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Avec Dorothée Olliéric, grande reporter à France Télévisions, auteure de "Maman s’en va-t-en guerre" (Editions du Rocher)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2024-09-03##

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Transcription
00:009h-10h, Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
00:05Jusqu'à 10h, avant de retrouver Gilles Gansman tout à l'heure, Valérie Expert,
00:09et puis tous les rendez-vous, et évidemment de la journée, parce que c'est la grande rentrée cette semaine,
00:12avec un petit peu de décollage pour Sud Radio.
00:14Vous avez entendu Jean-Jacques Bordin qui fait la matinale.
00:18Pourquoi d'ailleurs ? Si c'est quelques ajustements et changements, c'est quelques nouveautés,
00:22je vous dirai tout, parce que Valérie m'a invité tout à l'heure en tant que directeur général.
00:27Finalement, on n'est pas mieux servis que par soi-même, je serai avec elle tout à l'heure, et Gilles Gansman.
00:33La vérité en face, chaque jour, on va en profondeur sur un sujet.
00:38Le monde sous la menace des guerres, l'Ukraine, le Proche-Orient, bien d'autres terrains de conflit,
00:44le terrorisme, les menaces en Afrique, l'Iran, les ravages du fondamentalisme,
00:48ce n'est pas rassurant, mais c'est la réalité, et vous courez derrière ou devant cette réalité parfois,
00:55Dorothée Oliéric, bonjour.
00:57Bonjour Pat.
00:58Grand reporter de guerre, vous avez écrit ce livre qui sort cette semaine, qui est très touchant,
01:03parce qu'il n'y a pas que des souvenirs de guerre, il y a aussi autre chose qui est dans le titre,
01:09« Maman s'en va tant que guerre », ma vie de grand reporter aux éditions du Rocher,
01:15parce qu'évidemment, vous êtes maman.
01:17Oui, on se dit, mais comment on en arrive à couvrir des terrains de guerre,
01:20à laisser ses enfants tout petits, à risquer sa vie, donc j'ai cherché un peu des réponses, je me suis posé des questions.
01:28Oui c'est ça, alors qu'est-ce qui vous fait courir justement le monde, et puis des endroits extrêmement dangereux ?
01:33Vous allez nous raconter tout à l'heure beaucoup de choses qui sont survenues lors de reportages, de grands reportages.
01:39Qu'est-ce qui me fait courir ? C'est la passion, c'est une évidence, c'est un besoin physique, viscéral,
01:45d'être là où ça se passe, là où l'histoire s'écrit.
01:48Je ne pourrais pas rester en France, ça serait une douleur physique de me dire, il se passe ça en Ukraine,
01:54et j'y suis pas, j'ai besoin de le vivre, j'ai besoin de le voir, j'ai besoin de le raconter, j'ai besoin de le retransmettre.
02:02C'est une évidence, les années passent et l'envie elle est toujours la même.
02:06Vraiment, alors par exemple l'Ukraine, j'y étais au moment où ça a commencé cette guerre, où l'invasion a commencé,
02:13et j'étais contente d'y être, parce que l'invasion commence, on faisait des relèves et ça tombe sur moi.
02:20C'était l'histoire en grand qui s'écrit sous vos yeux, c'est un moment absolument dingue à vivre.
02:26C'est intéressant et vous en parlez d'ailleurs dans votre livre, mais quand vous êtes en Ukraine à ce moment-là,
02:32est-ce que vous-même, journaliste, parce que certains étaient bien informés, notamment les Américains,
02:37savaient que ça se préparait en fait de l'autre côté ?
02:40Pas les Français.
02:41Non mais c'est ça qui est assez incroyable, aujourd'hui où il y a des drones, il y a de la surveillance, il y a des satellites,
02:47boum, on s'est réveillés un matin en se disant que l'Ukraine a été envahie cette nuit.
02:53Et là-bas ?
02:54Là-bas, mais même les Ukrainiens n'y croyaient pas, les Français n'y croyaient pas, il n'y a que les Américains.
02:59On se moquait, nous bons Français qu'on est, à pouvoir se moquer des Américains en disant
03:03mais oui, ils savent tout, ça va commencer dans 96 heures, pourquoi ils ne nous donnent pas l'heure exactement ?
