Thierry Guerrier reçoit Jérôme Goudard et Mohamed Sifaoui
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00:00L'expert qui a un oeil à viser et pour cause, il est avocat pénaliste, Maître Jérôme Goudard. Bonjour Maître.
00:06Bonjour.
00:06Merci d'être venu dans le studio de Sud Radio pour évoquer, eh bien, notre système pénitentiaire français, nos prisons.
00:15Nos prisons qui, on peut le dire, et en tout cas vous nous confirmerez ou non l'adjectif que je vais utiliser puisque je parle de faillite générale.
00:23Tous les projecteurs sont braqués sur cette problématique de notre système pénitentiaire depuis les propos de Gérald Darmanin,
00:31nouveau ministre de la Justice, qui parle, lui, de sa volonté de créer des prisons à taille humaine.
00:37Il était, le garde des Sceaux, hier soir à 20h, Louis de Kergolay, l'invité du 20h de TF1.
00:45Et Louis, eh bien, le garde des Sceaux a évoqué ces solutions, les raisons pour lesquelles, en effet, il souhaite développer ces petites prisons,
00:53une idée qui n'est pas tout à fait neuve, notamment parce qu'il veut l'application des courtes peines.
00:59Et puis, il a fait toute une série de solutions, Louis. Alors dites-nous de quoi il s'agit. Gérald Darmanin, Louis de Kergolay revient sur ses propositions.
01:07Alors, de tous les points à changer, Gérald Darmanin en retient un, ce sont les téléphones portables.
01:11Pour lui, c'est le nerf de la guerre. Ils servent, je cite, à continuer les trafics, gérer les points de deal, commander des assassinats de la prison.
01:19Si la prison est un QG où on continue le trafic, ça n'a aucun sens, a-t-il ajouté. Pour cela, il souhaite avoir des brouilleurs pour empêcher les communications
01:27des téléphones portables de fonctionner. Autre souhait de Gérald Darmanin, que l'application des peines courtes se fasse en prison,
01:33et notamment ceux qui peuvent bénéficier de peines aménagées. Ça, il a déclaré dans sa visite dans l'Oise mercredi.
01:39Des demandes du garde des Sceaux délicates à l'heure d'une situation budgétaire catastrophique, et des prisons entre 130 et 200% de leur capacité.
01:48— Oui, maître Goudard. Les prisons françaises, c'est 80 000 prisonniers. 80 000. Là, on a 62 000 places officielles, on va dire.
01:58On est à quoi ? 130% d'occupations ? — Approximativement, oui. — Et vous, vous caractérisez comment ?
02:04Vous êtes d'accord avec le constat que je fais, peut-être de façon un petit peu provocatrice, mais en parlant de faillite générale de notre système pénitentiaire ?
02:10— Oui, c'est une faillite générale. Mais je pense que la question essentielle, c'est quel sens on veut donner à une peine.
02:17La manière dont on considère la prison est en fin de compte la question essentielle. Elle est philosophique, si vous voulez.
02:25On vous dit que la prison, c'est pour punir. — Oui. — Et c'est pour réinsérer. La vérité, c'est que la prison, c'est quelque part...
02:32— C'est une sanction. — C'est une vengeance. Je veux dire, dans l'inconscient collectif, si vous voulez, la prison est une vengeance.
02:39À partir du moment où vous êtes dans ce prisme-là, dans cette configuration intellectuelle, tout va découler de cela. Il n'y a rien qui fonctionne en prison.
02:48— Rien. Mais vous le verriez pas de façon idéologique ? Parce qu'on vous dit c'est une sanction ou c'est une vengeance, pardon, et la société le prendrait comme tel.
02:58La société, elle sait que c'est d'abord une sanction ou un passage obligé quand on a tué, quand on a détruit, quand on a agressé autrui.
03:08— Vous avez tout à fait raison. Mais si vous voulez... — C'est de l'angélisme de parler de vengeance, non ?
03:12— Non, parce qu'en fait, c'est très pratique. Si vous voulez, sur les condamnés en France, 4 sur 10 sont des récidivistes.
03:20Dans l'absolu, la punition, la vengeance fonctionnerait. Les personnes sortiraient de détention et recommenceraient une vie, on va dire, légale, saine, tout ce que vous voulez.
