Première femme à la tête de la DGSI, Céline Berthon est la cheffe de file de la lutte antiterroriste en France. Elle est l'invitée de Thomas Sotto pour sa première prise de parole.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 septembre 2024.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 septembre 2024.
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00:007h43 sur RTL, l'heure de l'invité d'RTL Matin et ce matin Thomas, vous recevez Céline Berton, la nouvelle directrice générale de la Sécurité Intérieure.
00:11Bonjour et bienvenue sur RTL Céline Berton.
00:13Bonjour.
00:13C'est la toute première fois que vous prenez la parole depuis que vous avez été nommée le 20 décembre dernier à la tête de la DGSI, autrement dit la Direction Générale de la Sécurité Intérieure,
00:21qui s'occupe de l'antiterrorisme et du contre-espionnage.
00:24Première femme à occuper ce poste et il était temps.
00:26Est-ce que vous respirez mieux depuis samedi soir et le dernier avatar des festivités olympiques ?
00:31Je confirme que la période des Jeux Olympiques a été très exigeante pour la DGSI et que nous sommes un peu plus sereins depuis le 14 septembre au soir.
00:39Quel bilan vous tirez de cet été olympique à la DGSI ?
00:42Ça a été un été extrêmement exigeant qui arrive après des mois et des années de préparation.
00:47Le constat qu'on fait c'est que sur la base de la mobilisation de la totalité de nos services et en lien avec tous nos partenaires nationaux et internationaux,
00:54je crois qu'on peut être assez fiers du bilan de cet été.
00:58Ça a été un immense succès populaire et je crois que nous avons contribué à cette réussite.
01:03Vous avez quoi, 4 000 agents à peu près qui étaient sur le pont ?
01:05La DGSI c'est 5 000 agents.
01:07On a entendu parler néanmoins de trois attentats déjoués, au moins en lien avec les Jeux.
01:12Un projet d'attentat qui visait le stade Geoffroy-Guichard à Saint-Etienne,
01:14un projet d'attaque qui visait des Juifs et des lieux de culte,
01:17et aussi celui de deux jeunes Girondins interpellés vers le 20 juillet.
01:20On était sur des projets un peu flous ou le risque de passage à l'acte était-il imminent ?
01:25Ce qu'on observe dans la physionomie de la menace terroriste sur le territoire national aujourd'hui,
01:29c'est sa capacité un peu de fulgurance et de transformation rapide.
01:33Si ces projets ont été déjoués, c'est aussi parce qu'on a caractérisé un niveau de préparation.
01:40Donc nous considérons, je considère, que l'action conduite par la totalité des services sur ces trois projets ont empêché un passage réel à une action violente.
01:49Il aurait pu y avoir des morts, c'est ce que vous nous dites.
01:51Il aurait pu y avoir des morts.
01:52Où en est la menace terroriste en France en cette rentrée ? Est-ce que vous diriez qu'elle est sous contrôle ?
01:57Dans le courant de l'année 2023, on a vu remonter en puissance le niveau de la menace terroriste,
02:04et ça s'est d'ailleurs malheureusement traduit sur notre territoire national avec deux attentats mortels qui ont été commis en octobre et en décembre.
02:11Début de l'année 2024, on a vu aussi une résurgence assez forte de la menace portée depuis l'étranger.
02:18Notamment sous la houlette des deux grandes organisations terroristes que sont l'État islamique et Al-Qaïda.
02:25Donc c'est le retour de Daesh ?
02:27C'est le retour de Daesh, l'État islamique, enfin Daesh c'est le nom en arabe de l'État islamique.
02:31Avec des attentats majeurs, massifs, qui ont pu être commis à l'étranger.
02:36Ça a été le cas en Iran, ça a été le cas aussi à Moscou.
02:39On en a beaucoup parlé dans la phase préparatoire des Jeux Olympiques.
02:42Donc nous vivons sous cette menace, mais nous vivons aussi avec une menace que l'on qualifie d'endogène,
02:48c'est-à-dire portée par des individus qui sont présents sur notre territoire national, qui est importante.
02:53Et c'est aussi ces profils-là que nous avons réussi à interpeller dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques.
02:59Aujourd'hui vous diriez clairement que l'État islamique et Al-Qaïda menacent la France, qu'on est dans le collimateur comme on a pu l'être en 2015 ?
03:05L'État islamique et Al-Qaïda ont produit un certain nombre de publications dans lesquelles ils appellent à frapper l'Occident.
03:12Et dans l'Occident, il y a évidemment la France.
