous avez deux autres blocs d'électeurs qui n'aiment pas Trump.
07:42Vous avez les évangéliques conservateurs,
07:44donc des gens extrêmement croyants, extrêmement religieux,
07:46qui n'aiment pas la personnalité de Trump,
07:48mais qui se disent, il faut voter Trump,
07:49parce que c'est lui qui nous apportera des évolutions positives
07:53en termes de politique publique.
07:54Et ils l'ont vu en 2016-2020,
07:57Trump a nommé des juges très conservateurs à la Cour suprême,
07:59et ils ont gagné que l'avortement n'était plus protégé
08:02au niveau des États-Unis.
08:04Et puis, vous avez un autre bloc qui est,
08:06on va dire, des républicains plutôt modérés,
08:08qui étaient tout à fait d'accord avec Reagan, avec George Bush,
08:11mais qui là, face à Trump et ses outrances,
08:13sont vraiment quand même très gênés.
08:15Eux aussi, ils votent de manière plutôt rationnelle,
08:17en se disant, eux, ils sont avant tout en faveur du libéralisme économique.
08:20Pendant son premier mandat, Trump a fait des baisses d'impôts massives,
08:23donc ils se disent, on va voter pour lui.
08:25Vous voyez, la fascination, elle existe,
08:26mais dans un bloc seulement,
08:27il y a beaucoup aussi d'autres électeurs qui vont voter pour Trump,
08:30mais qu'ils font sans attachement à sa personnalité,
08:32mais plutôt sur le programme, Marguerite,
08:34mais qui vont le faire.
08:36– C'est-à-dire que peu importe les outrances du candidat de son camp,
08:39on va voter pour lui, on n'hésitera pas.
08:41– Exactement, et ça, c'est une grande différence
08:43par rapport à ce qui se passait lors des décennies précédentes,
08:45parce que, par exemple, vous aviez des candidats démocrates
08:49qui remportaient des élections massives avec 60% des voix,
08:52je pense à Roosevelt, je pense à Lyndon Johnson dans les années 60,
08:55parce qu'ils attiraient des millions, des dizaines de millions
08:57d'électeurs républicains modérés qui n'aimaient pas le candidat républicain.
09:00Aujourd'hui, c'est inenvisageable, si vous avez un attachement,
09:03ne serait-ce que minimum vis-à-vis du Parti républicain,
09:05vous voterez pour le candidat du Parti républicain,
09:08quel qu'il soit, tellement l'autre alternative,
09:10les démocrates, vous fait horreur, même si d'ailleurs,
09:12leur candidat, Biden en 2020 par exemple,
09:15n'est quand même pas un radical, une foute de guerre gauchiste.
09:19Mais donc, il y a effectivement cette polarisation
09:22et qui concerne les deux partis, parce que chez les démocrates,
09:24c'est quand même une tendance similaire.
09:26– Justement du côté des démocrates, est-ce que la radicalisation,
09:28la polarisation du côté républicain, on la voit bien,
09:32on la voit bien notamment avec ce candidat, Donald Trump.
09:36Côté démocrate, c'est plus compliqué de le voir,
09:39alors je ne sais pas, c'est peut-être un phénomène
09:41qui est moins prégnant chez les démocrates,
09:42ou alors c'est qu'une impression ?
09:45– Non, c'est quand même moins prégnant, il y a effectivement ces tendances,
09:49on parle du gauchisme, je ne sais pas si le terme est parfaitement adapté,
09:52mais effectivement, ces tendances à défendre systématiquement
09:56les droits des minorités, à mettre en lumière, au contraire,
09:59les discriminations systémiques dont il ferait l'objet,
10:02ça, ça existe, mais effectivement, c'est beaucoup moins repris
10:06par les dirigeants du parti, ça peut l'être par Kamala Harris,
10:10ça a pu l'être un peu par Hillary Clinton,
10:12mais ce n'est quand même pas au niveau d'un Trump
10:14avec son programme lui aussi très radical,
10:18même dans l'aile gauche du parti démocrate,
10:20on voit par exemple qu'un Bernie Sanders,
10:22il met beaucoup plus en avant les enjeux sociaux et économiques
10:25que les enjeux de société, donc il n'y a quand même pas les mêmes dynamiques
10:29et du coup le résultat, c'est qu'on a un parti républicain
10:32qui désormais est clairement contrôlé par son aile la plus conservatrice,
10:36par Donald Trump et ses alliés, alors que chez les démocrates,
10:39la mainmise reste quand même celle de la partie, on va dire,
10:43plutôt modérée, en tout cas le point d'équilibre du parti
10:46entre son aile droite et son aile gauche,
10:47qui est représenté aussi bien par Harris que par Biden,
10:49que par Clinton, que par Obama,
10:51donc quand même les dynamiques ne sont pas les mêmes
10:53et la polarisation, la radicalisation, elle est moins forte chez les démocrates,
10:56mais il y a quand même une tendance qui est dans ce mouvement.
