Le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00Bonjour Benjamin Haddad, et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:03Vous êtes le ministre délégué chargé de l'Europe, l'Europe qui fait face à une vague,
00:07une violente vague d'antisémitisme.
00:09Hier soir, le Premier ministre des Pays-Bas a dénoncé une violence antisémite pure et simple
00:13après les attaques et la chasse aux Juifs à Amsterdam.
00:16Le choc et la honte perdurent, a-t-il dit, alors que des tensions ont de nouveau éclaté
00:21hier dans la nuit dans la capitale.
00:23Il appelle à une action forte.
00:25Monsieur le ministre, quelle pourrait être cette action, même au niveau européen ?
00:28Déjà, effectivement, il faut constater que depuis le 7 octobre,
00:31même si en réalité c'est un phénomène qui préexistait,
00:33mais depuis le 7 octobre 2023,
00:35on voit une explosion de violence et de haine antisémite partout en Europe.
00:39On sent que ça a libéré, une fois de plus, la parole antisémite, l'acte antisémite
00:45et que le conflit est utilisé comme un prétexte,
00:48il est instrumentalisé pour attaquer les Juifs en Europe.
00:50Il faut toujours le rappeler de façon extrêmement claire,
00:53quand on s'attaque à un Juif en France,
00:55on s'attaque à la France, on s'attaque à la République
00:57C'est pour ça que nous avons dans notre pays des forces de l'ordre
00:59qui sont mobilisées pour protéger les synagogues,
01:01pour protéger les écoles.
01:03C'est malheureux d'avoir en arrivé là.
01:05C'est malheureux que les fidèles pour entrer dans les synagogues
01:07doivent être protégées par la police,
01:09mais de fait, le gouvernement, le président de la République
01:11sont extrêmement mobilisés.
01:13Et on le voit, cette haine d'Israël
01:15est utilisée comme un carburant pour attaquer des Juifs.
01:18Et là-dessus, je veux dire plusieurs choses.
01:20Premièrement, c'est que les responsables politiques
01:22ont une responsabilité, y compris dans la parole,
01:24puisqu'on voit ceux, comme la France Insoumise,
01:26qui précisément ont utilisé la question palestinienne
01:30comme un carburant électoraliste
01:32avec des conséquences, y compris des conséquences dans la violence.
01:34C'est pour ça que le ministre de l'Intérieur
01:36a raison quand il s'agit de...
01:38De ne rien laisser passer ?
01:40Encore ce matin, monsieur le ministre, un élu du DOU,
01:42Conseil Municipal d'Hiver Gauche, Ismaël Boudjekada,
01:44a dit qu'il aurait voulu être à Amsterdam
01:46pour participer à cette chasse aux Juifs.
01:48Bruno Rotaïou, à chaque fois...
01:50Il a raison.
01:52Il a raison, il faut absolument rien laisser passer
01:54parce qu'en fait, finalement, après, on s'habitue.
01:56On laisse les ennemis de la République grignoter du terrain.
02:00On s'est trop habitués, d'ailleurs.
02:02En tout cas, pendant longtemps, on n'a pas suffisamment dénoncé,
02:04on n'a pas suffisamment combattu.
02:06Donc aujourd'hui, il faut une main absolument ferme.
02:08Il ne faut rien laisser passer.
02:10C'est pour ça que Bruno Rotaïou a raison
02:12de saisir le procureur de la République
02:14sur les propos, par exemple, de la députée insoumise.
02:16Et après, vous me posiez la question,
02:18est-ce qu'il faut des mesures au niveau européen ?
02:20Quand je vois ce qu'on a fait en France, par exemple,
02:22avec la loi sur le séparatisme, vous vous rappelez,
02:24il y a quelques années.
02:26Faire la transparence sur les financements étrangers
02:28de l'islam radical.
02:30Pouvoir se donner les moyens d'expulser des imams
02:32ou de dissoudre des associations
02:34soupçonnées de liens avec des mouvements radicaux.
