Dans le théâtre organisationnel moderne, une scène se joue quotidiennement : celle de la déconnexion croissante entre siège social et terrain. Les statistiques sont révélatrices : à peine 16% des collaborateurs sur le terrain estiment avoir voix au chapitre, tandis que 13% seulement se sentent en phase avec leur siège social. [...]
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00:00Dans le théâtre organisationnel moderne, une scène se joue quotidiennement, celle
00:14de la déconnexion croissante entre siège social d'un côté et terrain de l'autre.
00:19A ce sujet, les statistiques sont parlantes.
00:22A peine 16% des collaborateurs sur le terrain estiment avoir voix au chapitre, tandis que
00:2913% seulement se sentent en phase avec leur siège social.
00:33Cette déconnexion n'est pas anodine, elle est symptomatique d'un dysfonctionnement
00:38systémique.
00:39Avez-vous déjà entendu ces phrases « Au siège, ils ne comprennent rien à nos urgences
00:46» ou « Le terrain, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez » ?
00:52Ces remarques traduisent une réalité frappante.
00:56« Siège » et « terrain » vivent en fait dans deux mondes parallèles.
00:59Alors les mots parlent d'eux-mêmes.
01:01Intéressons-nous à l'origine du mot « siège ».
01:05Le mot « siège » est dérivé du latin « sedere » qui signifie « être assis
01:09». Le siège, c'est le lieu fixe où s'exerce l'autorité, le pouvoir, le lieu où les
01:16décisions administratives sont prises, comme Rome était le siège de l'Empire romain.
01:21Mais ce concept du siège, statique par nature, contraste fortement avec la mobilité du terrain.
01:29Au sens figuré, le terrain représente non seulement les activités concrètes, mais
01:35aussi le lieu des opérations, à l'image des champs de bataille.
01:39Et dans une entreprise, c'est là que tout se joue, face aux clients, aux imprévus,
01:44sous la pression du quotidien.
01:46Alors, au cœur du problème, on trouve une divergence dans la perception du temps qu'ont
01:54le siège et le terrain.
01:55Le siège vit dans une temporalité stratégique qui est différente de celle du terrain.
02:03Il jongle avec des horizons en années, en mois, pendant que le terrain affronte l'immédiateté
02:09des défis quotidiens.
02:11Cette dissonance temporelle crée un fossé qui s'élargit à mesure que les procédures
02:17s'alourdissent et que les décisions remontent inexorablement vers les plus hautes sphères.
02:22L'image d'épinal d'une entreprise où le siège définit harmonieusement la stratégie
02:28pendant que le terrain l'exécute docilement, tout cela relève du mythe managérial.
02:33Parce que la réalité est plus complexe.
02:36Les stratégies élaborées dans les tours de verre se heurtent régulièrement à l'imprévisibilité
02:42du réel, tandis que les équipes terrain s'épuisent à faire remonter les situations
02:46particulières dans un labyrinthe décisionnel, disons-le, kafkaïen.
02:52Mais le plus paradoxal dans cette situation est peut-être notre vision déformée de
02:57la progression de carrière.
02:58L'expression « montée au siège ».
03:02Cette expression trahit bien un biais culturel tenace.
03:07« Montée au siège ». Est-ce qu'il n'est pas temps de renverser cette perspective ?
03:13Parce que l'innovation, la création de valeur, tout cela se joue sur le terrain,
03:20au contact direct des réalités du marché et des clients.
03:23Les entreprises les plus innovantes l'ont compris.
03:28Leur ADN ne réside pas dans leur siège social, mais dans leur centre de recherche et dans
03:33leur filiale pionnière.
03:34Il est temps de repenser notre conception de la montée en grade.
03:38La vraie progression ne serait-elle pas horizontale, vers plus d'impact sur le business ?
03:46Pour réinventer nos organisations, commençons par valoriser différemment les parcours professionnels.
03:52Faisons du terrain non pas un tremplin vers le siège, mais une destination désirable en soi.
03:59Car c'est là, sur le terrain, dans la confrontation directe avec les réalités du marché, que
04:06se forge une expertise précieuse et que se développent les compétences déterminantes
04:11pour l'avenir de nos entreprises.
04:12La vraie disruption managériale ne serait-elle pas, finalement, de considérer que descendre
04:21sur le terrain, c'est bien la plus belle des promotions ?