03:08Et franchement, on en riait, et les Ukrainiens continuaient à vivre comme si de rien n'était,
03:15on n'y croyait pas, personne ne se précipitait dans les magasins pour faire des réserves,
03:19et tout d'un coup, moi c'est l'équipe de Télématin France 2 qui m'appelle,
03:23en disant voilà, réveille-toi, ça y est, la colonne de char est rentrée et fonce droit sur Kiev.
03:28Tout le monde a halluciné.
03:30Oui, alors il y a une question évidemment qui se pose, c'est quand on va couvrir ces guerres, ces conflits,
03:36est-ce que, dans son travail, est-ce qu'on peut essayer de prendre un tout petit peu de hauteur pour être neutre ?
03:41Qu'est-ce qu'on raconte ? Qu'est-ce que l'on peut dire, bien sûr ?
03:44Alors, être neutre, on ne se pose pas la question comme ça,
03:48il faut être objectif, alors les gens vont dire vous prenez parti, vous êtes pro-Ukrainien, vous êtes pro-Palestinien, vous êtes pro-Israélien,
03:56non, non, non, absolument pas.
03:58Moi, mon métier, ce n'est pas éditorialiste sur le terrain de guerre,
04:02c'est de raconter ce que je vois, de témoigner,
04:06et il faut savoir que France Télévisions envoie une autre équipe côté Moscou,
04:11ensuite plusieurs équipes qui se succèdent en Ukraine,
04:15et la balance, elle se fait comme ça.
04:17Donc, moi, je n'apporte pas de jugement,
04:19mais je raconte ces témoignages, avec effectivement une attention particulière pour ne pas se faire rouler dans la farine,
04:25parce qu'on sait bien que tout le monde, ils sont tous très forts en communication,
04:30que du côté du Président Zelensky.
04:32Alors, après, votre avis personnel, bien évidemment,
04:36il y a un camp qui vous bouleverse plus que l'autre,
04:39mais pour revenir sur quelque chose de très polémique,
04:42moi, je ne suis ni pro-Israélien, ni pro-Palestinien,
04:44j'ai des amis des deux côtés, et je suis allée des deux côtés faire mon boulot.
04:48Oui, Dorothée O'Leary, vous êtes toujours jeune, mais ça fait quand même quelques années que vous couvrez toutes ces guerres,
04:53est-ce qu'on peut couvrir aujourd'hui les guerres comme hier,
04:57sachant que tout va très vite, les réseaux sociaux, les images, ça a changé.
05:02Tiens, on va prendre l'exemple peut-être de la Bosnie,
05:05ou de l'Afghanistan, fin des années 90 ou début 2000,
05:10il n'y avait pas, en fait, l'ensemble Internet, cette puissance.
05:14Ça nous donnait une liberté immense.
05:18L'exemple de l'Afghanistan, j'y vais pour la toute première fois en 1996,
05:22à l'arrivée des premiers talibans,
05:24à une époque où ils détruisent les téléviseurs, où il n'y a pas de portable,
05:27où ils ne regardent rien de notre travail,
05:29et il faut savoir que je filme des séquences et des journées entières avec une caméra cachée
05:33dans mes lunettes, avec le voile qui cache tout ça,
05:36et je vais même faire le montage en étant sur place,
05:39et en diffusant le sujet depuis Kaboul,
05:41et ils ne voient rien.
05:43Aujourd'hui, quand je diffuse depuis l'Afghanistan un sujet,
05:46je ne suis pas tranquille jusqu'au moment où je remonte dans l'avion, parce que j'ai peur de me faire arrêter.
05:50Passons un instant sur l'Afghanistan.
05:52Quand vous y allez, femme occidentale,
05:54quand on voit le sort qui est réservé aux femmes là-bas,
05:57je demanderai votre opinion après,
05:59même si vous avez dit que vous êtes plutôt impartiale,
06:01comment vous réussissez à vous immiscer ?
06:03Parce que vous êtes obligés de prendre le voile, bien sûr,
06:06dans ces pays, comme c'était le cas probablement en Égypte,
06:08et puis dans d'autres pays, en Irak.