03:30La question ne se poserait pas. Le système ne fonctionne pas. — Oui, mais c'est pas la prison qui est forcément responsable de la récidive.
03:35— Ah si, je pense. — Pourquoi ? Expliquez-nous. — Ah, très sincèrement, je pense. Parce que la prison est, si vous voulez, le socle de tout ce que vous avez trouvé
03:43dans la misère humaine, dans le manque de dignité, dans la corruption, dans les personnels non formés. Parce que, de vous à moi, il y a énormément de gens
03:53qui travaillent en prison, mais ils sont peu nombreux. Et pour certains, pas suffisamment formés. Pas suffisamment formés à l'évolution de la société,
04:00à l'évolution des profils criminogènes, délictuels, qui vont devoir, à un moment ou à un autre, vivre la prison, bien sûr.
04:08Donc ces gens-là, si vous voulez... À titre d'exemple. Un exemple très simple. Norvège. Norvège. 3 ans de formation minimum pour être surveillant pénitentiaire.
04:18— Pour être un agent pénitentiaire. — Exactement. 3 ans. En France, vous avez 6 mois de formation. Et ensuite, vous devenez agent pénitentiaire, stagiaire,
04:26pendant 12 mois. Bon. Mais vous avez 6 mois de formation théorique. — Sur les 3 ans norvégiens. — Sur les 3 ans norvégiens.
04:33— Comptez à cela que le fait que les gens n'ont pas forcément envie d'aller travailler en prison. — Mais sauf votre respect, maître, pardon, 2 objections.
04:42D'abord, la Norvège, c'est beaucoup moins d'habitants. Je n'ai pas le chiffre exact en tête, mais voilà. Et la densité, surtout, est moindre.
04:48Et puis c'est moins de prisonniers. C'est-à-dire qu'il y a moins de sanctions, parce que la délinquance est moins forte là-bas. C'est très compliqué
04:56dans un pays comme le nôtre, à très grande densité, et avec beaucoup de gens qui sortent de la légalité. — Oui. Alors là-dessus, vous avez raison.
05:04C'est effectivement moins de monde. Simplement, c'est pas le même prisme intellectuel. La prison en Norvège et dans les pays nordiques,
05:11mais même aux Pays-Bas, hein, mais même aux Pays-Bas, l'idée de la prison, c'est d'arriver à former, éduquer, punir et surtout réinsérer.
05:21Je veux dire, vous avez aux Pays-Bas, je crois qu'ils ont vidé leur prison de manière drastique. Et il y a un élément qui est très important,
05:29c'est que la récidive est moindre depuis. Pourquoi ? Parce qu'ils ont privilégié... Je vous parle pas de crime. — Alors c'est quoi la solution qu'ont inventées les néerlandais
05:37qui pourrait être applicable ici ? C'est intéressant, ce que vous dites. — Mais si vous voulez, les textes de loi, nous les avons. Les travaux d'intérêts généraux,
05:43les peines alternatives à la prison ferment. Le fait... Si vous voulez, quand vous avez un gamin de 18 ans qui se fait attraper avec 10 kilos de cannabis,
05:51tout le monde, dans l'esprit, dira qu'il faut qu'il aille en prison. Sauf que le gamin de 18 ans, il va aller en prison, il va se retrouver en cellule avec un bonhomme
05:58qui a peut-être tué, un autre qui a peut-être violé. Vous voyez ce que je veux dire ? On est en train de mélanger les profits. — On les mélange comme ça.
06:03— On mélange tous les profits. Alors quand vous arrivez dans une maison d'arrêt qui n'est pas surchargée, il y en a peu, hein, avec des surveillants pénitentiaires
06:10qui ont l'œil et qui sont pas forcément des jeunes recrues. Ils vont arriver potentiellement à faire les choses correctement. Mais dans la grande majorité des cas,
06:18ça ne se passe pas comme ça. — Ce que vous nous dites, c'est qu'au fond, le personnel du système pénitentiaire, les directeurs, les gardiens de prison tentent,
06:26quand ils en ont les moyens mais ils ne les ont plus aujourd'hui – c'est ce que vous nous dites – de faire une forme de sélection entre les prisonniers
06:33pour essayer d'éviter de mettre les plus jeunes et les plus fragiles face à ceux qui sont les plus endurcis et les plus durs et qui vont les contaminer,
06:40en quelque sorte les corrompre pour la suite de leur existence. — Oui. Oui. Mais alors ça arrive très peu. Moi, je vais vous donner un exemple.