02:36Pourquoi ne pas porter, effectivement,
02:38ce type de mesures au niveau européen ?
02:40En tout cas, c'est une réflexion qu'on a en ce moment
02:42avec le ministre de l'Intérieur.
02:44Mais oui, j'en fais une priorité.
02:46Et c'est, je crois, la France qui s'est dotée d'outils.
02:48Importants pour défendre notre laïcité,
02:50pour lutter contre l'islamisme
02:52et pour lutter contre l'antisémitisme.
02:54Y compris, d'ailleurs, l'antisémitisme
02:56et la haine en ligne.
02:58C'est un combat que nous avons porté.
03:00Il faut le faire aussi au niveau européen.
03:02Vous-même, Benjamin Haddad,
03:04vous aviez été pris à partie par Jean-Luc Mélenchon.
03:06Il avait déclaré que vous étiez acquis
03:08à la politique de Benjamin Netanyahou.
03:10Il s'était indigné que ce soit vous,
03:12monsieur Haddad, qui vous occupiez de l'Europe.
03:14Est-ce que faire l'amalgame entre votre confession
03:16et la relève de l'antisémitisme ?
03:18Oui, et je crois que ça avait été dénoncé comme tel,
03:20d'ailleurs, par de nombreuses personnes.
03:22Mais, moi, j'entends ce qu'il dit
03:24et je vois effectivement ses propos
03:26et ceux de son parti qui désignent
03:28les juifs, des personnalités juives,
03:30comme Yael Brun-Pivet ou d'autres
03:32à la vindicte depuis déjà bien longtemps.
03:34Mais vous savez, fondamentalement,
03:36moi, je n'avais pas réagi à cette polémique à l'époque
03:38parce que je crois qu'il y a deux façons
03:40de faire de la politique.
03:42Soit on cherche constamment à cliver,
03:44à enfermer les gens dans des cases,
03:46à créer du conflit, de la conflictualisation
03:48pour exister, soit on essaie de se mettre
03:50à sa tâche, pour travailler au service des Français
03:52en avançant calmement.
03:54Moi, c'est plutôt mon approche et je crois que c'est celle
03:56aussi du gouvernement.
03:58Le calme, c'est ce qu'on espère, mais en tout cas, c'est un match
04:00sous très haute tension et sécurité entre la France et Israël
04:02qui se tiendra jeudi. Benjamin Haddad,
04:04le fait que les autorités israéliennes
04:06aient appelé leurs ressortissants à ne pas s'y rendre,
04:08sous-entendu, il n'y aurait pas
04:10toute la sécurité en France. Est-ce que ce n'est pas
04:12une forme de camouflet pour notre pays ?
04:14Écoutez, ce que je veux vous dire, c'est que, un,
04:16bien sûr, les footballeurs et les supporters
04:18israéliens sont les bienvenus à Paris,
04:20comme ils étaient d'ailleurs les bienvenus aussi les athlètes israéliens
04:22dans des Jeux Olympiques. Il y a des forces politiques
04:24qui nous demandent le boycott. Ce n'est pas
04:26une pratique acceptable.
04:28Le sport, ça doit être aussi
04:30un moment d'amitié entre
04:32les peuples et donc les Israéliens sont bien sûr les bienvenus.
04:34On avait boycotté les athlètes russes.
04:36Non, ils étaient sous bannière neutre.
04:38Mais en tout cas,
04:40les Israéliens sont bien sûr les bienvenus
04:42à Paris et je me félicite
04:44d'ailleurs du message qui est envoyé par le président
04:46de la République, par le Premier ministre,
04:48qu'ils se rendront à ce match,
04:50ce qui montre encore une fois que ça va être un moment
04:52de fête, que le meilleur gagne,
04:54mais il ne faut pas politiser.
04:56Vous y croyez ? Bien sûr, c'est le sport.