06:10Dans certains pays, on peut ne pas le mettre,
06:12effectivement, en Afghanistan,
06:14c'est une question de sécurité, vraiment.
06:17Je ne suis pas en Burka,
06:19je suis en basket, en jean,
06:21et j'enfile une abaya, cette espèce de manteau
06:23qui a des manches longues,
06:25qui est assez long,
06:27et je mets un voile, un voile de couleur,
06:29donc pas d'obligation de porter la Burka.
06:32On voit tout de suite que vous êtes une occidentale.
06:35Oui, on voit, et je veux qu'on le voit.
06:37Oui, parce que je ne vais pas me déguiser,
06:39je ne suis pas afghane,
06:41j'ai une autorisation pour faire un reportage,
06:43pour filmer,
06:45si on vient me chercher des noix, je répondrai,
06:47j'appellerai les responsables.
06:49Je suis journaliste, je suis étrangère,
06:51par respect, je porte ce voile,
06:53je n'ai pas à le faire,
06:55mais c'est une obligation, si j'ai à le faire,
06:57mais je le fais par respect,
06:59pour leur culture,
07:01et pour pouvoir aussi assurer ma sécurité,
07:03et celle de l'équipe, parce qu'on le voit dans le regard,
07:05parfois, déjà, ce voile mal porté,
07:07ces cheveux qui dépassent,
07:09ce maquillage, ces baskets à l'américaine,
07:11ils n'aiment pas.
07:13Mais je dis, c'est ça, je suis journaliste.
07:15Mais là, parfois, avec le regard,
07:17ou même,
07:19vous pouvez être suivie,
07:21vous vous sentez en danger ?
07:23Oui, il y a des mauvais regards,
07:25il peut y avoir des moments un petit peu compliqués,
07:27ce qu'il y a de bien, c'est que je ne suis jamais seule,
07:29c'est qu'on est toujours avec un interprète,
07:31un fixeur, qui va sentir,
07:33justement, ces regards, ou ces mots,
07:35qui font qu'à un moment, ça bascule.
07:37Depuis toujours, quand on était
07:39en Afghanistan, on essaie de tourner vite,
07:41de ne pas traîner, de ne pas se faire repérer,
07:43de ne pas être arrêté,
07:45pour pouvoir bosser,
07:47donc il y a des précautions à prendre.
07:49Ce qui est important,
07:51on travaille en profondeur,
07:53c'est-à-dire que vous avez un fixeur,
07:55qui va évidemment vous donner
07:57des informations, vous introduire,
07:59vous traduire, effectivement, certaines choses,
08:01parce que vous en avez besoin,
08:03et à quel moment vous vous dites,
08:05attention, parce que là, il ne faut pas que je me fasse manipuler
08:07par les interlocuteurs ?
08:09Tous ont envie
08:11de manipuler, je pense,
08:13à l'Ukraine, à notre
08:15chère et tendre fixeuse, avec qui
08:17on travaille depuis le début.
08:19C'est sûr qu'elle est dans une haine
08:21absolue des
08:23Russes, qu'ils appellent les orques,
08:25et je me souviens, une fois,
08:27il y a une caserne qui a été bombardée
08:29par les Ukrainiens, où il y a eu des
08:31centaines de jeunes
08:33soldats russes qui ont été tués, et moi,
08:35en tant que mère, de savoir des gamins
08:37de 20 ans qui n'ont rien compris à cette guerre,
08:39qui n'ont pas le choix, qui vont
08:41être tués dans un bombardement,
08:43ça m'a triste, ça me fait mal au cœur,
08:45je pense à leur maman, et elle
08:47n'avait aucune pitié, elle me dit, mais ce sont des
08:49Russes, nous devons tous les tuer, je veux tous
08:51les tuer, j'ai dit, waouh, calme-toi,
08:53c'est normal, et après, on ne va plus sur ce
08:55terrain-là, donc elle ne va pas me manipuler,
08:57mais elle va
08:59toujours avoir un prisme
09:01qui est le prisme ukrainien, donc on le sait,
09:03et à moins de mettre de la distance.