06:46J'ai dans mes clients un monsieur qui est tombé pour escroquerie, qui avait pas du tout de casier, qui a une trentaine d'années, etc. En détention, il s'est retrouvé avec des tueurs,
06:58avec des personnes du milieu. Il est ressorti de là au bout d'un an. Je peux vous assurer qu'il avait beaucoup de contacts et il avait un très beau carnet d'adresses.
07:05— C'est-à-dire ? — Je ne pense pas. Mais je dis simplement qu'on a rigolé ensemble parce qu'il me disait « Bon, ben, vous voyez, ça m'a beaucoup aidé, la prison.
07:13J'étais en contact avec le milieu albanais, avec... », etc., etc. — Vous le dites, la prison, c'est l'école du crime. — Mais c'est évident. Mais c'est évident.
07:20C'est l'école du crime parce qu'il n'y a pas de proposition effective au fait de réinsérer les personnes. Mais c'est très clair.
07:29— Il n'y a pas de système, aujourd'hui, qui est efficace. — Vous parlez des téléphones portables. Vous parlez des téléphones. On va aussi parler du cannabis.
07:35Mais vous enlevez ça, aujourd'hui, en fait. C'est la révolution, les prisons. — C'est-à-dire si on leur retire le chit et les téléphones portables.
07:43— C'est évident. Mais c'est évident. Vous pensez quoi ? Vous pensez que quand les portes se ferment à 18h, 19h, vous pensez que, durant la nuit,
07:50il y a des rondes de policiers... de surveillants pénitentiaires qui vont vérifier si les personnes appellent ou pas ?
07:55Il y aura éventuellement des fouilles de cellules. Il y en a régulièrement. Mais je veux dire, on n'est pas dupes.
08:00— Mais alors, pardon. Le ministre, quand il dit... Et on sait que c'est vérifié, même si c'est un usage politique de ce fait.
08:08Quand le nouveau garde des Sceaux, Gérald Darmanin, dit que certains ont fait de la prison leur QG, presque dans le confort, leur QG de trafic,
08:19voire même continuent à donner des ordres d'assassinat à partir de leur prison, personne ne peut tolérer ça.
08:25— Mais vous savez comment ça s'appelle, ça ? — Non mais dites-nous. — De la corruption. — Bon. Mais pourquoi de la corruption ?
08:29— Parce que... J'en sais rien. Je veux dire, je parle du principe quand même... — De ceux qui laissent seuls.
08:33— Mais attendez. Excusez-moi. Excusez-moi. Quand vous avez des personnes qui sont en mesure de gérer des entreprises criminelles en France
08:39et à l'étranger de leurs cellules, n'allez pas me dire quand même que personne ne voit rien. Je veux dire, il y a un moment donné,
08:45il faut dire précisément de quoi il s'agit. C'est de la corruption. Je ne vise personne.
08:51— Vous dites qu'une partie du personnel pénitentiaire aujourd'hui est corrompue.
08:55— Je pense qu'en tout cas, une partie du personnel pénitentiaire... Alors c'est sûrement pas la majorité.
09:01— On les fait peur. On menace sa famille. — Mais peut-être. Mais c'est évident. Mais je veux dire...
09:06— On les assassine au passage à l'entrée d'une autoroute. Souvenez-vous.
09:09— Oui, d'accord. Mais force est de constater qu'il y a un vrai dysfonctionnement. Tout le monde dit oui.
09:14Mais alors comment ils rentrent les portables en détention ? Ils rentrent comment, les portables ?
09:17— Comment ils rentrent ? Alors dites-nous. — Écoutez, vous avez des fois des personnes qui vont faire passer des portables par-dessus.
09:23Et puis ils viennent de l'intérieur. Je veux dire, quand vous êtes une famille, je peux vous dire que vous êtes fouillés jusque dans les soutiens-gorges.
09:29Comment ils rentrent les portables en prison ? — Par des filets. On les lance au-dessus des lues. C'est ça.