04:58Il faut que ce soit un moment
05:00de fête et de rassemblement. Il y aura
05:02toutes les dispositions en termes de sécurité
05:04qui seront prises, mais je me félicite encore une fois
05:06qu'on n'a pas cédé à l'intimidation, on n'a pas cédé
05:08au chantage. Encore une fois, les Israéliens
05:10sont les bienvenus à Paris. On n'a pas délocalisé,
05:12c'est ça ? Oui, exactement. Que ce soit
05:14les footballeurs, les supporters
05:16et vous aurez des personnalités
05:18comme le président de la République ou le Premier ministre
05:20et des ministres qui seront présents
05:22à ce match pour soutenir
05:24l'équipe de France. Vous-même,
05:26vous avez un déplacement peut-être prévu ? Je l'espère, j'ai un déplacement prévu,
05:28donc on verra effectivement comment on gagne ça. En tout cas, le président
05:30Emmanuel Macron Issa, on peut y voir
05:32un symbole, car son absence
05:34lors de la marche contre l'antisémitisme avait été
05:36beaucoup commenté et notamment
05:38dénoncé, pas seulement par les Français juifs,
05:40mais en particulier par les Français juifs.
05:42C'est aussi le même président, monsieur Haddad,
05:44qui avait évoqué l'arrêt des ventes d'armes à Israël.
05:46Tout à l'heure, l'ambassadeur d'Israël
05:48sera au quai d'Orsay pour autre chose, pour s'expliquer
05:50après l'incident dans les Léonards
05:52à Jérusalem-Est. On a du mal
05:54à comprendre la position aujourd'hui de la France
05:56vis-à-vis d'Israël. Si vous deviez ce matin
05:58sur CNews Europe 1 nous la résumer,
06:00que diriez-vous ? Non, mais moi je crois qu'il n'y a absolument
06:02aucune ambiguïté et qu'il ne faut pas mélanger, par exemple,
06:04les sujets. Le président de la République, son engagement
06:06contre l'antisémitisme et contre l'antisionisme,
06:08puisqu'il a été l'un des premiers, d'ailleurs, à dire
06:10que l'antisionisme était une forme d'antisémitisme,
06:12il ne souffre d'aucune contestation.
06:14Et c'est pour ça, d'ailleurs, je vous le disais, qu'on voit
06:16une mobilisation des forces de l'ordre, des autorités
06:18pour protéger la communauté juive
06:20depuis déjà des années. Et là-dessus, il n'y a aucune
06:22ambiguïté et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'il se rend
06:24et c'est un message, encore une fois, fort d'amitié,
06:26de fraternité, de se rendre
06:28à ce match. Après,
06:30effectivement, il défend la position
06:32qui est très claire, qui est la position de la diplomatie française,
06:34qui, dès le 7 octobre,
06:36qui était une dénonciation
06:38absolue et sans ambiguïté
06:40de la barbarie terroriste du Hamas
06:42le 7 octobre contre les civils
06:44israéliens, avec le soutien aux droits
06:46des Israéliens à se défendre contre
06:48le terrorisme dans le respect du droit international
06:50et humanitaire. Aujourd'hui, la France appelle
06:52un cessez-le-feu,
06:54qui peut mener à la reprise
06:56des négociations pour une solution
06:58politique à deux États, ce qui a toujours été un État israélien,
07:00un État palestinien, ça a toujours été la position
07:02de la France. La libération inconditionnelle
07:04des otages, je rappelle que nous avons
07:06toujours deux otages français, d'ailleurs,
07:08au fer Calderon et au Hadia Haloumi, qui sont aujourd'hui
07:10détenus par le Hamas,
07:12et donc c'est à la fois la voie de la France
07:14de s'élever contre l'antisémitisme, mais aussi
07:16de promouvoir la relance du dialogue
07:18politique, la solution politique à deux États
07:20et la fin des combats dans la région.