10:59– En tout cas, deux blocs face à face, un scrutin qui s'annonce hyper serré,
11:04qu'est-ce qui peut faire la différence quand on a comme ça deux blocs
11:06qui s'opposent et une volatilité du vote finalement très très faible ?
11:11On continue la discussion avec vous Mathieu Gallara, tout de suite.
11:149h10, Sud Radio, la vérité en face, Benjamin Gleize.
11:19– La vérité en face, les Etats-Unis au bord de la guerre civile,
11:22c'est une question posée, on y répond depuis tout à l'heure avec vous Mathieu Gallara,
11:26directeur d'études chez Ipsos, élection en tout cas qui s'annonce très serrée,
11:31c'est dans cinq jours entre Donald Trump et Kamala Harris.
11:35On parle, on entend dire que ce sera l'élection,
11:38le vote le plus serré de l'histoire des Etats-Unis,
11:40on en fait un petit peu trop ou pas là-dessus Mathieu Gallara ?
11:43– Ben ça on le verra après le scrutin, ce qui est certain,
11:45c'est qu'on a quand même eu des élections…
11:46– Des élections aux campagnes là, qui étaient incroyablement serrées,
11:49il faut se rappeler en 2000, George W. Bush l'emporte sur Al Gore
11:54grâce à 537 voix d'avance en Floride,
11:56537 voix d'avance sur 100 millions de bulletins au niveau de l'ensemble des Etats-Unis.
12:01Donc est-ce qu'on en sera là ? C'est quand même pas certain.
12:03Les sondages globalement, voilà, ils peuvent vous dire qui est en avance,
12:06là aujourd'hui il n'y a aucun candidat qui se détache clairement,
12:10c'est 50-50, moi je suis incapable de vous donner un favori.
12:13– Même sur les Etats-clés, ça va se jouer dans ces Etats-clés,
12:16et quand on regarde les sondages dans chaque Etat-clé,
12:18à chaque fois on est dans la marge d'erreur pratiquement.
12:19– Exactement, donc ça peut être très serré,
12:21mais après il suffit effectivement que dans la dernière phase de la campagne peut-être,
12:25l'électorat se déplace un tout petit peu,
12:26pour que finalement tous les Etats-clés basculent dans un camp ou dans un autre,
12:30et que ça ne soit pas si serré.
12:31Ce qui s'est passé en 2020 par exemple,
12:32où finalement Joe Biden a remporté 6 des 7 Etats-clés,
12:37et donc c'est vrai qu'en termes de voix, en termes de collège électoral,
12:40c'était serré, mais c'était quand même pas à un cheveu près.
12:44Donc voilà, il y a quand même de l'incertitude sur qui va l'emporter,
12:46mais aussi avec quelle marge, ça ne va pas être un raz-de-marée,
12:48mais ça peut être quand même relativement clair.
12:52– Avec un électorat quand même qui bouge assez peu,
12:54vous dites que ça peut bouger,
12:55mais quand on regarde la volatilité du vote des électeurs américains en général,
13:00quand on vote pour un parti, on continue de voter pour un parti et de plus en plus.
13:04– De plus en plus, il y a beaucoup une tendance à la décrue du nombre d'électeurs
13:08effectivement qui changent de vote d'une élection à l'autre,
13:10qui basculent les swing voters,
13:12il y a aussi les swing voters, pas que les swing states.
13:14Et donc effectivement, ces électeurs, ils sont aujourd'hui moins de 5%,
13:19ils votent très peu en plus, ils votent beaucoup moins que les autres parce qu'ils hésitent.
13:22Et puis en fait, ils ne sont pas si hésitants que ça,
13:24parce qu'on se rend compte quand on les réinterroge après
13:26qu'ils votent comme malgré tout toujours pour le même parti.
13:28Ils nous disent en fait qu'ils ne savent pas, mais en fait ils savent à peu près.
13:33– Et dans ces cas-là, comment ça bouge ?