09:34— Non mais d'accord. À mon avis, ils rentrent à l'intérieur de la prison de manière – entre guillemets – « parfaitement officieuse ».
09:44Et il y a des personnes qui ferment les yeux. Je veux dire, il y a un moment donné... Encore une fois, faut...
09:48C'est pas le fait de poser les brouillards. C'est pas le fait de dire on va faire en sorte qu'il n'y ait plus de drogue.
09:53Demain, il n'y a plus de drogue dans les prisons. Il n'y a plus de cheat. Je serais quand même très étonné de voir comment ça se passe.
09:58— Vous êtes en train de nous dire tout de même, maître, que si demain, il n'y a plus de cheat et il n'y a plus d'herbe et il n'y a plus de portable dans les prisons,
10:04ce sera la révolution. — Vous savez pourquoi ? — Vous savez pourquoi ? — C'est quand même très inquiétant de vous entendre.
10:09— Oui, ça l'est. Mais parce qu'il n'y a pas de réponse alternative. Vous, vous offrez quelque chose d'autre.
10:16— Ça passe. — Vous n'offrez rien. — Il faut surtout... Ce serait la révolution. Surtout... Et je voudrais vous entendre là-dessus, si vous voulez bien.
10:22À cause... Je vais pas, là, me mettre à défendre de façon larmoyante les détenus. Mais tout de même, on est dans une situation, pour avoir visité plusieurs fois
10:30des prisons comme journaliste politique, avec par exemple les députés qui sont en charge d'aider la personne qui est en responsabilité de contrôler
10:39les lieux de privation de liberté. Je l'ai fait notamment par exemple avec Adeline Hazan. Je me souviens, à l'époque, une visite de prison.
10:45Eh bien, la réalité humaine de ce que l'on peut constater, en effet, c'est que les gens sont confrontés à une misère incroyable.
10:53— Tout à fait. — Notamment des jeunes qui sont tout d'un coup jetés dans une cellule, où ils sont trois, là où ils devraient être un seul.
10:59Bon. Alors expliquez-nous ce que vivent un certain nombre de vos clients.
11:03— Alors je vais vous dire. Ils arrivent dans une cellule où il y a déjà trois personnes. Ils doivent dormir à même le sol.
11:09Alors vous savez, quand on dit « la prison, c'est le club med », ça me fait doucement rigoler. Ils dorment à même le sol.
11:13Il y a des fois des rats. Il y a des fois une humidité débordante. L'hiver, vous avez froid. L'été, vous crevez de chaud.
11:22Il y a certaines cellules où il fait plus de 45°C dans les cellules.
11:25— Pas de toilettes fermées. — Évidemment, pas de toilettes fermées. Et il y a également...
11:30— Pourquoi évidemment ? Ça pourrait être le cas. — Parce que si vous voulez, moi, ça fait 15 ans que je vais plusieurs fois par semaine en détention
11:35et que malheureusement, c'est un constat qui devient assez récurrent. Mais je vais vous dire autre chose.
11:40Il y a aussi l'accès aux soins. Mais l'accès aux soins, c'est, me semble-t-il, le plus important. J'ai un de mes clients qui souffrait de calculs rénaux.
11:48Il a dû attendre près de 3 semaines pour qu'on puisse l'amener à l'hôpital. Calculs rénaux, 3 semaines.
11:54— Pour conclure, maître Goudard, vous êtes, je le rappelle, avocat pénaliste. Vous défendez des criminels qui ont parfois des casiers de justice assez sérieux.
12:04Vous connaissez bien le sujet et le sujet de la prison, puisque vous venez de nous le rappeler, évidemment. Vous allez voir vos clients au parloir
12:09et vous discutez avec eux des conditions dans lesquelles ils vivent. Maître Goudard, les solutions, si vous aviez là Gérald Darmanin en face de vous
12:18et que vous puissiez lui dire « Voilà, j'ai telle, telle, telle solution aujourd'hui », vous diriez quoi ?
12:23— Alors Gérald Darmanin, il a bien compris. Il fait de la bonne communication politique, parce que...
12:28— Non, non, non, non, non, parce que je vous le laisse juger. Ma question est plutôt qu'est-ce que vous lui diriez qu'il faut faire.