03:14Donc oui, nous nous sentons concernés par ces appels.
03:17Et nous n'oublions pas évidemment la manière dont la France a été frappée dans le courant des années 2010.
03:21Nous savons ce que ces appels peuvent donner sur notre territoire national.
03:25Mais qu'ils fassent de la propagande, c'est pas nouveau, c'est régulier.
03:28On sait que dans quelques semaines, on se souviendra des victimes du 13 novembre.
03:32Et pendant des années après, on nous a dit que ce type d'opérations projetées, c'est-à-dire des opérations organisées depuis l'extérieur, n'est plus possible.
03:38Est-ce que vous êtes toujours aussi affirmative ce matin ?
03:41On considérait qu'elles étaient moins faciles, ces projections, pour des organisations qui avaient moins de capacité à projeter des opérationnels.
03:49Projeter des opérationnels, ça veut dire quoi ?
03:51Ça veut envoyer des individus pour pénétrer sur le territoire européen ou en France.
03:56Et qu'ils puissent bénéficier d'un soutien logistique ou d'armement qui rendent possible la réalisation d'un attentat de masse.
04:02Nous pensons que l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre et la manière dont l'Occident et la France a lutté contre ces organisations rendent moins facile cette réalisation.
04:13Ça ne veut pas dire pour autant qu'on doit considérer que la menace est totalement éliminée.
04:17Mais nous considérons effectivement que la menace la plus forte aujourd'hui sur notre territoire national, c'est celle qui est déjà présente sur notre territoire.
04:24Précisément à propos de cette menace qui est déjà présente, on est marqué par l'âge de ceux qui veulent passer à l'accréditer.
04:28La lune de presse au séance matin, comment Daesh séduit des ados ?
04:31On a de plus en plus souvent des mineurs embrigadés qui semblent être de plus en plus nombreux à vouloir commettre des attentats sur fond d'idéologie islamiste.
04:38Cette impression correspond-elle à une réalité ?
04:40Elle correspond au constat que nous établissons sur la base des profils des individus que nous détectons.
04:45C'est aussi établi dans le cadre des enquêtes judiciaires qui sont menées sous l'autorité du parquet national antiterroriste au regard de ce que déclarent les individus.
04:53Le fait est qu'on a de plus en plus d'individus qui ont moins de 21 ans et qui pour un certain nombre d'ailleurs sont mineurs, qui portent des projets violents.
05:01Et le sujet central de l'évolution de ce phénomène, c'est la dimension numérique de la radicalisation.
05:07Ils sont combien à peu près ?
05:09C'est difficile de vous donner un chiffre. Je connais les individus que nous suivons.
05:15Vous en suivez combien ?
05:16On en suit quelques milliers.
05:18Quelques milliers de jeunes ?
05:19On suit quelques milliers d'individus porteurs de radicalité pouvant conduire à une action terroriste.
05:25Parmi ceux-là, il y a un certain nombre de jeunes gens.
05:28Le fait est qu'il y a une montée en puissance très forte de ces profils de jeunes que nous détectons en ligne et dont la radicalisation s'opère majoritairement en ligne et sur des plateformes numériques.
05:39Ça veut dire qu'il y a aujourd'hui en France des mineurs que vous prenez au sérieux comme des terroristes potentiels ?
05:44Nous les prenons au sérieux dans leur capacité à passer à l'acte.
05:47Ce qui est frappant, c'est la fulgurance de leur radicalisation et la capacité à consommer du contenu hyper violent sous l'influence d'un certain nombre de plateformes numériques qui jouent aussi sur les algorithmes en leur mettant à disposition des images extrêmement violentes.
06:03Pas nécessairement, d'ailleurs, initialement alimentées par une idéologie terroriste ou une idéologie religieuse radicale, mais avec une consommation qui les amène à aller vers ce type de sujet.
06:15Et c'est là que, évidemment, l'État islamique et sa propagande ont un rôle déterminant dans le fait de jouer sur ces vulnérabilités de notre jeunesse.
06:23Est-ce que nos écoles, nos établissements scolaires sont particulièrement vulnérables et particulièrement ciblés ?
06:27La jeunesse est vulnérable. Elle l'est parce qu'elle est le public qui peut être facilement ciblé par ce type de publication.
06:36Elle l'est aussi parce qu'elle peut imaginer que les contenus qui sont proposés par un certain nombre de plateformes sont, entre guillemets, spontanés, alors que derrière tout ça, il y a des logiques d'algorithmes qui alimentent notre consommation numérique.