09:05Vous avez parlé de l'Afghanistan,
09:07il y a eu,
09:09on parle des ravages, du fondamentalisme,
09:11l'Afghanistan est touché, puis il y a bien d'autres
09:13pays, vous l'avez vu, vous,
09:15venir, en fait, cette vague,
09:17au fil des années ?
09:19Oui, on la voit, et on la sent,
09:21et franchement, c'est un danger
09:23supplémentaire, pour nous,
09:25il y a ce basculement, avec
09:27la décapitation de James Foley,
09:29cet Américain, et ce
09:31moment où cette
09:33vague de djihadisme,
09:35d'islamisme, de terreur,
09:37s'en prenant directement
09:39aux journalistes,
09:41sans limite, et alors
09:43qu'avant, on se disait, journalistes, ça nous protège,
09:45vous savez, on mettait sur les voitures,
09:47on mettait du scotch, TV,
09:49presse, sur nos gilets pare-balles,
09:51même en Ukraine aussi, on les enlève aussi,
09:53des scratchs avec écrit-presse,
09:55parce que maintenant, nous sommes des cibles,
09:57avant, ça nous protégeait,
09:59même d'être une femme journaliste,
10:01on se disait protégée, aujourd'hui, on se dit...
10:03Au contraire, vous êtes la cible.
10:05On est peut-être aussi...
10:07Le monde de ces guerres
10:09est devenu finalement plus dangereux.
10:11Oui.
10:13Avant, il y avait les risques de guerre,
10:15qui sont les risques des obus, des missiles,
10:17mais on était préservé
10:19en tant qu'homme, et encore plus
10:21en tant que femme,
10:23aujourd'hui, ça ne marche plus, et même,
10:25ça devient extrêmement dangereux,
10:27mais déjà, quand on met un pied sur un terrain de guerre,
10:29alors même nos chefs nous disent toujours, ne prenez pas
10:31de risques, mais il faut savoir que nous prenons des risques,
10:33pas pour jouer aux têtes brûlées, mais parce que
10:35il n'y a pas de reportage, sinon.
10:37Maman, pourquoi tu vas faire la guerre ?
10:39Dans un instant, parce que vous avez eu cette
10:41question, évidemment, par vos enfants,
10:43vous avez deux enfants, et votre compagnon, probablement,
10:45je peux le citer, Philippe Vandel,
10:47journaliste aussi, est-ce qu'il vous pose la question
10:49pourquoi tu continues
10:51d'y aller ? C'est dangereux.
10:53On va la voir, notamment parce que vous avez
10:55l'un de vos enfants qui vous a dit, alors qu'il y avait
10:57une simulation d'exécution,
10:59qui vous a dit, bon, il faut peut-être arrêter.
11:01On voit ça dans un instant, et puis vous,
11:030826 300 300,
11:05vous pouvez poser, vous voulez
11:07poser vos questions à Dorothée O'Leary,
11:09Maman s'en va en guerre, aux éditions
11:11et du Rocher, qui est avec nous jusqu'à 10h.
11:13Sud Radio,
11:15la vérité en face, Patrick Rocher.
11:17La vérité en face
11:19jusqu'à 10h, avant de retrouver
11:21Valérie Expert et Gilles Gansman, Dorothée
11:23O'Leary, grand reporter à France Télévisions,
11:25est avec nous, puisqu'elle vient d'écrire
11:27Maman s'en va
11:29en guerre.
11:31Evidemment, il y a quand même le T, aux éditions
11:33du Rocher, qui nous a
11:35raconté tous ces moments
11:37extrêmement dangereux, pourquoi, ce qui
11:39la faisait courir effectivement le monde.
11:41Vous pouvez appeler 0826
11:43300 300, au standard,
11:45pour poser des questions à Dorothée O'Leary,
11:47qui est encore avec nous pendant un quart d'heure, mais
11:49c'est vrai, et vous le racontez dans
11:51votre livre, que vous avez des enfants,
11:53bien sûr, et quand on va couvrir
11:55toutes ces guerres extrêmement dangereuses,
11:57devenues de plus en plus dangereuses, ce que vous avez dit,
11:59qu'est-ce qu'ils vous disent ?