07:22J'entends. Est-ce qu'on peut appeler un cessez-le-feu,
07:24comme vous le faites, et en même temps dire
07:26que, et en même temps c'est l'expression
07:28adaptée, et dire qu'Israël a le droit
07:30de se défendre ? Encore une fois,
07:32Israël a le droit
07:34de se défendre après le 7 octobre, il y a une réponse
07:36évidemment à l'attaque terroriste barbare.
07:38Aujourd'hui, encore une fois, l'objectif du
07:40président de la République et de la diplomatie française,
07:42c'est de retrouver les voies d'une solution
07:44politique, c'est-à-dire que comment est-ce qu'on arrive
07:46au-delà de la dimension militaire et des combats
07:48à créer un cadre politique
07:50qui est la garantie de la sécurité durable
07:52et de la stabilité dans la région ?
07:54Encore faut-il que la voie de la France
07:56porte. Il y a aujourd'hui
07:58une piste pour que
08:00cet accord, pour que ce cessez-le-feu, puisse un jour
08:02arriver sur la table de négociation ?
08:04Vous savez, la voie de la France, comme celle de
08:06nos partenaires déjà, on tient notre rang,
08:08on utilise notre voie.
08:10Je constate qu'on est très impliqué, notamment
08:12par exemple au Liban, dans l'aide humanitaire.
08:14Il y a encore quelques semaines, le 24 octobre,
08:16une grande conférence humanitaire sur le
08:18Liban qui a permis de lever près d'un milliard
08:20d'euros, 800 millions d'aides humanitaires,
08:22200 millions pour le soutien aux forces armées
08:24libanaises, qui est un enjeu aussi bien sûr de souveraineté
08:26pour le Liban.
08:28C'était plus d'ailleurs que les objectifs que s'étaient donnés
08:30les Nations Unies pour cette conférence.
08:32La France est en initiative et la France
08:34fait porter sa voix, y compris encore une fois
08:36par des initiatives concrètes comme le soutien
08:38humanitaire. L'actualité, monsieur le ministre
08:40en charge de l'Europe ces dernières heures, c'est une brusque
08:42accélération des événements au sujet de l'Ukraine.
08:44Selon la presse américaine, le Washington
08:46Post en particulier, Donald Trump
08:48se serait entretenu au téléphone avec Vladimir Poutine.
08:50Il lui aurait conseillé de ne pas aggraver la guerre
08:52avec à la clé la possibilité
08:54pour Moscou de conserver les territoires
08:56conquis. Le Kremlin dément
08:58cet appel, mais des mouvements de troupes laissent penser
09:00quand même qu'il y aurait une accélération.
09:02Comment vous réagissez ce matin ?
09:04Trump peut-il être l'homme
09:06des négociations sur l'Ukraine ?
09:08Je voudrais rappeler qu'au fond
09:10et au-delà d'ailleurs de l'Ukraine,
09:12ce qui se passe en Ukraine, ça engage avant tout
09:14notre sécurité, nous d'Européens.
09:16C'est une agression contre un État souverain
09:18à nos frontières, avec les conséquences d'ailleurs
09:20que ça pourrait avoir sur des pays...
09:22Oui, on est aux portes. Quand on voit les États baltes,
09:24la Roumanie, la Pologne,
09:26ce sont des États
09:28de l'Union Européenne, des États
09:30membres de l'OTAN. Vous diriez que nos intérêts
09:32vitaux sont en jeu en Ukraine ?
09:34Les intérêts vitaux de l'Union Européenne, bien sûr. Je pense que c'était effectivement
09:36un enjeu existentiel pour l'Union Européenne.
09:38Si on laisse Vladimir Poutine
09:40gagner, ça crée un précédent
09:42désastreux pour les relations internationales, y compris
09:44sur d'autres théâtres.
09:46C'est à nous aussi de faire entendre notre voix,
09:48de continuer à soutenir les Ukrainiens, à pouvoir
09:50se défendre. Et en effet, la seule façon
09:52de mettre fin à cette guerre,
09:54et c'est le message que nous portons aussi auprès
09:56de nos alliés américains, avec qui nous travaillerons,
09:58avec l'administration Trump,
10:00c'est de donner aux Ukrainiens les moyens
10:02de rééquilibrer leur rapport de force sur le terrain
10:04pour pouvoir engager une négociation.