12:33— Oui, mais avant de lui dire, il faut qu'il y ait les moyens. Et donc là, il est allé vendre le ministère de la Justice. En tout cas, les moyens pour la justice,
12:39il est allé le vendre au ministre du Budget. Il faut évidemment des moyens.
12:43— C'est son job, hein. Il est convainc, son confrère du Budget, qu'il faut qu'il lui donne les moyens. Il va essayer.
12:48— Mais alors il faut plus de personnel. Vous vous en doutez bien.
12:51— Il en faut 6 000. — Mais évidemment, il faut plus de personnel. Moi, je vois le travail des greffiers. Mais les greffiers deviennent fous.
12:56Les greffiers... Alors on essaie d'avoir des relations qui soient le plus apaisées possible. Mais des fois, c'est compliqué.
13:02On est conscient de leurs difficultés. — Ils ont un travail considérable, les greffiers.
13:05— Énorme ! Énorme ! La dernière fois, on était en interrogatoire. On a fini à 2 h du matin.
13:08— Parce que la justice, c'est un métier d'enfant. — Les greffiers, ils s'en prennent plein la figure.
13:12Les magistrats se récupèrent, quand ils arrivent dans un cabinet, des fois près de 200 dossiers, avec des personnes détenues, avec des délais.
13:18— Mais dans les prisons même, alors ? Dans le système carcéral ?
13:21— Formation des personnels pénitentiaires. Formation des personnels pénitentiaires. Travail peut-être plus profond avec les détenus.
13:28Arriver à recréer du lien entre le personnel pénitentiaire... Je parle des surveillants, parce que les personnels d'insertion et de probation,
13:36ils ne les voient quasiment jamais. — Entre le personnel et qui ?
13:38— Et les détenus. Entre les surveillants et les détenus, il faut recréer du lien, parce que si vous voulez...
13:43— Une forme d'humanité, vous voulez dire. — Bien sûr. Le détenu ne voit simplement que ce surveillant pénitentiaire la majorité du temps.
13:50Et généralement, l'idée qu'il s'en fait, elle n'est pas bonne.
13:53— Est-ce qu'il y a un pays au monde, vous nous avez cité, ou en Europe, dans l'UE, vous nous citez la Norvège. Ce sera ma dernière question.
13:58— Oui. — Maître Goudard, où on traite mieux, où le système est plus efficace ?
14:04— Ah bah bien sûr. Bah écoutez, vous voyez l'Islande, vous voyez la Norvège, vous voyez le Danemark.
14:08Ce sont des pays qui, manifestement, ont réussi le pari de la détention et de la réinsertion.
14:13— C'était notre invité, l'œil de l'expert, l'expert sur ce sujet de la prison ce matin, après les propos de Gérald Darmanin.
14:19Maître Jérôme Goudard, avocat pénaliste. Merci à vous d'avoir été dans ce studio ce matin.
14:25Et on vous souhaite une très bonne fin d'année.
14:27On se retrouve tout de suite avec Mohamed Sifahoui. On va parler de la situation en Syrie
14:31et de ce qu'elle a comme conséquence sur notre propre politique, notre propre diplomatie
14:38et même la vie d'un certain nombre de nos jeunes qui sont partis là-bas faire le djihad.
14:43Mettez-vous d'accord, Thierry Guerrier.
14:50— Et c'est l'œil de l'expert, maintenant, sur le sujet de la Syrie, après avoir évoqué les prisons.
14:56L'œil de l'expert sur ce qui se passe en Syrie. C'est loin, la Syrie, hein.
15:00Voilà à l'est complet de la Méditerranée, vous savez, cet État assez considérable,
15:05avec au nord la Turquie, à l'ouest, sud-ouest, l'Israël, et puis le Liban, et puis l'Irak.
15:14Grande frontière avec l'Irak. Et puis très loin, un peu plus loin, derrière, l'Iran.
15:18Et au milieu, il y a donc ce grand État qu'est la Syrie. C'est loin.
15:22Et pourtant, ça nous concerne directement. Et pas seulement – on va l'évoquer –
15:26parce qu'une trentaine de jeunes Français, de jeunes hommes, quelques femmes aussi,
15:30ont été enrôlés par les djihadistes qui viennent de débarrasser la Syrie de Bachar el-Assad.