12:01Alors déjà, il y a qu'est-ce que je
12:03leur dis, à chaque fois que je pars,
12:05alors j'ai quand même une boule
12:07dans le ventre, et depuis
12:09qu'ils sont tout petits, tout petits, je les regarde
12:11dans les yeux, et je leur dis, maman t'aime.
12:13Parce que je me dis, à chaque fois,
12:15et si je ne revenais pas. Donc, je vous
12:17cache pas que c'est un moment un peu difficile, mais que je fais
12:19avec légèreté, c'est à l'intérieur que
12:21je suis bouleversée. Alors je prends l'ascenseur,
12:23je vais dans le taxi, et parfois j'ai des larmes
12:25qui coulent en me disant, mais pourquoi j'y vais ? Pourquoi
12:27j'y retourne ? Et après, j'arrive sur le terrain...
12:29Il y a des moments où vous avez envie de faire demi-tour ?
12:31Non, non, parce que je sais que ce moment-là va passer.
12:33C'est le moment le plus difficile du reportage,
12:35c'est celui-là, c'est l'appréhension, la boule,
12:37et si je revenais pas, les idées noires, etc.
12:39Et pourquoi je leur fais ça ? Et après, je suis dans l'avion,
12:41j'arrive sur le terrain, et là, je fais
12:43mon métier. Et les idées noires
12:45s'envolent, heureusement, sinon ça serait absolument
12:47intenable. Mais c'est arrivé quand même
12:49qu'ils vous disent stop ?
12:51Alors, c'est arrivé une seule fois,
12:53pour la Syrie, parce que j'ai un
12:55collègue, Gilles Jacquier, qui était journaliste
12:57envoyé spécial à France Télévisions,
12:59un collègue et ami, qu'il connaissait
13:01et qui est mort en Syrie, et mes
13:03enfants, qui avaient 10-12 ans à l'époque, sont venus
13:05me voir en disant, maman, jure-nous que tu n'iras
13:07jamais en Syrie. Eh ben, j'ai respecté,
13:09je ne suis jamais allée. En revanche,
13:11j'ai continué à aller partout ailleurs, et je me suis dit
13:13heureusement, ils ne m'ont pas demandé complètement d'arrêter.
13:15Il comprit d'ailleurs, et vous l'évoquez,
13:17en Égypte, où il y a eu un
13:19simulacre d'exécution.
13:21Oui, ça c'est un moment difficile
13:23que j'ai vécu avec mon
13:25équipe, où on a été arrêtés, on s'est retrouvés
13:27face à un mur,
13:29on entend les hommes charger
13:31leurs armes, et
13:33on se dit, dans 30 secondes, je suis
13:35morte, c'est fini. J'ai aimé ce métier passionnément,
13:37mais là,
13:39c'est fini.
13:41Ils vous demandaient quelque chose en échange ?
13:43Alors, ils ne nous laissaient même pas parler, ils disaient
13:45head down, shut up, taisez-vous, tête basse.
13:47Et voilà, c'était
13:49un moment de tension
13:51entre les islamistes,
13:53les pro-Morsi,
13:55les pro-Al-Sisi, c'était l'état d'urgence,
13:57on n'avait pas d'autorisation, et voilà,
13:59c'était à deux doigts de tourner
14:01au drame. Et dans ce moment-là,
14:03c'est quoi ? Ce qui est drôle, c'est que je pense
14:05au moment de mourir, à la rentrée des classes
14:07de mon fils, et je visualise
14:09la liste des fournitures scolaires,
14:11et je me dis, zut, ce mon mec va jamais
14:13assurer, il va jamais être foutu
14:15d'acheter les cahiers, les petits carreaux, les trucs comme ça,
14:17et je me dis, non, mais ça va,
14:19ma mère va venir de Nantes, elle va tout acheter,
14:21là, je me dis, c'est bon, ils peuvent tirer, quoi.
14:23J'ai pas vu ma vie défiler.
14:25Défiler, comme disent, en fait, certains.
14:27Et heureusement, ils ont pas tiré, j'ai continué.
14:29Oui, c'est ça, et vous n'avez pas renoncé
14:31au terrain,
14:33bien sûr, même si, vous l'avez dit tout à l'heure,
14:35il y a de plus en plus de dangers.