10:06Ça veut dire quoi ? C'est-à-dire de pouvoir même frapper sur le sol
10:08et en profondeur sur le sol russe ?
10:10Est-ce que, pour être claire dans ma question,
10:12est-ce que le soutien aujourd'hui à l'Ukraine est
10:14inconditionnel et sans limite ?
10:16Rien n'est inconditionnel ou sans limite,
10:18mais le sujet, fondamentalement, c'est comment
10:20est-ce qu'on donne aux Ukrainiens les moyens
10:22de rééquilibrer leur rapport de force sur le terrain,
10:24qui peut mener à une négociation. Moi, j'entends aujourd'hui
10:26le président Zelensky, qui depuis longtemps, par exemple, dans son plan de victoire,
10:28dit qu'il souhaite pouvoir négocier.
10:30Mais après, une négociation, elle se base
10:32sur un rapport de force. Et le rapport
10:34de force qui doit pouvoir se rééquilibrer
10:36sur le terrain, c'est quand on donne aux Ukrainiens
10:38les moyens, précisément, de pouvoir mener
10:40cette négociation. Est-ce que Trump pourrait être l'homme
10:42de ce rapport de force ? On le connaît quand même pour
10:44son rapport de force et son goût du deal.
10:46En tout cas, c'est le message que nous portons
10:48et que nous continuerons de porter auprès
10:50des autorités américaines. Mais ma question, est-ce que Trump peut être
10:52l'homme de ces négociations, pour vous ?
10:54En tout cas, vous savez, au fond,
10:56mais je sais qu'on va... Vous n'y croyez pas, monsieur le ministre ?
10:58Vous ne voulez pas le dire, parce que, semble-t-il,
11:00s'il est en contact avec Poutine, il est le...
11:02Non, mais en réalité, moi, je ne fais
11:04pas de la spéculation sur ce que va faire quelqu'un d'autre.
11:06Moi, je vous dis la position que nous porterons et ce que nous devons
11:08faire aussi pour prendre en charge notre propre sécurité.
11:10Vous avez dit que ce serait une erreur historique d'abandonner l'Ukraine.
11:12Négocier, c'est abandonner ?
11:14Non, mais pas du tout. Je vous dis, encore une fois,
11:16abandonner, c'est laisser
11:18Vladimir Poutine gagner la guerre
11:20et le précédent que ça créerait.
11:22La question, c'est comment créer les conditions
11:24d'un rapport de force pour une négociation.
11:26Maintenant, fondamentalement, ce que
11:28nous voyons avec l'élection de Donald Trump,
11:30mais au fond, avec les tendances même qu'on avait vues...
11:32Que vous avez vues venir. Je vais le préciser
11:34à nos auditeurs d'Europe 1 et à nos téléspectateurs
11:36de CNews. Vous avez publié ce livre il y a
11:38quelques années, en 2019. Il s'intitule
11:40« Le paradis perdu, l'Amérique de Trump
11:42et les désillusions européennes ».
11:44C'est-à-dire, au moment où tout le monde pensait que Trump était terminé,
11:46que même Trump ne pouvait même pas
11:48émerger, vous l'avez vu arriver.
11:50Vous ne faites pas partie de ces élites aveuglées.
11:52J'ai vécu
11:54le premier mandat de Donald Trump
11:56aux Etats-Unis et je crois qu'effectivement, moi, je ne crois pas
11:58aux leçons de morale.
12:00Moi, j'ai voulu voir, en tant que Français,
12:02de façon analytique, déjà, les sujets
12:04qui ont fait son succès.
12:06Que ce soit
12:08la question de l'immigration, la question de la désindustrialisation,
12:10le rejet des
12:12interventions militaires par une partie
12:14de l'opinion publique américaine,
12:16en particulier après les échecs
12:18de l'Afghanistan et de l'Irak.