15:35Djihadistes islamistes de HTC. HTC, qu'est-ce que c'est ?
15:39Eh bien, c'est ce groupe étiriaquis que vous prononcerez peut-être un peu mieux que moi,
15:44Mohamed Sifawi, qui est ce groupe avec des nouveaux dirigeants de la Syrie.
15:49Et aujourd'hui, on est dans une situation d'inquiétude et d'embarras,
15:53parce qu'on se demande, finalement, si la Syrie ne va pas éclater.
15:57La minorité alaouite, celle à laquelle appartient le président dictateur Bachar el-Assad,
16:05se rebelle et prend les armes dans les montagnes, considère qu'on a attaqué ces mausolées.
16:11C'est une minorité au sein même de l'islam.
16:14Elle a pris les armes et elle conteste les nouveaux maîtres de Damas.
16:17Bonjour, Mohamed Sifawi. Vous êtes avec nous ?
16:19– Bonjour, oui, tout à fait. Je suis avec vous. Je vous remercie de votre invitation.
16:23– Mais c'est nous qui sommes ravis de vous avoir, parce que vous êtes un grand expert du Moyen-Orient,
16:27vous êtes géopolitologue, vous avez une connaissance de ces problématiques,
16:30de la Syrie, du Liban, de la Libye, de la Turquie, d'Israël,
16:34de ce qui se joue en ce moment là-bas, pour nous notamment, plus à l'ouest.
16:38Alors d'abord, que sont les alaouites qui font l'actualité ces jours-ci,
16:42en tenant tête aux djihadistes dont on avait dit qu'ils ont pourtant pris le pouvoir à Damas ?
16:48– Alors écoutez, les alaouites qu'on connaît à travers le régime syrien,
16:54forment en vérité une communauté religieuse issue elle-même de l'islam chiite,
17:01minoritaire, comme vous le savez.
17:04– Dans l'ensemble de l'islam du monde.
17:07– La majorité représentée par les sunnites qui sont à peu près à 85%,
17:13alors que l'islam chiite c'est à peu près 15%.
17:15Donc les alaouites c'est une branche de cet islam chiite,
17:18ils sont appelés également les nous sahiris.
17:20Alors ils ont une pratique assez particulière qui hérisse, je dirais,
17:25le poil à tous, si j'ose dire, à tous les djihadistes.
17:28– Les rigoristes.
17:29– Oui, enfin les plus extrémistes, c'est plus que du rigorisme.
17:36– C'est l'islamisme radical.
17:38– C'est vraiment de l'extrémisme, puisqu'il y a, depuis le XIIe siècle,
17:43des idéologues qui se sont prononcés et qui continuent de faire autorité,
17:48considérant, je cite, que les alaouites sont pires que les chrétiens et les juifs.
17:54– Mais qu'est-ce qu'ils leur reprochent alors ?
17:56– Ils les considèrent comme une secte,
18:00parce que les alaouites ont une doctrine assez particulière
18:04où ils considèrent qu'Ali, le 4e calife, qui est à la fois gendre et cousin de Mahomet,
18:11aurait presque l'incarnation d'une divinité.
18:14Pour eux, c'est une forme d'hérésie qui est inacceptable.
18:19De plus, les alaouites pratiquent des rites considérés comme secrets
18:24parce qu'ils ne veulent pas montrer leurs pratiques religieuses,
18:28ils ne reconnaissent pas un certain nombre de rituels,
18:31par exemple, ils ne font pas le ramadan,
18:33ils ne jugent pas nécessaire de construire des mosquées,
18:36puisqu'ils considèrent que la prière doit se faire comme au premier temps de l'islam.
18:41– Intimiste, c'est ça, et chez soi.
18:44– De façon intimiste, chez soi.
18:46– Ils ne voient pas leurs femmes, ils écoutent de la musique, ils boivent de l'alcool.
18:50– Exactement, et ils ont aussi certaines pratiques qui ont été puisées dans le christianisme,
18:56notamment dans les rituels des chrétiens d'Orient.