14:37Donc, Dorothée Oliéric, vous pouvez
14:39lui poser des questions, je vais me tourner
14:41vers le standard, juste avant, tiens,
14:43on va se mettre un petit peu aussi en musique,
14:45ces reportages, entre guillemets, de Dorothée Oliéric.
14:47Cela fait dix jours que les
14:49Moudjaïdines ne dorment plus.
14:51Dans la vallée du Panjshir,
14:53au lieu de la résistance afghane,
14:55les hommes du commandant Massoud préparent
14:57la grande offensive pour reprendre Kaboul.
14:59Aujourd'hui, les Moudjaïdines ne sont plus qu'à
15:01une dizaine de kilomètres de la capitale afghane.
15:03L'objectif est de gagner la bataille
15:05pour ensuite négocier avec les talibans,
15:07ces miliciens islamistes qui contrôlent Kaboul.
15:09Les talibans, qui appliquent
15:11la loi coranique la plus stricte au monde,
15:13sont de plus en plus haïs
15:15par la population.
15:17Dorothée Oliéric, vous regardez
15:19ce qui se passe,
15:21c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'armes,
15:23c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'armes,
15:25c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'armes,
15:27Dorothée Oliéric, vous reconnaissez là ?
15:29Alors oui, ça date de la première
15:31arrivée des talibans, mais finalement,
15:33hélas, ils n'ont pas changé,
15:35et ça redevient, et ça recommence,
15:37après tant d'années de liberté, et bien à nouveau,
15:39ils sont là, et à nouveau,
15:41ils terrorisent les femmes, et ils les emprisonnent.
15:43Abou est avec nous
15:45de La Rochelle au 0826
15:47300-300, bonjour
15:49Abou ! Oui, bonjour,
15:51bonjour. Bonjour, Dorothée
15:53Oliéric est là,
15:55est-ce que vous la connaissez ? Est-ce que vous avez
15:57vu déjà ses reportages ?
15:59J'ai déjà suivi quelques reportages d'elle,
16:01parce que je m'intéresse souvent à
16:03tout ce qui se passe à l'étranger, et j'avais
16:05suivi pas mal de petits reportages.
16:07D'ailleurs, je lui dis félicitations.
16:09Et surtout, abandonnez ces enfants
16:11et partez comme ça.
16:13Non, mais laissez les
16:15enfants, excusez-moi, j'ai utilisé une expression
16:17un peu trop forte, mais laissez les enfants
16:19et partez comme ça, si vous êtes à dégâts,
16:21je pense que c'est toujours la recherche
16:23des vérités qui vous pousse,
16:25qui est peut-être plus fort que vous.
16:27Et je suis pas une mauvaise mère, parce que quand je reviens,
16:29je prends toutes mes vacances, toutes mes récup'
16:31et croyez-moi, je les accompagne plus souvent
16:33aux sorties scolaires que d'autres mamans.
16:35Ah non, pas du tout, je ne voudrais pas
16:37être une mauvaise mère, au contraire, je vous félicite.
16:39Je vous félicite, parce que c'est pas facile.
16:41Vous, quel rapport vous avez
16:43avec, entre guillemets, les guerres ?
16:45Comment vous les percevez,
16:47Abou, et comment vous percevez le travail
16:49des journalistes comme celui de
16:51Dorothée Olieric ?
16:53Je pense que des journalistes comme Dorothée
16:55ils sont
16:57très très bien pour la seule raison
16:59qu'ils nous donnent une autre image
17:01de ce qu'on veut toujours nous raconter.
17:03Parce qu'ils vont au fond des choses.
17:05Mais seulement, la question que j'aurais bien
17:07voulu lui poser, est-ce qu'elles peuvent
17:09tout dire ?
17:11Est-ce qu'elles peuvent tout dire ? Quand elles sont notamment
17:13sur le terrain, c'est ça.
17:15Oui, il y a un fantasme qui est
17:17le fantasme de la censure.
17:19Nous n'en avons pas. Nous avons une validation
17:21de nos sujets par les rédacteurs en chef, à la direction,
17:23à la rédaction,
17:25qui vont voir s'il n'y a pas
17:27d'erreur, ou si je ne me suis pas un petit peu
17:29perdue en route, ou si j'ai justement
17:31pas gardé cette distance avec le sujet.