13:35Comment ça se joue cette élection ? À quoi ça se joue ?
13:39– Eh bien ça ne se joue justement pas sur les électeurs indécis,
13:42donc ces quelques pourcentages d'hésitants,
13:44ça joue sur la mobilisation des bases électorales
13:47des deux blocs démocrates comme républicains.
13:50Et donc ça explique finalement très bien les stratégies de campagne
13:53de Harris comme de Trump qui est de vraiment chauffer à blanc son électorat.
13:57Et finalement, ce grand meeting de Donald Trump à New York,
14:01au Madison Square Garden, ça a du sens quand on le lit
14:04à travers cette évolution de l'électorat américain.
14:07Ce qu'il faut avant tout, c'est être certain que l'ensemble des électeurs
14:10plus ou moins républicains aillent voter,
14:12et donc il faut vraiment l'échauffer, les mobiliser,
14:15et ça ne se fait pas par des discours mou.
14:16– C'est l'un des discours logiques électoraux traditionnels,
14:19c'est-à-dire que l'idée à la fin de l'élection, c'est de rassembler, de brasser l'âge.
14:23Là non, au contraire, on radicalise d'autant plus qu'on se rapproche de l'élection.
14:26– Exactement, ce que vous soulignez comme stratégie,
14:30c'était la grande stratégie des années 80-90 de Clinton, de Reagan.
14:34Ça n'est plus du tout d'actualité aujourd'hui
14:35parce que l'électorat a profondément changé,
14:38parce qu'il n'y a presque plus de ses électeurs hésitants,
14:40et parce qu'en revanche, les électorats se sont radicalisés.
14:43Donc vraiment, il faut que les républicains les plus fervents
14:45et les démocrates les plus fervents soient vraiment certains
14:48que leur candidat soit le bon, et soient vraiment certains
14:50que si l'adversaire arrive au pouvoir, c'est une catastrophe
14:53pour être certain qu'il se rende aux yondes.
14:55C'est la participation qui fera l'élection,
14:57plus que les quelques modérés hésitants.
15:00– La participation peut-être d'autre chose aussi,
15:03on parle beaucoup en ce moment du vote hispanique, du vote afro-américain,
15:09on avait des blocs monolithiques,
15:11c'est peut-être en train de se fracturer en ce moment.
15:13– Alors on a encore malgré tout des blocs qui sont quand même forts,
15:17parce que c'est vrai qu'on parle du recul des démocrates
15:20chez les afro-américains, chez les hispaniques,
15:22c'est un recul, ils voteront quand même majoritairement Harris,
15:24et pour les afro-américains c'est très majoritairement.
15:26Mais c'est vrai qu'il semble y avoir un effritement.
15:28Alors on peut avoir pas mal d'opinions, de théories sur pourquoi
15:32il y a des théories qui peuvent être reliées directement à Trump,
15:35qui aurait un discours à la fois entrepreneurial,
15:37qui plairait notamment aux jeunes hommes noirs ou hispaniques,
15:40un discours qui peut-être met l'accent sur le rejet du féminisme,
15:44le rejet du wokisme, qui serait des valeurs là aussi
15:48qui parleraient à ses électeurs, donc il peut y avoir ces éléments.
15:50Il y a aussi des éléments beaucoup plus profonds en fait,
15:53globalement, ces communautés afro-américaines et hispaniques,
15:57ce sont des communautés extrêmement soudées,
16:00parce qu'elles ont fait face, notamment les afro-américains,
16:02à 200 ans d'esclavage, à 100 ans de ségrégation raciale,
16:05et elles ont formé un lien très étroit avec le parti démocrate,
16:08qui a mis fin à ces discriminations.
16:11Mais c'est vrai que là on arrive à des générations aujourd'hui,
16:13quand vous êtes un jeune afro-américain,
16:14la lutte pour les droits civiques, les années 60, c'est de l'histoire.
16:17Et puis surtout c'est des communautés qui peu à peu, malgré tout, s'ouvrent.
16:20Il y a de plus en plus de mariages mixtes,
16:22on va être moins en moins occultes dans des églises noires protestantes, etc.
16:26Donc tout ça fait qu'effectivement vous évoluez
16:28dans des univers sociaux un peu différents,
16:31et donc peut-être que ça fait qu'on rencontre plus de républicains,
16:34et on peut peut-être plus facilement basculer.
16:36Donc tout ça, ça explique pourquoi il y a ces petits changements.