06:48Elle l'est aussi parce qu'on a un vrai défi générationnel de permettre à la société en général, aux parents en particulier, d'être en mesure de détecter les comportements numériques de ces jeunes gens qui, pour certains, ont une capacité de dissimulation assez forte.
07:02Et évidemment, de pouvoir signaler cela et d'être accompagné dans les enjeux de prévention de la radicalisation.
07:07Il y a les menaces intérieures, Céline Berton, mais aussi les ingérences extérieures. Et là, on pense aux Russes. On se souvient des cinq cercueils recouverts d'un drapeau français qui avait été déposé près de la Tour Eiffel le 1er juin.
07:17Il y avait aussi les étoiles de David taguées sur des façades d'immeubles à Paris et en banlieue. C'était en février. Ces actes sont-ils signés des services secrets russes, le FSB ?
07:25Alors, je ne peux pas sur ce plateau cibler en particulier un état ou des services. Le fait est que vous pointez des phénomènes que nous avons constatés depuis l'automne 2023.
07:36Des phénomènes que nous qualifions d'ingérences physiques sur notre territoire. L'ingérence, c'est quoi ? C'est une évolution finalement de l'espionnage. L'espionnage, initialement, c'est du vol de données secrètes.
07:47L'ingérence, c'est le fait de peser dans les affaires d'un pays en se mêlant des affaires intérieures ou en tentant de déstabiliser...
07:54Quels sont les pays qui ont intérêt ? Est-ce qu'on a raison de penser un peu à la Russie par exemple ?
07:57Les pays qui peuvent avoir intérêt à se mêler de nos affaires intérieures sont des pays avec lesquels on peut être en conflit ou qui ont une vision différente du monde, une vision différente de l'ordre du monde.
08:08Et donc, je n'ai pas besoin de les citer pour indiquer qu'il y a des pays avec lesquels on a des conflits qui ont des conséquences sur notre territoire.
08:13Sur les étoiles de David qui avaient été taguées, Le Monde avait révélé une note de la DGSI de vos services qui pointait la responsabilité des services russes, actions pilotées, disait-il, par le cinquième service du FSB. Elle est vraie cette note ?
08:24Je ne peux pas répondre à cette question parce que, par essence, les notes de la DGSI sont couvertes par le secret de la Défense Nationale, donc je ne peux pas m'en écarter.
08:31Mais si elle était fausse, vous me le diriez.
08:32Je ne peux pas répondre à cette question.
08:34J'imagine. On le voit, vous avez une feuille de route assez chargée, Céline Berton. Est-ce que vous disposez d'assez de moyens pour mener à bien toutes ces missions ?
08:40L'État a consacré des moyens considérables à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, qui, je le rappelle, est une jeune direction, puisqu'elle a fêté le 30 avril 2024, c'est dix ans.
08:49Les moyens que l'État a consacrés à l'ensemble de nos missions se sont traduits par une augmentation significative de nos moyens humains, mais aussi de nos moyens pour développer des capacités techniques.
08:58On en voudrait probablement toujours plus, mais on a déjà une politique de croissance RH importante à soutenir.
09:03Vous recrutez là ?
09:04Et nous recrutons, absolument. En 2023, nous avons recruté 700 personnes. On a un objectif de recrutement quasiment identique pour 2024 et 2025, donc c'est le moment de nous rejoindre.
09:15On vous envoie un CV ?
09:16Vous pouvez aller sur le site internet de la DGSI, absolument, ou alors sur le profil LinkedIn de la DGSI, vous trouvez nos offres.
09:22Vous êtes moderne. J'ai une dernière question plus personnelle. Comment on décompresse quand on doit gérer, comme vous, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, des dossiers aussi lourds que ceux que vous avez sous votre responsabilité ?
09:31Comment vous vous changez les idées, Céline Berton ?
09:33Alors, pour être totalement honnête avec vous, le temps de la décompression entre le 9 janvier, qui était la date effective de prise de fonction, et aujourd'hui, ne s'est pas encore trop présenté.
09:43Et cette rentrée s'annonce évidemment riche de défis. L'enjeu, c'est d'essayer de préserver un certain nombre de, comment dire, de coins et de jardins secrets.
09:52Mais parce qu'ils le sont, je n'en parlerai pas davantage.
09:54Il y a beaucoup de secrets chez vous. Merci beaucoup, Céline Berton, de nous avoir accordé votre toute première interview ce matin sur RTL.
09:59Je rappelle que vous êtes la directrice générale de la DGSI. Merci à vous et bonne journée.