12:20Et, au fond,
12:22l'accélération aussi qu'il représentait,
12:24et je ne pense pas qu'il représente une parenthèse ou un accident de l'histoire,
12:26on a vu, par exemple, les tendances protectionnistes
12:28qui ont été continuées, voire amplifiées, par l'administration
12:30Biden, avec certains tarifs douaniers, avec
12:32l'Irak, contre même les intérêts
12:34de l'industrie européenne. Et donc,
12:36la conclusion qu'il faut en tirer,
12:38c'est, pour nous, Européens, de prendre en charge
12:40notre propre sécurité, notre destin,
12:42d'investir dans notre défense, de nous donner
12:44les outils d'assumer des rapports
12:46de force aussi, sur le plan commercial,
12:48de soutenir notre industrie, c'est-à-dire d'investir
12:50dans notre autonomie stratégique. C'est le fameux sursaut
12:52européen. Mais pourquoi vous ne dites pas d'abord
12:54la France ? Mais bien,
12:56la France, c'est ce qu'on fait, d'ailleurs,
12:58depuis 2017, en faisant baisser le chômage,
13:00en doublant le budget militaire
13:02de la France sur les deux mandats d'Emmanuel Macron,
13:04en investissant dans la réindustrialisation.
13:06Mais après, les intérêts de la France,
13:08les intérêts de la France,
13:10c'est aussi d'être influent en Europe
13:12et d'avoir une Europe qui est capable
13:14de défendre ses intérêts. Parce que, fondamentalement,
13:16entre les Etats-Unis, la Chine,
13:18l'Inde, la Russie, on a intérêt
13:20à peser ensemble en Européens. Mais c'est pour ça que je vous reviens
13:22juste rapidement sur la question de l'Ukraine.
13:24Le vrai sujet, une fois de plus,
13:26c'est comment est-ce que nous, Européens, sommes capables
13:28collectivement, en coopérant au niveau,
13:30par exemple, de l'industrie de défense,
13:32de défendre ensemble nos intérêts ?
13:34Mais expliquez-nous ce matin, quelle Europe ?
13:36Celle de Viktor Orban, dont vous aviez dit, il y a deux ans,
13:38je vous cite, et dénoncer sa dérive autoritaire
13:40et le fait qu'il détourne les fonds européens ?
13:42Celle de Laff-Scholz, fragilisée en Allemagne
13:44et probablement remplacée avant Noël ?
13:46Ou celle de Georgia Melloni, dont vous aviez critiqué
13:48le repli national au sujet de l'immigration ?
13:50Georgia Melloni ? Non, ce que j'ai dit, c'est que,
13:52au contraire, ce que j'ai dit, c'est que
13:54quand elle a été élue, elle a fait appel à l'Europe
13:56et à la coopération européenne, précisément,
14:00mais j'avais parlé de ça pendant sa campagne,
14:02c'est-à-dire qu'effectivement, pendant sa campagne,
14:04elle a fait croire qu'il y avait des solutions
14:06uniquement nationales et unilatérales pour avoir des résultats
14:08sur l'immigration, et que c'est à travers la coopération européenne.
14:10Mais une Europe qui est capable de se défendre,
14:12une Europe qui investit dans son autonomie...
14:14Celle de M. Orban ? Celle de M. Scholz ?
14:16Mais non, déjà celle des 27. On a besoin de travailler
14:18avec nos partenaires, nos voisins.
14:20On dit souvent l'Europe des 27 et le 28e, c'est la Commission européenne.
14:22Mais en réalité, moi, ce que je constate, c'est que
14:24quand j'entends l'Europe aujourd'hui, la Commission européenne,
14:26son collège des commissaires actuel,
14:28qui parle de souveraineté industrielle,
14:30de souveraineté technologique,
14:32de nucléaire comme énergie de décarbonation.
14:34Il y a un commissaire à la Défense. Je vois que le logiciel change.