16:40Et à côté de ça, autre changement, c'est la polarisation du vote homme-femme.
16:44On va avoir une élection quand même qui est très genrée.
16:47Exactement. Là encore, ce n'est pas tout à fait nouveau,
16:49ça fait depuis les années 80 que les femmes votent plus démocrate,
16:51les hommes plus républicains,
16:52mais c'est vrai que là, cette année, a priori,
16:54on devrait avoir un écart particulièrement fort,
16:57qui s'explique quand même avant tout.
16:58Alors, il y a le rejet traditionnel par les femmes,
17:02et on le voit dans beaucoup de pays,
17:03du radicalisme, populisme conservateur.
17:06On retrouve ça quand même dans beaucoup de pays,
17:08même si par exemple en France, ça s'est un peu réduit.
17:11Il y a quand même un discours effectivement masculiniste chez Trump
17:14qui peut séduire une partie de l'électorat masculin
17:17qui est traditionnellement peut-être plutôt démocrate,
17:20mais conservateur sur les questions de société.
17:22Et tout ça fait qu'effectivement, il faut regarder...
17:24En fait, l'électorat américain,
17:25on peut le segmenter en des tas de petits groupes,
17:28les jeunes afro-américains, les jeunes hispaniques,
17:30les femmes des banlieues, etc.
17:32Malgré tout, à la fin, si on regarde
17:35pourquoi est-ce que la Pennsylvanie aura voté Trump ou Harris,
17:38ça sera par une addition du comportement
17:40et de la mobilisation de tous ces groupes.
17:42Donc, ça sera très compliqué à expliquer.
17:44– Mathieu Gallard, la situation, c'est le début aussi de votre livre
17:48« Les États-Unis au bord de la guerre civile »,
17:49c'est que vous vous interrogez sur la manière
17:51dont ce modèle peut aussi se développer ailleurs.
17:55Notamment, vous parlez de la France.
17:56Est-ce qu'on est dans un phénomène aussi de polarisation d'une certaine manière,
18:00de radicalisation de la vie politique en France ?
18:03On entend beaucoup les adjectifs de « trumpisation »,
18:06qu'on prête à des élus notamment.
18:09– Alors oui, la polarisation, ça peut concerner les élus et les électeurs.
18:12Je pense que chez les élus, il y a effectivement une dynamique
18:14de polarisation qui ne va pas aussi loin qu'aux États-Unis.
18:17Une fois de plus, on n'a pas de meeting comme on en a eu à New York.
18:22– Pour l'instant, en tout cas, on est d'accord, ça pourrait évoluer.
18:25Mais effectivement, on le voit à l'Assemblée nationale,
18:27pendant le débat sur les retraites, sur la loi immigration,
18:29aujourd'hui sur le budget, on a à la fois des gouvernements successifs
18:32qui sont quand même très arquebutés et qui utilisent toutes les armes
18:35qu'ils ont en leur pouvoir pour faire passer leur loi,
18:37et des oppositions qui font une obstruction systématique,
18:41et tout ça avec une rhétorique extrêmement antagoniste en plus entre ces blocs.
18:45Chez les électeurs, c'est quand même moins clair.
18:48On a quand même effectivement…
18:49– On en a encore à se parler, ce qui n'est pas toujours le cas aux États-Unis.
18:52– Voilà, exactement, on y arrive, il y a quand même une montée de la polarisation,
18:56il y a trois blocs qui sont quand même plus homogènes que dans le passé,
18:59mais on n'en est quand même pas à des niveaux de détestation
19:02entre ces trois blocs qui sont ceux des États-Unis.
19:05Mais une fois de plus, on est néanmoins sur une même dynamique,
19:07et donc si cette dynamique se poursuit en France dans les années à venir,
19:10on pourrait finalement en arriver à quelque chose
19:12qui ressemble à la situation américaine actuelle.
19:14– Merci beaucoup, c'était passionnant Mathieu Gallard,
19:16directeur d'études chez Ipsos, je rappelle donc le titre de votre livre,
19:20« Les États-Unis au bord de la guerre civile »,
19:22point d'interrogation édition de l'Aube avec la Fondation Jean Jaurès.
19:26Merci à vous et très bonne journée.
19:28À Sud Radio, il est 9h58, dans un instant,
19:30Sud Radio Média, vous retrouvez Valérie Xpert et Gilles Gonzeman
19:33avec leur invité ce matin, Antoine Donneau qui est imitateur.
19:37Belle journée avec Sud Radio.