17:33Mais il n'y a pas de censure, ni de censure
17:35politique. Je suis allée dans les pires endroits.
17:37On imagine des choses qui n'existent
17:39pas. Le problème...
17:41Au Rwanda, il n'y avait pas eu
17:43de la censure, pour ne pas choquer, non ?
17:45Alors si, il y a de la censure, mais au point de vue
17:47de l'image, pardon. Oui, oui, oui, image.
17:49Tout à fait, vous avez raison.
17:51On voit des choses absolument abominables,
17:53des cadavres par milliers,
17:55donc parfois, on en met des images
17:57très difficiles dans notre reportage, et à Paris,
17:59ils vont dire non, c'est trop dur, et ils vont remplacer l'image
18:01par une image un peu plus
18:03neutre, pour ne pas choquer,
18:05parce que ça passe à l'heure du déjeuner,
18:07à l'heure du dîner, et nous, on a envie, de temps en temps,
18:09une guerre, c'est une guerre avec toutes ces horreurs.
18:11Mais non, on n'est pas censurés.
18:13Qu'est-ce que vous avez pensé ? Parce qu'il y a eu
18:15un débat, quand il y a eu
18:17des prises d'otages, est-ce qu'il faut
18:19montrer les otages détenus ?
18:21Notamment, c'était beaucoup les islamistes
18:23qui en parlaient tout à l'heure.
18:25Faut les montrer ou pas les montrer ? C'est une réalité,
18:27c'est la vérité en face.
18:29Moi, je serais pour montrer davantage,
18:31puisque toutes ces images-là, on les voit aujourd'hui sur les réseaux
18:33sociaux, mais je sais que le service
18:35public se fait un point d'honneur
18:37à respecter, effectivement, à flouter
18:39ces images, à geler,
18:41pour le respect de la dignité de la
18:43personne humaine. Donc, ça peut se comprendre
18:45également.
18:47A vous, est-ce qu'il y a
18:49des continents, des
18:51pays qui vous inquiètent le plus ? Parce qu'on
18:53l'a évoqué, on va y revenir d'ailleurs dans un instant
18:55avec Dorothée O'Leary.
18:57Je pense que la prochaine, pour Driel, pour moi,
18:59c'est l'Afrique. Parce qu'il y a
19:01beaucoup de choses qui se passent en Afrique aujourd'hui
19:03dont beaucoup n'entendent pas parler,
19:05mais le
19:07contre-pouvoir, maintenant, c'est devenu les réseaux
19:09sociaux par lesquels on arrive
19:11à détecter beaucoup de choses.
19:13J'ai l'impression que les journalistes,
19:15excusez-moi, les reporters de guerre
19:17ne nous racontent pas tout sur ce qui se passe
19:19par exemple sur le continent africain.
19:21Alors, c'est de plus en plus difficile, pardon,
19:23je vous coupe, mais il est très difficile
19:25d'y aller. On n'est pas les bienvenus.
19:27Vous voyez, les Français, déjà,
19:29doivent quitter le Mali, le Niger.
19:31Les autorisations d'émettre,
19:33RFI, LCI,
19:35d'autres, voilà, sont
19:37privées de diffusion.
19:39Il y a énormément, énormément de désinformations
19:41mais élevées à un niveau
19:43assez hallucinant,
19:45sans précédent dans l'histoire.
19:47Wagner est tout puissant.
19:51Mais c'est dans tous les camps, en fait,
19:53aussi, non ?
19:55En tout cas, depuis que la France a dû quitter
19:57de façon pas très glorieuse,
19:59après un échec de la lutte contre le terrorisme,
20:01il y a des massacres
20:03sans arrêt.
20:05Et nous, il est très difficile d'accéder, d'avoir
20:07les autorisations pour aller tourner là-bas.
20:09Et comme le dit Abou, c'est la prochaine grosse poudrière.
20:11Je pense, oui. Et puis, il y a beaucoup de risques, aussi,
20:13de prises d'otages.
20:15Moi, je suis allée de très nombreuses fois au Mali,
20:17mais quand il y avait les militaires français,
20:19avec les militaires français.