19:01Et donc tout cela a fait d'eux une communauté marginalisée jusqu'au XXème siècle,
19:07puisque la situation des alaouites a véritablement changé
19:13avec la montée en puissance de la famille Al-Assad en Syrie,
19:16puisque le père de Bachar Al-Assad, le boucher de Damas, son père, Afaz Al-Assad,
19:23était évidemment membre, issu d'une famille alaouite,
19:27et il a accédé au pouvoir à la faveur d'un coup d'État au début des années 70, en 1971,
19:32et il n'a eu de cesse depuis de consolider à la fois l'influence de sa propre famille
19:37et l'influence de la communauté alaouite qui a pris le pouvoir
19:43et tous les postes stratégiques de la Syrie jusqu'à la chute du XIXème siècle.
19:49– Dites-nous, expliquez-nous en quoi, d'un point de vue géopolitique,
19:52d'un point de vue politique, l'occulte en Syrie,
19:54alors que depuis quelques jours, finalement, la communauté internationale avait fini par considérer
19:59que HTS ou HTC, selon les acronymes, ce groupe de djihadistes avait pris le pouvoir à Damas,
20:06consolidé au fond son pouvoir.
20:08En vérité, on a un doute là, à court terme, parce qu'on se dit,
20:11cette rébellion des alaouites, dont on a vu qu'ils ont des milices et des armes,
20:18sont-ils réfugiés ? Ils contestent le pouvoir.
20:21Quelle est la situation qu'ils viennent de créer ?
20:24– Parce qu'en vérité, je pense que les commentateurs et les responsables politiques occidentaux,
20:29comme d'habitude, une très mauvaise lecture de la réalité moyenne orientale,
20:34qui ne cesse de triturer par ailleurs, il faut aussi le souligner,
20:37serait-ce par honnêteté intellectuelle, il faut voir qu'il y a une incompatibilité totale
20:42entre, je dirais, ce qu'il y a de pire aujourd'hui dans l'islam sunnite,
20:47en l'occurrence le djihadisme salafiste, l'idéologie du Takfir,
20:51celle qui excommunie et complie ceux qui expriment la moindre nuance dans le monde musulman sunnite.
20:57Alors les alaouites, je vous le dis, depuis maintenant le XIIe siècle,
21:01ils sont considérés par les tenants de l'orthodoxie, entre guillemets, sunnites,
21:07comme les pires hérétiques qu'il faut combattre et exterminer.
21:13– Mais est-ce qu'il faut poser une vraie menace sur le nouveau pouvoir,
21:17les nouveaux dirigeants djihadistes sunnites qui dirigent Adamas ?
21:22– Ils représentent quand même 10 à 12% de la société syrienne,
21:27donc ils sont implantés sur toutes les zones côtières, du côté de Tartous, la Takhiye, etc.
21:33et donc il y a deux raisons qui les amènent à prendre les armes et à combattre les djihadistes,
21:40d'abord ils savent à quoi s'attendre de la part de ces mêmes djihadistes,
21:43qui ne vont pas les épargner pour les questions de divergence doctrinale, comme je le disais,
21:48mais aussi parce que les alaouites, en gardant le pouvoir pendant une cinquantaine d'années,
21:54depuis 1971, ont quand même installé une dictature les plus obscurantistes, les plus féroces,
22:03même si ce n'était pas une dictature islamiste, dont on connaît aussi les méfaits.
22:08Donc si vous voulez, il y a un esprit de revanche aussi qui va se manifester,
22:13et c'est ce que redoutent les familles, les grandes familles alaouites,
22:17qui disposent encore d'armes et de munitions pour tenir certaines places fortes des régions alaouites.
22:25– Alors j'ai deux questions au fond, est-ce que les autres minorités aujourd'hui
22:30sont menacées par Hayat Taïkir al-Sham, qui est donc cette organisation libération...
22:38– Hayat al-Sham qui veut dire le comité de libération du Levant.
22:43– Est-ce que les autres minorités, les kurdes, les chrétiens, qui sont majoritaires du côté d'Alep par exemple,
22:49les druses sont eux aussi, et les chiites, sont menacées par la prise de pouvoir de HTC ou HTS ?
23:01C'est ma première question. Et la deuxième, qu'est-ce qui se joue derrière ?
23:04Qui tire les ficelles ? La Turquie, Israël, l'Iran, les États-Unis, la Russie même peut-être,
23:10même si elle a quitté la Syrie ? C'est mes deux questions.