14:36Je vois qu'on fait changer le logiciel.
14:38Je vois qu'on sort d'une forme de naïveté
14:40quand on impose des tarifs
14:42à la Chine face à son comportement
14:44commercial déloyal sur la question
14:46des véhicules électriques. Mais
14:48maintenant, effectivement, il faut se sursaut.
14:50Moi, ce que je constate quand je vois
14:52aux Etats-Unis, c'est que les Américains,
14:54au fond, ont toujours faim.
14:56Ils veulent innover. Ils veulent
14:58créer. Ils veulent investir dans leur défense.
15:00Donc la question que je pose aujourd'hui aux Européens,
15:02c'est est-ce qu'on a faim ? Est-ce qu'on veut innover ?
15:04Ou est-ce qu'on veut simplement être
15:06des sujets, un théâtre passif
15:08des rivalités des grandes puissances ? Moi, je veux
15:10qu'on soit un acteur. Et un acteur, ça veut dire
15:12investir massivement dans notre compétitivité
15:14et notre productivité au niveau français
15:16comme au niveau européen en unifiant
15:18les marchés de capitaux, en terminant
15:20le marché uni, en mettant plus l'accent
15:22sur l'innovation que sur la régulation.
15:24Parce que ces dernières années, ça a été au niveau européen
15:26beaucoup l'accent sur la régulation, sur les questions
15:28technologiques. Là, je crois au contraire qu'il faut qu'on soutienne
15:30nos entreprises et nos innovateurs.
15:32Et en pensant à nos agriculteurs. Je veux vraiment terminer
15:34par cette question. Il nous reste quelques secondes.
15:36C'est un sujet qui risque
15:38d'allumer de nouveau la colère des agriculteurs.
15:40Le fameux Marco-Sourds,
15:42l'accord de libre-échange qui défavoriserait
15:44très largement nos producteurs nationaux.
15:46L'enjeu désormais de rallier d'autres
15:48pays européens, puisque la France, on le sait, ne veut pas
15:50le signer. Est-ce qu'il va être signé
15:52dans quelques jours ?
15:54La position de la France est extrêmement claire.
15:56Cet accord n'est pas acceptable en l'état.
15:58Nous travaillons avec
16:00nos partenaires européens pour construire
16:02une coalition qui dit très simplement
16:04qu'on a des exigences
16:06aussi bien sur les questions d'équité commerciale,
16:08c'est-à-dire que
16:10quand on s'applique des normes, des standards
16:12par exemple pour nos agriculteurs ou nos entreprises,
16:14il faut que nos partenaires commerciaux s'appliquent
16:16les mêmes. Et aussi bien au niveau des normes
16:18environnementales, c'est-à-dire la protection
16:20des accords de Paris.
16:22Vous pouvez nous garantir ce matin
16:24qu'il ne sera pas signé cet accord,
16:26là d'ailleurs au G20, dans les prochains
16:28jours ? Je ne le souhaite pas.
16:30En tout cas, c'est clairement
16:32le combat de la France, c'est de s'opposer
16:34à cet accord en l'état, de mobiliser
16:36nos partenaires pour s'y opposer. Parce que
16:38ça revient exactement à ce que je vous disais tout à l'heure,
16:40quand on sort d'une forme de naïveté sur les accords commerciaux.
16:42D'ailleurs, on voit que l'une des raisons pour lesquelles
16:44Donald Trump a été élu, c'est qu'il y a ce retour
16:46de bâton contre ces accords
16:48commerciaux qui ne sont pas considérés comme
16:50équitables et qui ont mené, par exemple, à une forme
16:52de désindustrialisation.
16:54Là, on doit être capables de défendre nos intérêts
16:56sans naïveté. C'est le message que porte
16:58le gouvernement sur la question du Mercosur.
17:00Merci M. le ministre délégué en charge de l'Europe,
17:02Benjamin Haddad. Merci pour cette grande interview.
17:04Bonne journée et à bientôt. Merci.