20:21Sinon, c'est une chance sur deux
20:23de se faire attraper et de rester otage.
20:25Voilà, je pense que Dorothée Olyric
20:27a répondu à votre question. Abou, vous êtes
20:29originaire, justement, d'Afrique ?
20:31D'un pays précis, ou pas ?
20:33Oui, je suis originaire du Bénin.
20:35Oui, du Bénin, absolument.
20:37Bénin, c'est un pays encore un peu
20:39calme, où on peut y aller plus facilement.
20:41Oui, le Bénin, on peut y aller
20:43facilement, parce qu'aujourd'hui,
20:45la situation n'est pas encore catastrophique.
20:47Mais le nord Bénin commence à devenir
20:49une zone très, très dangereuse.
20:51Avec la frontière avec le Mali et tout.
20:53Toute cette bande qui part du Mali,
20:55de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Togo,
20:57du Bénin, et un peu le nord du Nigeria,
20:59ça devient un gros...
21:01Et je pense que la grosse poudrière, c'est là-bas.
21:03Complètement. Encore une question,
21:05c'est Jean-Pierre de Chatoux, qui est avec nous
21:07au 0826-300-300.
21:09Bonjour Jean-Pierre.
21:11Bonjour Patrick.
21:13Dorothée, posez-vous
21:15votre question, ou vous faites part de votre réflexion ?
21:17Alors moi,
21:19elle parle qu'ils ont
21:21toute la liberté et tout,
21:23j'ai déjà vu quelques-uns de ses reportages, mais j'ai beaucoup suivi
21:25Anne Niva, la femme de Jean-Jacques,
21:27par rapport à ses reportages
21:29qu'elle faisait en Ukraine et tout. Tout d'abord,
21:31je suis très félicité, parce que grâce à eux, on peut
21:33voir la réalité des choses,
21:35parce que malheureusement, si on n'a pas ces
21:37reporters-là, on ne sait pas trop ce qui se passe ailleurs.
21:39Moi qui ai vécu en Chine,
21:41l'image qu'on en a quand on est
21:43à l'extérieur et quand on y vit, c'est deux choses
21:45différentes, et les gens, malheureusement,
21:47ne s'intéressent pas beaucoup à ce que vivent les populations
21:49et sont plus basés sur les politiques
21:51et ce que font les chefs d'État.
21:53Nous on s'y intéresse, et Anne Niva,
21:55je l'ai rencontrée en Tchétchénie,
21:57donc ça date effectivement.
21:59Et c'est grâce à des gens comme vous qu'on peut se rendre compte
22:01de ce que vivent les populations.
22:03Et rien que pour ça, je tiens à vous féliciter.
22:05Je trouve que vous faites un travail formidable
22:07en allant dans ces États où
22:09pas grand monde ne va, malheureusement.
22:11Merci.
22:13Je tiens à vous féliciter par rapport à ça.
22:15Merci Jean-Pierre.
22:17Dorothée O'Leary, donc il y a votre livre qui sort.
22:19Vous allez sur le terrain encore
22:21dans quelques jours. Vous étiez en Ukraine, il n'y a pas longtemps.
22:23Oui, alors je devais retourner en Afghanistan,
22:25mais les talibans ne m'ont pas donné
22:27l'autorisation cette fois-ci, donc je vais réessayer
22:29dans quelques mois, parce que je ne lâche pas l'affaire
22:31sur l'Afghanistan, jamais. Et après,
22:33c'est la relève en Ukraine, vous savez,
22:35on est 4-5 équipes à tourner, on y reste 3 semaines.
22:37Gaza aussi ?
22:39Alors Gaza, c'est compliqué d'y aller,
22:41mais j'y suis allée de nombreuses fois,
22:43et je pense qu'il faut surtout
22:45trouver le moyen de donner la parole.
22:47Et j'aimerais vraiment que les journalistes
22:49puissent y retourner pour avoir cette parole
22:51libre qui est la nôtre.
22:53Merci La Vérité en face.
22:55C'était avec Dorothée Oliéric,
22:57Maman s'en va-t-on guère ?
22:59Ma vie de grand reporter aux éditions du Rocher.
23:01Dans un instant, Valérie Expert, Gilles Gansman.

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