23:13D'abord, est-ce qu'il y a une menace pour les minorités ?
23:15Et deuxièmement, qu'est-ce qui est en train de se jouer ?
23:17Et est-ce qu'il y a une menace pour la France, alors que nous avons une trentaine de djihadistes français,
23:21de jeunes français qui ont été enrôlés par les djihadistes ?
23:26– Permettez-moi de commencer par répondre à la deuxième question.
23:30En fait, la réponse est contenue dans votre question.
23:33Vous voyez le nombre de pays que vous citez, ce sont autant d'ingérences
23:37qui sont intéressées par la situation syrienne.
23:41Il y a évidemment la Russie, l'Iran, la France, la Grande Bretagne, les États-Unis,
23:45Israël, la Turquie… – Tout le monde s'en mêle.
23:49– Tout le monde s'en mêle, et le plus souvent, il y a des intérêts antagonistes,
23:52voire très divergents.
23:54Donc vous pensez bien qu'il y a au moins deux pays qui ont tout intérêt
23:57à ce que s'installe une situation chaotique en Syrie.
24:00D'abord les Iraniens, qui perdent énormément,
24:03parce qu'ils perdent leur porte d'entrée vers le Liban,
24:06et ensuite les Russes, parce qu'ils risquent de perdre aussi
24:08une base militaire extrêmement importante, stratégique,
24:12qui date depuis l'époque soviétique.
24:15Le problème, encore une fois, c'est que,
24:18dès qu'il s'agit du monde arabo-musulman,
24:21l'Occident ne s'est pas compté jusqu'à trois.
24:23C'est-à-dire qu'on continue de voir d'un côté des dictateurs,
24:26de l'autre côté des islamistes.
24:27On n'a jamais voulu soutenir véritablement les progressistes syriens.
24:30On n'a jamais, comme on n'a pas voulu, soutenir les progressistes d'autres pays.
24:34On voit, je cite au passage, Boualem Sassal, qui est algérien,
24:37– Il est en prison en Algérie en ce moment.
24:40– En Algérie, quasiment dans l'indifférence collective.
24:44Parce que c'est un démocrate.
24:46Il aurait été islamiste, il aurait certainement trouvé des soutiens.
24:49Il aurait été peut-être partisan d'un régime quelconque,
24:52il aurait eu des soutiens.
24:53Mais lorsqu'on est démocrate, issu d'un pays arabo-musulman,
24:57pour reprendre l'expression consacrée, on n'a pas d'existence.
25:00On est totalement invisibilisés, à la fois par les pouvoirs politiques
25:03et par les systèmes médiatiques.
25:05Ça, je tiens à le souligner.
25:06– Merci.
25:07– Aujourd'hui, le face-à-face qui est en train de s'installer,
25:11c'est entre ceux qui veulent réhabiliter une dictature
25:14et ceux qui veulent instaurer une théocratie obscurantiste,
25:17qui évidemment est dangereuse pour tout le monde.
25:19Alors pour la France aussi, parce qu'il y a des Desperados du Diat
25:22qui sont encore là-bas, de deux choses l'une,
25:25soit ils sont incorporés dans une armée syrienne qu'il faut reconstruire,
25:30soit ils sont dégagés et à ce moment-là, ils vont être orphelins d'une cause
25:35et il n'est pas à écarter qu'il nous ait des vilénités,
25:38y compris contre des intérêts occidentaux, je ne dis pas intérêts français uniquement,
25:43puisque nous savons qu'aujourd'hui, il faut avoir une lecture assez globale.
25:46Tous les djihadistes européens sont dangereux pour tous les pays européens.
25:52– Explication passionnante, sujet extrêmement sensible
25:56mais qui nous concerne directement, on vient de le voir
25:58avec vos explications à l'instant.
26:00Merci infiniment Mohamed Sifawi, géopolitologue et connaisseur
26:04du Moyen-Orient d'avoir été ce matin avec nous.
26:07On vous souhaite une très bonne fin d'année
26:09et on reviendra sûrement sur l'antenne de Sud Radio avec vous
26:12sur les enjeux de ce qui se déroule, géopolitique de ce qui se déroule
26:16évidemment dans cette région du Moyen-Orient.
26:19A tout de suite sur Sud Radio.